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La présentation d’une facture n’est pas suffisante à elle seule à justifier d’une dépense faite pour les besoins de l’exploitation de la société (déductibilité fiscale). Une société s’est bornée à produire des factures d’avion ou de train, d’hôtel, de taxis et de transports en commun qui, s’ils justifient de la réalité de la dépense, n’établissent pas le lien avec l’activité de l’entreprise.
La simple désignation de personnes rencontrées ne permet pas non plus de considérer que les dépenses ainsi engagées l’ont été dans l’intérêt direct de l’exploitation de l’entreprise. Par suite, en l’absence de documents suffisamment précis permettant d’attester du caractère professionnel des déplacements effectués, les frais afférents à ces déplacements ne sont pas déductibles, sans que la société puisse utilement soutenir que les dépenses ne sont pas excessives.
Pour mémoire, aux termes du 5 de l’article 39 du code général des impôts : ” Sont également déductibles les dépenses suivantes : (…) b. Les frais de voyage et de déplacements exposés par ces personnes ; (…) Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n’a pas été apportée qu’elles ont été engagées dans l’intérêt direct de l’entreprise “.
Les attestations, courriers ou autres documents doivent identifier un lien précis entre les déplacements litigieux et l’activité de la société, étant observé que les déplacements qui ont lieu pendant les périodes de congés sont suspicieux.
Par ailleurs, la simple existence de contacts professionnels dans les pays visités par le dirigeant ne saurait suffire à établir le caractère professionnel du voyage en l’absence de tout document permettant de s’assurer de l’objet exact de ces déplacements.
Concernant les frais de réception, en se bornant à produire des pièces établissant la réalité des dépenses de restauration ou de spectacles engagées, et à indiquer le nom de personnes qui auraient été invitées à ces évènements, la société n’établit pas non plus que ces dépenses ont été engagées dans l’intérêt de l’entreprise.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CAA de PARIS
2ème chambre
9 juin 2021
N° 20PA01202
Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société AA Fineval a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 mars des années 2012 à 2015 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2015.
Par un jugement n° 1814344/2-2 du 10 février 2020, le Tribunal administratif de Paris a constaté un non-lieu à statuer à hauteur des sommes dégrevées en cours d’instance, réduit la base imposable de la société au titre de l’exercice 2014 d’un montant de 1 722 euros, et rejeté le surplus de cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 14 avril 2020, la société AA Fineval, représentée par Me A… B…, demande à la Cour :
1°) d’annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 10 février 2020 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– les honoraires engagés pour la défense pénale de son dirigeant et pour la protection de sa réputation l’ont été dans l’intérêt de l’entreprise ;
– la réalité et le caractère professionnel des voyages à Saint-Petersbourg et Moscou, à Strasbourg, à Aubagne, à Collioures et dans la région de Barcelone, à Clermont-Ferrand, ainsi que des dépenses d’hôtel en journée, des voyages à Chantilly, Amiens, au Luxembourg, au Mexique, aux Etats-Unis, des frais de taxis et métro en région parisienne, des voyages en Normandie, à Langres et à Berlin, des frais de réception et des achats de petits équipement, sont établis ;
– la doctrine référencée BOI-BIC-CHG-20-30-10 N° 40 permet la déduction des dépenses d’équipement de moins de 500 euros ;
– la doctrine référencée BOI-BIC-CHG-10-10-20120912 prévoit que l’administration ne peut s’immiscer dans la gestion de l’entreprise ;
– les exigences de l’administration en matière de preuve vont au-delà de cette doctrine administrative ;
– le manquement délibéré n’est pas établi ;
– le jugement attaqué n’est pas motivé à cet égard.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 septembre 2020, le ministre de l’économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société AA Fineval ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 24 novembre 2020 la clôture de l’instruction a été fixée au 9 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. D…,
– et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société AA Fineval, qui exerce une activité de conseil pour les affaires et autres conseils en gestion, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2015. A l’issue de ce contrôle, l’administration lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des rehaussements des résultats passibles de l’impôt sur les sociétés au titre de la période vérifiée. La société AA Fineval relève appel du jugement du Tribunal administratif de Paris du 10 février 2020 en tant qu’il a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie en conséquence.
Sur la régularité du jugement :
2. Les premiers juges, qui n’étaient pas tenus de répondre à tous les arguments soulevés par la société requérante à l’appui de ses moyens, ont statué sur les moyens qui leur ont été soumis, et notamment celui tiré de ce que le manquement délibéré n’était pas démontré. La circonstance, à la supposer établie, que les motifs retenus à cet égard par les premiers juges seraient insuffisants pour caractériser ledit manquement est sans influence sur la régularité du jugement.
Sur les conclusions à fin de décharge des cotisations d’impôt sur les sociétés :
En ce qui concerne l’application de la loi fiscale :
3. Aux termes de l’article 39 du code général des impôts : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (…) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (…) ». En vertu des règles gouvernant l’attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s’il incombe, en principe, à chaque partie d’établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu’une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu’à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l’application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu’il entend déduire du bénéfice net défini à l’article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c’est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tout élément suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l’existence et la valeur de la contrepartie qu’il en a retirée. Dans l’hypothèse où le contribuable s’acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s’il s’y croit fondé, d’apporter la preuve de ce que la charge en cause n’est pas déductible par nature, qu’elle est dépourvue de contrepartie, qu’elle a une contrepartie dépourvue d’intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
S’agissant des frais d’avocats :
4. Il est constant qu’une partie des frais d’avocats dont la société requérante demande la déduction concerne la procédure pénale consécutive à la sanction de l’Autorité des marchés financiers prononcée le 20 décembre 2007 à l’encontre de son dirigeant, M. C…, pour des opérations de manipulation du cours d’une action. En se bornant à faire valoir de manière générale qu’une société peut avoir intérêt à supporter les frais engagés par son dirigeant pour se défendre d’une accusation pénale, et en l’absence de tout élément concret permettant à la Cour d’identifier un lien quelconque entre ce qui était reproché à M. C… et l’activité de la société AA Fineval, cette dernière ne met pas la Cour en mesure de constater que les frais d’avocats ont été engagés dans l’intérêt de son exploitation et non dans l’intérêt personnel de son dirigeant. Il en est de même en ce qui concerne les frais d’avocats qui auraient été engagés pour effectuer des diligences en vue de l’anonymisation des condamnations personnelles de M. C…, de simples considérations abstraites sur la nécessité de défendre la réputation du dirigeant ne permettant pas à la Cour d’apprécier la contrepartie concrète pour la société des dépenses exposées. Par suite, c’est à bon droit que l’administration a réintégré à son chiffre d’affaires les charges indûment déduites.
S’agissant des frais de voyages et déplacements :
5. Aux termes du 5 de l’article 39 du code général des impôts : ” Sont également déductibles les dépenses suivantes : (…) b. Les frais de voyage et de déplacements exposés par ces personnes ; (…) Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n’a pas été apportée qu’elles ont été engagées dans l’intérêt direct de l’entreprise “.
6. La société AA Fineval soutient que les divers voyages et déplacements pris en charge par elle étaient de nature professionnelle, dès lors qu’ils ont été effectués aux fins de démarchage commercial et d’obtention de missions. Les échanges de courriels entre M. C… et un expert-comptable qui serait domicilié à Strasbourg n’établissent pas que les déplacements à destination de cette ville seraient liés à l’activité de la société AA Fineval. Il en est de même des documents faisant état d’un déplacement en Russie de M. C… dans un cadre d’affaires en l’absence de tout lien identifiable entre la société AA Fineval et l’objet du déplacement en cause. Le moyen tiré de ce que des chaines d’hôtels loueraient des bureaux à la journée ne permet pas non plus d’établir l’usage professionnel par la société AA Fineval de telles prestations. Les attestations, courriers ou autres documents postérieurs aux années d’imposition ne permettent pas d’identifier un lien précis entre les déplacements litigieux et l’activité de la société, notamment en ce qui concerne les missions obtenues dans le sud de la France, en Espagne et en Allemagne. S’agissant plus particulièrement des voyages effectués à Barcelone, au Mexique, aux Etats-Unis et à Berlin, les déplacements ont eu lieu pendant les périodes de congés, et la simple existence de contacts professionnels dans ces pays ne saurait suffire à établir le caractère professionnel du voyage en l’absence de tout document permettant de s’assurer de l’objet exact de ces déplacements. Pour le reste, la société AA Fineval se borne à produire des factures d’avion ou de train, d’hôtel, de taxis et de transports en commun qui, s’ils justifient de la réalité de la dépense, n’établissent pas le lien avec l’activité de l’entreprise. La simple désignation de personnes rencontrées ne permet pas non plus de considérer que les dépenses ainsi engagées l’ont été dans l’intérêt direct de l’exploitation de l’entreprise. Par suite, en l’absence de documents suffisamment précis permettant d’attester du caractère professionnel des déplacements effectués, les frais afférents à ces déplacements ne sont pas déductibles, sans que la société puisse utilement soutenir que les dépenses ne sont pas excessives.
S’agissant des frais de réception :
7. Aux termes du 5 de l’article 39 du code général des impôts : ” Sont également déductibles les dépenses suivantes : (…); f. Les frais de réception, y compris les frais de restaurant et de spectacles. (…) Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n’a pas été apportée qu’elles ont été engagées dans l’intérêt direct de l’entreprise “.
8. En se bornant à produire des pièces établissant la réalité des dépenses de restauration ou de spectacles engagées, et à indiquer le nom de personnes qui auraient été invitées à ces évènements, la société requérante n’établit pas que ces dépenses ont été engagées dans l’intérêt de l’entreprise.
S’agissant de matériel informatique :
9. La société requérante soutient que l’achat de deux ordinateurs portables les 13 et 29 avril 2013 pour un montant total de 1 269 euros constituent des charges déductibles. En se bornant à produire deux tickets de caisse, la société, qui avait déjà acquis au cours de l’exercice clos le 31 mars 2013 un ordinateur enregistré en immobilisation amortissable, n’établit pas, en l’absence de facture à son nom, que les deux ordinateurs en cause ont été acquis pour être utilisés dans le cadre de son activité. La doctrine référencée BOI-BIC-CHG-20-30-10 N° 40, qui permet la déduction des dépenses d’équipement de moins de 500 euros, ne fait en tout état de cause pas de la loi fiscale une interprétation différente de ce qui précède et ne peut par suite être valablement invoquée sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
En ce qui concerne les rappels de la taxe sur la valeur ajoutée :
10. Aux termes du I de l’article 256 du code général des impôts : « Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ». Aux termes du II de l’article 271 du code général des impôts : ” 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l’article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; (…) c) Celle qui est acquittée par les redevables eux-mêmes lors de l’achat ou de la livraison à soi-même des biens ou des services ; (…) “.
11. L’administration a procédé aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférente aux frais d’avocat, de déplacement, de repas, de réception, et à l’achat de matériel informatique au motif que ces dépenses n’avaient pas été engagées pour les besoins de l’exploitation de la société AA Fineval et avaient donc été indûment déduites. Ainsi, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 4. à 9., c’est à bon droit que l’administration a procédé aux rappels de la taxe sur la valeur ajoutée rattachée à des charges indûment déduites.
Sur les pénalités :
12. Aux termes de l’article 1729 du code général des impôts : ” Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’Etat entraînent l’application d’une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (…). “.
13. Il résulte de tout ce qui a été dit précédemment que les dépenses dont l’administration a refusé la prise en compte étaient sans lien avec l’activité de la société AA Fineval mais revêtaient un caractère personnel. Compte tenu de cet état de fait et de la nature et de l’importance des charges ainsi regardées comme non déductibles au regard du chiffre d’affaires total, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que la majoration de 40 % pour manquement délibéré lui a été infligée. La doctrine administrative référencée BOI-BIC-CHG-10-20-20-20140519, à supposer même qu’elle soit invoquée sur le fondement des dispositions de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de ce qui précède.
14. Il résulte de ce qui précède que la société AA Fineval n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société AA Fineval est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société AA Fineval et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d’Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l’audience du 26 mai 2021, à laquelle siégeaient :
– Mme Brotons, président de chambre,
– M. D…, premier conseiller,
– Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2021.
Le rapporteur,
F. D… Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL’AVA
La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.