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En cas de défaut de paiement des loyers commerciaux, la clause pénale clairement rédigée peut être liquidée en référé. La cour relève que l’article 14 du bail commercial du 6 mars 2019, dont les stipulations sont claires et ne supposent aucune interprétation, prévoit qu’à défaut de paiement des sommes dues notamment au titre des loyers et accessoires à leur échéance et du seul fait de l’envoi par le bailleur d’un pli de rappel consécutif à cette défaillance, comme en toute hypothèse en cas de notification d’un commandement ou d’une mise en demeure, le montant des sommes dues sera majoré de plein droit de 10 pour cents hors taxes à titre d’indemnité forfaitaire, conventionnelle et irrévocable.
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
2e Chambre Civile
ARRÊT DU 15 JUIN 2021
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/02195 – N° Portalis DBV5-V-B7E-GC3Q
Décision déférée à la Cour : ordonnance du 30 septembre 2020 rendu(e) par le Président du Tribunal Judicaire de Poitiers.
APPELANTE :
S.A.R.L. PROJECTION 86, prise en la personne de ses représentants légau domicilé en cette qualité audit siège.
le […]
[…]
Ayant pour avocat plaidant Me Fatiha NOURI de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS.
INTIMEE :
S.C.I. SHEET ANCHOR GAMMA représentée par son représentant légal en exercice domicilié ès qualité audit siège.
[…]
[…]
Ayant pour avocat plaidant Me Alexis FATOUX, avocat au barreau de POITIERS.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 06 Avril 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :
Monsieur Emmanuel CHIRON, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président
Madame Sophie BRIEU, Conseiller
Monsieur Emmanuel CHIRON, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Madame Z A,
ARRÊT :
— CONTRADICTOIRE
— Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
— Signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président, et par Madame Z A,
Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
OBJET DU LITIGE
La société à responsabilité limitée Projection 86 exerce une activité de société de portefeuille et prestations de services aux entreprises.
Par un acte authentique du 9 août 2018, la société Projection 86 a donné à bail à la société la Cervoiserie poitevine un local commercial au sein de l’ensemble immobilier commercial « Plein sud » pour une durée de 9 ans à compter du 1er octobre 2018 moyennant un loyer annuel de 35 150 euros hors taxes. Les parties stipulaient à titre de condition essentielle et déterminante du bail la réalisation par le bailleur et pour le preneur de l’ensemble des travaux d’aménagement estimés à 50 000 euros que le preneur s’engageait à rembourser au bailleur sur 84 mois soit 1785,72 euros payable trimestriellement et d’avance .
La société Projection 86 a par un acte authentique reçu le 6 mars 2019 vendu à la société civile immobilière Sheet Anchor Gamma un ensemble immobilier mixte à usage de commerces, bureaux et services dénommé « Village plein Sud » développant un SHON de 3 888 m, situé […] 1945, au prix de 5 650 000 euros. L’acte contenait une garantie locative par le vendeur compte tenu de la vacance de 3 emplacements à la date de cession, par laquelle il s’engageait à réaliser et supporter l’ensemble des travaux d’aménagement de ces lots, de prendre en charge l’ensemble des honoraires de commercialisation et supporter les éventuelles franchises de loyer et/ou loyers progressifs qui seraient demandées par le nouveau locataire et acceptées par le vendeur pendant une période de 24 mois. Cette garantie était plafonnée à la somme de 85 500 euros, et payable trimestriellement et d’avance. En garantie de cet engagement, la somme de 85 500 euros était séquestrée par le vendeur dans les livres de l’étude notariale de Me X pour une durée de 2 ans. L’acquéreur confiait au vendeur la commercialisation des lots à louer dans le cadre d’un mandat d’intérêt commun.
Par un acte sous signatures privées du même jour, la société Sheet Anchor Gamma a donné à bail à la société Projection 86 une parcelle de 3 m² sur laquelle est implanté un panneau publicitaire LED au sein de ce même immeuble, pour un loyer de 25 000 euros hors charges.
Un litige est intervenu au sujet de la créance à l’encontre de la société Cervoiserie Poitevine au sujet du « loyer-travaux », dont la société Projection 86 a poursuivi la facturation et qui à compter du 2 semestre 2019 a également été sollicité par l’acquéreur, et consécutivement, sur les comptes entre les parties au titre de la garantie locative et du loyer du bail du 6 mars 2019.
La société Sheet Anchor Gamma a mis la société Projection 86 en demeure de lui régler les sommes de 10 807,40 euros, 8504,44 euros, 2730 euros et 7500 euros par courrier du 10 janvier 2020, puis a sollicité du séquestre Me X le versement de la somme de 19 521,62 euros compte tenu de l’absence de virement à son profit de 5 factures. Le séquestre n’a pas déféré à cette demande.
Le président du tribunal judiciaire de Poitiers, statuant par ordonnance de référé du 30 septembre 2020, a :
— renvoyé les parties à se pourvoir au fond,
— et cependant dès à présent, provisoirement,
— condamné la SARL Projection 86 à payer à la SCI Sheet Anchor Gamma une provision de 62 421,62 euros correspondant au montant des créances de cette dernière arrêté au 28 juillet 2020.
— dit que les intérêts au taux légal courent, à compter du 13 janvier 2020, sur la somme de 29 541,84 euros et, à compter du 10 juin 2020, sur la somme de 32 879,78 euros.
— dit n’y avoir lieu à ordonner la capitalisation des intérêts échus.
— autorisé Maître Jean-François X, notaire à Y, institué séquestre, à débloquer la somme correspondant aux condamnations prononcées à l’encontre de la SARL Projection 86 et au profit de la SCI Sheet Anchor Gamma dans la présente instance.
— condamné la SARL Projection 86 aux dépens.
— constaté l’irrecevabilité de la demande de la SARL Projection 86 d’indemnisation de ses frais irrépétibles.
— condamné la SARL Projection 86 à payer à la SCI Sheet Anchor Gamma la somme de 700 euros au titre de ses frais irrépétibles.
— rappelons que la présente décision est exécutoire par provision de plein droit
Par déclaration d’appel du 12 octobre 2020, la SARL Projection 86 a relevé appel de cette ordonnance dont elle poursuivait l’infirmation en toutes ses dispositions, expressément visées dans la déclaration d’appel (sauf en ce qu’elle a rappelé l’exécution provisoire de plein droit).
La SARL Projection 86 formule dans ses dernières conclusions du 11 février 2021 les prétentions suivantes :
Vu les articles 834 et 835 du code de procédure civile,
Et les pièces versées au débat,
infirmer l’ordonnance rendue par le juge des référés près le tribunal judiciaire de Poitiers en date du 30 septembre 2020, enregistrée sous le numéro de rôle 20/00202, en ce qu’elle a :
— condamné la SARL Projection 86 à payer la SCI Sheet Anchor Gamma d’une provision de 62
421,62 euros correspondant au montant des créances de cette dernière arrêté au 28 juillet 2020.
— dit que les intérêts au taux légal courent, à compter du 13 janvier 2020, sur la somme de 29 541,84 euros et, à compter du 10 juin 2020, sur la somme de 32 879,78 euros.
— dit n’y avoir lieu à ordonner la capitalisation des intérêts échus.
— autorisé Maître Jean-François X, notaire à Y, institué séquestre, à débloquer la somme correspondant aux condamnations prononcées à l’encontre de la SARL Projection 86 et au profit de la SCI Sheet Anchor Gamma dans la présente instance
— condamné la SARL Projection 86 aux dépens.
— constaté l’irrecevabilité de la demande de la SARL Projection 86 d’indemnisation de ses frais irrépétibles.
— condamné la SARL Projection 86 à payer à la SCI Sheet Anchor Gamma la somme de 700 euros au titre de ses frais irrépétibles.
— constater que l’obligation dont se prévaut la société Sheet Anchor Gamma est sérieusement contestée,
— débouter la société Sheet Anchor Gamma dans tous ses éléments de fins et conclusions,
— condamner la société Sheet Anchor Gamma à la somme de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
En réponse, la SCI Sheet Anchor Gamma demande à la cour, par conclusions signifiées le 7 janvier 2021 :
Vu les dispositions des articles 954, 910-4, 905-2 et 552 du code de procédure civile ;
Vu les dispositions des articles 834 et 835 du code de procédure civile, celles des articles 1103 et 1231-6 du code civil
— de déclarer la société Sheet Anchor Gamma recevable et fondée en l’ensemble de ses demandes ;
Et, partant :
In limine litis :
— juger irrecevables les conclusions d’appelant notifiées par la société Projection 86 ;
— en conséquence, constater la caducité de la déclaration de l’appel interjeté par la société Projection 86 de l’ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal judiciaire de Poitiers le 30 septembre 2020 ;
Subsidiairement :
— confirmer l’ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal judiciaire de Poitiers le 30 septembre 2020 en toutes ses dispositions ;
— condamner la société Projection 86 à payer à la société Sheet Anchor Gamma la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Il est expressément fait référence, en application de l’article 455 du code de procédure civile, aux dernières conclusions susmentionnées des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 9 mars 2021.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité des conclusions de la société Projection 86 et la caducité de l’appel
Selon l’article 542 du code de procédure civile, l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel. En application de ce texte, L’article 562 du même code, dans sa version issue du décret N°2017-891 du 6 mai 2017, prévoit que l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
L’article 954, alinéa 4 du même code dispose que les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. À défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
L’article 910-4 du code de procédure civile dispose également qu’à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
Enfin, et selon l’article 905-2 du même code, à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l’appelant dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de l’avis de fixation de l’affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe.
Les conclusions d’appelant exigées par cet article, sont toutes celles remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ce texte, qui déterminent l’objet du litige porté devant la cour d’appel et “étendue des prétentions dont est saisie la cour d’appel étant déterminée dans les conditions fixées par l’article 954 du même code ; le respect de la diligence impartie par l’article 905-2 est nécessairement apprécié en considération des prescriptions de l’article 954
L’intimée soulève l’irrecevabilité des premières conclusions de la société Projection 86 dès lors que celle-ci n’y formule aucune demande d’annulation ou d’infirmation de l’ordonnance déférée, de sorte que ses conclusions, ne respectant pas les dispositions des articles 954 et 542 du code de procédure civile, sont irrecevables. Elle en déduit qu’en l’absence de conclusions valables dans le délai de l’article 905-2 du code de procédure civile, la déclaration d’appel est caduque.
La société Projection 86 répond que l’erreur matérielle que constitue l’omission, dans les premières conclusions d’appelant, de la mention visant expressément la réformation du dispositif de l’ordonnance de référé, ne peut à elle seul conduire à l’irrecevabilité des premières conclusions et à la caducité de la déclaration d’appel par voie de conséquence, alors que celle-ci contient l’énoncé explicite de la demande de réformation et que le dispositif de ces conclusions contient des demandes incompatibles avec le maintien à l’identique du dispositif de l’ordonnance déférée et partant, une
demande implicite de réformation. Elle fait également valoir que l’article 954, alinéa 2 du code de procédure civile fait obligation au juge de statuer sur les dernières conclusions.
Il est constant que le dispositif des conclusions de la société Projection 86 du 11 décembre 2020, seules conclusions rédigées dans le délai de l’article 905-2 du code de procédure civile, est ainsi rédigé : « Vu les articles 834 et 835 du code de procédure civile,
Et les pièces versées au débat,
– Constater que l’obligation dont se prévaut la société Sheet Anchor Gamma est sérieusement contestée,
– Débouter la société Sheet Anchor Gamma dans tous ses éléments de fins et conclusions,
– Condamner la société Sheet Anchor Gamma à la somme de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile. »
Elle ne sollicite ainsi ni l’infirmation, ni l’annulation du jugement. Mais s’il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l’appelant ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l’infirmation ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement, l’application immédiate de cette règle de procédure, qui résulte de l’interprétation nouvelle d’une disposition au regard de la réforme de la procédure d’appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 et qui n’a été affirmée par la cour de cassation dans un arrêt publié que le 17 septembre 2020, dans les instances introduites par une déclaration d’ appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.
Il s’ensuit, dès lors que la déclaration d’appel était antérieure au 17 septembre 2020, que la cour d’appel était valablement saisie par ces conclusions, d’une demande implicite aux fins d’infirmation de l’ordonnance entreprise, bien qu’elle ne soit pas expressément demandée, cette demande étant la conséquence de la demande aux fins de débouté de la demande de l’intimée. Ces conclusions ne sont donc pas irrecevables, sont régulièrement intervenues dans le délai de l’article 905-2 du code de procédure civile, et la demande de caducité de la déclaration d’appel sera rejetée.
Sur la demande de provision au titre des loyers et de la garantie locative
L’article 834 du code de procédure civile dispose que dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.
Selon l’article 835 du même code, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
L’article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ; réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
Selon l’article 1347 du même code, la compensation est l’extinction simultanée d’obligations
réciproques entre deux personnes. Elle s’opère, sous réserve d’être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies. L’article 1347-1 prévoit que la compensation n’a lieu qu’entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles. Sont fongibles les obligations de somme d’argent, même en différentes devises, pourvu qu’elles soient convertibles, ou celles qui ont pour objet une quantité de choses de même genre. Enfin, selon l’article 1348-2 du même code, les parties peuvent librement convenir d’éteindre toutes obligations réciproques, présentes ou futures, par une compensation ; celle-ci prend effet à la date de leur accord ou, s’il s’agit d’obligations futures, à celle de leur coexistence.
1, La cour relève que l’appelante ne conteste ni l’existence de l’obligation contractuelle au paiement de la garantie locative pour les lots inoccupés conformément aux dispositions claires et ne supposant aucune interprétation de la page 8 de l’acte de vente, ni le montant des loyers tel qu’il est déterminé selon le calcul versé aux débats en pièces 11 à 13 (2730 euros trimestriels pour le lot 6121, 5655 euros mensuels pour le lot 6123, 4440 euros mensuels pour le lot 6124). Il en va de même des loyers dus au titre du bail du 6 mars 2019 (somme de 22 500 euros due au titre de trois échéances trimestrielles de 7500 euros impayées).
2. La société Projection 86 expose en premier lieu que la demande de provision de la société Sheet Anchor Gamma est entachée de contestations sérieuses, dans la mesure où il n’est pas justifié de la prétendue mise en demeure évoquée dans l’assignation en référé,
Mais des courriers de mise en demeure du 10 janvier 2020 sont produits par l’appelante elle-même, et leur réception est démontrée par le courrier électronique en réponse du 11 janvier 2020, recensant l’ensemble des courriers de relance, et par les avis de réception datés du 13 mai 2020. En outre, l’assignation en référé avait pour effet de constituer une telle mise en demeure pour le surplus des sommes demandées, de sorte qu’aucune contestation sérieuse de l’exigibilité de ces sommes n’est formulée par l’appelante. La circonstance qu’une autre mise en demeure du 28 février 2020 mentionnée dans l’assignation ait ou non existé n’a aucune incidence sur l’obligation à paiement.
3. L’appelante fait en outre valoir que les sommes demandées ne tiennent pas compte des règlements au titre de la garantie locative par virement.
Toutefois, les décomptes précités en pièces 11 à 14 comportent la mention de sommes portées au crédit les 17 avril, 2 juillet et 4 novembre 2019 ainsi que les 10 et 14 janvier 2020, reprenant les montants des virements réalisés selon le courriel du 11 janvier 2020. En tout état de cause, alors qu’il lui appartient, se prétendant libérée, de prouver le paiement ou le fait qui produit l’extinction de son obligation en application de l’article 1353 du code civil, elle ne produit aucun justificatif de paiement non pris en compte par la société Projection 86, de sorte que cette contestation du montant de l’obligation résiduelle n’est pas sérieuse. C’est en outre par des motifs pertinents non remis en cause par les débats à hauteur d’appel que le premier juge a retenu que le courriel du 4 février 2020 par lequel la société Projection 86 a affirmé avoir réglé une facture ne constituait pas une preuve de paiement des sommes dues au titre du bail civil.
4. L’appelante se prévaut également de l’extinction de cette créance du fait de la compensation avec la somme de 42 936,48 euros au titre des « loyers-travaux » versés par la société Cervoiserie 86 et encaissés directement par l’acquéreur alors qu’elle en était restée seule créancière s’agissant de la contrepartie de travaux qu’elle avait seule exposés. L’intimée conteste que l’appelante dispose d’une créance à son égard à ce titre dès lors qu’à compter de la date de cession, elle est entrée en jouissance et perçoit à compter de cette date et conformément à la page 5 de l’acte, l’ensemble des loyers après règlement des prorata de loyers en cours et dépôts de garantie.
Il sera rappelé que l’article 835 du code de procédure civile précité ne prive pas la juridiction des référés du pouvoir d’apprécier si l’éventualité d’une compensation entre créances réciproques, est de nature à rendre sérieuse ou non la contestation de l’obligation invoquée par la partie qui demande une provision.
La cour relève qu’à la différence de la créance de la société Sheet Anchor Gamma au titre de la garantie locative, l’obligation alléguée de reverser les loyers perçus de la société Cervoiserie 86 n’est pas expressément stipulée dans la convention signée entre les parties, et résulte de la divergence d’interprétation entre les parties des prévisions de l’acte de vente en page 5 quant à la définition des loyers perçus à compter de sa date par l’acquéreur, spécifiquement quant à l’inclusion au sein de ceux-ci des sommes qualifiées de « loyers-travaux » dans ses écritures correspondant à la somme de 595,24 euros mensuels versée trimestriellement au bailleur sur 84 mois en contrepartie de travaux réalisés par le bailleur.
L’appelante se prévaut d’une reconnaissance par la société Sheet Anchor Gamma de son obligation de restitution des sommes qui lui sont versées à ce titre du fait de l’absence de contestation par ses soins de la compensation qu’elle lui a opposée à titre de paiement de factures dans son courriel du 11 janvier 2019.
L’intimée relève à bon droit, comme l’a retenu l’ordonnance entreprise, que les échanges de courriers électroniques dont se prévaut la société Projection 86 ne contiennent aucun engagement de sa part de reverser des sommes au titre du bail conclu avec la société Cervoiserie 86 ; en effet, si par des courriers électroniques des 4 juin, 29 juillet, et 2 octobre 2019, 11 janvier et 4 février 2020, la société Projection 86 s’est prévalu de la compensation avec ces sommes et a émis des factures à hauteur de ces montants, aucune réponse de la société Sheet Anchor Gamma, établissant son accord pour ces facturations, n’est produite, alors au contraire que la poursuite du recouvrement des sommes (notamment par les mises en demeure du 10 janvier 2020) démontre l’absence de prise en compte de cette compensation comme paiement des sommes dues.
En l’absence de preuve d’un accord de la société Sheet Anchor Gamma pour un tel reversement, la preuve de l’obligation de restituer les sommes versées par la société Cervoiserie 86 suppose donc une interprétation de la convention du 6 mars 2019 quant à l’étendue des obligations transmises à l’acquéreur, laquelle excède les pouvoirs de la juridiction des référés.
La compensation alléguée ne constitue donc pas une contestation sérieuse de l’obligation à paiement de la société Projection 86, faute de preuve d’une créance certaine, liquide et exigible susceptible de compensation.
La société Sheet Anchor Gamma est donc fondée à solliciter sa condamnation au paiement à titre de provision des sommes arrêtées au 28 juillet 2020 de :
— 8190 euros au titre de la garantie locative du lot 6121 ;
— 16 537,18 euros au titre de la garantie locative du lot 6123 ;
— 12 944,44 euros au titre de la garantie locative du lot 6124 ;
— 22 500 euros au titre du bail du 6 mars 2019.
soit la somme de 60 171,62 euros.
Sur la demande de provision sur le fondement de l’article 14 du contrat de bail
En application de l’article 835 du code de procédure civile, si le juge des référés peut accorder une provision sur le montant non contestable d’une clause pénale, il n’entre pas dans ses pouvoirs de diminuer ce montant à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle de l’obligation a procuré au créancier.
L’interprétation d’une clause contractuelle constitue une contestation sérieuse faisant obstacle à l’octroi d’une provision.
L’appelante fait valoir que le juge des référés n’est pas compétent pour accorder des dommages-intérêts même sur le fondement de l’article 14 du bail du 6 mars 2019, alors en outre que la demande a été retenue comme étant floue et qu’il existe une contestation sur le montant de l’obligation principale.
La cour relève que l’article 14 du bail du 6 mars 2019, dont les stipulations sont claires et ne supposent aucune interprétation, prévoit qu’à défaut de paiement des sommes dues notamment au titre des loyers et accessoires à leur échéance et du seul fait de l’envoi par le bailleur d’un pli de rappel consécutif à cette défaillance, comme en toute hypothèse en cas de notification d’un commandement ou d’une mise en demeure, le montant des sommes dues sera majoré de plein droit de 10 pour cents hors taxes à titre d’indemnité forfaitaire, conventionnelle et irrévocable.
Or il est acquis que la somme de 22 500 euros n’a pas été réglée au titre de ce bail, ces sommes donnant lieu à mise en demeure distribuée le 13 janvier 2020 pour 7500 euros et à assignation, valant mise en demeure, pour le surplus.
Dès lors, l’obligation au paiement au titre de la clause pénale prévue à cet article, de la somme de 2250 euros n’est pas sérieusement contestable ; l’ordonnance entreprise sera donc également confirmée en ce qu’elle a fait droit à la demande de provision sur ce fondement.
En synthèse, l’ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu’elle a condamné la SARL Projection 86 à payer à la SCI Sheet Anchor Gamma une provision de 62 421,62 euros arrêtée au 28 juillet 2020, avec intérêts au taux légal conformément à l’article 1231-6 du code civil, à compter de la mise en demeure du 13 janvier 2020, sur la somme de 29 541,84 euros due à sa date et pour le surplus, à compter du 10 juin 2020, sur la somme de 32 879,78 euros, date de l’assignation.
L’appelante qui est la partie perdante supportera les dépens d’appel outre ceux de première instance qui avaient justement été mis à sa charge par le juge des référés, ainsi que ses propres frais irrépétibles ; elle sera également condamnée au paiement à la société Anchor Sheet Gamma de la somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens en cause d’appel en sus de la somme justement appréciée par le premier juge de 700 euros pour ceux de première instance.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
— Déclare recevables les conclusions de la SARL Projection 86 du 11 décembre 2020 ;
— Rejette la demande de caducité de l’appel de la SARL Projection 86 ;
– Confirme l’ordonnance de référé du 30 septembre 2020 du président du tribunal judiciaire de Poitiers en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
— Condamne la SARL Projection 86 aux dépens de l’instance d’appel ;
— Condamne la SARL Projection 86 à payer à la société Sheet Anchor Gamma la somme de 3 000 euros (trois mille euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
— Rejette la demande de la SARL Projection 86 à ce titre.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT