Salarié au forfait : toujours mettre en place un suivi
Salarié au forfait : toujours mettre en place un suivi

La conclusion d’une convention de forfait

En vertu des dispositions des articles L 3121-39 et suivants du code du travail, la conclusion d’une convention de forfait, pour être valable, doit être prévue par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement et, à défaut, par une convention ou un accord de branche ; elle requiert l’accord du salarié et elle est établie par écrit ; un entretien annuel portant sur l’organisation du travail dans l’entreprise, la charge de travail du salarié, sa rémunération et l’articulation entre sa vie professionnelle et sa vie privée doit être organisé annuellement par l’employeur avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait.

Contrôle effectif sur les jours travaillés

La convention de forfait jour ne peut être considérée comme valide s’il y a absence de contrôle effectif sur les jours travaillés, et d’entretiens individuels relatifs à la charge de travail.

En l’occurrence, aucun document n’organisait le moindre contrôle relatif à l’organisation du travail des salariés et à leur charge effective. L’employeur n’a pas non plus évoqué cette question à l’occasion des entretiens annuels, dont les compte rendus sont produits pour les trois dernières années, et montrent qu’aucun paragraphe n’est consacré à la charge de travail effectif.

Convention de forfait jour inopposable

Compte tenu de ces éléments, la salariée n’a pas été valablement soumise au dispositif du forfait jour.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 3

ARRET DU 24 FEVRIER 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/02430 –��N° Portalis 35L7-V-B7C-B5CMD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Novembre 2017 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F15/08872

APPELANTE

SA SOCIETE POUR L’EDITION RADIOPHONIQUE (Z)

[…]

[…]

Représentée par Me Etienne PUJOL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0281

INTIMEE

Madame X DE Y

[…]

[…]

Représentée par Me Caroline LEVY TERDJMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0416

INTERVENANTE

SA Z NOM COMMERCIAL RTL

[…]

[…]

Représentée par Me Caroline LEVY TERDJMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0416

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 05 Janvier 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme A B, Présidente de chambre

Mme Anne MENARD, Présidente de chambre

Mme Véronique MARMORAT, Présidente de chambre

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame A B dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Nasra ZADA

ARRET :

—  CONTRADICTOIRE

— Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— Signé par A B, Présidente de chambre et par Nasra ZADA, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame X de Y a été engagée par la société Z RTL par contrat indéterminé en date du 23 août 1972, alors qu’elle était âgée de 19 ans. Engagée comme aide discothécaire, elle a ensuite occupé les fonctions de discothécaire responsable de service, puis elle a été promue cadre à compter du 1er janvier 2000, au coefficient 460.

Son salaire en dernier lieu était de 5.241,51 euros.

Les fonctions de chef de service de la discothèque comprenait notamment l’archivage des supports physiques de la musique, la saisie des informations légales relatives aux droits d’auteurs, la recherche des musiques en fonction des demandes des animateurs et journalistes. A la suite de la mise en place d’un nouveau logiciel, elle a participé à la numérisation des archines sonores et musicales pour le logiciel ‘MusicMaster’ qui a remplacé le logiciel de programmation utilisé jusqu’alors.

Par lettre du 13 avril 2015, elle a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 24 avril 2015, puis reporté à sa demande au 29 avril 2015.

Elle a été licenciée le 9 juin 2015, la lettre de licenciement étant motivée de la manière suivante :

‘Comme nous vous l’avons expliqué, l’activité du service discothèque, composée de deux postes dont celui que vous occupez, n’a eu de cesse de s’amenuiser depuis plusieurs années.

En effet, ce service a pour missions principales : l’archivage des supports physiques de musique (disques…) et leur numérisation, la saisie des informations légales (droits d’auteurs) liées aux fichiers musicaux, et à la recherche de musique dans les archives physiques en fonction des demandes de l’antenne.

Or l’avènement de la numérisation a profondément bouleversé le marché musical depuis le début des années 2000, plongeant l’industrie du disque dans une crise pérenne du fait du développement des supports numériques et de leur distribution sous forme de fichiers. Ainsi, la musique sur support physique ne représente plus que 25% du marché de la musique en France. Pour faire face à cette obsolescence des supports physiques, un travail de numérisation de nos archives a été entrepris par le discothèques, RTL ne diffusant plus de musiques qu’en mode fichier.

A ce jour, les archives physiques ont été en grande partie numérisées et les maisons de disque envoient à RTL leur musique directement sous forme de fichiers dématérialisés.

Par ailleurs, la numérisation a considérablement amoindri les demandes de recherche de musique formulées auprès de la discothèque : les collaborateurs de RTL effectuent eux-mêmes ces recherches dans le système de diffusion au sein duquel les supports physiques de musique sont numérisés.

Depuis le 2 février 2015, le logiciel ‘MusicMaster’ a été mis en place dans les services discothèque et de la programmation musicale afin de remplacer le logiciel de programmation ‘selector’ et le logiciel de gestion de la base de données des archives musicales ‘isa musical’.

L’introduction de ce nouveau logiciel est indispensable pour RTL car les logiciels ‘selector’ et ‘isa musical’ :

– ne peuvent plus être techniquement maintenus.

– ne peuvent plus évoluer technologiquement et ne permettent donc plus de répondre aux besoins actuels et futurs de RTL.

– ne sont pas compatibles entre eux et avec le système de diffusion.

En remplaçant ces deux logiciels par une seule technologie, ‘MusicMaster’, compatible avec le système de diffusion, les tâches d’archivage et la gestion des informations légales sont considérablement simplifiées : les tâches de ressaisies disparaissent, les processus sont partiellement automatisés, et à compter du mois de septembre 2015, ‘MusicMaster’ communiquera directement avec les sociétés de perception de droits.

Par voie de conséquence, l’activité de notre discothèque se réduit considérablement, son maintien dans un service autonome n’est donc plus possible.

C’est pour l’ensemble de ces raisons qu’une réorganisation de la discothèque a été décidée, nécessaire pour sauvegarder la compétitivité de notre société, et plus largement de celle de l’ensemble du pôle Radios France dont elle fait partie.

En effet, le secteur publicitaire français est confronté à un environnement de marché difficile :

– une crise économique depuis 2008 qui impacte directement les investissements des annonceurs sur le marché publicitaire, conduisant à un net ralentissement de la croissance du secteur, en particulier pour les activités de radiodiffusion.

– une intensification de la concurrence en provenance des radios concurrentes mais aussi de l’ensemble du secteur audiovisuel, notamment du fait de :

• l’arrivée de nouvelles chaînes de télévision sur la télévision numérique terrestre.

• l’émergence du digital et du développement de la monétisation e la publicité sur internet et sur le mobile.

Ces nouveaux acteurs sont en concurrence directe avec les stations radiophoniques qui évoluaient déjà sur un marché publicitaire saturé.

– une pression croissante des annonceurs sur les prix dans un contexte économique actuel difficile.

Cet environnement de marché, marqué par une concurrence accrue et par le désinvestissement des agents économiques sur le marché publicitaire, constitue une menace pour la compétitivité de notre société dont les performances sont sous pression :

– au niveau de la station RTL, les recette publicitaires de 2014 par rapport à 2013 sont en recul de

11% ;

– au niveau du pôle Radios France, le résultat net a chuté sur la même période de 29%.

Cette situation fait peser un risque sur les performances financières de notre société, et du pôle auquel elle appartient, qui doit optimiser les activités qui le nécessitent.

Aussi, l’introduction de la nouvelle technologie ‘Music Master’ mise ne place pour les motifs ci-dessus invoqués, ainsi que la sauvegarde de la compétitivité de notre société et du pôle radios France, rend nécessaire la suppression du service discothèque, nonobstant la poursuite de la partie de son activité résiduelle au sein du service musique, et la suppression du poste de chef de service que vous occupez.

Nous avons déployé des recherches de reclassement tant dans la société qu’au sein du groupe Bertelsmann. Malheureusement, elles se sont révélées infructueuses.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 juin 2015, vous nous avez indiqué ne pas souhaiter recevoir des offres de reclassement à l’étranger. Par ailleurs, faute de poste disponible au sein du groupe correspondant à votre qualification, et à rémunération équivalente, vous ne vous êtes pas manifestée sur les postes disponibles en France au sein du groupe que nous vous avons communiqués.

C’est pourquoi, en application des critères d’ordre de licenciement, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour motif économique.

(…)’.

Madame X de Y a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 16 juillet 2015 afin de contester son licenciement.

Par jugement en date du 24 novembre 2017, ce conseil a :

— dit le licenciement économique établi sur le fond, pour autant la société RTL a manqué à ses obligations de reclassement privant le licenciement de base légale.

— dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

— condamné la société Z nom commercial RTL à verser à Madame X de Y, avec intérêts légaux à compter de la décision :

• 95.000 euros d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

• 12.000 euros à titre forfaitaire pour dépassement d’horaires et manque de repos compensateurs.

• 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

— ordonné la remise de documents sociaux conformes à la décision.

— débouté Madame X de Y du surplus de ses demandes.

— condamné Z NOM COMMERCIAL RTL aux dépens.

Le conseil a retenu que le changement technologique intervenu permettait à chacun de préparer son émission directement sans avoir recours au service de discothécaire, de sorte que le poste de Madame X de Y n’avait plus lieu d’être et a bien été supprimé ; que cette

suppression n’a rien à voir ni avec l’âge ni même avec les compétences de la salariée ; qu’en revanche, il ne lui a été proposé qu’un seul reclassement, la veille du jour où elle devait donner sa réponse, de sorte que l’employeur n’a pas rempli de bonne foi son obligation de reclassement.

Pour accorder un forfait au titre du dépassement d’horaires, le conseil a retenu que la salariée était constamment d’astreinte, que RTL était sa ‘deuxième famille’ et qu’elle se rendait disponible chaque fois qu’un événement important requérait des recherches urgentes.

La société Z a interjeté appel de cette décision le 5 février 2018.

Par conclusions récapitulatives du 6 mai 2019, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société MÉTROPOLE TÉLÉVISION, aux droits de la SOCIÉTÉ POUR L’EDITION RADIOPHONIQUE Z demande à la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a reconnu que le licenciement n’était pas fondé sur un motif discriminatoire,

— confirmer le jugement en ce qu’il a reconnu que le motif économique était justifié, et dire que la société,

— dire qu’elle a respecté ses obligations en matière de reclassement,

— débouter Madame X de Y de sa demande d’indemnité pour licenciement nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— subsidiairement, plafonner l’indemnité devant être versée à six mois de salaire, soit la somme de 31.449 euros.

— débouter la salariée de ses demandes au titre de la perte de chance et de la rupture déloyale de la relation de travail.

— débouter la salariée de ses demandes au titre du non respect des repos compensateur, du dépassement de la durée maximale de travail, et des garanties requises pour la validité du forfait jour.

— infirmer le jugement en ce qu’il a alloué à Madame X de Y une indemnité de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

— condamner Madame X de Y au paiement d’une somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle revient sur les mutations technologiques opérées dans la société, et qui justifient la suppression du poste de Madame X de Y, ainsi que sur la nécessité de sauvegarder la compétitivité.

Elle soutient que dès le mois d’avril 2015, elle a déployé d’importantes recherches de reclassement, au niveau non seulement de la société, mais également du groupe auquel elle appartient, et qu’elle a communiqué des propositions précises et personnalisées à la salariée par courrier du 26 mai 2015. Elle conteste que ce courrier ait été adressé tardivement, et souligne que la salariée n’a à aucun moment sollicité un délai de réflexion supplémentaire.

En ce qui concerne la demande de nullité du licenciement, elle conteste un lien quelconque avec l’âge de la salariée, et souligne que contrairement à ce qu’elle indique, il ne lui a jamais été demandé de quitter la société, et elle n’a subi aucune pression.

Elle souligne par ailleurs que Madame X de Y a toujours travaillé dans les limites de son forfait en jour, et que sa charge de travail était régulièrement évoquée à l’occasion des entretiens annuels, sans qu’elle ait jamais fait état de la moindre difficulté à cet égard.

Par conclusions récapitulatives du 8 novembre 2019, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, Madame X de Y demande à la cour de :

— dire que le licenciement est nul, pour discrimination fondée sur l’âge de la salariée et condamner Z à lui payer la somme de 188.694,36 euros de ce chef.

— subsidiairement, dire que la cause économique n’est pas établie.

— à défaut, confirmer la décision du conseil de prud’hommes en ce qu’elle a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse pour défaut de reclassement.

— infirmer la décision du conseil de prud’hommes en ce qu’elle a limité l’indemnité à 95.000 euros, et condamner l’employeur au paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 188.694,36 euros.

— infirmer la décision du conseil de prud’hommes en ce qu’elle a limité la condamnation au titre de la convention de forfait jours et du dépassement de l’horaire maximal à 12.000 euros, et condamner l’employeur au paiement d’une somme de 25.000 euros de ce chef.

— condamner l’employeur à lui payer une somme de 20.000 euros au titre de la rupture déloyale de son contrat de travail.

— condamner l’employeur au paiement d’une somme de 113.157 euros au titre de la perte injustifiée de son emploi.

— condamner l’employeur au paiement de la somme de 8.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle expose qu’alors qu’elle était en situation de faire valoir ses droits à la retraite, mais ne le souhaitant pas, elle a été sollicitée de manière informelle à sept reprises dans le cadre d’entretiens informels. Elle considère que la pression qu’elle a subi pour quitter l’entreprise aussitôt qu’elle a eu la totalité de ses anuité constitue une discrimination en raison de son âge qui doit être sanctionnée par la nullité du licenciement.

En ce qui concerne le motif économique du licenciement, elle a contesté que la suppression de son poste ait été de nature à nuire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise, et souligné qu’il n’est nullement prouvé que cette dernière se serait trouvé en difficulté pour faire face à la concurrence. Elle souligne que bon nombre d’animateurs avaient toujours recours à ses services pour effectuer leurs recherches.

Elle soutient par ailleurs que comme l’a retenu le conseil de prud’hommes , elle n’a pas bénéficié d’un délai suffisant pour examiner la liste des postes de reclassement qui lui a été adressée par l’employeur le 1er juin, qu’elle a reçue le trois juin, et à laquelle elle devait répondre avant le 5 juin ; qu’en outre, l’employeur a cessé ses recherches de reclassement un mois et demi avant la date de son licenciement, alors qu’il aurait dû poursuivre ses recherches jusqu’au bout.

En ce qui concerne la convention de forfait jour, elle fait valoir qu’elle ne s’est accompagnée d’aucune garantie de ce que le repos de 11 heures consécutive était bien respecté, et que l’employeur ne justifie pas d’entretiens individuels sur la charge de travail ; que les entretiens annuels d’évaluation ne peuvent s’y substituer, et qu’à défaut de mécanisme de contrôle, la convention de forfait jour est privée de validité. Elle ajoute qu’elle a régulièrement alerté son employeur sur sa charge de travail.

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

*

La cour rappelle qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de ‘constatations’ ou

‘donner/prendre acte’ qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques et qu’il en est de même de celles tendant à ce qu’il soit ‘dit et jugé’ en ce qu’elles constituent des moyens et non des prétentions.

MOTIFS

I – DEMANDES RELATIVES A L’EXÉCUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL

En vertu des dispositions des articles L 3121-39 et suivants du code du travail, la conclusion d’une convention de forfait, pour être valable, doit être prévue par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement et, à défaut, par une convention ou un accord de branche ; elle requiert l’accord du salarié et elle est établie par écrit ; un entretien annuel portant sur l’organisation du travail dans l’entreprise, la charge de travail du salarié, sa rémunération et l’articulation entre sa vie professionnelle et sa vie privée doit être organisé annuellement par l’employeur avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait.

Madame X de Y soutient que la convention de forfait jour qui lui est applicable depuis le 25 février 2000 ne peut être considérée comme valide, au regard de l’absence de contrôle effectif sur les jours travaillés, et d’entretiens individuels relatifs à la charge de travail.

Il ressort de l’examen de l’accord collectif de réduction du temps de travail signé dans l’entreprise le 20 janvier 2000, et de l’avenant au contrat de travail de Madame X de Y signé le 25 février 2000 qu’aucun de ces document n’organise le moindre contrôle relatif à l’organisation du travail des salariés et à leur charge effective.

L’employeur n’a pas non plus évoqué cette question à l’occasion des entretiens annuels, dont les compte rendus sont produits pour les trois dernières années, et montrent qu’aucun paragraphe n’est consacré à la charge de travail effectif.

Compte tenu de ces éléments, c’est à bon droit que Madame X de Y demande de considérer qu’elle n’a pas été valablement soumise au dispositif du forfait jour. Pour autant, elle ne forme aucune demande en paiement d’heures supplémentaires, sollicitant un forfait de 25.000 euros, soit plus de quatre mois de salaire, pour les dépassements d’horaires et absences de repos compensateurs.

Elle expose qu’elle se tenait en permanence à la disposition de son employeur, notamment lorsqu’une urgence intervenait.

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, de répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

En l’espèce, Madame DE Y ne produit aucun élément précis relatif à ses horaires de travail, se contentant d’affirmer qu’elle était susceptible d’intervenir à tout moment. Il convient à cet égard de souligner que l’essentiel des pièces qu’elle produit est relatif aux permanences de week end et aux astreintes téléphoniques. Or il ressort de ces éléments que ces permanences ont cessé durant l’été 2011, soit quatre ans avant la saisine du conseil de prud’hommes. La formulation des demandes sous la forme d’une indemnité forfaitaire ou de dommages et intérêts ne peut pas avoir pour effet de contourner les règles de prescription, étant précisé qu’en ce qui concerne la présente procédure, la prescription applicable est de deux ans pour les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail.

Dès lors qu’elle ne produit aucun relevé dont il pourrait se déduire qu’elle a effectué des heures supplémentaires, Madame DE Y ne peut soutenir ni avoir été privée de ses repos compensateurs, ni avoir dépassé l’horaire de travail maximal prévu par la loi.

Elle sera donc déboutée de sa demande en paiement d’une somme forfaitaire de ce chef, et la décision entreprise sera infirmée.

II – DEMANDES RELATIVES A LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

– Sur la demande de nullité du licenciement

Par application de l’article L.1132-1 du code du travail aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

L’article L.1134-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l’article 1 er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Pour attester des pressions dont elle indique avoir fait l’objet pour quitter l’entreprise en raison de son âge, Madame X de Y verse principalement aux débats un mail, qu’elle a adressé le 16 octobre 2014, où elle fait état de plusieurs rencontres (sept aux total). Elle indique qu’elle juge l’intervention d’avocats dans les discussions indispensables en raison de leur technicité, et demande donc pour cette raison le report du nouvel entretien qui lui est proposé. Elle produit également une attestation d’un délégué syndical, qui rapporte les mêmes éléments.

Si ces pièces confirment que des réunions ont eu lieu au cours de l’été 2014, au cours desquelles il a été discuté de la situation, et de l’avenir, de Madame X de Y dans la société, elle ne permettant pas en revanche de laisser supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. En effet, dès lors qu’il est constant que les changements technologiques invoqués au soutien de la rupture du contrat de travail étaient déjà connus au cours de l’été 2014, le fait d’avoir engagé des discussions pour rechercher une rupture amiable du contrat de travail ne comporte en soi aucun élément discriminatoire.

Si dans le cadre de ces discussions, ce qui est probable, il a été évoqué le fait que la salariée avait atteint l’âge de 62 ans, rien dans les éléments du dossier n’indique que cette circonstance soit à l’origine de la volonté de la licencier, et qu’elle n’ait pas au contraire conduit à différer cette décision, afin de la prendre à un moment où elle serait moins préjudiciable financièrement.

Il est par ailleurs constant que le poste a été effectivement supprimé, et Madame X de Y n’a en aucun cas été remplacée par un salarié plus jeune.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il rejeté la demande de nullité du jugement pour discriminatoire.

– Sur le motif économique du licenciement

Aux termes de l’article L.1233-4 du code du travail dans sa rédaction applicable à la présente affaire, le licenciement ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, sur un emploi d’une catégorie inférieure.

En l’espèce, pour remplir son obligation de reclassement, l’employeur a adressé le 13 avril 2015 une demande à l’ensemble des responsables RH du groupe un courriel pour leur demander leurs postes disponibles, réponse souhaitée pour le 24 avril 2015 au plus tard. Puis par deux courriers datés du 26 mai 2015, il a adressé à la salariée une liste de postes disponibles, et lui a demandé si elle accepterait un reclassement à l’étranger, ce que cette dernière a refusé.

Cette recherche de reclassement appelle trois observations :

— en premier lieu les réponses étaient attendues au plus tard le 24 avril 2015, date de l’entretien préalable, et plus aucune recherche n’a été menée après cette date, de sorte que l’employeur, qui n’a finalement licencié Madame X de Y que le 9 juin 2015, a cessé toute tentative de reclassement un mois et demi plus tôt, au risque de ne pas proposer un poste qui se serait libéré entre temps.

— en second lieu, la liste des postes vacants qui a été adressé n’était absolument pas personnalisée, et elle ne comportait que l’énoncé formel de l’emploi, tel que ‘chargé de clientèle, superviseur, chargé de coordination gestion’. Aucune fiche de poste, non plus qu’aucun élément sur les qualifications requises n’était annexée, tout au moins pour les offres les plus pertinentes.

— enfin en troisième lieu, contrairement à ce que soutient l’employeur, la lettre comportant cette liste de poste a été envoyée le 1er juin 2015, et non le 26 mai 2015, Madame X de Y produisant l’enveloppe qui en atteste. Elle a donc bien reçu cette lettre le 3 juin, comme elle le stipule dans son courrier en réponse, avec demande de réponse avant le 5 juin 2015.

Compte tenu de la longueur de la liste, et de son imprécision telle que relatée plus tôt, ce délai était manifestement très insuffisant pour permettre à la salariée de postuler à l’une ou l’autre de ces offres.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que l’employeur n’a pas loyalement rempli son obligation de reclassement, privant ainsi le licenciement de cause réelle et sérieuse.

– Sur les demandes indemnitaires

Aux termes de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable à la présente affaire, si un licenciement intervient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse et qu’il n’y a pas réintégration du salarié dans l’entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l’employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Le montant de cette indemnité est évalué en tenant compte du préjudice subi. En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que Madame X de Y n’a pas recherché d’emploi après son licenciement, ce qu’elle ne conteste pas, étant précisé que d’éventuelles recherches auraient eu particulièrement peu de chances d’aboutir, compte tenu du contexte économique dans le secteur du disque et de l’âge de la salariée. Elle a donc immédiatement fait valoir ses droits à la retraite, dont elle a pu bénéficier à taux plein. Son préjudice résulte donc d’une part de la perte de revenus au cours des années durant lesquelles elle aurait souhaité continuer à travailler, et d’autre part de ce qu’elle a dû quitter prématurément un emploi qu’elle avait occupé durant toute sa vie adulte, et dans lequel elle était manifestement très investie. Ses revenus mensuels à la retraite son de l’ordre de 3.600 euros. Au regard tant de la perte de revenus que du préjudice moral résultant de la rupture et des conditions dans lesquelles elle est intervenue, le conseil de prud’hommes a justement évalué l’indemnité due pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 95.000 euros.

Cette somme indemnise l’ensemble des conséquences de la rupture, au plan matériel comme au plan moral, de sorte qu’il ne sera pas fait droit aux demandes indemnitaires complémentaires, formées du chef de la perte injustifiée de l’emploi et du comportement déloyal de l’employeur.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l’article 450 du code de procédure civile,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a :

— condamné la société Z, aux droits de laquelle se trouve la société MÉTROPOLE TÉLÉVISION, à payer à Madame X de Y :

• une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 95.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement.

• 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

— ordonné la remise de documents sociaux conformes à la décision.

— débouté Madame X de Y du surplus de ses demandes.

— condamné Z NOM COMMERCIAL RTL aux dépens de première instance.

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a accordé à Madame X de Y une indemnité forfaitaire de 12.000 euros pour dépassement d’horaires et manque de repos compensateurs.

Statuant à nouveau, déboute Madame X de Y de ce chef de demande.

Vu l’article 700 du code de procédure civile

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en ce qui concerne la procédure d’appel.

Condamne Madame X de Y aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


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