Dans le cadre d’un litige contre Google et l’envoi de mises en demeure à des annonceurs AdWords, la Cour d’appel de Paris a réduit les honoraires d’un cabinet d’avocats (de 7.822,49 à 5 000 euros).
Les honoraires du Cabinet ont été établis conformément aux dispositions de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971, selon lequel à défaut de convention entre l’avocat et son client, l’honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.
Il ressort des débats et des éléments du dossier que la mission confiée au cabinet comportait trois volets: i) une mise en demeure à adresser à chacun des confrères de la société Dental Vitry ayant annoncé sur Google au détriment de sa dénomination sociale, ii) une mise en demeure à Google afin d’éviter que la situation ne se reproduise, iii) une notification au conseil de l’ordre.
Pour rappel, en cas de contestation d’honoraires, la procédure spéciale prévue par les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 a pour seul objet la fixation et le recouvrement des honoraires d’avocat.
Dans le cadre de cette procédure, ni le bâtonnier en première instance ni le premier président ou son délégataire n’ont le pouvoir de se prononcer sur les fautes ou manquements éventuels, à les supposer établis, qu’aurait pu commettre l’avocat dans le suivi de la mission qui lui a été confiée ni à plus forte raison procéder à la réduction d’honoraires facturés pour des prestations dont l’exécution est justifiée, aux motifs d’une insuffisance de qualité de celles-ci, ni ordonner le remboursement par l’avocat de condamnations personnelles prononcées à l’encontre du client.
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 9
ORDONNANCE DU 18 JUIN 2021
Contestations d’Honoraires d’Avocat
(N° /2021, 4 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/00738 –��N° Portalis 35L7-V-B7C-B6WYJ
NOUS, Florence LAGEMI, Présidente de chambre, à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Eléa DESPRETZ, greffière lors des débats ainsi que lors du prononcé de l’ordonnance.
Vu le recours formé par :
Société DENTAL VITRY
[…]
[…]
Représentée par Mme Y Z (Gérante) en vertu d’un pouvoir général
Demandeur au recours,
contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de PARIS dans un litige l’opposant à :
SELARL YDES
[…]
[…]
Représentée par Me Jérôme SUJKOWSKI, avocat au barreau de PARIS
Défendeur au recours,
Par décision contradictoire, statuant publiquement par mise à disposition de la décision au Greffe, après avoir entendu les parties présentes à notre audience du 16 Avril 2021 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L’affaire a été mise en délibéré au 18 Juin 2021 :
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
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La société Dental Vitry, société de chirurgiens dentistes, confrontée à une problématique d’affichage de plusieurs liens hypertextes publicitaires AdWords sur le moteur de recherche Google, a consulté Maître X de la SELARL Ydès, lequel est spécialisé dans le domaine du droit de l’internet.
Un litige étant survenu quant au paiement des honoraires de la SELARL Ydès, celle-ci a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de Paris en taxation de ses honoraires.
Par décision du 11 octobre 2018, ce dernier a :
— fixé à la somme de 6.000 euros HT le montant total des honoraires dus à la SELARL Ydes par la société Dental Vitry, sous déduction de la somme réglée à hauteur de 1.000 euros HT, soit un solde d’honoraires de 5.000 euros HT,
— dit en conséquence que la société Dental Vitry devra verser à la SELARL Ydes la somme de 5.000 euros HT, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision, outre la TVA au taux de 20 % ainsi que les frais d’huissier de justice, en cas de signification de la présente décision, outre la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
— débouté les parties de leurs autres demandes.
Cette décision a été notifiée à la société Dental Vitry par lettre recommandée reçue le 13 octobre 2018.
Par lettre recommandée reçue au greffe de la cour, le 13 novembre 2018, la société Dental Vitry a formé un recours à l’encontre de cette décision.
Les parties ont été convoquées à l’audience du 16 avril 2021 par lettre recommandée du 15 janvier 2021.
A l’audience, la société Dental Vitry a demandé l’infirmation de la décision entreprise sollicitant que les honoraires soient fixés au montant de la provision versée.
La SELARL Ydès a également demandé l’infirmation de la décision entreprise en sollicitant que ses honoraires soient fixés à la somme de 7.822,49 euros HT, qu’après déduction de la provision versée, soit retenu un solde restant dû de 6.822,49 euros HT outre la TVA.
Elle a également demandé l’allocation de la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
SUR CE
Le recours exercé par la société Dental Vitry, selon les formes et délai prévus par le décret du 27 novembre 1991, est recevable.
La procédure spéciale prévue par les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 a pour seul objet la fixation et le recouvrement des honoraires d’avocat.
Dans le cadre de cette procédure, ni le bâtonnier en première instance ni le premier président ou son délégataire n’ont le pouvoir de se prononcer sur les fautes ou manquements éventuels, à les supposer établis, qu’aurait pu commettre l’avocat dans le suivi de la mission qui lui a été confiée ni à plus forte raison procéder à la réduction d’honoraires facturés pour des prestations dont l’exécution est justifiée, aux motifs d’une insuffisance de qualité de celles-ci, ni ordonner le remboursement par l’avocat de condamnations personnelles prononcées à l’encontre du client.
Il ressort des débats et des éléments du dossier que la mission confiée à la SELARL Ydès comportait trois volets :
— une mise en demeure à adresser à chacun des confrères de la société Dental Vitry ayant annoncé sur Google au détriment de sa dénomination sociale,
— une mise en demeure à Google afin d’éviter que la situation ne se reproduise,
— une notification au conseil de l’ordre.
Cette mission a été reprise dans le mail adressé par la SELARL Ydès à sa cliente le 20 juillet 2017, pour accord. Ce mail énonce encore que le taux médian est de 250 euros HT ; que des recherches juridiques complémentaires seront nécessaires, notamment afin de trouver un fondement juridique à l’encontre de Google et prévoit une estimation d’honoraires ainsi rédigée ‘il devrait vous en coûter estimativement de l’ordre de 2.500 euros HT. En revanche, je ne sais pas quantifier l’après, à savoir les échanges avec vos confrères, Google, le conseil de l’ordre etc’.
L’acceptation de ce mail ne souffre aucune discussion. Pour autant, cet échange de mails ne saurait suffire à considérer qu’une convention a été conclue entre les parties, alors au surplus, que le montant global des honoraires et ses modalités de calcul n’ont pas été déterminés.
Les honoraires de la SELARL Ydès seront donc établis conformément aux dispositions de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971, selon lequel à défaut de convention entre l’avocat et son client, l’honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.
Il est constant que seul le premier volet de la mission a été réalisé.
Il résulte des pièces produites que la SELARL Ydès a adressé à la société Dental Vitry le 28 juillet 2017 ‘un premier projet de matrice de mise en demeure’ ; que cet envoi a été suivi de nombreux échanges téléphoniques et par mails entre les parties, la société Dental Vitry ayant sollicité plusieurs modifications ce qui ne pouvait qu’entraîner un surcoût de facturation ainsi d’ailleurs que l’avait alerté la SELARL Ydès.
Cette dernière a adressé à sa cliente une note d’honoraires datée du 25 octobre 2017, d’un montant de 8.166,98 TTC après déduction de la provision de 1.000 euros versée et une remise de 2.089,18 euros, comprenant un détail des diligences effectuées selon des taux horaires variables (de 80 euros à 350 euros HT) en fonction des intervenants.
Il apparaît de cette note, que la société Ydès a consacré 78 heures et 20 minutes à l’ensemble de ses diligences, que celles-ci ont consisté, notamment, en une étude et analyse de la réglementation en matière de publicité pour les chirurgiens dentistes et de jurisprudence, l’établissement des projets de lettre de mise en demeure, leur révision et l’examen et réexamen des observations du client, les recherches et inscriptions de chaque concurrent, la préparation des lettres, les échanges successifs de courriers électroniques avec le client, outre un important travail de secrétariat.
La SELARL Ydès fait état de l’envoi de 45 lettres de mise en demeure adressées.
Il est constant que les multiples sollicitations du client, présentant un caractère chronophage certain, ont accru la charge de travail de la SELARL Ydès même s’il apparaît que les observations apportées par la société Dental Vitry, lors de l’envoi du premier projet de matrice, pouvaient s’avérer utiles.
Si la durée indiquée pour la réalisation de certaines diligences n’est pas vérifiable, notamment s’agissant des entretiens téléphoniques, de l’examen des mails et de l’ensemble de travail de
secrétariat comme notamment, la gestion des envois des lettres de mise en demeure, la création de dossiers pour chaque concurrent, l’impression des lettres, leur classement, l’établissement d’un tableau des lettres de mise en demeure et son suivi, il sera relevé que la SELARL Ydès n’a pas facturé l’intégralité des heures qu’elle indique avoir consacré à l’ensemble des diligences.
Par ailleurs, s’il est fait état de différents taux horaires afin de tenir compte de la qualité des différents intervenants, la moyenne de ceux-ci apparaît inférieur au taux annoncé dans le mail du 20 juillet 2017.
Ainsi, le volume de travail certain effectué par la SELARL Ydès ne peut sérieusement être fixé à la somme de 1.000 euros ainsi que le sollicite la société Dental Vitry.
Il sera cependant relevé que les honoraires calculés et annoncés dans la note d’honoraires du 25 octobre 2017 comportent une part d’imprévisibilité certaine pour le client alors que le montant estimatif avait été évalué à la somme de 2.500 euros trois mois auparavant.
Au regard des éléments qui précèdent, il apparaît que le bâtonnier a, par une exacte appréciation des faits qui lui ont été soumis, fixé les honoraires de la SELARL Ydès à la somme de 6.000 euros HT, soit après déduction de la provision de 1.000 euros HT, un honoraire restant dû de 5.000 euros HT outre la TVA au taux applicable à la date de l’exécution des prestations.
La décision entreprise sera donc confirmée en toutes ses dispositions.
Aucune considération d’équité ne commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre du présent recours.
PAR CES MOTIFS
Déclarons la société Dental Vitry recevable en son recours,
Confirmons en toutes ses dispositions la décision entreprise ;
Rejetons toute autre demande ;
Disons que les dépens de l’instance seront supportés par la société Dental Vitry.
Disons qu’en application de l’article 177 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991, la décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception.
ORDONNANCE rendue par mise à disposition au greffe de la Cour le 18 juin 2021 par LAGEMI Florence, présidente de chambre, qui en a signé la minute avec Eléa DESPRETZ, greffière, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l’article 450 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE