Tout centre de santé dentaire est soumis aux restrictions publicitaires posées par le Code de déontologie de la profession de chirurgien-dentiste. S’il ne peut être reproché à une association de soins dentaires d’appeler l’attention des pouvoirs publics sur l’objectif de favoriser l’accès aux soins dentaires des populations les plus démunies matériellement, cet objectif ne nécessitait ni ne justifiait une comparaison péjorative à l’encontre d’une fraction des praticiens dentaires identifiée par leur exercice libéral.
Les pratiques publicitaires de l’association Addentis ont été condamnées car contraires à la déontologie des chirurgiens-dentistes. Le fait de centrer de manière délibérée sa communication publicitaire sur des prix bas et l’activité prothétique constitue une faute au regard de la mission des centres de santé définie par l’article L. 6323-1 du code de la santé publique.
Affaire Addentis
La juridiction a considéré que l’association ADDENTIS se devait de respecter le code de déontologie des chirurgiens-dentistes, que les articles de presse, reportage télévisé, site internet et plaquettes litigieux enfreignaient le code de déontologie et l’article R. 4127-215 du code la santé publique et constituaient des actes de concurrence déloyale.
Dans la mesure où les dispositions précitées sur la création et le fonctionnement des centres de santé excluent que ces centres soient gérés par des organismes à but lucratif (à la seule exception des établissements de santé soumis par ailleurs à d’autres dispositions), que la gestion d’un centre de santé doit respecter pleinement sa vocation déterminée par l’article L. 6323-1 du code de la santé publique et que l’association gestionnaire a le devoir de veiller à ce que la pratique dentaire de ses salariés ne soit pas associée à une pratique commerciale, il incombe nécessairement à l’association de s’abstenir de toute démarche ou publicité de nature commerciale au-delà du recours aux voies de communication électronique, nécessaire à toute activité destinée à un large public.
Mentions mensongères
Or, il est symptomatique de relever que les mentions répétées et générales selon lesquelles les patients n’ont « rien à avancer », « rien à régler », que leur » prise en charge [est] totale » qui sont portées notamment sur le site internet www.addentis.fr sont les mêmes slogans publicitaires que ceux utilisés par une entreprise de réparation de pare-brises de voitures en relation partenariale avec des sociétés d’assurance.
Il ressort finalement de la combinaison de la réglementation des centres de santé et des règles déontologiques applicables à leurs salariés, que la structure gérant un centre de santé commet une faute lorsque sa communication externe est de nature commerciale, qu’elle n’est pas conforme à la définition même d’un centre de santé ou crée une situation de concurrence déloyale entre les chirurgiens-dentistes salariés et les praticiens exerçant à titre libéral.
La promotion de prix bas, la référence avec force qualificatifs laudatifs aux moyens matériels disponibles ou à la compétence des équipes, la référence à un volume important d’activités dans des communications destinées au grand public constituent des actes de publicité au contraire de données strictement objectives sur le fonctionnement de la structure concernée, en ce qu’ils tendent à appeler l’attention de la population cible et à la convaincre de faire appel au service de cette structure ; ils sont de nature commerciale.
Notion de concurrence déloyale
Pour rappel, une concurrence déloyale consiste en un abus de pratique commerciale d’une entreprise par rapport à une autre. Elle peut se manifester notamment par une violation de la réglementation applicable, par des communications trompeuses, par des actes de dénigrement d’autres acteurs, par des détournements ou des tentatives de détournement de clientèle, par une désorganisation de l’activité d’autres acteurs.
Régulation des centres de santé
L’association Addentis est une association soumise à la loi du 1er juillet 1901, créée au mois d’octobre 2008 qui a pour objet de « favoriser l’accès aux soins dentaires à toutes catégories sociales et notamment aux personnes les plus démunies, plus particulièrement en créant des centres de santé dentaire accessibles à tous et pratiquant des tarifs modérés ainsi que toutes autres structures complémentaires visant à atteindre ce but ».
Selon l’article L. 6323-1 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable lors de l’ouverture par l’association Addentis du centre de santé « Le centre du moulin » à Bondy, » les centres de santé sont des structures sanitaires de proximité dispensant principalement des soins de premier recours. Ils assurent des activités de soins sans hébergement et mènent des actions de santé publique ainsi que des actions de prévention, d’éducation pour la santé, d’éducation thérapeutique des patients et des actions sociales et pratiquent la délégation du paiement du tiers mentionné à l’article L. 322-1 du code de la sécurité sociale.
Ils sont créés et gérés soit par des organismes à but non lucratif, soit par des collectivités territoriales, soit par des établissements de santé publics ou des établissements de santé d’intérêt collectif « .
Dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 218-17 du 12 janvier 2018, il dispose que » Les centres de santé sont des structures sanitaires de proximité, dispensant des soins de premier recours et, le cas échéant, de second recours et pratiquant à la fois des activités de prévention, de diagnostic et de soins, au sein du centre, sans hébergement, ou au domicile du patient. Ils assurent, le cas échéant, une prise en charge pluriprofessionnelle, associant des professionnels médicaux et des auxiliaires médicaux […] « .
L’article L. 6323-1-3 issu de la même ordonnance mentionne que » Les centres de santé sont créés et gérés soit par des organismes à but non lucratif, soit par des collectivités territoriales, soit par des établissements publics de coopération intercommunale, soit par des établissements publics de santé, soit par des personnes morales gestionnaires d’établissements privés de santé, à but non lucratif ou à but lucratif […] « .
L’article L. 6323-1-9 issue de la même ordonnance indique que « l’identification du lieu de soins à l’extérieur des centres de santé et l’information du public sur les activités et les actions de santé publique ou sociales mises en ‘uvre, sur les modalités et les conditions d’accès aux soins ainsi que sur le statut du gestionnaire sont assurées par les centres de santé. Toute forme de publicité en faveur des centres de santé est interdite ».
L’article D. 6323-4 (anciennement D. 6323-5) dispose que les centres de santé mettent en place des conditions d’accueil avec et sans rendez-vous. Les jours et heures d’ouverture, de permanence et de consultation, les tarifs pratiqués, le dispositif d’orientation en cas de fermeture et les principales conditions de fonctionnement utiles au public sont affichés de façon apparente à l’intérieur et à l’extérieur des centres de santé.
Opposabilité du code de déontologie
En application de l’article R. 4127-201 du code de la santé publique, les dispositions du présent code de déontologie s’imposent à tout chirurgien-dentiste inscrit au tableau de l’ordre, à tout chirurgien-dentiste exécutant un acte professionnel dans les conditions prévues à l’article L. 4112-7 ou par une convention internationale, quelle que soit la forme d’exercice de la profession. Elles s’appliquent également aux étudiants en chirurgie dentaire mentionnés à l’article L. 4141-4. Les infractions à ces dispositions relèvent de la juridiction disciplinaire de l’ordre.
L’article R. 4127-215 dispose que la profession de chirurgien-dentiste ne doit pas être pratiquée comme un commerce.
Le chirurgien-dentiste doit éviter dans ses écrits, propos ou conférences toute atteinte à l’honneur de la profession ou de ses membres. Sont également interdites toute publicité, toute réclame personnelle ou intéressant un tiers ou une firme quelconque. II doit éviter dans ses écrits, propos ou conférences toute atteinte à l’honneur de la profession ou de ses membres. Est également interdite toute publicité intéressant un tiers ou une entreprise industrielle ou commerciale.
Restriction à une liberté de communication
L’organisation du ou des systèmes de santé relève des prérogatives des Etats et qu’il incombe au pouvoir réglementaire de définir les conditions d’une utilisation, par les médecins et les chirurgiens-dentistes, de procédés de publicité compatibles avec les exigences de protection de la santé publique, de dignité des professions concernées ;
Toute restriction à une liberté de communication ou d’expression doit être proportionnée à l’objectif d’intérêt général qui est poursuivi ;
Il a été jugé par la Cour de justice de l’Union européenne que la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs ne s’oppose pas à une législation nationale qui protège la santé publique et la dignité de la profession de dentiste d’une part en interdisant de manière générale et absolue toute publicité relative à des prestations de soins buccaux et dentaires et, d’autre part en fixant certaines exigences de discrétion en ce qui concerne les enseignes de cabinets dentaires ; la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique s’oppose à une législation nationale qui interdit de manière générale et absolue toute publicité relative à des soins buccaux et dentaires, en tant que celle-ci interdit toute forme de communications commerciales par voie électronique, y compris au moyen d’un site Internet créé par un dentiste ; l’article 56 TFUE s’oppose à une législation nationale qui interdit de manière générale et absolue toute publicité relative à des prestations de soins buccaux dentaires. (CJUE 4 mai 2017).
Il est admis que la protection de la santé est au nombre des raisons impérieuses d’intérêt général permettant de justifier une restriction à la libre prestation des services et aucune disposition du droit européen ou communautaire ne fait obstacle à ce qu’un Etat exclut les professions de santé du champ commercial et en réglemente l’activité.
Il est aussi admis qu’une législation interne ne peut interdire toute publicité relative à des prestations de soins buccaux dentaires mais qu’elle peut encadrer cette publicité d’une part à des fins de santé publique et afin de protéger la dignité de la profession de dentiste et qu’elle doit à tout le moins autoriser les praticiens et par extension les structures de soins dont elle peut organiser le fonctionnement, à faire usage des moyens de communication électronique notamment au moyen d’un site internet.
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 9 – A
ARRÊT DU 01 JUILLET 2021
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/15137 –��N° Portalis 35L7-V-B7B-B3VNR
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 septembre 2013 – Tribunal d’instance de PARIS (5e)
– RG n° 11-11-00326
Arrêt du 18 février 2016 de la cour d’appel de PARIS – Pôle 4 Chambre 9 – RG n° 13/19101
Arrêt du 26 avril 2017 de la cour de Cassation de PARIS – n° 488 FS-P+B
DEMANDEUR À LA SAISINE
L’ASSOCIATION POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L’ACCÈS AUX SOINS DENTAIRES (ADDENTIS), association régie par la loi du 1er juillet 1901 représentée par son président en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[…]
[…]
représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
assistée de Me Daphné BES DE BERC de la SELEURL DAPHNE BES DE BERC, avocat au barreau de PARIS, toque : P0030
DÉFENDEURS À LA SAISINE
LA CONFÉDÉRATION NATIONALE DES SYNDICATS DENTAIRES agissant poursuites et diligences de son président en exercice, Madame Z A
[…]
[…]
représentée par Me Anne-Marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653
assistée de Me Gilles LE CHATELIER de la SELAS ADAMAS-AFFAIRES PUBLIQUES, avocat au barreau de LYON, toque : 658
substitué à l’audience par Me Pierre-Adrien DUBROCA de la SELAS ADAMAS-AFFAIRES PUBLIQUES, avocat au barreau de LYON, toque : 658
LE CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES CHIRURGIENS DENTISTES (CNOD), agissant poursuites et diligences de son président en exercice, Monsieur B C
[…]
[…]
[…]
Représentée par Me Marie VICELLI-GUILBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0109
Représentée par Me Maël MONFORT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0109
LA FÉDÉRATION NATIONALE DES CENTRES DE SANTÉ, association régie par la loi du 1er juillet 1901 représentée par son président dûment habilité à cet effet et domicilié audit siège
[…]
[…]
représentée par Me Jean-Louis VASSEUR de la SCP SEBAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0498
substitué à l’audience par Me Cyril CROIX de la SCP SEBAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0498
LE SYNDICAT DES CHIRURGIENS DENTISTES DE SEINE SAINT DENIS agissant poursuites et diligences de son président en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[…]
[…]
représenté par Me Anne-Marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653
assisté de Me Gilles LE CHATELIER de la SELAS ADAMAS-AFFAIRES PUBLIQUES, avocat au barreau de LYON, toque : 658
substitué à l’audience par Me Pierre-Adrien DUBROCA de la SELAS ADAMAS-AFFAIRES PUBLIQUES, avocat au barreau de LYON, toque : 658
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 5 mai 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre, chargée du rapport
Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère
Mme Agnès BISCH, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
— signé par Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
L’association pour le développement de l’accès aux soins dentaires (association ADDENTIS) est une association à but non lucratif soumise à la loi de 1901 qui gère trois centres de santé dentaire situés à Bondy, Aubervilliers et Bobigny et qui emploie des chirurgiens-dentistes salariés.
Par acte d’huissier en date du 28 octobre 2011, le conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes (le X) et la Confédération Nationale des Syndicats Dentaires (la CNSD) ont fait assigner l’association ADDENTIS, devant le tribunal d’instance de Paris 5e arrondissement afin, principalement, de voir condamner l’Association ADDENTIS à payer à chacun la somme de 4 500 euros à titre de réparation du préjudice résultant de violations des articles R. 4127-201 et R. 4127-219 du code de la santé publique relatifs aux communications et publicités en faveur de chirurgiens-dentistes et d’actes de concurrence déloyale, de faire cesser ces communications et d’obtenir la publication du jugement.
Par un jugement contradictoire rendu le 11 septembre 2013 auquel il convient de se reporter, le tribunal d’instance a notamment :
— déclaré recevables les actions formées par le X et à la CNSD, à l’encontre de l’association ADDENTIS ;
— dit que l’association ADDENTIS doit être déclarée responsable d’actes de concurrence déloyale à l’égard de la profession de chirurgien-dentiste ;
— en conséquence, condamné l’association ADDENTIS à payer 1 500 euros au CNOD et 1 500 euros à la CNDS à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi ;
— enjoint l’association ADDENTIS de cesser sans délai tout acte publicitaire de concurrence déloyale sur tous supports tant matériels que virtuels à propos de ses centres de soins dentaires du Moulin, des quatre chemins et Pablo Picasso situés respectivement à Bondy, Bobigny et Aubervilliers ;
— débouté les requérants du surplus de leurs demandes ;
— débouté l’association ADDENTIS de sa demande reconventionnelle ;
— ordonné l’exécution provisoire du jugement ;
— condamné l’association ADDENTIS à payer à la X la somme de 2 500 euros et à la CNSD la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
— condamné l’association ADDENTIS aux dépens.
Le tribunal a principalement retenu sur le fond que l’association ADDENTIS se devait de respecter le code de déontologie des chirurgiens-dentistes, que les articles de presse, reportage télévisé, site internet et plaquettes litigieux enfreignaient le code de déontologie et l’article R. 4127-215 du code la santé publique et constituaient des actes de concurrence déloyale.
Statuant sur l’appel formé par l’association ADDENTIS, la cour d’appel de Paris dans un arrêt rendu le 18 février 2016 a :
— déclaré recevables les interventions volontaires du syndicat des chirurgiens dentistes de Seine-Saint-Denis et de la Fédération nationale des centres de santé, et l’action du syndicat des chirurgiens-dentistes de Seine-Saint-Denis,
— infirmé le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a déclaré recevables les actions du X et de la CNSD et les a déboutés de leurs demandes de publication et d’injonction,
— débouté le X et la CNSD de leurs demandes,
— débouté le Syndicat des chirurgiens-dentistes de Seine-Saint-Denis de ses demandes,
— fait application de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour d’appel a principalement jugé que l’association ADDENTIS n’était pas soumise au code de déontologie des chirurgiens-dentistes et qu’elle n’avait commis aucune faute.
Saisi d’un pourvoi formé par le X, la Cour de cassation par un arrêt rendu le 26 avril 2017 et rectifié le 21 octobre 2020, a cassé et annulé cet arrêt sauf en ce qu’il déclare recevables les interventions volontaires de la Fédération nationale des centres de santé et du Syndicat des chirurgiens-dentistes ainsi que les actions de ce syndicat, du Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes et de la Confédération nationale des syndicats dentaires et a renvoyé la cause et les parties devant la cour d’appel de Paris, autrement composée.
La Cour a dit que s’il incombe à un centre de santé, régi par les dispositions de l’article L. 6323-1 du code de la santé publique et soumis pour son activité aux conditions de fonctionnement prévues aux articles D. 6323-2 et suivants du même code, de délivrer des informations objectives relatives, notamment aux prestations de soins dentaires qu’il propose au public, il ne peut, sans exercer de concurrence déloyale, recourir à des procédés publicitaires concernant ses prestations, de nature à favoriser le développement de l’article des chirurgiens-dentistes qu’il emploie, dès lors que les chirurgiens-dentistes sont soumis, en vertu de l’article R. 4127-215 du code précité, à l’interdiction de tous procédés directs ou indirects de publicité.
Elle a relevé que, pour rejeter les demandes formées à l’encontre de l’association, la cour d’appel retient que, n’étant pas soumise aux dispositions du code de déontologie des chirurgiens-dentistes, celle-ci n’a pas d’interdiction de faire de la publicité, que les actes de promotion ne profitent pas aux praticiens salariés exerçant leur activité au sein de ses centres de santé et ne mentionnent pas leur nom, qu’ils ne consistent pas en une publicité comparative et/ou trompeuse pouvant caractériser une faute à l’origine d’une concurrence déloyale, que l’association s’est bornée à relayer l’existence d’une offre de soins dentaires de qualité et que les actes de promotion sont destinés à une population ciblée par les statuts de l’association et les objectifs assignés par la loi aux centres de santé.
Au visa des articles 1382 devenu 1240 du code civil et L. 6323-1 et L.4127-215 du code de la santé publique, elle a dit qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé que l’association avait procédé à des actes de promotion de l’activité de ses centres et que ces actes dépassaient le cadre de la simple information objective sur les prestations offertes, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.
Le 3 juillet 2017, l’association ADDENTIS a formé une déclaration de saisine devant la cour de renvoi.
Aux termes de ses dernières conclusions remises le 23 février 2021, l’association ADDENTIS demande à la cour :
— de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté les demandes de publication et d’injonction formées par le Conseil National de l’Ordre des Chirurgiens-Dentistes et la Confédération Nationale des Syndicats Dentaires à son encontre ;
— de l’infirmer pour le surplus et statuant à nouveau,
— de débouter le Conseil National de l’Ordre des Chirurgiens-Dentistes, la Confédération Nationale des Syndicats Dentaires et le Syndicat des Chirurgiens-Dentistes de Seine Saint-Denis de toutes leurs demandes formées à son encontre ;
— à titre subsidiaire, de débouter les mêmes de leurs demandes d’injonctions de cesser tout acte publicitaire, tout acte de concurrence déloyale, toute mention publicitaire, leurs demandes d’ordonner la dépose les enseignes des centres dentaires et d’ordonner de respecter et de faire respecter les injonctions et mesures ordonnées,
— de déclarer irrecevables les demandes du X tendant à faire constater qu’elle a commis des actes de publicité trompeuse et à lui enjoindre de retirer les mentions publicitaires sur son site internet ainsi que la demande indemnitaire présentée par le syndicat des chirurgiens-dentistes de Seine-Saint-Denis,
— de débouter le X, la CNSD et le syndicat des chirurgiens-dentistes de Seine-Saint-Denis de toutes leurs demandes et de les condamner in solidum à lui payer la somme de 15 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Rappelant qu’elle a pour objet de favoriser l’accès aux soins dentaires pour tous, l’appelante expose qu’elle a créé trois centres de santé dans le département de Seine-Saint-Denis ; elle développe l’intérêt social de sa démarche, l’engouement que celle-ci a suscité dans les médias et les obstructions auxquelles elle a dû faire face de la part des organes de la profession de chirurgien-dentiste.
Répondant aux observations préalables du X, elle fait valoir que sa communication de pièces est régulière dès lors que ses contradicteurs ont pu examiner celles-ci dans un délai utile, que le juge de l’exécution a dit que l’inexécution du jugement dont appel qui lui est reprochée, n’était pas démontrée, que l’allégation relative à une falsification de document ou à des publicités trompeuses n’est pas étayée, qu’elle a déféré à l’ordonnance lui imposant de communiquer ses statuts et autres documents afférents à son fonctionnement. Elle dénonce une confusion malicieuse opérée par le X entre elle-même et l’association Dentexia et des allégations non étayées relatives à des liens avec des sociétés commerciales ou à son fonctionnement. Elle rappelle que les contrats de travail de ses salariés ont été validés par les instances ordinales qui ont admis le principe d’une rémunération proportionnelle des praticiens salariés.
Au visa de l’article 564 du code de procédure civile, l’appelante soutient que le X est irrecevable à former une demande sur le fondement des articles L. 121-1 du code de la consommation et irrecevable à invoquer de nouveaux faits non soumis à l’examen du premier juge. Elle soutient aussi que le Syndicat des chirurgiens-dentistes de Seine-Saint-Denis (le SCDSSD) est irrecevable à présenter des demandes personnelles qui n’ont pas été soumises au premier juge.
Sur le fond, l’appelante conteste avoir commis une faute dès lors qu’elle n’est pas tenue de respecter le code de déontologie des chirurgiens-dentistes ainsi que l’a jugé la Cour de cassation, que le décret n° 2020-1658 du 22 décembre 2020 a supprimé l’interdiction faite aux chirurgiens-dentistes de faire de la publicité et elle relève que c’est l’article L. 6323-1-9 du code de la santé issu de l’ordonnance n° 2018-17 du 12 janvier 2018 qui lui est applicable. Elle conteste s’être soumise contractuellement aux règles déontologiques.
Citant l’arrêt de la Cour de cassation qui a donné lieu au renvoi devant la présente cour, elle fustige le fait que tout acte de promotion de son activité dépassant la simple information objective sur les prestations offertes puisse être considéré comme fautif et déloyal en ce qu’il favoriserait les praticiens salariés. Elle conteste le fait que ses actes de promotion profitent à ses salariés et elle rappelle qu’elle n’a pas été constituée par des praticiens, n’en compte pas parmi ses membres et que ses salariés ne développent pas une clientèle. Elle dénonce une extension par la Cour de cassation du champ d’application de l’article R. 4127-215 du code de la santé publique dans sa version alors applicable, qui ressortit aux attributions du seul pouvoir exécutif et souligne une contrariété avec la réglementation applicable aux centres de santé. Elle renvoie au principe de liberté du commerce et de l’industrie et à celui de libre concurrence et souligne que l’attraction d’une clientèle n’est pas fautive en elle-même. Elle fait valoir que l’article R. 4127-215 du code de la santé publique dans sa version applicable au litige est contraire à l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et à la directive n° 2000/31/CE du parlement européen et doit être écarté. Elle qualifie d’obsolète la position adoptée par la Cour de cassation dans l’arrêt de renvoi au regard de l’évolution des articles R. 4127-215 et R. 4127-225 du code de la santé publique et soutient que le recours à des procédés publicitaires ne peut être jugé fautif.
L’appelante fait plaider que le nouvel article L. 6323-1-9 du code de la santé publique issu de l’ordonnance du 12 janvier 2018 et qui prohibe toute forme de publicité en faveur des centres de santé est tout aussi contraire à l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et à la directive n° 2000/31/CE du parlement européen et doit être écarté.
Elle soutient que ne lui sont pas imputés des faits suffisamment précis et circonstanciés permettant de caractériser un acte publicitaire, de nature promotionnelle, distinct d’une information objective sur l’activité d’un praticien ; elle relève qu’elle n’est pas l’auteur des articles et reportages dont l’existence est dénoncée et qu’elle n’a perçu aucune rémunération de ce chef.
Elle fait valoir de même que le contenu de son site internet (.fr) ou celui des sites de Bondy et Aubervilliers n’avait qu’une portée informative et que les témoignages de patients et membres du personnel étaient justifiés par le contexte de discrédit des centres de santé orchestré par les instances professionnelles. Elle attribue la même portée uniquement informative à ses plaquettes et « prospectus ».
Elle rappelle, s’agissant de la signalétique de sa façade, qu’elle est soumise aux règles spécifiques des centres de santé et non pas à l’article R. 4127-218 du code de la santé publique.
L’association Addentis se défend d’avoir commis un acte de publicité trompeuse, expliquant que la référence erronée à un agrément de l’ARS plutôt qu’à une déclaration à l’ARS est sans réelle incidence et que la comparaison des tarifs ne visait aucun concurrent désigné.
L’appelante relève qu’aucun préjudice ne peut lui être imputé dès lors qu’aucun détournement de clientèle n’est démontré et que les centres de santé qui s’adressent à une clientèle spécifique ne sont pas en situation de concurrence avec les praticiens libéraux.
***
Par des conclusions remises le 13 octobre 2017, la Fédération nationale des centres de santé (la FNCS) demande à la cour de faire droit à l’ensemble des demandes de l’association Addentis, à savoir :
— de confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a rejeté les demandes de publication et d’injonction et l’infirmer pour le surplus,
— de dire le X et la CNSD irrecevables en leur action,
— subsidiairement de dire que le code de déontologie des chirurgiens-dentistes n’est pas applicable à l’association Addentis et de débouter la X et la CNSD de leurs demandes,
— de lui accorder le bénéfice de l’article 700 du code de procédure civile.
La FNCS fait valoir que les centres de santé répondent à un réel besoin sanitaire et elle dénonce les attaques des instances représentatives de la profession de chirurgien-dentiste.
Elle fait valoir que le code de déontologie des chirurgiens-dentistes n’est pas opposable à l’association qui les emploie et qui est soumise à une réglementation spécifique. Elle indique que les règles déontologiques sont néanmoins respectées par les centres de santé notamment sur la signalétique des cabinets. Elle soutient que la signalétique extérieure est soumise à l’article D. 6323-5 du code de la santé publique et qu’aucune restriction n’est imposée en matière de promotion ou de communication. Au regard de la mission sociale des centres de santé, elle conteste la pertinence d’une comparaison avec les cabinets dentaires libéraux en termes d’activité et de patientèle.
Elle ajoute que les instances ordinales portent atteinte au libre exercice de leur profession par les chirurgiens-dentistes salariés.
***
Par ses dernières conclusions remises le 8 mars 2021, le Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes (le X) demande à la cour :
— de le déclarer recevable en ses demandes,
— de débouter l’association ADDENTIS de toutes ses demandes,
— de dire que les dispositions des articles R. 4127-201 et suivants du code de la santé publique sont compatibles avec les dispositions de droit européen et communautaire,
— de confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré l’association Addentis responsable d’actes de concurrence déloyale à l’encontre de la profession de chirurgien-dentiste, de condamner l’association Addentis à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts,
— de délivrer à l’association Addentis diverses injonctions déterminées de cesser ou de faire,
— d’ordonner la dépose des enseignes des trois centres dentaires concernés, la publication du « jugement » selon des modalités précisées,
— de faire application de l’article 700 du code de procédure civile à son bénéfice.
Le X relève que l’article R. 4127-215 nouveau du code de la santé publique exclut toujours que la profession dentaire soit exercée comme un commerce, que l’article R. 4127-125-1 impose au praticien une communication loyale et honnête et que l’article L. 6323-1-9 nouveau interdit spécifiquement aux centres de santé de faire de la publicité.
Il relève à titre liminaire que l’association Addentis n’a pas exécuté la décision de première instance s’agissant du retrait des publicités critiquables et qu’elle poursuit ses actions de publicité, qu’un débat
pénal est toujours en cours sur le caractère contrefait d’une pièce produite par l’association, que l’association Addentis n’a pas satisfait la décision du conseiller de la mise en état lui ordonnant de produire diverses pièces pour justifier de sa qualité à agir.
Il souligne que l’action de l’association s’inscrit dans la création d’un marché commercial des soins dentaires, que son activité profite directement notamment à la société Efficentres SAS dont le président vient de constituer une société holding PDP Investissements et deux sociétés commerciales Efficentres développement et Efficentres expansion au capital social de plus de 10 millions d’euros chacune et il renvoie aux condamnations pénales prononcées en lien avec l’activité de l’association Dentexia conçue sur le même modèle que l’association Addentis et au litige concurrentiel de nature commerciale ayant opposé les deux associations. Il note que l’association Addentis est le seul client de la société Efficentres dont la valorisation repose uniquement sur l’activité de la structure associative et souligne les liens étroits existant entre le président de la société Efficentres, M. D et la Fédération nationale des centres de santé dont l’intéressé est l’ex-trésorier et le « conseiller technique ».
Le X rappelle la genèse des centres de santé et la législation applicable qui impose leur gestion par des structures à but non lucratif, l’interdiction corrélative de la publicité faite aux chirurgiens-dentistes, devenue autorisation de communication encadrée par des principes d’honnêteté, de loyauté et d’objectivité et l’interdiction de toute démarche de commercialité. Il souligne que l’article L. 6323-1-9 du code de la santé publique interdit désormais toute forme de publicité en faveur des centres de santé.
Il dénonce la dérive de l’activité de l’association des actes de premier recours qui relèvent de l’essence des centres de santé à une activité très majoritairement prothétique plus lucrative et rappelle les alertes faites par l’ARS et l’IGAS. Il note que les centres d’Aubervilliers et Bobigny sont fermés les mercredis et samedis, réduisant en pratique l’accès aux soins pour les enfants considérés comme moins rentables.
Il soutient que les salariés reçoivent une rémunération proportionnelle à l’acte qui favorise une intensification de l’activité prothétique, dénonce un mensonge de l’association sur ce point et conteste que les contrats de travail aient été validés par les instances ordinales dont ce n’est pas le rôle.
Il fait valoir que le seul recours à la publicité qui était interdit aux chirurgiens-dentistes constitue une pratique déloyale de l’association Addentis qui profite à ses salariés et qui est désormais légalement interdite aux centres de santé.
Le X reproche à l’association Addentis de s’adonner à une publicité déloyale et trompeuse par voie de presse et médias télévisés, sur trois sites internet, par des plaquettes et prospectus de présentation ou par des enseignes démesurées, en procédant à des comparaisons trompeuses pour se différencier des autres professionnels et en se prévalant d’agréments inexistants. Il invoque en particulier un message trompeur sur le fait que les titulaires de la couverture CMU n’auraient pas accès aux praticiens libéraux, la dénaturation d’un document statistique issu de son site relativement à la couverture médicale dentaire du département de la Seine-Saint-Denis et il souligne que l’association Addentis ne peut se poser en victime d’un ostracisme catégoriel alors que le développement de centres de santé dentaire était déjà largement acquis au niveau national et en Ile de France à l’époque des faits litigieux et qu’il n’est pas mis en question par la dénonciation de comportements propres à l’association Addentis.
En renvoyant à l’arrêt de la Cour de cassation du 26 avril 2017, le X fait valoir que si le principe de la condamnation de l’association Addentis pour concurrence déloyale doit être confirmé, ses modalités doivent être précisées au regard de la résistance de l’association à l’exécution de la décision de justice pour éviter tout maintien de messages publicitaires, au moyen d’une astreinte. Il soutient, au visa de l’article 565 du code de procédure civile, que toutes ses demandes de ce chef sont recevables dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins et qu’elles résultent de nouveaux manquements imputables à l’association depuis le jugement dont appel.
Le X soutient qu’en recourant à la publicité, les centres de santé concurrencent de façon déloyale les autres acteurs de la profession.
Il lit dans l’article L. 6323-1-9 du code de la santé postérieur aux faits litigieux et qui interdit la publicité aux centres de santé une confirmation de la règle de droit antérieure rappelée par l’arrêt de renvoi. Il fait valoir que l’association qui tire ses ressources uniquement de l’activité des chirurgiens-dentistes salariés est tenue d’une obligation objective d’information sauf à créer au profit de ceux-ci une distorsion de concurrence. Il distingue publicité et information.
Rappelant que les centres de santé ont l’obligation de dispenser principalement des prestations remboursables par l’assurance-maladie et des soins de premier recours, il fait le lien entre le recours à la publicité portant notamment sur le prix des prestations non pris en charge par la CMU et le développement de l’activité prothétique pour dénoncer une démarche commerciale interdite aux acteurs de santé.
Il rappelle que les contrats de travail conclus par l’association Addentis font référence aux règles déontologiques des chirurgiens-dentistes.
Il fait valoir que la publicité à laquelle s’adonne l’association Addentis favorise les chirurgiens-dentistes salariés, rémunérés en proportion de leurs actes et qu’elle a pu être analysée en un détournement de la déontologie.
Il indique que la concurrence déloyale est renforcée par le caractère trompeur de la publicité en cause au sens des articles L. 121-1 et suivants du code de la consommation et notamment de l’article L. 121-4 qui interdit à un professionnel de se prévaloir d’un agrément inexistant.
Le X soutient que la législation interne est conforme au droit européen ; elle fait référence à des décisions de justice définitives qui ont écarté des demandes de questions préjudicielles et souligne que l’association Addentis ne précise pas en quoi consisterait la non-conformité qu’elle allègue.
Il relève que les articles R. 4127-215, R. 4127-218 et R. 4127-219 du code de la santé publique dans leur rédaction applicable au litige comme l’article L. 6323-1-9 nouveau qui interdit aux centres de santé de recourir à la publicité sont en cohérence avec le caractère non lucratif des structures qui participent à l’organisation de l’offre de soins et il rappelle que tous les services de soins de santé sont exclus du champ de la Directive « Bolkenstein Services » du 12 décembre 2006.
Il détaille les éléments de publicité qui doivent être sanctionnés, retirés et interdits pour l’avenir sur les différents supports litigieux et dénonce des détournements de la décision de première instance exécutoire, par l’association Addentis.
Il fait état de mentions inexactes sur les prix et souligne que l’association présente le prix de la prothèse comme un prix d’appel alors que cette prestation ne relève pas des soins de premier recours, de présentations biaisées sur le matériel et les équipements pour suggérer un rapport « qualité-prix » très favorable, sur la compétence des équipes ce dont les praticiens libéraux tous aussi compétents ne peuvent se vanter, de témoignages de clients et de salariés non vérifiables et de nature purement commerciale.
Il dénonce de nouveaux actes de publicité en violation des termes du jugement et fait état des dépenses publicitaires ou de représentation inscrites dans les comptes de l’association en 2011.
S’agissant de la signalétique sur les bâtiments, il fait valoir que les dispositions de l’article D. 6323-5 du code de la santé publique applicables aux centres de santé doivent être combinées avec celles imposées aux chirurgiens-dentistes par l’article R. 4127-218 du même code et dénonce un affichage extravagant qui constitue un avantage illicite pour les praticiens salariés.
S’agissant de la publicité par médias interposés, il soutient que la teneur des articles et reportages traduit une collaboration étroite de l’association avec le journaliste, qui doit conduire à en attribuer la responsabilité à l’association.
***
Aux termes de leurs dernières conclusions remises le 5 mars 2021, le syndicat des chirurgiens-dentistes de Seine-Saint-Denis et la Confédération nationale des syndicats dentaires demandent à la cour :
— de les déclarer recevables en leurs demandes et les en déclarer bien fondés ;
— de débouter l’association ADDENTIS de toutes ses demandes, fins et exceptions ;
— de confirmer le jugement rendu par le tribunal d’instance de Paris 11 septembre 2013, en ce qu’il a déclaré l’association ADDENTIS responsable d’actes de concurrence déloyale à l’encontre de la profession de chirurgiens-dentistes ;
en conséquence,
— de condamner l’association Addentis à verser tant au syndicat des chirurgiens-dentistes de Seine Saint Denis qu’à la Confédération Nationale des Syndicats dentaires la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts au titre de la réparation de son préjudice ;
— d’ enjoindre l’association Addentis de cesser immédiatement tout acte publicitaire et tout acte de concurrence déloyale sur tous supports tant matériels que virtuels sur les sites internet addentis.fr, Aubervilliers centre dentaire des Quatre Chemins et Paris centre dentaire du Moulin.fr ou tout autre site et toute mention publicitaire au profit des centres du Moulin à Bondy, des Quatre Chemins à Aubervilliers et Pablo Picasso à Bobigny sous astreinte de 2 000 euros par manquement constaté par jour et notamment sous la même astreinte ;
— d’ordonner la dépose des enseignes des centres dentaires du Moulin à Bondy, des Quatre Chemins à Aubervilliers et Pablo Picasso à Bobigny ;
— d’ordonner la publication de la décision à intervenir aux frais avancés de l’association Addentis dans le Chirurgien-Dentiste de France et le journal Le Parisien sans que le coût de l’insertion ne puisse être supérieur à 5 000 euros ;
— de condamner l’association Addentis et la FNCS à payer tant au Syndicat des chirurgiens-dentistes de Seine Saint Denis qu’à la confédération nationale des syndicats dentaires, la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance comprenant ceux d’exécution et de constat, d’appel et de cassation, dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile.
Ils évoquent la structure capitalistique du groupe commercial auquel appartient l’association Addentis et les dérives dénoncées par l’IGAS d’un objectif social annoncé à une pratique de facto lucrative dans certains centres de santé.
Se prévalant des articles L. 2211-1 et L. 2132-3 du code du travail, ils exposent que les procédés
publicitaires utilisés par l’association Addentis tendent à détourner ou à tenter de détourner la clientèle des professionnels dont la confédération assure la défense des intérêts. Ils exposent que la publicité qui porte sur des actes des chirurgiens-dentistes bénéficie aux chirurgiens exerçant au sein de la structure qui y procède, peut être constitutive de concurrence déloyale quel que soit l’auteur de la publicité personne physique ou morale. Ils soutiennent que ces pratiques publicitaires ont causé un trouble illégitime aux intérêts matériels des chirurgiens-dentistes en exercice libéral.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 mars 2021.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il est rappelé qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile , la cour ne statue que sur les prétentions exprimées dans le dispositif des conclusions des parties et qu’il ne lui incombe pas de suivre les parties dans l’ensemble de leurs arguments de fait et pas davantage dans leurs développements polémiques dont elles ne tirent aucune conséquence juridique.
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Il résulte de l’arrêt de la Cour de cassation rendu le 26 avril 2017 et rectifié le 21 octobre 2020 qu’il a été définitivement statué sur la recevabilité de l’action du X et de la CNSD et sur la recevabilité de l’intervention volontaire de la Fédération nationale des centres de santé et du syndicat des chirurgiens dentistes de Seine-Saint-Denis.
Il n’y a donc lieu de statuer à nouveau.
En application de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
Si l’appelante relève que le Conseil national de l’ordre des chirurgiens dentistes invoque désormais devant la cour le caractère trompeur des actes de publicité qui sont l’objet initial du litige, il s’agit là d’un nouveau moyen à l’appui de prétentions déjà exprimées devant le premier juge et qui tendent toujours principalement à faire cesser les actes critiqués et à interdire leur renouvellement au motif qu’ils constituent des actes de concurrence déloyale.
La disposition précitée ne fait pas obstacle au développement d’un moyen nouveau devant la cour.
Elle ne fait pas davantage obstacle à ce qu’une partie se prévale, dans le périmètre du litige initial, de faits nouveaux commis par son contradicteur depuis le jugement dont appel.
En conséquence, le X est recevable en l’ensemble de ses prétentions.
Il ressort suffisamment de l’examen de la chronologie des conclusions et pièces déposées par les parties que chacune d’elle a disposé d’un temps suffisant pour prendre connaissance des éléments produits par son contradicteur de sorte que le décalage entre la remise des conclusions et celle de certaines pièces de l’association Addentis ne saurait justifier que ces dernières soient retirées des débats, demande qui n’apparaît d’ailleurs pas dans les dernières conclusions remises par le X.
Enfin, déclaré recevable en son intervention volontaire, le syndicat des chirurgiens dentistes de Seine-Saint-Denis présente aux côtés de la confédération nationale des syndicats dentaires et pour la première fois devant la cour, une demande indemnitaire qui procède directement de la demande de la CNSD et procède aux mêmes fins de sorte que cette demande est recevable.
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Une concurrence déloyale consiste en un abus de pratique commerciale d’une entreprise par rapport à une autre.
Elle peut se manifester notamment par une violation de la réglementation applicable, par des communications trompeuses, par des actes de dénigrement d’autres acteurs, par des détournements ou des tentatives de détournement de clientèle, par une désorganisation de l’activité d’autres acteurs.
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L’association Addentis est une association soumise à la loi du 1er juillet 1901, créée au mois d’octobre 2008 qui a pour objet de « favoriser l’accès aux soins dentaires à toutes catégories sociales et notamment aux personnes les plus démunies, plus particulièrement en créant des centres de santé dentaire accessibles à tous et pratiquant des tarifs modérés ainsi que toutes autres structures complémentaires visant à atteindre ce but ».
Selon l’article L. 6323-1 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable lors de l’ouverture par l’association Addentis du centre de santé « Le centre du moulin » à Bondy, » les centres de santé sont des structures sanitaires de proximité dispensant principalement des soins de premier recours. Ils assurent des activités de soins sans hébergement et mènent des actions de santé publique ainsi que des actions de prévention, d’éducation pour la santé, d’éducation thérapeutique des patients et des actions sociales et pratiquent la délégation du paiement du tiers mentionné à l’article L. 322-1 du code de la sécurité sociale.
[…]
Ils sont créés et gérés soit par des organismes à but non lucratif, soit par des collectivités territoriales, soit par des établissements de santé publics ou des établissements de santé d’intérêt collectif « .
Dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 218-17 du 12 janvier 2018, il dispose que » Les centres de santé sont des structures sanitaires de proximité, dispensant des soins de premier recours et, le cas échéant, de second recours et pratiquant à la fois des activités de prévention, de diagnostic et de soins, au sein du centre, sans hébergement, ou au domicile du patient. Ils assurent, le cas échéant, une prise en charge pluriprofessionnelle, associant des professionnels médicaux et des auxiliaires médicaux […] « .
L’article L. 6323-1-3 issu de la même ordonnance mentionne que » Les centres de santé sont créés et gérés soit par des organismes à but non lucratif, soit par des collectivités territoriales, soit par des établissements publics de coopération intercommunale, soit par des établissements publics de santé, soit par des personnes morales gestionnaires d’établissements privés de santé, à but non lucratif ou à but lucratif […] « .
L’article L. 6323-1-9 issue de la même ordonnance indique que « l’identification du lieu de soins à l’extérieur des centres de santé et l’information du public sur les activités et les actions de santé publique ou sociales mises en œuvre, sur les modalités et les conditions d’accès aux soins ainsi que sur le statut du gestionnaire sont assurées par les centres de santé. Toute forme de publicité en faveur des centres de santé est interdite ».
L’article D. 6323-4 (anciennement D. 6323-5) dispose que les centres de santé mettent en place des conditions d’accueil avec et sans rendez-vous. Les jours et heures d’ouverture, de permanence et de consultation, les tarifs pratiqués, le dispositif d’orientation en cas de fermeture et les principales conditions de fonctionnement utiles au public sont affichés de façon apparente à l’intérieur et à l’extérieur des centres de santé.
L’ordonnance précitée mentionne que les centres de santé pré-existant à sa mise en oeuvre disposent d’un délai d’un an pour se mettre en conformité. Jusqu’à cette ordonnance, aucune disposition de droit interne n’interdisait le recours à la publicité par les centres de santé.
Il est constant que l’association Addentis qui gère des centres de santé dont les objectifs, tels que déclarés dans les statuts de l’association sont identiques à ceux assignés aux centres de santé par la loi, est soumise à la réglementation relative aux centres de santé.
En application de l’article R. 4127-201 du code de la santé publique, les dispositions du présent code de déontologie s’imposent à tout chirurgien-dentiste inscrit au tableau de l’ordre, à tout chirurgien-dentiste exécutant un acte professionnel dans les conditions prévues à l’article L. 4112-7 ou par une convention internationale, quelle que soit la forme d’exercice de la profession. Elles s’appliquent également aux étudiants en chirurgie dentaire mentionnés à l’article L. 4141-4. Les infractions à ces dispositions relèvent de la juridiction disciplinaire de l’ordre.
L’article R. 4127-215 dispose que la profession de chirurgien-dentiste ne doit pas être pratiquée comme un commerce.
Selon l’article R. 4127-225 alinéa 1 applicable à l’époque des faits litigieux, le chirurgien-dentiste doit éviter dans ses écrits, propos ou conférences toute atteinte à l’honneur de la profession ou de ses membres. Sont également interdites toute publicité, toute réclame personnelle ou intéressant un tiers ou une firme quelconque.
Dans sa rédaction issue du décret n° 2020- 1658 du 22 décembre 2020, le même article dispose désormais que le chirurgien-dentiste doit éviter dans ses écrits, propos ou conférences toute atteinte à l’honneur de la profession ou de ses membres. Est également interdite toute publicité intéressant un tiers ou une entreprise industrielle ou commerciale.
Il résulte tant de l’article R. 4127-201 précité que de l’arrêt de renvoi à la présente cour que les dispositions déontologiques ainsi codifiées ne régissent que les professionnels concernés, en l’espèce les chirurgiens-dentistes et qu’elles ne peuvent être opposées, en tant que telles, aux personnes morales qui les emploient.
Les contrats de travail conclus entre l’association Addentis et les chirurgiens-dentistes qu’elle emploie mentionnent :
» [Les parties] entendent préciser au préalable que chacune d’entre elles doit respecter les obligations légales ou réglementaires qui lui sont imposées et notamment :
– en ce qui concerne le chirurgien-dentiste les dispositions du code de la santé publique et du code de déontologie,
– en ce qui concerne Addentis, les dispositions impératives résultant de ses agréments.
Elles entendent également préciser que les obligations de l’une des parties s’imposent de plein droit à l’autre partie « .
S’il ne peut être induit de cette formulation, ambiguë par sa généralité, que l’association Addentis a entendu se soumettre contractuellement et directement au code de déontologie des
chirurgiens-dentistes, elle implique néanmoins que l’employeur s’est interdit tout acte qui conduirait l’un de ses salariés à enfreindre les règles déontologiques applicables à celui-ci.
Dès lors que les dispositions des articles R. 4127-201 et suivants du code de la santé publique ne sont pas applicables au litige, ainsi que l’admettent l’association Addentis et le X, il n’y a pas lieu de statuer sur la conformité de cette réglementation interne aux dispositions du droit européen et communautaire et notamment des article 56 du Traité de fonctionnement de l’Union européenne et 8 §1 de la Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000.
Il suffit de rappeler, au regard des textes précités et de leur lecture par la Cour de justice de l’Union européenne :
— que l’organisation du ou des systèmes de santé relève des prérogatives des Etats et qu’il incombe au pouvoir réglementaire de définir les conditions d’une utilisation, par les médecins et les chirurgiens-dentistes, de procédés de publicité compatibles avec les exigences de protection de la santé publique, de dignité des professions concernées ;
— que toute restriction à une liberté de communication ou d’expression doit être proportionnée à l’objectif d’intérêt général qui est poursuivi ;
— qu’il a été jugé par la Cour de justice de l’Union européenne que la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs ne s’oppose pas à une législation nationale qui protège la santé publique et la dignité de la profession de dentiste d’une part en interdisant de manière générale et absolue toute publicité relative à des prestations de soins buccaux et dentaires et, d’autre part en fixant certaines exigences de discrétion en ce qui concerne les enseignes de cabinets dentaires ; que la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique s’oppose à une législation nationale qui interdit de manière générale et absolue toute publicité relative à des soins buccaux et dentaires, en tant que celle-ci interdit toute forme de communications commerciales par voie électronique, y compris au moyen d’un site Internet créé par un dentiste ; que l’article 56 TFUE s’oppose à une législation nationale qui interdit de manière générale et absolue toute publicité relative à des prestations de soins buccaux dentaires. (CJUE 4 mai 2017 – pièce 65 de l’appelante).
Il est admis que la protection de la santé est au nombre des raisons impérieuses d’intérêt général permettant de justifier une restriction à la libre prestation des services et aucune disposition du droit européen ou communautaire ne fait obstacle à ce qu’un Etat exclut les professions de santé du champ commercial et en réglemente l’activité.
Il est aussi admis qu’une législation interne ne peut interdire toute publicité relative à des prestations de soins buccaux dentaires mais qu’elle peut encadrer cette publicité d’une part à des fins de santé publique et afin de protéger la dignité de la profession de dentiste et qu’elle doit à tout le moins autoriser les praticiens et par extension les structures de soins dont elle peut organiser le fonctionnement, à faire usage des moyens de communication électronique notamment au moyen d’un site internet.
A cet égard, aucune contestation n’est élevée par les parties sur la réglementation applicable aux centres de santé.
Si l’association Addentis critique, sans pour autant présenter une prétention de ce chef, l’interdiction de toute publicité posée désormais par l’article L. 6323-1-9 du code de la santé publique, il ressort de ce qui précède que pour être critiquable en ce que sa formulation générale pourrait être lue comme excluant l’utilisation d’un site internet, l’interdiction de toute publicité qu’il comporte ne saurait a contrario autoriser ou justifier le recours par un centre de santé à tout acte de publicité sur quelque support qui serait contraire à d’autres dispositions opposables à ce centre, tel le respect de la profession de ses salariés et l’exclusion de toute entreprise commerciale au sein des centres de santé posée par l’article L. 6323-1 du code de la santé publique.
***
Dans ce contexte, le X et le SCDSSD reprochent à l’association Addentis d’avoir commis des actes de concurrence déloyale au détriment de la profession de chirurgien-dentiste et au détriment des chirurgiens-dentistes exerçant à titre libéral, en se livrant, dans le cadre d’une commercialisation des soins dentaires, à des actes de publicité favorisant les dentistes salariés, incluant la communication d’éléments faux, trompeurs, dénigrant les praticiens exerçant à titre libéral.
1- L’association Addentis a pour unique activité l’organisation des soins dentaires prodigués par ses salariés ; elle tire l’ensemble de ses revenus de ces soins dentaires, hormis des subventions de l’assurance-maladie.
Elle ne prétend pas ignorer que les chirurgiens-dentistes ont l’interdiction de pratiquer leur art comme un acte de commerce en application de l’article R. 4127-215 précité et aux termes des contrats de travail qu’elle a elle-même rédigés, elle s’est engagée à ce que la pratique dentaire de ses salariés ne puisse être associée à un commerce.
L’association se défend d’organiser et de présenter l’activité des trois centres de santé comme une activité commerciale. Or, il est un fait que l’association ne dispose d’aucune autonomie de fonctionnement et de gestion par rapport à la société commerciale Efficentres avec laquelle elle ne conteste pas avoir conclu :
— un contrat de « mise à disposition du savoir-faire et de l’expertise Efficentres » aux termes duquel l’association confie à la société commerciale notamment l’aide à « la définition des objectifs de qualité, de productivité et d’efficacité économique », la « mise en place et coordination des outils et procédures permettant d’atteindre ces objectifs », l’ « aide au recrutement des personnels des équipes clinique et administrative », l’ « accompagnement des permanents des équipes en vue d’optimiser l’exploitation » […] moyennant une rémunération de 20 000 euros HT par fauteuil et par an et 10 % du chiffre d’affaires du centre,
— un contrat de « fournitures dentaires et prothèses » aux termes duquel l’association confie à la société Efficentres la sélection des fournisseurs, la mise en place et le pilotage des procédures et outils de gestion relatifs aux commandes, à la gestion des flux et des stocks, l’aide à la gestion de la relation avec les services Comptabilité des fournisseurs, la centralisation de la facturation, moyennant une rémunération correspondant aux prix nets négociés par Efficentres majorés de 10 % ; l’association y est citée comme une « partenaire commerciale »,
— un contrat de « support gestion administrative » pour le centre dentaire du Moulin aux termes duquel l’association confie à la société commerciale la rédaction d’un cahier des charges, l’aide à la gestion des relations avec l’assurance-maladie et les assurances complémentaires, l’assistance à la tenue de la comptabilité du centre, la rédaction des rapports d’activité, moyennant le prix de 30 000 euros HT par an,
— un contrat « aménagement des locaux » du centre de santé de Bondy qui prévoit que la société Efficentres rédige le cahier des charges et des plans du local, sélectionne les fournisseurs, assure la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’oeuvre du chantier moyennant le montant d’un devis non communiqué à la cour,
— un contrat de « mise à disposition d’équipements dentaires et généraux » aux termes duquel la société Efficentres rédige le cahier des charges et sélectionne les fournisseurs de matériel, négocie les prix d’achat, installe et met en fonctionnement et assure la prise en mains des équipements, assure l’entretien et la maintenance moyennant un loyer mensuel,
— un contrat de « communication et relations publiques » aux termes duquel la société Efficentres rédige le cahier des charges selon les besoins spécifiques du centre, met en place un plan d’action et de communication visant à assurer la « promotion » du centre, anime les relations publiques et tient les tableaux de bord de suivi, moyennant le prix de 20 000 euros HT par an.
Il s’induit que l’association Addentis ne dispose d’aucune autonomie d’aucune sorte par rapport à la société Efficentres qui est son seul prestataire pour les équipements mobiliers et immobiliers, les produits et l’ensemble des services et fonctions-support, de sorte que son fonctionnement est nécessairement marqué par l’implication de nature commerciale de la société Efficentres.
Ce concept n’apparaît pas contraire en lui-même aux dispositions législatives et réglementaires applicables aux centres de santé, dès lors que la création des centres de santé est ouvert à des investisseurs privés, que la lourdeur et le coût des équipements nécessaires au fonctionnement de la structure impliquent des investissements importants et qu’un investisseur peut légitimement attendre le fruit de son investissement.
Pour autant, dans la mesure où les dispositions précitées sur la création et le fonctionnement des centres de santé excluent que ces centres soient gérés par des organismes à but lucratif (à la seule exception des établissements de santé soumis par ailleurs à d’autres dispositions), que la gestion d’un centre de santé doit respecter pleinement sa vocation déterminée par l’article L. 6323-1 du code de la santé publique et que l’association gestionnaire a le devoir de veiller à ce que la pratique dentaire de ses salariés ne soit pas associée à une pratique commerciale, il incombe nécessairement à l’association de s’abstenir de toute démarche ou publicité de nature commerciale au-delà du recours aux voies de communication électronique, nécessaire à toute activité destinée à un large public.
Or, il est symptomatique de relever que les mentions répétées et générales selon lesquelles les patients n’ont « rien à avancer », « rien à régler », que leur » prise en charge [est] totale » qui sont portées notamment sur le site internet www.addentis.fr sont les mêmes slogans publicitaires que ceux utilisés par une entreprise de réparation de pare-brises de voitures en relation partenariale avec des sociétés d’assurance.
Il ressort finalement de la combinaison de la réglementation des centres de santé et des règles déontologiques applicables à leurs salariés, que la structure gérant un centre de santé commet une faute lorsque sa communication externe est de nature commerciale, qu’elle n’est pas conforme à la définition même d’un centre de santé ou crée une situation de concurrence déloyale entre les chirurgiens-dentistes salariés et les praticiens exerçant à titre libéral.
2 – Il est admis qu’un fait de publicité est une forme de communication dont le but est de fixer l’attention d’une cible visée afin de l’inciter à adopter un comportement souhaité.
A cet égard, il n’est pas sérieusement discutable ni discuté que la promotion de prix bas, la référence avec force qualificatifs laudatifs aux moyens matériels disponibles ou à la compétence des équipes, la référence à un volume important d’activités dans des communications destinées au grand public constituent des actes de publicité au contraire de données strictement objectives sur le fonctionnement de la structure concernée, en ce qu’ils tendent à appeler l’attention de la population cible et à la convaincre de faire appel au service de cette structure ; ils sont de nature commerciale.
Si le X attribue à tort à l’association Addentis les formules journalistiques utilisées par les acteurs médiatiques qui ont relayé l’ouverture et le développement des trois centres de santé gérés par l’association (« bâtiment flambant neuf », des « prix imbattables », un « commerce qui tourne », des « prix doux »…) toutes formules qui seront écartées de l’analyse qui suit, il est manifeste que les précisions techniques relatives aux soins prodigués, à leur coût, aux méthodes de travail, aux modalités de prise en charge du public concerné émanent directement des animateurs de l’association ou des centres de santé de sorte que les articles et reportages sont issus d’une collaboration étroite des organes de l’association et de ses interlocuteurs médias.
Jusqu’en 2018, les centres de santé étaient définis comme des structures sanitaires de proximité, dispensant des soins de premier recours ; l’ordonnance n° 2018-17 du 12 janvier 2018, postérieure à la plus grande partie des faits ici litigieux, leur a ouvert la possibilité de pratiquer des soins de second recours.
Les parties ne contestent pas que l’activité prothétique n’entre pas dans les soins de premier recours et qu’elle constitue la partie la plus rémunératrice de la pratique dentaire.
S’il est avéré par les affiches versées aux débats et les captures d’écran des sites internet de l’association Addentis et des centres de santé gérés par elle que les trois centres ont été longtemps fermés les mercredis et les samedis, les éléments versés aux débats ne permettent pas de retenir que cet élément de fait était de nature à favoriser l’activité prothétique au détriment du soin dentaire des enfants comme le prétend le X dans la mesure où ces dispositions ont pu avoir pour objet d’attirer des praticiens femmes ou des praticiens souhaitant travailler à temps partiel ; à cet égard, il faut relever qu’une forte proportion des praticiens salariés dont le contrat de travail est versé aux débats sont des femmes et sont de nationalité étrangère (principalement espagnole, mais aussi italienne, roumaine, belge …) et que le fonctionnement des centres gérés par l’association Addentis a pu favoriser un accroissement de l’offre de soins par le concours de praticiens qui auraient sans doute eu plus de difficulté à s’installer dans un exercice libéral.
En revanche, le X fait valoir avec pertinence que les actes de publicité imputables à l’association Addendis mettent très nettement en avant la promotion d’un prix bas en matière de prothèse, ce qui n’est pas conforme à la vocation première d’un centre de santé : toutes les communications via la presse écrite et la télévision font état de manière très appuyée du prix des couronnes ; en 2009, le journaliste accompagné par M. D alors président de l’association Addentis souligne que les couronnes en céramique blanche coûtent 240 euros à 375 euros, seul élément factuel vérifiable qui ressort du reportage ; M. D déclare lui-même à France 3 que le tarif des couronnes est libre et que celles-ci sont facturées 375 euros au centre de Bondy, seul élément précis fourni par l’intéressé ; dans son article intitulé » l’accès aux soins : le prochain échec du gouvernement ‘ » Mme Y, directrice du centre dentaire du Moulin à Bondy dénonce le prix exhorbitant des soins dentaires et mentionne dès le deuxième paragraphe, le prix de la pose d’une couronne « qui peut atteindre dans certains cabinets libéraux près de 1 200 euros », axé sur la maîtrise des coûts, l’article ne fait référence à aucun autre type d’acte de soin ; le 25 octobre 2017 dans une interview donnée au journal Le Parisien, Mme Y souligne que son travail consiste à réduire le prix des prothèses et autres dispositifs, produits d’entretien et consommables et elle cite d’abord » 450 € la couronne céramo-métallique facturée en moyenne 960 € en cabinet libéral » avant de donner d’autres exemples » 193 € l’appareillage amovible payé environ 600 € en ville. Ou encore 28,92 €, soit le tarif Sécu pour une carie soignée avec du composite, acte souvent facturé deux à trois fois plus. » (Pièces 6-4, 6-5, 5-10, 5-11 b du X).
Le fait de centrer de manière délibérée sa communication publicitaire sur l’activité prothétique constitue donc une faute au regard de la mission des centres de santé définie par l’article L. 6323-1 du code de la santé publique.
3- L’association Addentis soutient devant la cour que ces faits de publicité ne peuvent avoir aucune incidence favorable sur la situation des dentistes salariés dès lors que ceux-ci sont rémunérés par un salaire fixe.
Or, il ressort des très nombreux contrats de travail conclus par l’association Addentis avec des chirurgiens-dentistes et qui sont produits devant la cour que la plupart des praticiens sont rémunérés, au-delà d’un montant fixe, par un salaire variable correspondant à 20 à 40 % de la valeur des actes effectués et saisis dans le logiciel de la maison de santé.
Au surplus, l’intérêt financier commun entre les praticiens salariés et l’association est renforcé par l’organisation mise en place par l’association Addentis qui mise sur la « productivité » et conduit les praticiens à travailler plus vite et pendant des séances plus longues ainsi qu’il ressort des propos tenus par Mme Y, directrice de l’un des centres de santé au journal Le Parisien le 28 novembre 2012 : » un détartrage prend 10 minutes contre 30 à 40 mn en cabinet libéral […] on évite de multiplier les rendez-vous, une consultation dure en moyenne 57 minutes et peut aller jusqu’à 2 heures. » (Pièce 5-9 X).
Au-delà de l’intérêt financier direct des salariés rémunérés partiellement au pourcentage du chiffre d’affaire réalisé, au développement de l’activité de l’association, cette publicité tend à associer directement les salariés à la démarche de productivité de la structure et donc à une activité commerciale ; elle constitue par elle-même une faute par rapport à l’engagement pris auprès des praticiens dans les contrats de travail de prendre en compte les règles déontologiques applicables à ceux-ci et qui excluent quelque référence à la pratique d’un commerce.
L’assimilation ouverte du patient à un consommateur par Mme Y (« Le patient est aussi un consommateur » pièce 5-10 du X) attribue de facto une dimension commerciale à la relation entre le patient et le dentiste, que celui-ci soit salarié ou en exercice libéral, réduisant l’acte de soin à une prestation de service quelconque, ce qui n’est pas conforme aux dispositions régissant les centres de santé.
4- Les éléments de publicité dans la presse écrite et les médias télévisés imputables à l’association Addentis et qui sont versés aux débats mettent par ailleurs en évidence que l’association Addendis, dans la même démarche de vanter l’accès à des soins dentaires de qualité à un moindre coût, a diffusé plusieurs informations inexactes ou trompeuses :
— le 21 septembre 2009, M. D alors président de l’association a déclaré au journal Le Parisien que les dentistes salariés n’étaient pas payés à l’acte ; le 23 janvier 2011, il a déclaré à M6 que les dentistes ont été recrutés à 5 000 euros net par mois ; or, les éléments cités ci-dessus établissent la fausseté de ces messages ;
— le même jour, M. D déclare à un autre média que « le patient n’a rien à avancer s’il a une mutuelle » ; or, au mois d’octobre 2009, le même président déclarait à un autre média que les patients étaient accueillis « sans qu’ils aient rien à régler ni à avancer l’argent pour les patients bénéficiant de la CMU, et selon les accords signés avec leurs mutuelles pour les autres patients » ;
— le site internet de l’association mentionnait le 11 novembre 2012 que les centres Addentis étaient « agréés par l’ARS » alors qu’il est admis qu’ils sont seulement déclarés à l’ARS ; si l’association fait état d’une simple erreur, elle ne justifie pas avoir fait corriger cette erreur ;
— l’association a diffusé et fait usage y compris devant une juridiction d’un document présenté comme une capture d’écran du site internet de l’ordre national des chirurgiens-dentistes sur lequel M. D a reconnu avoir ajouté un commentaire inexact selon lequel le taux de dentistes pour 100 000 habitants dans le département de Seine-Saint-Denis était le plus faible de France métropolitaine ; destiné à justifier l’installation de centres de santé dans ce département, cet ajout qui laisse croire que la mention émane de l’ordre professionnel et qui est postérieur à 2013 soit largement postérieur au litige opposant les parties résulte à tout le mois d’une inattention fautive ;
— l’association a multiplié les messages publicitaires vantant un coût moindre que dans les cabinets libéraux sans aucune distinction alors que le coût des soins pour les bénéficiaires de la CMU est identique où que ceux-ci se fassent soignés ; tel est également le cas sur sa plaquette de présentation (pièce 8).
5- Il ressort également de la démarche de communication menée par l’association Addentis auprès des médias de presse écrite et de télévision que celle-ci a tenu un discours de dénigrement envers les praticiens exerçant à titre libéral.
C’est ainsi que dans un article attribué sans contestation à Mme Y, directrice du centre de santé dentaire de Bondy, celle-ci dénonce les dépassements d’honoraires « scandaleux » de certains chirurgiens-dentistes, une prise en charge « hypocrite » des patients CMU et la nécessité d’appréhender le patient aussi comme un « consommateur », ce qu’elle ne peut assurément pas imposer à ses salariés au regard des règles déontologiques qui s’appliquent à eux (pièce 5-10 du X).
De même, la communication publicitaire comparée adoptée par les organes de l’association s’agissant du prix des couronnes traduit une volonté claire de dénoncer d’une manière générale et sans nuance les tarifs pratiqués par « les » praticiens exerçant à titre libéral et clairement identifiés comme tels : dans une interview au journal Le Parisien lors de l’ouverture du centre de Bondy, M. D indique que les couronnes coûtent de 240 à 375 € » contre 600 à 700 € dans un cabinet libéral « ; le 29 novembre 2012, dans une interview au journal Le Parisien auquel renvoie le site internet de l’association Addentis, Mme Y compare le prix de 450 €de la couronne céramo-métallique à celui de 960 € facturé » en moyenne […] en cabinet libéral « ; Mme Y compare le prix d’une couronne dans « certains cabinets libéraux près de 1 200 euros » au salaire médian en France (pièces 5-3, 5-9).
S’il ne peut être reproché à l’association d’appeler l’attention des pouvoirs publics sur l’objectif de favoriser l’accès aux soins dentaires des populations les plus démunies matériellement, cet objectif ne nécessitait ni ne justifiait une comparaison péjorative à l’encontre d’une fraction des praticiens dentaires identifiée par leur exercice libéral.
6- Il résulte des motifs qui précèdent d’une part, que l’association Addentis ne peut, sans faute, faire via les médias de la presse écrite et de la télévision de la publicité pour son activité de soins qui ne peut être présentée comme une activité commerciale, d’autre part, que toute communication principalement axée sur l’activité prothétique n’est pas conforme à l’objet des centres de santé définis par l’article L. 6323-1 du code de la santé publique et que toute comparaison avec la pratique réelle ou supposée des praticiens exerçant à titre libéral est fautive.
La référence à ces articles de presse et le renvoi à leur contenu, sur les sites internet gérés par l’association Addentis sont donc tout aussi fautifs.
Par ailleurs, il est avéré que sur son site www.addentis.fr :
— l’association a fait porter la mention fausse selon laquelle ses centres sont agréés par l’ARS,
— l’association y a reproduit les slogans précités relatifs à la prise en charge totale des patients et à l’absence totale de dépense de manière trop générale pour être exacte,
— un espace « témoignages » présente des déclarations attribuées à des patients ou à des membres du personnel de l’association ; cette rubrique relève par nature d’un procédé de publicité commerciale qui n’est pas compatible avec le statut et la mission des centres de santé mentionnés ci-dessus et son contenu revêt un caractère largement subjectif tout autant que l’est la sélection des personnes citées.
Ces éléments constituent des manquements aux dispositions applicables aux centres de santé pour les motifs précités.
7- Il est donc retenu qu’en procédant à une publicité vantant, via des médias de la presse écrite (Le Parisien) et de la télévision (M 6, BFM TV) et son site internet, divers aspects d’une démarche commerciale portant en grande partie sur la pratique prothétique qui échappait au périmètre d’activité des centres de santé, l’association Addentis a créé de manière déloyale une distorsion de concurrence entre ses dentistes salariés – directs bénéficiaires pour ceux rémunérés au pourcentage des actes réalisés – et les praticiens exerçant à titre libéral dans le périmètre local qui n’avaient pas et n’ont toujours pas accès à de tels procédés au regard de l’interdiction qui pèse sur eux de toute démarche commerciale et de l’encadrement strict du recours à toute communication par leurs règles déontologiques.
Elle a en outre jeté le discrédit sur l’exercice libéral de la profession de chirurgien-dentiste en fustigeant de manière globale au moyen de comparaisons non circonstanciées mais ciblées, un défaut d’organisation du travail, un temps de travail consacré à chaque patient mal maîtrisé et la pratique de prix prohibitifs, contribuant ainsi à la rivalité catégorielle qu’elle dénonce de concert avec la Fédération nationale des centres de santé.
En conséquence, après substitution des motifs qui précèdent à ceux du premier juge, le jugement dont appel est confirmé en ce qu’il a dit que l’association Addentis a commis des actes de concurrence déloyale à l’égard de la profession de chirurgien-dentiste.
8- Si l’atteinte à l’image de la profession de chirurgien-dentiste ainsi commise justifie dans son principe la demande indemnitaire du X à laquelle il convient de faire droit à hauteur de la somme de 5 000 euros, le SCDSSD et la CNSD ne fournissent aucun élément permettant d’établir qu’un ou plusieurs praticiens installés notamment en Seine-Saint-Denis a pu subir quelque préjudice et notamment une baisse de clientèle imputable aux fautes retenues à l’encontre de l’association Addentis. Leurs demandes indemnitaires sont donc rejetées.
9- En revanche, l’association Addentis est légitime à mentionner sur son site et sur sa plaquette d’information l’ensemble des données objectives relatives à sa mission sociale et à son statut.
C’est ainsi que le X lui reproche à tort d’utiliser des formules telles que « la santé dentaire pour tous », « une mission sociale : l’accès aux soins pour tous », « permettre l’accès aux soins dentaires pour tous » qui correspondent tout à la fois à son objet social et à l’objectif de la création de centres de santé ; de fait, rien ne s’oppose désormais à ce qu’un praticien d’exercice libéral mentionne sur son site internet l’accueil particulier qu’il réserve ou pourrait réserver à une population particulièrement fragile.
De même, le fait de faire référence aux équipements techniques disponibles, aux modalités d’accompagnement social et administratif mises en place dans les centres de santé et de formation du personnel s’y rapportant ne relève que de l’information ; tel est également le cas des références à la compétence des équipes dès lors qu’elle ne dénigre pas, même en creux, les autres acteurs de soins dentaires ou encore aux tarifs pratiqués pour autant qu’elles soient précises et circonstanciées et n’incluent pas de comparaisons péjoratives avec d’autres structures ou pratiques de soins ; l’offre spécifique de soins proposée par les centres de santé justifie au contraire la communication sur ces données de manière, à l’inverse, à lever toute éventuelle réserve sur la qualité professionnelle des praticiens salariés et les équipements de soins mis à leur disposition.
A cet égard, il appartient aux organes publics de contrôle des structures de santé et à eux seuls de s’assurer que dans leurs actions d’information, dans leur fonctionnement ou dans la réalité des prestations qu’ils proposent, les centres de santé – qui perçoivent des fonds de l’assurance-maladie – remplissent l’ensemble des obligations leur incombant en termes notamment de contenu et de précision de l’information. Il n’appartient donc pas au X de se prévaloir des modalités de réception des patients mises en oeuvre par l’association Addentis (avec ou sans rendez-vous), du caractère complet ou non de l’affichage sur site ou des éléments d’information inclus sur le site internet de l’association, tous éléments dont l’incidence sur l’image de la profession de chirurgien-dentiste n’est pas démontrée.
Il s’induit notamment que dans la mesure où les enseignes des trois centres de santé litigieux et où l’affichage sur site sont de nature purement informative, le X est mal fondé à soutenir qu’une faute serait commise au-delà d’une certaine taille de caractères ou d’affiches.
Les motifs qui précèdent déterminent les réponses de la cour aux demandes d’injonction ou d’interdiction formées par le X, la CNSD et le SCDSSD comme indiqué ci-dessous.
Aucune circonstance ne justifie que la publication du jugement soit ordonnée.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
— Rappelle qu’il n’y a lieu de statuer à nouveau sur la recevabilité des actions du Conseil national de l’ordre des chirurgiens dentistes et de la Confédération nationale des syndicats dentaires et sur la recevabilité de l’intervention volontaire de la Fédération nationale des centres de santé et du syndicat des chirurgiens dentistes de Seine-Saint-Denis ;
— Rejette la demande de l’association Addentis tendant à faire déclarer irrecevables les moyens tirés d’actes de publicité trompeuse tels qu’invoqués par le Conseil national de l’ordre des chirurgiens dentistes ;
— Déclare recevable la demande indemnitaire du syndicat des chirurgiens-dentistes de Seine Saint Denis ;
— Confirme le jugement dont appel en ce qu’il a dit que l’association Addentis a commis des actes de concurrence déloyale à l’égard de la profession de chirurgien-dentiste ;
— L’infirme sur le surplus et, statuant à nouveau,
— Enjoint l’association Addentis de supprimer tous messages et actes de publicité mentionnés ci-dessus comme constitutifs d’actes de concurrence déloyale des sites internet sur lesquels apparaît s o n n o m , n o t a m m e n t s u r l e s s i t e s : w w w . a d d e n t i s . f r ; www.aubervilliers-centre-dentaire-des-4-chemins.fr ; www.paris-centre-dentaire-du-moulin.fr ; dit que cette injonction porte notamment sur les onglets et espaces renvoyant aux actes de publicité effectués via les médias de presse écrite et de télévision et aux sites de ces médias, sur la totalité de la page « témoignages » et sur toute mention opérant ou suggérant une comparaison entre les tarifs proposés par l’un des centres de santé gérés par l’association Addentis et les tarifs proposés par d’autres praticiens ;
— Enjoint l’association Addentis de supprimer sur le site internet www.addentis.fr Pages « Centres dentaires » les mentions « les centres ADDENTIS sont agréés par l’Autorité régionale de Santé Ile-de-France (ARS) » et « Prise en charge totale du patient » ;
— E n j o i n t l ‘ a s s o c i a t i o n A d d e n t i s d e s u p p r i m e r s u r l e s i t e i n t e r n e t www.aubervilliers-centre-dentaire-des-4-chemins.fr Page « Accueil », les mentions » Vous recherchez des soins dentaires de qualité à des prix accessibles ‘ Contactez le centre dentaire des
Quatre chemins à Aubervilliers au 01 48 33 95 03 » et « Et pour profiter de soins de qualité et pas chers », sur la page « Le centre » la mention « Les tarifs sont accessibles à tous, notamment aux bénéficiaires de la CMU » ;
— E n j o i n t l ‘ a s s o c i a t i o n A d d e n t i s d e s u p p r i m e r s u r l e s i t e i n t e r n e t www.paris-centre-dentaire-du-moulin.fr Page « Accueil » les mentions « vous recherchez des soins dentaires de qualité à des prix accessibles ‘ Contactez le centre dentaire du Moulin à Bondy au 01 48 49 83 71 » et « Et pour profiter de soins de qualité et pas chers », sur la page « le centre » la mention « Les tarifs sont accessibles à tous, notamment aux bénéficiaires de la CMU » ;
— Enjoint l’association Addentis de supprimer sur sa plaquette de présentation la mention « des tarifs moins chers » ;
— Dit que les injonctions prononcées ci-dessus sont assorties d’une astreinte de 200 euros par manquement constaté et par jour de retard à compter du 30e jour suivant la signification du présent arrêt et que cette astreinte courra pendant une période maximum de six mois ;
— Condamne l’association Addentis à payer au Conseil national de l’ordre des chirurgiens dentistes la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
— Déboute les parties de toutes autres demandes, plus amples ou contraires ;
— Condamne l’association Addentis aux dépens d’appel ;
— Dit n’y avoir à indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente