Durée des publicités : un contrôle s’impose

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Durée des publicités : un contrôle s’impose

La durée de passage d’une publicité doit être stipulée au contrat de diffusion et être précisée à la seconde. Un annonceur a conclu avec la SARL Européenne de Communication Publicitaire un contrat publicitaire d’une durée de trois ans, moyennant le prix annuel hors taxes de 2.000 euros, pour un affichage sur un panneau publicitaire à technologie LED, avec environ un passage de cinq secondes par minute.

Le non-respect de la durée précise de passage de la publicité n’a pas été considéré comme une clause déterminante justifiant la résiliation du contrat. En l’absence de clause contraire, le rythme de passage de la publicité n’apparaît pas comme l’obligation principale du prestataire dans la convention.

Le seul procès-verbal de constat établi par huissier de justice aux termes duquel la publicité s’affiche « toutes les 1 minute et 24 secondes », alors que la convention stipule que « le dispositif défilant donne droit à environ 1 (un) passage de 5 (cinq) secondes par minute », ne saurait suffire à justifier la résiliation unilatérale ultérieurement prononcée.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT DU 24 JUIN 2021

N° 2021/208

Rôle N° RG 19/03521 –��N° Portalis DBVB-V-B7D-BD37Y

SARL EUROPEENNE DE COMMUNICATION PUBLICITAIRE

C/

SARL LE DELICE DES FILLES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Elise GHERSON

Me Alexandra BOISRAME

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de CANNES en date du 10 Janvier 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 2018F00084.

APPELANTE

SARL EUROPEENNE DE COMMUNICATION PUBLICITAIRE,

dont le siège social est sis […]

représentée par Me Elise GHERSON, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

SARL LE DELICE DES FILLES, Mme X Y, agissant poursuites et diligences de son représentant légal,

dont le siège social est sis […]

représentée par Me Alexandra BOISRAME, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Alexandre MEYRONET, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Johanna CANO, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Avril 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Françoise PETEL, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Valérie GERARD, Président de chambre

Madame Françoise PETEL, Conseiller

Madame Anne DUBOIS, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2021.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2021

Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La SARL Le Délice des Filles, qui exploite un café à Mouans-Sartoux, a conclu, le 20 mai 2016, avec la SARL Européenne de Communication Publicitaire un contrat publicitaire d’une durée de trois ans, moyennant le prix annuel hors taxes de 2.000 euros, pour un affichage sur un panneau publicitaire à technologie LED, avec environ un passage de cinq secondes par minute.

Le 1er mai 2017, la SARL Européenne de Communication Publicitaire a émis sa deuxième facture annuelle de prestation.

Le 30 mai 2017, la SARL Le Délice des Filles a sollicité la résiliation de son contrat.

Par courrier du 6 juin 2017, la SARL Européenne de Communication Publicitaire lui a répondu ne pouvoir prendre en compte cette résiliation, le contrat ayant été signé pour une durée de trois ans.

Le 31 juillet 2017, elle a mis en demeure la SARL Le Délice des Filles de lui régler sa facture.

Par courrier recommandé du 8 août 2017, la SARL Le Délice des Filles a mis en demeure la SARL Européenne de Communication Publicitaire de respecter ses obligations contractuelles, à savoir la fréquence de passages prévue, puis lui a notifié la résiliation unilatérale de la convention.

Saisi par requête, le président du tribunal de commerce de Cannes, par ordonnance du 31 janvier 2018, a enjoint à la SARL Le Délice des Filles de payer à la SARL Européenne de Communication Publicitaire la somme de 2.495,14 euros en principal, celle de 374,27 euros d’accessoires, outre les dépens.

Cette ordonnance lui ayant été signifiée le 2 mars 2018, la SARL Le Délice des Filles a formé opposition à son encontre.

Par jugement du 10 janvier 2019, le tribunal de commerce de Cannes a :

— dit recevable et bien fondée l’opposition formée par la SARL Le Délice des Filles,

— débouté la SARL Européenne de Communication Publicitaire de l’ensemble de ses demandes de condamnation à paiement,

— condamné la SARL Européenne de Communication Publicitaire à payer à la SARL Le Délice des Filles la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la SARL Européenne de Communication Publicitaire aux dépens,

— dit que le jugement se substituerait à l’ordonnance portant injonction de payer rendue le 31 janvier 2018.

Suivant déclaration du 28 février 2019, la SARL Européenne de Communication Publicitaire a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions déposées et signifiées le 3 mai 2019, auxquelles il est expressément référé par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, l’appelante demande à la cour de :

‘ constater que le contrat signé le 20 mai 2016 est parfaitement valable,

‘ constater que le contrat porte sur une durée initiale de 3 ans, renouvelable par tacite reconduction,

‘ constater que le contrat spécifie dans son recto un temps d’affichage « environ 5 secondes par minute »,

‘ constater que le constat d’huissier diligenté par la SARL Le Délice des Filles mentionne un temps d’affichage de 5 secondes toutes les une minute 24, soit environ 5 secondes par minute,

‘ constater qu’elle a parfaitement respecté ses obligations contractuelles,

en conséquence,

‘ réformer le jugement n°2018F00084 du 10 janvier 2019 en ce qu’il :

‘ a dit recevable et bien fondée l’opposition formée par la SARL Le Délice des Filles,

‘ l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes de condamnation à paiement à l’encontre de la SARL Le Délice des Filles, à savoir :

‘ la facture du 1er mai 2017 d’un montant de 2.495.14 euros (2e année),

‘ la facture non échue de 2018 d’un montant de 2.569,99 euros (le prix est augmenté chaque année de 3 % conformément à l’article 2),

‘ la somme de 374,27 euros au titre des frais accessoires,

‘ la somme de 4,70 euros frais de recommandé de mise en demeure,

‘ les dépens d’instance,

‘ la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

en conséquence,

‘ condamner la SARL Le Délice des Filles à lui verser les sommes suivantes :

‘ la facture du 1er mai 2017 d’un montant de 2.495.14 euros (2e année),

‘ la facture non échue de 2018 d’un montant de 2.569,99 euros (le prix est augmenté chaque année de 3 % conformément à l’article 2),

‘ la somme de 374,27 euros au titre des frais accessoires,

‘ la somme de 4,70 euros frais de recommandé de mise en demeure,

‘ condamner la SARL Le Délice des Filles à lui verser la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ condamner la SARL Le Délice des Filles aux entiers dépens d’instance, en ce compris les frais de greffe.

Par conclusions notifiées et déposées le 2 août 2019, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la SARL Le Délice des Filles demande à la cour de :

‘ confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

et en conséquence,

‘ dire grave le manquement de la société ECP à ses obligations,

‘ dire légitime la résiliation unilatérale par elle de la convention du 20 mai 2016,

‘ débouter en conséquence la société ECP de l’ensemble de ses demandes,

‘ condamner la société ECP à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

MOTIFS

Rappelant la validité et la durée du contrat, lesquelles ne sont d’ailleurs pas contestées, l’appelante expose que la SARL Le Délice des Filles ne pouvait résilier le contrat unilatéralement avant la fin de sa durée initiale.

La SARL Européenne de Communication Publicitaire, qui soutient avoir bien respecté ses engagements contractuels, fait grief au tribunal d’avoir retenu l’argumentaire de l’intimée en se fondant sur un constat d’huissier produit par cette dernière, qui « n’est pas contesté », alors qu’elle a contesté ce constat et l’argumentation de la SARL Le Délice des Filles, et, en toute hypothèse, de n’avoir pas, en remettant en cause sa bonne exécution du contrat sur cet unique argument, donné de base légale à sa décision.

Elle fait valoir que, dans le contrat, il est indiqué « environ un passage de cinq secondes par minute», que, selon le constat d’huissier réalisé à la demande de l’intimée, la publicité s’affiche bien cinq secondes « toutes les 1 minute et 24 secondes », soit environ cinq secondes par minute tel que spécifié au contrat, que, d’ailleurs, si véritablement le temps d’affichage, à la seconde près, avait été un élément essentiel de son engagement, la SARL Le Délice des Filles aurait contesté la parution dès la première année d’affichage, que, cependant, ce n’est qu’à la réception de la facture de la deuxième année qu’elle a souhaité résilier le contrat de façon anticipée, que la preuve en est un échange de courriels du mois de janvier 2017 où l’intimée lui demande une modification de l’affichage, qu’il est patent qu’à aucun moment, cette dernière ne fait allusion au temps d’affichage de la publicité.

La SARL Le Délice des Filles réplique que, si elle n’a pas contesté le rythme non conforme de chaque passage de sa publicité la première année, c’est qu’elle ne l’a pas vérifié tout simplement, que l’on a attiré son attention sur ce point, et elle a donc pu le constater par elle-même, qu’elle invoque ce manquement dès les premiers temps d’exécution du contrat, l’appelante reconnaissant d’ailleurs ce faisant que le rythme du passage était défaillant dès le début du contrat, ou un an après ne change rien, que la SARL Européenne de Communication Publicitaire n’a jamais voulu corriger ce manquement grave dans l’exécution de sa prestation, celle-ci s’analysant incontestablement en une obligation de résultat.

Elle fait valoir que, s’agissant du caractère signifiant un passage « environ » toutes les minutes, l’on peut concevoir un décalage de 2 à 3 secondes par rapport à cet engagement contractuel, mais non un passage de sa publicité toutes les 1 minute et 24 secondes, que ce manquement important n’a donc pas été corrigé par l’appelante de sorte qu’il était légitime qu’elle ait notifié, après une mise en demeure, la rupture unilatérale de la convention.

Mais, au vu des pièces produites aux débats, il ne peut qu’être constaté que, antérieurement au courrier de son conseil du 8 août 2017, l’intimée n’a jamais, y compris dans sa demande de résiliation du 30 mai 2017, fait état d’une quelconque défaillance de la SARL Européenne de Communication Publicitaire dans ses obligations contractuelles.

Et le seul procès-verbal de constat établi par huissier de justice à sa demande le 15 juin 2017, aux termes duquel la publicité s’affiche « toutes les 1 minute et 24 secondes », alors que la convention du 20 mai 2016 stipule que « le dispositif défilant donne droit à environ 1 (un) passage de 5 (cinq) secondes par minute », ne saurait suffire à justifier la résiliation unilatérale ultérieurement prononcée.

Ainsi, outre que, contrairement à ce que soutient désormais la SARL Le Délice des Filles, le rythme de passage de sa publicité n’apparaît pas comme l’obligation principale du prestataire dans la convention, il ne peut qu’être constaté que, ni ce prétendu manquement, ni aucun autre, n’ont été invoqués par l’intimée antérieurement à son défaut de règlement de la facture du 1er mai 2017, et jusqu’au 8 août 2017.

En conséquence, la résiliation opérée par elle n’étant pas fondée, la SARL Le Délice des Filles, qui précise ne pas contester les obligations et stipulations relatives à la durée de la convention et aux pénalités encourues en cas de non paiement, doit, en exécution du « contrat de longue conservation espace publicitaire » du 20 mai 2016, être condamnée au paiement des sommes de 2.495.14 euros, au titre de la facture du 1er mai 2017, 2.569,99 euros, au titre de la facture non échue de 2018, et 374,27 euros au titre de l’indemnité forfaitaire contractuellement prévue.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Condamne la SARL Le Délice des Filles à payer à la SARL Européenne de Communication Publicitaire les sommes de :

—  2.495.14 euros, au titre de la facture du 1er mai 2017,

—  2.569,99 euros, au titre de la facture non échue de 2018,

—  374,27 euros, au titre de l’indemnité forfaitaire contractuelle,

Condamne la SARL Le Délice des Filles à payer à la SARL Européenne de Communication Publicitaire la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la SARL Le Délice des Filles aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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