Laguiole Attitude c/ Forge de Laguiole
Laguiole Attitude c/ Forge de Laguiole
Ce point juridique est utile ?

En présence de propos dénigrants au cours de visites au public, une société peut saisir la juridiction commerciale sur requête pour faire constater ces faits par un huissier et se constituer une preuve.  

La société Bee Design (Laguiole Attitude) a obtenu la confirmation de l’ordonnance sur requête rendue par le président du tribunal de commerce aux fins d’être autorisée, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, à mandater un huissier de justice pour qu’il assiste à une visite guidée des ateliers de la Coutellerie de Laguiole et consigner tous propos outranciers et calomnieux tenus à son encontre et susceptibles de constituer des faits de concurrence déloyale par dénigrement.

La société Bee Design (Laguiole Attitude) ayant eu connaissance par divers témoignages du fait que la Coutellerie Forge de Laguiole, lors de ses visites ouvertes au public, dénigrerait la qualité des produits vendus par sa concurrente, les qualifiant de dangereux et de contrefaçons.

A noter que de nombreuses procédures judiciaires ont déjà opposé les sociétés ayant des activités concurrentes notamment par le biais de structures dont elles dépendent, à savoir notamment pour la Coutellerie de Laguiole, le syndicat des fabricants aveyronnais de couteaux Laguiole, et pour la société Bee Design, le groupe Szainer qui s’est vu refuser le dépôt de la marque ‘ Laguiole ‘, la société La Coutellerie de Laguiole s’efforçant de valoriser et protéger le savoir-faire et la qualité de ses produits artisanaux, en cherchant à imposer aux bénéficiaires de l’indication géographique de la commune un cahier des charges contraignant et en recherchant la responsabilité des auteurs commercialisant des produits non conformes et non issus des ateliers de la commune aveyronnaise.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre civile

ARRET DU 08 AVRIL 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/03407 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OVAZ

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 JUIN 2020

TRIBUNAL DE COMMERCE DE RODEZ N° RG 2020000397

APPELANTE :

SARL LA COUTELLERIE DE Forge de Laguiole prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié

[…]

12210 F

Représentée par Me NEGRE substituant Me H Camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, H CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Me MORVILLIERS, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant

INTIMEE :

Société BEE DESIGN, représentée en la personne de son représentant légal domicilié es-qualité au dit siège social

Représentée par Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Me FABREGAT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant avocat plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 15 Février 2021

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 6 de l’ordonnance n°2020-1400 du 18 novembre 2020, l’affaire a été débattue le 22/02/21 en audience publique, au moins un des conseils des parties s’ étant opposé dans le délai imparti à ce que l’affaire soit jugée sans audience.

Mme X Y a fait le rapport prescrit par l’article 804 du code de procédure civile devant la cour composée de :

Madame Véronique BEBON, Présidente de chambre

Madame Myriam GREGORI, Conseiller

Mme X Y, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier:

lors des débats: Mme Laurence SENDRA

lors de la mise à disposition : Mme Z A

ARRET :

— Contradictoire

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ;

— signé par Madame Véronique BEBON, Présidente de chambre, et par Madame Z A, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE

La SARL La Coutellerie Forge de Laguiole située sur la commune de F (12210) a pour activité la fabrication artisanale des couteaux dits « Laguiole  » qu’elle commercialise dans différents points de vente à Laguiole et sur son site internet.

La SAS Bee Design commercialise quant à elle des couteaux de type Laguiole  de diverses provenances, dont des couteliers français mais également étrangers sur son site internet www. Laguiole-Attitude.com.

De nombreuses procédures judiciaires ont déjà opposé les sociétés ayant des activités concurrentes notamment par le biais de structures dont elles dépendent, à savoir notamment pour la Coutellerie de Laguiole, le syndicat des fabricants aveyronnais de couteaux Laguiole, et pour la société Bee Design, le groupe Szainer qui s’est vu refuser le dépôt de la marque ‘ Laguiole ‘, la société La Coutellerie de Laguiole s’efforçant de valoriser et protéger le savoir-faire et la qualité de ses produits artisanaux, en cherchant à imposer aux bénéficiaires de l’indication géographique de la commune un cahier des charges contraignant et en recherchant la responsabilité des auteurs commercialisant des produits non conformes et non issus des ateliers de la commune aveyronnaise.

Par requête du 11 décembre 2019, la société Bee Design a saisi le président du tribunal de commerce de Rodez aux fins d’être autorisée, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, à mandater un huissier de justice pour qu’il assiste à une visite guidée des ateliers de la Coutellerie de Laguiole et consigne tous propos outranciers et calomnieux tenus à son encontre et susceptibles de constituer des faits de concurrence déloyale par dénigrement, la société Bee Design ayant eu connaissance par divers témoignages du fait que la Coutellerie Forge de Laguiole, lors de ses visites ouvertes au public, dénigrerait la qualité des produits vendus par sa concurrente, les qualifiant de dangereux et de contrefaçons.

Par ordonnance du 18 décembre 2019 le président du tribunal de commerce de Rodez a fait droit à cette requête.

Le 22 janvier 2020, la SARL de Coutellerie de Laguiole a sollicité du juge des référés du tribunal de commerce la rétractation de cette ordonnance.

Par ordonnance en date du 16 juin 2020, le président du tribunal de commerce de Rodez a rejeté cette demande de rétractation et condamné la société Coutellerie de Laguiole à verser la société Bee Design la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La SARL la Coutellerie de Laguiole a relevé appel de cette décision le 11 août 2020.

Dans ses dernières conclusions du 11 novembre 2020, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, La SARL la Coutellerie Forge de Laguiole demande à la Cour de :

— infirmer l’ordonnance de référé du tribunal de commerce de Rodez du 16juin 2020 en ce qu’elle a rejeté la demande en rétractation formée par la Coutellerie Forge de Laguiole contre l’ordonnance du président du tribunal de commerce de Rodez du 18 décembre 2019,

— infirmer l’ordonnance de référé du tribunal de commerce de Rodez du 16 juin 2020 en ce qu’elle a condamné la société La Coutellerie Forge de Laguiole à verser à la société Bee Design la somme de 5.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— infirmer l’ordonnance de référé du tribunal de commerce de Rodez du 16 juin 2020 en ce qu’elle a condamné la société La Coutellerie Forge de Laguiole aux entiers dépens,

Et statuant à nouveau :

— déclarer irrecevable la requête déposée par la société Bee Design le 11 décembre 2019,

— rétracter l’ordonnance du 18 décembre 2019 du président du tribunal de commerce de Rodez nommant Maître B C, huissier de justice à Bellerive sur Allier (03700) ou tout autre huissier qui lui suppléera avec pour mission d’assister dans les conditions décrites dans ladite ordonnance, à la visite des ateliers de La Coutellerie Forge de Laguiole (ateliers),

— prononcer la nullité du constat d’huissier rédigé par Me H~I J K , de la Selarl ABC Droit, huissier de justice à SETE, le 3 janvier 2020,

— condamner la société Bee Design aux entiers dépens ainsi qu’au paiement de la juste somme de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, dont distraction en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Elle maintient sa demande en rétractation de l’ordonnance initiale, au motif que la requête de la société Bee Design était irrecevable, l’autorisation sollicitée exigeant au préalable l’absence de procès au fond pour obtenir une mesure d’investigation sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, et s’appuie sur les nombreuses procédures au fond ayant déjà opposé les parties à propos de l’exercice de pratiques commerciales trompeuses constitutives d’actes de concurrence déloyale, mais surtout sur l’existence d’une procédure qui était encore pendante devant la cour d’appel de Montpellier au moment du dépôt de la requête, s’agissant d’un appel du 19 juillet 2017 formé par la Coutellerie Forge de Laguiole à l’encontre du jugement du tribunal de commerce de Rodez du 2 mai 2017 ayant donné lieu à un arrêt de la cour d’appel de Montpellier en date du 15 mai 2020.

Elle considère que les faits et griefs invoqués par la société Bee Design dans sa requête sont interdépendants avec ceux faisant l’objet de la procédure au fond, une partie de la présentation de la requête reprenant d’ailleurs l’argumentaire développé dans la cour d’appel sur la base des mêmes faits débattus devant cette juridiction.

Elle reproche également à la société Bee Design d’avoir dissimulé au président du tribunal de commerce dans sa requête l’existence de cette procédure au fond et de s’être gardée de lui indiquer qu’elle allait produire le résultat du constat obtenu dans le cadre de cette procédure, ce qu’elle a d’ailleurs fait en produisant le procès-verbal d’huissier établi le 3 janvier 2020 et en développant devant la cour des accusations de dénigrement à l’encontre de la Coutellerie de Laguiole.

Elle conclut donc que le juge des requêtes, au même titre que le juge des référés, ne pouvait ordonner cette mesure d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, alors que le juge du fond était déjà saisi du procès dans l’optique duquel la mesure était sollicitée.

Elle soutient par ailleurs que la demande d’investigation ne serait pas légitime dans la mesure où la société Bee Design n’a pas hésité à faire dans sa requête, une présentation tronquée et fallacieuse de faits de nature à faire suspecter la Coutellerie Forge de Laguiole de concurrence déloyale, alors que la réalité est inverse, la société Bee Design revendant des couteaux estampillés « F » mais fabriqués en Chine, en Inde et au Pakistan qui ne peuvent représenter une maison de coutellerie artisanale, le seul fabricant de couteaux sur la commune de F dont elle se prévaut étant en liquidation judiciaire depuis avril 2016.

Dans ses dernières conclusions du 15 octobre 2020, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la société Bee Design demande à la Cour de :

— déclarer la société La Coutellerie Forge de Laguiole mal fondée en son appel et rejeter l’ensemble de ses demandes;

En conséquence,

— confirmer l’ordonnance de référé du Président du Tribunal de commerce de Rodez du 16 juin2020 en toutes ses dispositions et notamment, en ce qu’elle a rejeté la demande en rétractation formée par La Coutellerie Forge de Laguiole contre l’ordonnance du 18 décembre 2019 et alloué à la société Bee Design la somme de 5.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société La Coutellerie Forge de Laguiole à lui verser la somme de 8.000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— condamner la société La Coutellerie Forge de Laguiole aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Christine Auché-Hedou-SCP Auché-Hedou.

Elle souligne que l’instance au fond pendante devant la cour d’appel de Montpellier initiée par la société la Coutellerie Forge de Laguiole est fondée sur des faits et des griefs différents et ne saurait la priver de son intérêt légitime à solliciter une mesure d’instruction tendant à établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige à venir qu’elle engagerait contre cette société.

Elle indique que depuis de nombreuses années, la commune de Laguiole et certaines entreprises locales comme la coutellerie G E tentent de voir reconnaître la dénomination de ‘ Laguiole’ comme une indication de provenance ou une marque alors que cette dénomination reste un nom générique tiré du nom de la commune et désigne un type de couteaux de poche à la forme particulière.

Elle soutient que la procédure en cours évoquée par l’intimée ne portait pas sur une action en justice de la société Bee Design à l’encontre de la société la Coutellerie Forge de Laguiole, le seul point commun étant l’identité des parties, le litige portant sur le point de savoir si le site Internet de la société Bee Design était de nature à induire en erreur le consommateur sur l’origine et la qualité intrinsèque des produits commercialisés par Bee Design et non sur la question de savoir si la Coutellerie Forge de Laguiole tenait des propos dénigrants et mensongers sur les produits Bee Design .

Elle considère qu’il importe peu, par ailleurs, qu’elle ait utilisé les éléments recueillis aux termes de la mesure d’instruction litigieuse pendant le procès en cours, la cour de cassation ayant à plusieurs reprises affirmé que cette production n’était pas interdite dès lors qu’il s’agissait d’une instance saisie d’un litige différent.

Elle expose qu’elle n’a formé aucune demande sur le fondement de ce procès-verbal de constat dans le cadre de la procédure précitée, qu’elle n’a soulevé aucun moyen de défense fondée sur les constatations de l’huissier et n’a produit ce procès-verbal qu’à titre de simple information, la cour d’appel ayant seulement refusé dans son arrêt du 15 mai 2020 d’écarter des débats le procès-verbal en cause dans l’attente de l’ordonnance du président du tribunal de commerce saisi aux fins de rétractation.

Elle démontre par ailleurs l’existence d’un motif légitime, à savoir établir l’existence d’une situation crédible de dénigrement à son encontre, générateur d’un litige sous-jacent, les circonstances justifiant qu’il ne soit pas procédé à la mesure de manière contradictoire pour éviter un recadrage anticipé par la Coutellerie Forge de Laguiole des propos tenus par ses guides dans le cadre des visites en atelier et susceptibles d’être contrôlés par un huissier de justice.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

Par requête en date du 11 décembre 2019, la société Bee Design a saisi le président du tribunal de commerce de Rodez sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile requête aux fins de voir désigner un huissier de justice avec mission de se rendre dans les locaux de la société La Coutellerie Forge de Laguiole, d’assister à l’intégralité de la visite des ateliers, de filmer, d’enregistrer et photographier discrètement la présentation du guide procédant à la visite, prendre en photographie la pancarte «l’arnaque sur le net » diffusée sur la page d’accueil du site F attitude, et plus généralement de consigner toutes les déclarations faites ou prononcées au cours des opérations en relation avec la mission.

Dans cette requête, la société a omis de préciser qu’une procédure au fond opposait les mêmes parties devant la cour d’appel de Montpellier saisie d’une action en concurrence déloyale intentée par la société la Coutellerie Forge de Laguiole à son encontre ; elle a d’ailleurs produit le procès-verbal d’huissier ainsi obtenu au cours de la dite instance devant la cour d’appel de Montpellier qui a donné lieu à un arrêt du 15 mai 2020.

Toutefois , l’existence d’une instance en cours ne constitue un obstacle à la mesure d’instruction requise que si l’instance au fond est ouverte sur le même litige à la date de la requête.

En l’occurrence, il résulte de l’arrêt du 15 mai 2020 que la cour était saisie par la SAS la Coutellerie Forge de Laguiole et la SARL la Coutellerie Forge de Laguiole d’une instance introduite par ces sociétés à l’encontre de la SARL Bee Design afin d’obtenir sa condamnation sous astreinte à cesser toute pratique commerciale trompeuse sur son site internet ou sur tout autre support et notamment de ne plus utiliser les expressions « boutique officielle Laguiole », « site officiel Laguiole», «produit conforme de qualité », « protège la contrefaçon », « coutellerie artisanale », ainsi qu’à payer aux sociétés demanderesses la somme de 150’000 € à titre de dommages-intérêts pour dépréciation de leur image de marque, et voir ordonner la publication de l’arrêt.

En réponse, la SARL Bee Design demandait à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il avait retenu sa responsabilité dans les pratiques déloyales trompeuses reprochées, et à titre subsidiaire de confirmer le jugement sur les mesures réparatrices prononcées sur la base d’un euro symbolique.

Il ressort de la page 6 de l’arrêt précité résumant les conclusions de la société Bee Design qu’«à titre liminaire» et avant de présenter ses demandes, elle évoquait que le propre site internet exploité par la coutellerie Forge de Laguiole organisait un détournement de clientèle au préjudice de sa production artisanale thiernoise qu’elle disqualifiait et discréditait très ouvertement lors des visites guidées dans ses ateliers et qu’elle a produit dans ce cadre les témoignages et le procès-verbal du 3 janvier 2020.

Les conclusions de la société Bee Design récapitulatives et bordereau de pièces produites intégralement aux présents débats font état dans leurs pages 15 à 18 du contexte conflictuel opposant les parties s’inscrivant dans un cadre large et ancien et qui oppose plus précisément les coutelleries Laguiole à Bee design au moins depuis novembre 2014 sur la dénomination de Laguiole  et sur le point de savoir si cette dénomination constitue une marque, du moins une indication de provenance géographique ou un terme générique lié à une forme très caractéristique du couteau de poche. Elle indiquait dans ce cadre que les coutelleries demanderesses, en leur qualité de fabricants d’origine, n’hésitaient pas d’ailleurs à dénigrer leur concurrent en s’appuyant sur des témoignages et également sur des photographies prises par l’huissier commis par l’ordonnance aujourd’hui critiquée en concluant ces propos par la phrase « que dans ces conditions la coutellerie de Forge de Laguiole n’hésite pas à discréditer la société Bee Design en colportant des informations fausses à son égard et en la présentant comme un site de contrefaçon et que la société Bee Design se réserve le droit d’agir contre ces agissements » et en clôturant son paragraphe par «tel est le contexte dans lequel s’inscrit aujourd’hui la présente affaire» en abordant ensuite le jugement dont appel consacré aux manœuvres de tromperie frauduleuse dénoncées par les sociétés coutelleries Laguiole à son encontre.

Les conclusions récapitulatives émises le 3 février 2020 par les sociétés de Coutellerie de Laguiole appelantes évoquent ce passage dans son paragraphe « observations sur le soi-disant discours commercial trompeur à l’encontre de Bee Design:» en mentionnant qu’« en désespoir de cause en toute fin de procédure, Bee Design tente une manoeuvre désespérée aux termes de laquelle elle et les fabricants Thiernois seraient victimes d’un discours commercial trompeur et dénigrant tant à l’encontre de Bee Design design que des fabricants Thiernois . Elle consacre ainsi de nouveaux développements à ce grief parfaitement étranger au litige» .

L’arrêt du 15 mai 2020 n’évoque d’ailleurs le procès-verbal d’huissier qu’à titre liminaire en refusant d’écarter cette pièce sur la base d’une ordonnance non rétractée au jour des débats et en le retenant qu’ « à titre de simple renseignement » , avant d’aborder ensuite le fond sans jamais reprendre dans sa motivation ce document qui n’était assorti d’aucune prétention en défense ou de demande reconventionnelle de la part de la société Bee Design intimée.

Au regard de l’ensemble de ces éléments tirés des conclusions des parties et de la motivation de l’arrêt, il s’avère que la production de témoignages ou le procès-verbal de constat critiqué n’a été utilisé dans le cadre de la procédure pendante devant la cour d’appel de Montpellier qu’à titre contextuel colorant le conflit procédural qui oppose ces sociétés depuis des années et que la société Bee Design n’a tiré de ces pièces dans cette procédure engagée au fond aucune défense au fond pour minorer le préjudice revendiqué par les sociétés coutelleries Laguiole ou pour assoir une demande reconventionnelle d’action en concurrence déloyale pour dénigrement à l’encontre de ses adversaires de nature à modifier l’objet du litige soumis à la cour.

Quand bien même les deux litiges visés dans l’assignation et les conclusions ayant conduit à l’arrêt du 15 mai 2020 et dans la requête présentent des liens étroits ou connexes, il n’y avait donc pas identité d’objet entre le litige pendant devant la cour d’appel de Montpellier et la mesure d’investigation sollicitée par la société Bee Design au moment du dépôt de sa requête.

Même s’il peut être reproché à la société Bee Design une certaine déloyauté dans la présentation tronquée de sa requête sollicitée pour obtenir la participation d’un huissier aux visites des ateliers de la Coutellerie Laguiole aux fins de répertorier les actes outranciers et outrageants tenus à son encontre, en ce qu’elle ne faisait aucune référence au procès en cours devant la cour d’appel de Montpellier et que la scission de procès multiples est susceptible de relever d’une stratégie procédurale, il n’en demeure pas moins qu’aucune action, demande reconventionnelle ou prétention sur la base d’une concurrence déloyale pour dénigrement fondée sur la responsabilité quasi délictuelle de la société coutellerie Coutellerie Laguiole n’était juridiquement engagée ou en cours devant la juridiction du fond au moment où la requête a été déposée.

La condition d’absence de procès au fond exigée par l’article 145 au titre de la recevabilité de la demande de mesure d’instruction est donc remplie.

Le motif légitime au titre de la seconde condition de la recevabilité de la requête n’est pas contestable, dès lors que la mesure sollicitée pouvait être utile dans le cadre de l’action future au fond projetée par la société Bee Design et qu’elle aurait finalement engagée au mois d’août 2020, l’omission dans la présentation de la requête de certains éléments de contexte n’ayant pas d’incidence sur les conditions requises par l’article 145 du code de procédure civile, et ce d’autant que l’action en rétractation par voie de référé permet de restituer le débat contradictoire dans sa globalité pour permettre au juge d’apprécier la situation et le cas échéant de rétracter l’ordonnance.

Enfin, il n’est pas contesté que les mesures d’instruction peuvent être ordonnées sur requête lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement, comme en l’espèce où la récupération de propos tendancieux dépend exclusivement de l’ignorance de la présence d’un huissier au milieu des visiteurs.

Dans ces conditions, il convient de confirmer l’ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Rodez dans son intégralité.

Le sort des dépens et de l’indemnité de procédure a été justement réglé par le premier juge.

Les dépens d’appel seront laissés à la charge de la société Coutellerie Forge de Laguiole, partie perdante.

L’équité commande de ne pas fixer d’indemnité de procédure supplémentaire au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre de la société appelante en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Rejette toute autre demande,

Condamne la société La Coutellerie Forge de Laguiole aux dépens d’appel, dont distraction au profit de Maître Christine Auché-Hedou-SCP Auché-Hedou, avocat pour ceux dont elle aurait fait l’avance sans avoir reçu de provision dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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