Le redressement de la société Optipress prononcée par l’URSSAF a été confirmé en appel. Des collaborateurs s’étaient vus allouer des rémunérations sous forme de droits d’auteur, déclarées à ce titre auprès de l’AGESSA pour l’écriture d’articles ou de photos reportages parus dans les publications éditées par cette entreprise (spécialisée dans le domaine équestre).
Sommaire
Lien de subordination des contributeurs
Or, les contributeurs visés par le redressement travaillaient pour la Société dans un lien de subordination et par conséquent, les rémunérations qu’ils ont perçues ont été requalifiées en salaires et réintégrées dans l’assiette de cotisations salariales du régime général des travailleurs salariés. Cette régularisation a entraîné un rappel de cotisations et contributions sociales, d’assurance chômage et d’AGS d’un montant de 42 604 euros.
Requalification en salaires
Pour rappel, aux termes de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à la date du contrôle, pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l’entremise d’un tiers à titre de pourboire.
La compensation salariale d’une perte de rémunération induite par une mesure de réduction du temps de travail est également considérée comme une rémunération, qu’elle prenne la forme, notamment, d’un complément différentiel de salaire ou d’une hausse du taux de salaire horaire(…).
Rédaction d’articles
En l’espèce, l’URSSAF a constaté, dans le cadre du contrôle effectué, que ‘les collaborateurs chargés de rédiger des articles ou de réaliser des reportages photos ont collaboré régulièrement à la rédaction d’articles. Il existait pour chaque rémunération concernée un projet de pige avec un numéro de pige et un nombre de feuillets dactylographié requis et de signes. Le paiement était forfaitaire pour les textes ou illustrations publiées. L’activité s’opérait dans le cadre d’un service organisé. Même si les intéressés ne détenaient pas la carte de presse il existait une présomption de contrat de travail.
Cession de droits des contributeurs
L’URSSAF a démontré que les contributions s’inscrivaient dans le cadre d’un service organisé, les contributeurs se trouvaient soumis à diverses obligations, comme celle de s’inscrire dans une ligne éditoriale ou dans un cadre formel déterminé. En revanche, rien ne démontrait que les personnes concernées par le redressement ont cédé leur ‘oeuvre de l’esprit’ dans un cadre approprié. Sur ce dernier point, la Société n’a produit aucun contrat de cession de droits d’auteur, tel que prévu par le code de la propriété intellectuelle.
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
5e chambre sociale
ARRET DU 01 JUILLET 2021
N° RG 19/04005
DBV3-V-B7D-TRKC
AFFAIRE :
SAS BCH
C/
URSSAF ILE DE FRANCE
Association AGESSA
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 01 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de Versailles
URSSAF ILE DE FRANCE
Association AGESSA
Copies certifiées conformes délivrées à :
SAS BCH
URSSAF ILE DE FRANCE
LE UN JUILLET DEUX MILLE VINGT ET UN,
La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
SAS BCH
[…]
[…]
représentée par Me Q R de la SELAS Cabinet G.R & Associé, avocat au barreau de Paris, vestiaire : E0593
APPELANTE
****************
URSSAF ILE DE FRANCE
[…]
[…]
représentée par Mme I J (Représentant légal) en vertu d’un pouvoir général
INTIMEE
****************
Association AGESSA
[…]
[…]
représentée par Mme I J (Représentant légal) en vertu d’un pouvoir général
PARTIE INTERVENANTE
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue le 24 Juin 2021, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Olivier FOURMY, Président,
Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller,
Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier lors des débats : Mme Morgane BACHE
EXPOSE DU LITIGE
A la suite d’un contrôle, portant sur l’application de la législation de la sécurité sociale pour la période du ler janvier 2011 au 31 décembre 2012, l’union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales d’Ile-de-France (ci-après, l »URSSAF’) a adressé à la société Prest Edit, venant aux droits de la société Optipress (ci-après, la Société), une lettre d’observations en date du 23 juin 2014, portant sur la constatation par l’inspecteur du recouvrement que six personnes en 2011 et sept personnes en 2012 s’étaient vues allouer des rémunérations sous forme de droits d’auteur, déclarées à ce titre auprès de l’association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (ci-après, l »AGESSA’), pour l’écriture d’articles ou de photos reportages parus dans les publications éditées par cette entreprise et spécialisées dans le domaine équestre.
Estimant qu’il s’agissait de collaborateurs ayant effectué de manière régulière des piges dans les journaux de la Société, l’URSSAF a requalifié en salaires les sommes ainsi versées et a procédé à leur réintégration dans l’assiette des cotisations, en application de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. Cette régularisation a entraîné un rappel de cotisations et contributions sociales, d’assurance chômage et d’AGS d’un montant de 42 604 euros.
La Société a fait part de ses observations, par l’intermédiaire de son conseil, par lettre du 17 juillet 2014, en indiquant que les collaborateurs visés par le contrôle ne pouvaient être qualifiés de journalistes professionnels ou de pigistes au sens des dispositions légales, dans la mesure où ils exercent habituellement d’autres professions et ne sont pas liés à la Société par des liens de subordination.
Par courrier en date du 24 septembre 2014, l’URSSAF a indiqué à la Société maintenir intégralement le redressement, aux motifs, notamment, que la société Optipress avait déjà fait l’objet d’un contrôle sur l’année 2005, qu’un redressement avait été effectué à l’époque sur le même motif et portait en partie sur les mêmes collaborateurs, que ce redressement a été confirmé par la cour d’appel de Versailles le 31 janvier 2013. L’AGESSA avait souligné dans ce contentieux que l’activité de pigiste ne ressort pas du champ d’application du régime de sécurité sociale des auteurs et que le fait que ces collaborateurs soient par ailleurs salariés ou retraités n’est pas exclusif de l’assujettissement au régime général.
Par mise en demeure du 8 décembre 2014, l’URSSAF a notifié à la Société un redressement pour un montant de 49 354 euros, dont 42 604 euros au titre des cotisations et contributions de sécurité sociale, d’assurance chômage et d’AGS et 6 750 euros de majorations de retard, pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012.
La société, par l’intermédiaire de son conseil, a contesté cette mise en demeure devant la commission de recours amiable (ci-après, la ‘CRA’) par lettre datée du 10 décembre 2014.
En l’absence de décision prise dans le délai imparti, la Société a, le 15 février 2015, saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Yvelines (ci-après, le ‘TASS’) à l’encontre de la décision implicite de rejet de la CRA. Le recours a été enregistré sous le numéro 15-00239.
Lors de sa séance du 13 avril 2015, la CRA a finalement rejeté la requête de la Société.
La Société a contesté cette décision devant le TASS par lettre recommandée reçue le 6 mai 2015. Le recours a été enregistré sous le numéro 15-00653.
Par jugement contradictoire du 1er octobre 2019 (RG 15/00239), le pôle social du tribunal de grande instance de Versailles a :
— ordonné la jonction des dossiers numéros 15-00239 et 15-00653, sous le numéro 15-00239 ;
— reçu le recours de la SAS BCH venant au droit de la SAS Prest Edit, radiée par suite de la transmission universelle de patrimoine réalisée le 29 décembre 2017 et venant au droit de la SNC Optipress, radiée par suite de la transmission universelle de patrimoine réalisée le 27 décembre 2008, représentée par son Président M. K L, et l’a dit mal fondé ;
— confirmé le redressement contesté ;
— débouté la Société Prest Edit de l’ensemble de ses demandes ;
En conséquence,
— condamné la SAS BCH venant au droit de la SAS Prest Edit venant au droit de la SNC Optipress, à payer à l’URSSAF la somme de 49 354 euros dont 42 604 euros au titre des cotisations et 6 750 euros au titre des majorations de retard pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 ;
— invité la SAS BCH venant au droit de la SAS Prest Edit à prendre attache directement avec l’organisme social afin de convenir des modalités de règlement de sa dette ;
— l’a invité le cas échéant à formuler auprès de l’organisme social une demande de remise des majorations de retard après règlement complet des cotisations dues ;
— dit n’y avoir lieu à condamnation aux dépens.
Le conseil de la Société a relevé appel de cette décision par rpva le 31 octobre 2019.
Les parties ont été convoquées à l’audience collégiale du 24 juin 2021, date à laquelle l’affaire a été plaidée.
Par conclusions écrites n°3 et soutenues oralement à l’audience, la Société BCH, venant aux droits de la société Prest Edit, venant aux droits de la société Optipress, demande à la cour de :
— infirmer le jugement prononcé en premier ressort, le 1er octobre 2019, par le pôle social du tribunal de grande instance de Versailles en ce qu’il a :
— confirmé le redressement contesté ;
— l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes ;
— En conséquence, l’a condamnée à payer à l’URSSAF la somme de 49 354 euros dont 42 604 euros au titre des cotisations et 6 750 euros au titre des majorations de retard pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 ;
— l’a invitée à prendre attache directement avec l’organisme social pour une demande de remise des majorations de retard après règlement complet des cotisations dues ;
— En tant que de besoin, y rejugeant dans cette limite :
— vu qu’aucun des contributeurs visés par le redressement n’est journaliste professionnel au sens de l’article L. 7111-3 du code du travail ;
— vu qu’aucun lien de subordination n’est caractérisé ;
— vu que la mise en demeure du 8 décembre 2014 est infondée ;
— vu que le redressement notifié par lettre d’observation du 23 juin 2014 est infondé ;
— vu que les rémunérations versées à : M. X, Mme Y de M N, Mme Z (A), M. B, Mme C, Mme D, Mme E, Mme F, Mme O P, Mme G et Mme H, relèvent du régime des artistes auteurs auprès de l’AGESSA ;
Par conséquent
À titre liminaire
— rejeter des débats les conclusions notifiées le 21 juin 2021 par 1’URSSAF, et les conclusions de l’AGESSA du 16 juin 2021 ;
À titre principal
1) déclarer irrecevable la demande de mise en cause des contributeurs visés par le redressement faute d’évolution du litige ;
2) annuler le redressement opéré par l’URSSAF du chef relatif à la requalification en salaires des rémunérations versées sous la forme de droits d’auteurs pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 et concernant M. X, Mme Y de M N, Mme Z, M. B, Mme C, Mme D, Mme E, Mme F, Mme O P, Mme G et Mme H ;
3) annuler la mise en demeure du 8 décembre 2014 ;
En tout état de cause
4) débouter l’URSSAF et l’AGESSA de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
5) débouter l’URSSAF de sa demande en paiement à ce titre ;
6) débouter l’URSSAF de l’ensemble de ses conclusions, fins et prétentions ;
7) condamner l’URSSAF et l’AGESSA à lui verser, chacune, une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
8) condamner l’URSSAF et l’AGESSA aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Q R dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile ;
Reprenant le bénéfice de ses conclusions écrites, l’URSSAF demande à la cour de :
— déclarer la Société recevable mais mal fondée en son appel ;
— l’en débouter ;
A titre préliminaire,
Sur la mise en cause des collaborateurs visés par le redressement :
— lui donner acte qu’elle s’en rapporte à la sagesse de la cour ;
Sur le fond,
— confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Versailles le 1er octobre 2019 en ce qu’il a déclaré bien-fondé le redressement contesté et fait droit à sa demande reconventionnelle en paiement ;
— confirmer la décision de rejet de la CRA du 13 avril 2015 ;
— condamner la Société au paiement de la somme totale de 49 354 euros représentant en cotisations 42 604 euros et en majorations de retard provisoires 6 750 euros, pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 ;
— débouter la Société du surplus de ses demandes, fins et conclusions ;
— rejeter la demande d’article 700 du code de procédure civile d’un montant de 4 000 euros non-fondée dans son principe et non justifiée dans son quantum.
Par conclusions écrites et soutenues oralement à l’audience, l’AGESSA demande à la cour de confirmer le redressement opéré et de considérer que les rémunérations versées par la Société aux différents collaborateurs ne pouvaient recevoir la qualification juridique de droits d’auteur, ni être assujetties aux cotisations sociales du régime de sécurité sociale des artistes auteurs.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions et pièces déposées et soutenues à l’audience.
MOTIFS
Sur la demande de rejet des conclusions de l’URSSAF et de l’AGESSA
La Société fait valoir qu’elle a signifié ses premières conclusions, accompagnées de 10 pièces, par voie d’huissier, à l’URSSAF et à l’AGESSA le 7 janvier 2020, puis des conclusions n°2, signifiées le 18 juin 2021, alors que l’URSSAF et l’AGESSA n’ont fait valoir leurs arguments, respectivement, que les 21 juin et 16 juin 2021, violant ainsi le principe du contradictoire et ne lui permettant pas d’y ‘répliquer utilement’.
L’URSSAF et l’AGESSA n’ont pas répondu sur ce point.
Sur ce
La cour rappelle que la procédure devant les juridictions de sécurité sociale est orale. Rien n’impose à une partie de déposer des conclusions écrites, la cour veillant pour sa part, en tant que de besoin, à assurer le respect du contradictoire.
La cour relève que si la Société indique avoir conclu et communiqué des pièces à l’URSSAF et à l’AGESSA le 7 janvier 2020, elle précise également avoir transmis des écritures n°2 et des pièces complémentaires à l’URSSAF le 18 juin 2021, auxquelles l’organisme a répondu le 21 juin 2021, l’AGESSA ayant conclu le 16 juin 2021.
La Société ayant adressé, en réponse, des conclusions n°3, le 23 juin 2021, elle a donc été en mesure de prendre connaissance de l’argumentation de l’URSSAF et d’organiser sa défense pour l’audience du 24 juin 2021.
En outre, la cour constate que l’URSSAF, l’AGESSA et la Société sont représentées à l’audience et peuvent donc faire valoir leurs observations.
Chacune des parties a ainsi eu la possibilité de présenter à la cour les arguments qu’elle considérait les plus appropriés à la défense de ses intérêts.
Les conclusions de l’URSSAF et de l’AGESSA seront déclarées recevables.
Sur la demande de radiation
A l’audience, la Société a sollicité la radiation de l’affaire afin de pouvoir produire aux débats des pièces complémentaires.
L’URSSAF s’y oppose considérant que les pièces devaient être remises lors des opérations de contrôles. Elle ajoute que la Société a fait l’objet de précédents contrôles ayant abouti à un redressement de même nature, dont un, contesté par cette dernière, a donné lieu à un arrêt définitif de la présente cour, sans que la Société ne soumette d’autres pièces que celles d’ores et déjà produites.
Sur ce
La cour relève que la Société devait soumettre à l’inspecteur du recouvrement, lors des opérations de contrôle, l’ensemble des documents à sa disposition.
Dans le cadre de la présente instance et de l’instance devant le tribunal, la Société avait la possibilité de produire l’intégralité des pièces qu’elle estimait utiles à la défense de ses intérêts.
Il n’appartient pas à la cour de pallier la carence de la Société et retarder la solution du litige en ordonnant la radiation de l’affaire, et ce d’autant que le contrôle de l’URSSAF porte sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, soit une période particulièrement ancienne.
Il n’y a donc pas lieu de prononcer la radiation de l’affaire, qui sera donc examinée au fond.
Sur la mise en cause des collaborateurs visés par le redressement
L’URSSAF fait observer que ‘les collaborateurs visés par (le) redressement n’ont pas été mis en cause en première instance par le TGI de Versailles et que faute de disposer des renseignements concernant les dernières adresses connues de ces personnes, elle entend s’en remettre à la sagesse de la cour sur l’opportunité de régulariser la procédure’.
En réplique, la Société fait valoir qu’une partie peut être mise en cause pour la première fois en cause d’appel ‘à la condition d’une évolution du litige’ par rapport à la première instance.
La Société expose que la mise en cause des contributeurs visés par le redressement aurait pu être effectuée en première instance et que cette demande est donc irrecevable.
Sur ce
La cour relève qu’il n’avait pas été exigé de l’URSSAF d’aviser les contributeurs en cause de l’audience du 24 juin 2021, d’autant que la période litigieuse est ancienne (2011-2012) et que la cour a conscience des difficultés de retrouver les adresses des personnes concernées.
Au demeurant, les personnes nommément visées dans la procédure sont des tiers au regard du redressement en cause, qui oppose la Société à l’URSSAF. Si, par expérience, la cour a pu mesurer l’intérêt de leur présence, ou des courriers qu’elles pouvaient éventuellement adresser en vue de l’audience à laquelle elles ne comparaissaient pas, il demeure que c’est aux parties qu’il appartenait, si elles l’estimaient utiles, d’informer ces personnes de la date de l’audience, d’indiquer que leur présence était souhaitée, voire de les faire citer en tant que de besoin.
La circonstance que la décision de la cour ne serait pas sans une influence éventuelle sur leurs droits est indifférente au regard du litige, ces personnes disposant d’une voie de recours si elles s’estimaient lésées par cette décision.
Il n’y a donc pas lieu de mettre dans la cause les contributeurs concernés par le redressement.
Sur le redressement
La Société fait valoir qu’il appartient à l’URSSAF et l’AGESSA de démontrer l’existence d’un lien de subordination.
La Société expose que la présomption de salariat s’applique aux journalistes professionnels dès lors que les conditions cumulatives définies aux articles l’article L. 7111-3 et suivants du code du travail sont réunies, ce qui signifie que dès lors qu’il est établi que ‘l’activité principale, régulière et rétribuée du journaliste lui procure l’essentiel de ses revenus (…) Il revient à l’entreprise de presse de combattre la présomption d’existence d’un contrat de travail’ (souligné dans les conclusions). La Société considère que ces conditions n’étant pas remplies par les contributeurs visés par le redressement, la présomption de salariat ne peut s’appliquer.
La Société fait valoir que ‘l’existence d’un contrat de travail et la qualité de salarié ne découlent que des conditions concrètes de l’exécution du travail’ (souligné dans les écritures) et que le juge ‘doit rechercher les conditions exactes de la réalisation de la prestation de travail, l’existence d’un lien de subordination à partir des conditions réelles d’exercice de l’activité litigieuse’.
La Société a détaillé dans ses écritures, la situation de chacun des contributeurs visés par le redressement pour considérer que ceux-ci ne relèvent pas de la présomption de salariat applicables aux journalistes professionnels et qu’aucun lien de subordination n’est caractérisé.
La Société considère que les contributeurs concernés ne sont intervenus que de manière occasionnelle, que l’essentiel de leurs ressources provient d’une autre activité et qu’il existe une présomption de non-salariat pour les personnes déclarées en qualité de travailleur indépendant.
La Société expose que les contributeurs ‘bénéficiaient d’une liberté dans le choix des sujets des articles et autres publications de leur rédaction’, qu’ ‘aucune date de remise ne leur était imposée’ et qu’ ‘aucun ne bénéficie d’une carte d’identité professionnelle’.
La Société soutient que l’URSSAF, comme le tribunal d’ailleurs, s’est ‘bornée’ à faire référence à un précédent contrôle ‘se dispensant de qualifier avec exactitude la situation individuelle de chacun des collaborateurs’.
La Société considère que le redressement de 2011 confirmé par la cour d’appel n’a aucune autorité de la chose jugée dans le cadre de la présente instance dans la mesure où la période contrôlée n’est pas la même, le redressement ne concerne pas les mêmes collaborateurs et l’exercice d’une relation de travail dans un lien de subordination n’est pas caractérisé.
La Société sollicite l’infirmation du jugement déféré.
En réponse, l’URSSAF expose que lors d’un précédent contrôle, il a été établi que les personnes visées par le redressement collaboraient régulièrement avec la Société dans un lien de subordination, ce redressement ayant été confirmé par le tribunal et la cour d’appel.
Dans le cadre du contrôle ayant donné lieu à la mise en demeure du 8 décembre 2014, l’inspecteur a conclu que ‘ tant la situation des intervenants, que l’activité même de l’entreprise ayant déjà fait l’objet d’un redressement est le même qu’à cette époque’ et que les constations de l’inspecteur du recouvrement assermenté et agréé font foi jusqu’à preuve contraire.
L’URSSAF fait notamment valoir que même si la collaboration des contributeurs visés par le redressement ne constitue pas leur activité principale, elle ‘présente néanmoins un caractère salarié, à raison de sa régularité et des contraintes auxquelles chacune des personnes étaient soumises avant la publication des articles’.
L’URSSAF rappelle que quatre contributeurs, visés par le redressement, avaient déjà été visés lors d’un précédent redressement de la Société, ayant donné lieu à un arrêt de la cour, autrement composée, le 31 janvier 2013 (Mmes Y de M N, Z, D, et M. X).
L’URSSAF indique que M. X et Mme Y de M N sont rémunérés par la Société ‘pour des montants relativement substantiels’ :
— M. X : 24 570 euros en 2011 et 26 616 euros en 2012 ;
— Mme Y de M N : 5 465 euros en 2011 et 10 799 euros en 2012.
L’URSSAF fait valoir qu’en application du principe de l’autorité de la chose jugée, il convient d’appliquer à ce litige la même solution que celle retenue par la cour dans son arrêt du 31 janvier 2013.
L’URSSAF conteste s’être contentée de ‘raisonner par analogie en se référant au précédent contrôle’. En effet, elle expose que la lettre d’observations du 23 juin 2014 précise les circonstances de fait relevées dans le cadre du contrôle : le nom des collaborateurs concernés sont mentionnés, leur situation est détaillée ‘par des éléments factuels et juridiques tout comme pour chacun d’entre eux, le montant des rémunérations versées année par année auquel s’ajoutait un tableau de calcul des cotisations à recouvrer’.
L’URSSAF fait valoir que la Société ne produit aucun document permettant d’apprécier la qualité d’auteur des personnes concernées par le redressement, notamment les contrats de cession de droit et ‘ne justifie aucunement que la contribution apportée par ces personnes constituerait une oeuvre originale de l’esprit réalisée en toute indépendance’.
L’URSSAF considère que le lien de subordination résulte de ‘la nature des activités constatées en lien direct avec l’objet social de la Société (…) à savoir l’édition de publication de presse, et par les conditions éditoriales, matérielles et techniques liées aux parutions (directives et instructions sur le respect du projet éditorial, remise des travaux, calendrier et date de bouclage). Les collaborateurs n’étaient libres ni du choix su sujet ou du reportage (pour chaque rémunération concernée, était fixé un projet de pige avec un numéro de pige), ni du choix des légendes et contenu (respect du nombre de feuillets dactylographiés et de signes) ni du moment de la publication (annulation de la parution si délais de remise non respectés et/ou réduction du prix convenu)’. L’URSSAF en déduit que les contributeurs se trouvaient dans un lien de subordination avec la Société dans la mesure où les travaux commandés étaient ‘accomplis sous ses directives et son contrôle laquelle disposait d’un réel pouvoir de sanction dans l’accomplissement de ces travaux’.
L’URSSAF estime que les rémunérations versés à ces contributeurs ne relevaient pas du régime de sécurité sociale des auteurs mais devaient être soumises à l’assiette de cotisations du régime général et sollicite la confirmation du jugement.
L’AGESSA expose que le régime de sécurité sociale des auteurs ne concerne que ‘les personnes qui ont créé en toute indépendance une oeuvre de l’esprit originale et dont l’activité est comprise dans l’énumération de l’article R. 382-2 du code de la sécurité sociale’. L’auteur d’une oeuvre de l’esprit bénéficie d’un ‘droit moral inaliénable et d’un droit patrimonial qu’il peut céder à un tiers, moyennant le versement d’une rémunération pécuniaire, en principe proportionnelle aux recettes procurées par l’exploitation commerciale de l’oeuvre’ et cette cession doit être concrétisée par un écrit pour être valable.
L’AGESSA fait notamment valoir que les personnes qui assure une chronique régulière, ‘qui s’inscrit directement dans la ligne éditoriale de la publication, quand bien même elles auraient, indépendamment de leur collaboration avec l’entreprise de presse, une activité d’écrivain, ne doivent pas être déclarées au régime des auteurs’.
L’AGESSA rappelle que lors d’un précédent contrôle, avec les mêmes intervenants, la même activité de l’entreprise, il a été constaté que les personnes concernées collaboraient régulièrement avec la Société et disposaient d’un numéro de pigiste et qu’ils étaient soumis à des contraintes : ‘fourniture de textes selon un format compatible avec celui de la société, la détermination d’un nombre de feuillets, la validation d’un dossier administratif, e respect de délais de remise des textes, sous peine d’une réduction de leur rémunération de 20 % et plus généralement au respect de la ligne éditoriale voulue par la société’.
L’AGESSA sollicite la confirmation du jugement.
Sur ce
Aux termes de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à la date du contrôle :
Pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l’entremise d’un tiers à titre de pourboire. La compensation salariale d’une perte de rémunération induite par une mesure de réduction du temps de travail est également considérée comme une rémunération, qu’elle prenne la forme, notamment, d’un complément différentiel de salaire ou d’une hausse du taux de salaire horaire(…).
En l’espèce, l’URSSAF a constaté, dans le cadre du contrôle effectué en 2014, que ‘les collaborateurs chargés de rédiger des articles ou de réaliser des reportages photos ont collaboré régulièrement à la rédaction d’articles . Il existe pour chaque rémunération concernée un projet de pige avec un numéro de pige et un nombre de feuillets dactylographié requis et de signes. Le paiement est forfaitaire pour les textes ou illustrations publiées. L’activité s’opère dans le cadre d’un service organisé. Même si les intéressés ne détiennent pas la carte de presse il existe une présomption de contrat de travail édicté par l’article L. 761-2 du code du travail’.
L’URSSAF démontre que les contributions s’inscrivent dans le cadre d’un service organisé, les contributeurs se trouvent soumis à diverses obligations, comme celle de s’inscrire dans une ligne éditoriale ou dans un cadre formel déterminé.
En revanche, rien ne démontre que les personnes concernées par le redressement ont cédé leur ‘oeuvre de l’esprit’ dans un cadre approprié.
Sur ce dernier point, la Société ne produit aucun contrat de cession de droits d’auteur, tel que prévu par le code de la propriété intellectuelle.
Contrairement à ce qu’indique la Société, et ce qu’a retenu à juste titre le premier juge, l’URSSAF ne s’est pas contentée de reprendre la motivation du redressement effectué en 2005 mais a détaillé les constatations effectuées lors de ce nouveau contrôle dans la lettre d’observations du 23 juin 2014.
La cour observe que la lettre d’observations précise le nom des personnes concernées par le redressement, détaille leur situation et un tableau précise le calcul des cotisations à recouvrer.
Il résulte, en outre, des éléments soumis aux débats que les contributions s’inscrivent dans le cadre d’un service organisé, les contributeurs se trouvant soumis à diverses obligations, comme celle de s’inscrire dans une ligne éditoriale ou dans un cadre formel déterminé.
Les contributeurs visés par le redressement travaillaient pour la Société dans un lien de subordination et par conséquent, les rémunérations qu’ils ont perçues devaient être requalifiées en salaires et réintégrées dans l’assiette de cotisations salariales du régime général des travailleurs salariés.
Si le cas de M. X est spécifique, en ce qu’il s’agit d’un photographe, il demeure que la régularité et l’importance de sa contribution font de lui non pas un collaborateur occasionnel mais un contributeur régulier, répondant à des besoins particuliers de la Société. Le montant de la rémunération mensuelle moyenne qu’il a perçue au cours de la période en cause, soit plus de 2 000 euros, confirme le lien de dépendance de M. X à l’égard la Société.
D’ailleurs, rien ne démontre en ce qui le concerne, ni en ce qui concerne les autres personnes visées par le redressement, que celles-ci ont cédé leur ‘oeuvre de l’esprit’ dans un cadre approprié.
Sur ce dernier point, la Société ne produit aucun contrat de cession de droits d’auteur, tel que prévu par le code de la propriété intellectuelle. Les ‘dossiers de renseignements administratifs’ ne constituent que des outils de travail interne de la Société et ne fournissent aucun élément précis, vérifiable, quant à la situation des personnes intéressées.
Enfin, l’AGESSA, seul organisme compétent pour qualifier une rémunération de droits d’auteur, n’a pas accordé cette qualité aux rémunérations en cause.
Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la Société ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, que les rémunérations versées aux contributeurs en cause peuvent bénéficier d’une exception au principe, posé par l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, précité, que toute somme versée à un travailleur en contrepartie ou à l’occasion d’un travail est soumise aux cotisations du régime général.
Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
La Société qui succombe, sera déboutée de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée au dépens éventuellement exposés depuis le 1er janvier 2019.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en voir délibéré, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement rendu le 1er octobre 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Versailles (RG 15/00239) en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société BCH, venant aux droits de la société Prest Edit, venant aux droits de la société Optipress aux dépens éventuellement exposés depuis le 1er janvier 2019 ;
Déboute la société BCH, venant aux droits de la société Prest Edit, venant aux droits de la société Optipress de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Olivier Fourmy, président, et par Madame Dévi Pouniandy, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le greffier, Le président,