Contrat de location de site internet : la résiliation anticipée impossible
Contrat de location de site internet : la résiliation anticipée impossible

En droit, le professionnel qui conclut un contrat hors de son établissement avec un autre professionnel bénéficie du droit à rétractation prévu à l’article L 221-18 du code de la consommation si l’objet du contrat ne rentre pas dans le champ de son activité principale et s’il emploie au maximum 5 salariés. En l’absence de faute dans l’exécution de la prestation et de vice du consentement du client, la sortie de contrat avant terme (48 mois) s’avère pratiquement  impossible.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU MERCREDI 21 JUILLET 2021

N° RG 20/01896 –��N° Portalis DBVM-V-B7E-KOV5

Appel d’une décision (N° RG 2019J00162)

rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 18 mai 2020

suivant déclaration d’appel du 29 juin 2020

APPELANT :

M. Z X

ayant pour enseigne ‘RESTAURANT PIZZERIA DU VEL D’HIV’

[…]

[…]

représenté et plaidant par Me Charlotte DESCHEEMAKER de la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

S.A. LOCAL.FR

société à directoire et conseil de surveillance au capital de 1 004 400 euros, immatriculée au RCS de BOURG-EN-BRESSE sous le n° 331 221 150, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[…]

01000 BOURG-EN-BRESSE

représentée et plaidant par Me Hugo JOCTEUR-MONROZIER, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Patricia GONZALEZ, Présidente de Chambre,

Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseillère,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 10 Juin 2021, Mme Patricia GONZALEZ, Présidente, qui a fait rapport assisté de Alice RICHET, Greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.

EXPOSE DU LITIGE :

M. Z X exploite en son nom personnel une pizzeria dénommée Restaurant pizzeria du Vel d’Hiv et située […] à Grenoble depuis le […].

Il a signé un bon de commande pour la création d’un site internet auprès de la société Local.fr le 11 avril 2017 et a souscrit un abonnement Local web de 48 mois. Le site a été livré en mai 2017.

La société Local.fr a édité une facture le 25 avril 2017 pour un montant de 4.550,40 euros.

Les prélèvements devaient intervenir à compter de mai 2017.

M. X n’a pas procédé à des règlements.

La société Local.fr a obtenu une ordonnance du 14 novembre 2018 enjoignant à M. Y de lui payer la somme de 4.550,40 euros en principal outre clause pénale de 910,08 euros et 40 euros d’indemnité forfaitaire.

M. X a formé opposition le 17 avril 2019.

Par jugement du 18 mai 2020, le tribunal de commerce de Grenoble a :

— dit recevable et régulière l’opposition à injonction de payer,

— condamné M. X à payer à la société Local.fr la somme de 5.500,48euros, celle de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens,

— rejeté le surplus des demandes,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Le tribunal a estimé que M. X s’était rétracté hors délai et que le créancier était en droit de poursuivre l’exécution de l’obligation.

Par déclaration du 29 juin 2020, M X a formé appel de cette décision.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 mai 2021.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le11 septembre 2020, M. Z Sepanlooà la cour de :

Vu l’article 1184 du code civil,

— infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

— dire que le contrat est à durée indéterminée,

— dire qu’il n’a pas demandé à se rétracter du contrat signé par lui,

Statuant à nouveau,

— juger qu’il a demandé la résiliation du contrat pour inexécution des obligations de la société Local.fr, que se surcroît le contrat sans durée déterminée pouvait être résilié sans autres conditions,

— juger que le contrat a ainsi été régulièrement résilié par lui,

— en conséquence,

— débouter la société Local.fr de l’ensemble de ses demandes,

— à titre reconventionnel,

— condamner la société Local.fr au paiement de la somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice,

— la condamner à retirer le site dont litige de la mise en ligne sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,

— en tout état de cause,

— condamner la société Local.fr à lui payer 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de première instance et d’appel avec application de l’article 699 du code de procédure civile.

Il fait valoir que :

— le commercial Local.fr lui a remis une plaquette en précisant les étapes de l’exécution du contrat allant de l’envoi par le client de son logo, de ses photographies et de son texte, jusqu’au suivi qualité du site après sa mise en ligne, qu’il serait bien référencé sur Google, que le commercial reviendrait pour les photographies, qu’un logo lui a été proposé,

— il n’a plus eu de contact avec cette société, recevant seulement la facture du site et des photographies, il a découvert un site en ligne qui ne correspondait pas aux promesses faites et des informations ont été récoltées sans l’en aviser, il a également constaté que son restaurant n’était pas référencé,

— il a en conséquence résilié le contrat sans que cela ne soit la mise en oeuvre de son droit de rétractation,

— la société local.fr a caché aux premiers juges la qualification juridique de la rupture du contrat dont elle avait connaissance et s’est prévalue de la rétractation tardive,

— il se réfère à l’article 1184 du code civil, la cour doit constater la résiliation du contrat à compter du jour où son adversaire n’a pas exécuté ses obligations contractuelles,

— le rendez-vous à 8 jours de la signature ne lui a jamais été proposé, il a été montré une image déplorable de son établissement, ce qui lui a causé préjudice,

— il n’a pas été interrogé sur la durée du contrat, sur l’exemplaire remis, aucune case n’étant cochée, de même que le total, l’exemplaire adverse a donc été complété,

— le contrat à durée indéterminée peut prendre fin sans préavis,

— il souffre de l’image donnée de son restaurant.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions déposées, la société Local.fr demande à la cour de :

Vu les articles 1221 et 1231-1 du code civil, 221-9 du code de la consommation, et ses conditions générales de vente,

— confirmer le jugement rendu en ce qu’il a condamné la société Selanloo à lui payer la somme totale de 5.500,48 euros, aux entiers dépens de l’instance et a débouté M. X de l’intégralité de ses prétentions,

— y ajoutant,

— condamner M. X à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouter M. X de l’intégralité de ses demandes.

Elle fait valoir que :

— la prestation facturée correspond uniquement à l’abonnement puisque les frais techniques étaient offerts,

— elle ne conteste pas le droit à rétractation qu’elle rappelle que le formulaire type de rétractation obligatoire est au dos de chaque exemplaire client du contrat, que M. X a reconnu avoir pris connaissance du verso du contrat, et les conditions générales de vente lui ont été remises,

— M. X ne peut donc arguer de la nullité du contrat pour défaut de formulaire, et il n’a pas exercé son droit dans le délai de 14 jours, sa lettre était déjà hors délai et n’a jamais été réceptionnée par la concluante,

— sur le manquement contractuel, M. X ne produit qu’une plaquette de présentation qui n’est pas une pièce contractuelle, il n’a jamais sollicité de logo, n’a donné aucune instruction, il a reçu une première version non mise en ligne pour ses observations et n’a donné aucun retour,

— elle a en conséquence mis le site en ligne conformément au contrat et il ne peut être soutenu que le site donnerait une image déplorable du fonds de commerce,

— le contrat fait bien état d’une durée de 48 mois, le prix mensuel ne peut correspondre qu’à une telle durée.

* * *

Il convient pour un plus ample exposé des prétentions et arguments des parties de se référer aux conclusions susvisées conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

En droit, le professionnel qui conclut un contrat hors de son établissement avec un autre professionnel bénéficie du droit à rétractation prévu à l’article L 221-18 du code de la consommation si l’objet du contrat ne rentre pas dans le champ de son activité principale et s’il emploie au maximum 5 salariés. Cependant, en l’espèce, M. X ne se prévaut pas de ce droit à rétractation mais il invoque seulement les dispositions de l’article 1184 du code civil. Il n’existe donc plus de débat sur ce moyen abandonné.

Sur les manquements contractuels imputés à la société Local.fr, il résulte des pièces du dossier que :

— par contrat n°31589 du 11 avril 2017 , M. X s’est engagé à hauteur d’un montant Ttc de 4.550 euros envers la société, ce montant correspondait à l’abonnement pour un prix mensuel de 79 euros HT soit 94,80 euros Ttc tandis que la mise en oeuvre du site était gratuite et la facture a été établie conformément au contrat,

— les obligations de l’intimée sont définies à l’article 2.2.2 des conditions générales de services et supposent l’intervention du client et ses instructions,

— par message du 12 mai 2017, la société Local.fr a fait connaître sa réalisation (version non mise en ligne) à M. X et en a demandé un retour,

— M. X ne justifie d’aucun retour sur cette réalisation dans le délai de 7 jours comme stipulé au contrat et il ne produit aux débats qu’une plaquette non contractuelle comme indiqué sur ce document, outre un ‘brouillon’ d’un courrier adressé à son adversaire mais aucun courrier effectif, lesdits documents étant inopérants,

— en application des dispositions de l’article 2.2.4 des conditions générales, la société Local.fr s’engageait à la mise en ligne du site considéré comme validé en l’absence d’observations du client et cette mise en ligne n’est pas contestée.

Par ailleurs, la pièce 13 de l’intimée, en noir et blanc et difficilement exploitable ne révèle pas la carence de la société intimée dans l’exploitation du site.

Il résulte de ce qui précède que la société Local.fr a exécuté son obligation contractuelle tandis que M. X ne rapporte la preuve d’aucune inexécution ou exécution fautive.

Le jugement ne peut qu’être confirmé en ce qu’il a condamné M. X au paiement de la facture de la société Local.fr.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

M. X supportera les dépens d’appel et versera à son adversaire la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par décision contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Confirme le jugement querellé.

Condamne M. B X aux dépens d’appel et à payer à la société Local.fr la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Prononce par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

Signe par Mme GONZALEZ, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


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