Présomption de titularité des droits

Présomption de titularité des droits

Pour justifier de la qualité d’auteur et, partant, de sa recevabilité à agir au fondement du droit d’auteur, une société peut se prévaloir de la règle prétorienne selon laquelle en l’absence de revendication du ou des auteurs, l’exploitation non équivoque de l’oeuvre par une personne physique ou morale sous son nom fait présumer à l’égard des tiers recherchés pour contrefaçon, que cette personne est titulaire, sur l’oeuvre, qu’elle soit ou non collective, du droit de propriété incorporelle de l’auteur .

La présomption ainsi posée opère à l’égard des tiers recherchés pour contrefaçon et vise à permettre à la personne, physique ou morale, qui, en l’absence de revendication du ou des auteurs, exploite paisiblement l’oeuvre, d’agir en contrefaçon pour la défense de ses intérêts patrimoniaux.

Cette présomption n’exonère cependant pas celui qui entend s’en prévaloir de caractériser l’oeuvre qu’il revendique, de justifier de la date certaine à laquelle il a commencé à en assurer la commercialisation sous son nom et d’établir que les caractéristiques de l’oeuvre telle que revendiquée sont identiques à celles dont il rapporte la preuve de la commercialisation sous son nom.

En l’occurrence, une société a échoué à rapporter la preuve d’une exploitation non équivoque sous son nom de la parka ‘Marla’ telle que revendiquée au soutien de ses demandes de contrefaçon de droits d’auteur. La société n’avait donc pas qualité et n’était donc pas recevable à agir à l’encontre des sociétés intimées en contrefaçon de l’oeuvre invoquée.

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5, Chambre 2

ARRÊT DU 04 JUIN 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 18/23947 – n° Portalis 35L7-V-B7C-B6WX2

Décision déférée à la Cour : jugement du 11 octobre 2018 -Tribunal de grande instance de PARIS, 3e chambre 4e section RG n°17/01966

APPELANTE

Société APP GROUP (CANADA) INC, société de droit canadien, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

[…]

MONTREAL

CANADA

R e p r é s e n t é e p a r M e M a t t h i e u B O C C O N – G I B O D d e l a S E L A R L L E X A V O U E PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque C 2477

Assistée de Me Michaël PIQUET-FRAYSSE plaidant pour la SELARL LEXINGTON AVOCATS et substituant Me Laurent LEVY, avocat au barreau de PARIS, toque B 485

INTIMEES

S.A.R.L. C FRANCE, prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé

[…]

[…]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 403 259 138

S.A.S.U.  X., prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

54, boulevard D

[…]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 572 030 849

Société C ON LINE, société de droit espagnol, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

C/ Mercaders

[…]

08184 Palau-Solita I Plegamans

BARCELONE

ESPAGNE

Société Z A S.L., société de droit espagnol, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

C/ Mercaders

[…]

08184 Palau-Solita I Plegamans

BARCELONE

ESPAGNE

Représentées par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque J 151

Assistées de Me Serge LEDERMAN plaidant pour la SELAS DE GAULLE – FLEURANCE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque K 135

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 1er avril 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme X Y, Présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport

Mme X Y a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme X Y, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme X Y, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 11 octobre 2018 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :

— déclaré les demandes recevables à l’encontre de la société Y. SA,

— débouté la société APP Group de ses demandes fondées sur la contrefaçon de droit d’auteur concernant le manteau Marla,

— débouté la société APP Group de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,

— condamné la société APP Group à payer aux sociétés C la somme globale de 6000 euros, soit 1500 euros à chacune des sociétés en défense, en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire,

— condamné la société APP Group aux entiers dépens.

Vu l’appel de ce jugement interjeté par la société APP Group (Canada) Inc. (de droit canadien), suivant déclaration d’appel remise au greffe de la cour le 12 novembre 2018.

Vu les dernières conclusions de la société APP Group (Canada) Inc., appelante, remises au greffe et notifiées par voie électronique le 19 novembre 2020, demandant à la cour, au fondement des aticles L. 111-1, L.122-4, L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, 1240 du code civil, de :

Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a déclaré recevables les demandes formulées à l’encontre de la société Y. SA et l’infirmer pour le surplus,

Statuant à nouveau,

À titre principal,

— juger que la société APP Group justifie d’une divulgation du manteau Marla sous son nom depuis le 16 février 2011 et démontre l’existence d’une commercialisation continue et non équivoque de ce modèle,

— juger que le manteau Marla est original et, à ce titre, protégeable au titre du Livre I du code de la propriété intellectuelle,

— juger que la création, la distribution et la commercialisation par les sociétés Z A SL, C France,  X. et C on line SA du manteau référencé Yolanda constituent la contrefaçon des droits d’auteur de la société APP Group sur le manteau Marla,

En conséquence,

— condamner la société  X. à verser à la société APP Group une somme de 1.732 euros au titre du préjudice financier subi du fait des actes de contrefaçon,

— condamner les sociétés C France et Z A SL, solidairement, à verser à la société APP Group une somme de 766.312 euros au titre du préjudice financier subi du fait des actes de

contrefaçon,

— condamner les sociétés  X., C France, Z A SL et C on line SA, solidairement, à verser à la société APP Group une somme de 50.000 euros au titre du préjudice moral subi du fait des actes de contrefaçon commis,

À titre subsidiaire,

— juger que les sociétés Z A SL, C France,  X. et C on line SA se sont rendues responsables d’actes de concurrence déloyale et parasitaire à l’encontre de la société APP Group, engageant ainsi leur responsabilité délictuelle sur le fondement des articles 1240 et suivants du code civil,

En conséquence,

— condamner solidairement les sociétés Z A SL, C France,  X. et C on line SA à payer à la société APP Group une somme de 100.000 euros en réparation des actes déloyaux et parasitaires commis à son encontre,

En tout état de cause,

— débouter les sociétés Z A SL, C France,  X. et C on line SA de leurs demandes plus amples et contraires,

— ordonner,aux frai savancés par les sociétés Z A SL, C France,  X. et C on line SA, la publication du dispositif de l’arrêt à intervenir, en caractères gras, noirs sur fond blanc, de 0,5 cm de hauteur, dans un encadré sous le titre

Communiqué judiciaire, lui-même en caractères de 0,7 cm de hauteur en page d’accueil du le site internet www.shop.C.com ainsi que dans cinq (5) journaux ou revues au choix de la société APP Group et à raison de 10.000 euros par insertion, et ce au besoin à titre de dommages et intérêts complémentaires,

— condamner solidairement les sociétés Z A SL, C France,  X. et C on line SA à payer, chacune, à la société APP Group la somme de 5.000 euros, soit 20.000 euros au total, au titre de 700 du code de procédure civile,

— condamner les sociétés Z A SL, C France,  X. et C on line SA aux entiers dépens, qui comprendront notamment les frais de constat d’huissier et d’opérations de saisie,

— débouter les sociétés Z A SL, C France et  X. de leur demande en condamnation au titre des articles 699 et 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 14 décembre 2020 par les sociétés C France (SARL),  X. (SAS), C on Line SA (de droit espagnol) et Z A SL (de droit espagnol), intimées, demandant à la cour, de :

Confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a déclaré recevable les demandes formulées par la société APP Group à l’encontre de la société Y.,

L’infirmer en ce qu’il a déclaré recevable les demandes formulées par la société APP Group à l’encontre de la société Y.,

Statuant à nouveau,

— déclarer irrecevable l’action en contrefaçon et en concurrence déloyale et parasitaire à l’encontre de la société Y. liquidée le 31 décembre 2014, soit deux ans avant les faits de contrefaçon reprochés par la société APP Group,

— déclarer irrecevable l’action en contrefaçon de la société APP Group faute de démontrer la titularité de ses droits sur la parka Marla,

En tout état de cause,

— condamner la société APP Group à verser à chacune des sociétés C France,  X. et Z A SL la somme de 15. 000 euros, soit la somme globale de 45. 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société APP Group aux entiers dépens de la présente instance, dont distraction en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Vu l’ordonnance de clôture du 28 janvier 2021.

SUR CE, LA COUR :

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, au jugement entrepris et aux écritures précédemment visées des parties.

La société canadienne APP Group (Canada) Inc., ci-après APP, fondée en 1991, fabrique et commercialise dans une vingtaine de pays des manteaux et accessoires de mode sous la marque ‘Mackage’ dont elle est titulaire. Elle indique que son savoir-faire et son exigence de qualité dans le choix des matières font de ses manteaux des pièces d’exception présentées dans les grands défilés de mode et prisées des célébrités.

Elle expose avoir créé le 8 décembre 2010, pour la saison Automne / Hiver 2011-2012, un modèle de parka pour femme dénommé ‘Marla’ qu’elle a reconduit les saisons suivantes et commercialisé jusqu’à la saison Automne / Hiver 2016-2017. Elle revendique sur ce modèle, qu’elle qualifie d’emblématique de la marque ‘Mackage’ et dont elle produit un exemplaire original ( sa pièce n°16), la protection au titre du droit d’auteur instituée au Livre I du code de la propriété intellectuelle.

Ayant découvert l’offre en vente dans les magasins à l’enseigne ‘C’ d’une parka pour femme référencée ‘Yolanda’ qui constituerait selon elle la reproduction de la parka ‘Marla’, la société APP a fait établir par huissier de justice, le 20 décembre 2016, un procès-verbal de constat sur le site internet marchand http://shop.C.com , puis, dument autorisée par une ordonnance présidentielle du 6 janvier 2017, a fait procéder à des opérations de saisie-contrefaçon, dans la boutique C au 54, boulevard D à Paris, exploitée par la société  X., dans la boutique C au 82, […] à Paris, exploitée par la société C France, et au siège de la société C France […] à Paris. Ces opérations ont montré que les parkas ‘Yolanda’ de la collection C pour la saison Automne / Hiver 2016 étaient fournies par la société Z A ayant son siège en Espagne.

C’est dans ces circonstances que la société APP a fait assigner, courant février 2017, devant le tribunal de grande instance de Paris, les sociétés  X., C France, C On line, Z A, pour avoir commis à son préjudice des actes de contrefaçon de ses droits d’auteur ainsi que des actes de concurrence déloyale et parasitaire.

Si le tribunal a reconnu la société APP recevable à agir, il l’a déboutée de l’ensemble de ses prétentions, jugées mal fondées.

Chaque partie maintient devant la cour ses demandes telles que soutenues devant le tribunal et le débat en cause d’appel se présente dans les mêmes termes qu’en première instance sauf à observer que la demande de la société APP fondée sur la concurrence déloyale et parasitaire est désormais formée subsidiairement à la demande principale fondée sur la contrefaçon de droits d’auteur.

Sur les demandes dirigées contre la société Y.,

Les intimées poursuivent l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il a rejeté leur demande tendant à voir déclarer irrecevables les demandes dirigées contre la société Y. . Elles maintiennent que les demandes dirigées contre cette société, liquidée depuis le 30 décembre 2014, ne sont pas recevables. Elles ajoutent que si la société Y. a exploité le site de vente en ligne accessible à l’adresse ‘shop.C.com’, tel n’est plus le cas aujourd’hui, l’exploitation de ce site étant assurée depuis septembre 2014 par la société Z A qui est en outre titulaire du nom de domaine.

Or, l’appelante constate pertinemment que le Who Is versé aux débats par les intimées concerne le nom de domaine ‘C.fr’ mais non pas le nom de domaine ‘shop.C.com’ où était proposée à la vente en ligne la parka litigieuse, que l’extrait du registre de commerce de Barcelone indique, concernant la société Y., une ‘date de clôture’ au 30 décembre 2014 mais un dépôt de comptes annuels pour 2015 et une ‘dernière modification pertinente’ le 17 janvier 2017, que les mentions légales du site de vente en ligne ‘shop.C.com’, éditées le 2 février 2018, présentent la société Y. comme la responsable du site, tandis que les conditions générales de vente éditées le 19 décembre 2018, qui indiquent avoir été mises à jour le 17 septembre 2014, précisent qu’elles ‘réglementent la vente des produits présentés sur ce site Web par la société Z A’ ce qui n’implique pas nécessairement que cette dernière société exploiterait le site.

L’appelante relève encore que la société Y., en 2016 et 2017, a été partie à des procédures pendantes devant le tribunal de grande instance de Paris ou devant la cour d’appel de Paris en qualité de responsable du site marchand ‘shop.C.com’, en particulier, une procédure l’opposant à la société Iro, au terme de laquelle elle s’est vue allouer par un arrêt du 30 juin 2017 une indemnité au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’est pas montré, en l’état de ces éléments, que la société Y., ainsi que le prétendent les intimées, serait liquidée depuis septembre 2014 et n’exploiterait plus, depuis cette date, le site internet de vente en ligne des produits ‘C’.

En conséquence et par confirmation du jugement entrepris, les demandes dirigées contre la société Y. sont déclarées recevables.

Sur la qualité à agir de la société APP en contrefaçon,

Pour justifier de la qualité d’auteur et, partant, de sa recevabilité à agir au fondement du droit d’auteur, que lui contestent les intimées, la société APP se prévaut de la règle prétorienne selon laquelle en l’absence de revendication du ou des auteurs, l’exploitation non équivoque de l’oeuvre par une personne physique ou morale sous son nom fait présumer à l’égard des tiers recherchés pour contrefaçon, que cette personne est titulaire, sur l’oeuvre, qu’elle soit ou non collective, du droit de propriété incorporelle de l’auteur .

La présomption ainsi posée opère à l’égard des tiers recherchés pour contrefaçon et vise à permettre à la personne, physique ou morale, qui, en l’absence de revendication du ou des auteurs, exploite paisiblement l’oeuvre, d’agir en contrefaçon pour la défense de ses intérêts patrimoniaux . Cette présomption n’exonère cependant pas celui qui entend s’en prévaloir de caractériser l’oeuvre qu’il revendique, de justifier de la date certaine à laquelle il a commencé à en assurer la commercialisation sous son nom et d’établir que les caractéristiques de l’oeuvre telle que revendiquée sont identiques à celles dont il rapporte la preuve de la commercialisation sous son nom.

La société APP soutient avoir créé le manteau Marla le 8 décembre 2010 ainsi qu’il est montré, selon elle, par les croquis réalisés à cette date par ‘l’équipe créative’ pour sa collection Automne / Hiver 2011 (pièce 102) . Elle indique avoir exposé cette collection à destination du marché européen dans la fiche de présentation ‘Third Delivery’ (pièce 90) et affirme que dès sa commercialisation en 2011, le manteau Marla réunissait les caractéristiques originales du modèle revendiqué dans le cadre de la présente instance (pages 15 et 16 de ses conclusions). Elle annonce verser, pour la première fois en cause d’appel, une photographie du manteau Marla prise à l’occasion du défilé de la collection Mackage Automne / Hiver 2011 présenté lors de la Mercedes Benz Fashion Week et diffusé le 24 septembre 2011 sur son site internet et dont la vidéo est accessible sur You Tube comme en atteste le constat ( pièce 67) dressé par huissier de justice le 12 novembre 2019 sur le site internet d’archivage www.archive.org. Elle ajoute que l’attestation de sa directrice des ventes pour la France (pièce 66) confirme que c’est ce modèle qui a été commercialisé, dès 2011, dans plusieurs pays dont la France.

Les intimées font valoir que la parka Marla a évolué dans le temps et que la société APP échoue à justifier d’une commercialisation dès 2011, ni même ensuite, de la parka Marla telle que revendiquée au soutien de ses prétentions.

Ceci posé, il importe de relever que la société APP décrit le modèle de manteau ou parka pour femme dénommé Marla (pages 41 et 42 de ses conclusions), dont elle produit aux débats un exemplaire original (pièce 16), dans les termes suivants :

– un manteau d’hiver mi-long à l’allure chic et sport à double col superposé formant une collerette mettant en valeur le port de tête et intégrant un plastron court à capuche amovible doublé d’une fourrure ;

– le manteau mi-long de coupe droite et rigide légèrement resserré à la taille à l’aide de deux élastiques afin de lui donner une allure plus cintrée et féminine, se composant à l’avant :

* d’une fermeture éclair remontant jusqu’en haut du col, bordée d’un liseré en cuir et 7 boutons de pression alignés dont 3 apposés sur le col qui sont invisibles lorsque le rabat du manteau est fermé ;

* deux poches plates latérales à rabat de forme ‘enveloppe’ légèrement en biais pour un effet destructuré ;

* deux poches zippées disposées au- dessus des poches à rabat soulignant la ligne des poches ‘enveloppe’ ;

* d’une poche zippée verticale située au niveau de la poitrine gauche, dissimulée par un liseré en finition cuir ;

* des poignets côtelés avec une bande élastique pour donner au manteau un effet sport ;

– le manteau se compose à l’arrière :

* d’une surpiqûre verticale au centre sur toute la longueur, ainsi que deux surpiqûres le long des manches allongeant la silhouette du vêtement et renforçant le caractère rectiligne et moderne du manteau;

* d’une capuche intégrant deux lignes de surpiqûres espacées l’une de l’autre de manière quasi parallèle conférant à ce modèle un aspect structuré, au centre desquelles figure une boucle en métal traversée par un ruban de tissu et surmontée par un écusson avec la marque Mackage;

– le plastron intérieur du manteau entièrement amovible s’attache au manteau par des fermetures invisibles créant l’illusion d’une veste intérieure à l’allure citadine et disposant d’un col montant se superposant au col du manteau doublé d’une fourrure en duvet de canard.

La différence de longueur entre le plastron intérieur et le manteau extérieur permet de créer un jeu de longueur visible lorsque le manteau est ouvert.

Ainsi qu’il a été précédemment exposé, les croquis figurant sur cinq pages d’un document intitulé ‘Mackage Fall / Winter 2011 / 2012« et portant les mentions ‘First Proto Date created 12-08-10 » (pièce 102) justifient, selon l’appelante, de la création du modèle de parka revendiqué à la date certaine du 8 décembre 2010.

Cependant, la cour observe que si l’appelante indique que c’est ce même modèle qui a été commercialisé dans le cadre de la collection Automne / Hiver 2011, elle ajoute que les croquis réalisés en 2010 ont été légèrement modifiés le 12 décembre 2011 (pièce 95) précisant, non sans contradiction avec la description précitée qui revendique la présence d’une poche zippée verticale située au niveau de la poitrine gauche, que cette modification a consisté en ‘la suppression de la poche gauche apposée au niveau de la poitrine’ (page 16 de ses conclusions).

En outre, la cour relève que les croquis invoqués montrent à l’avant de la parka, de part et d’autre de la fermeture centrale, deux poches obliques superposées et aucune poche zippée verticale au niveau de la poitrine gauche et, surtout, que la parka Marla présentée dans le ‘Lookbook’ de la collection Mackage Automne / Hiver 2011 est différente, non seulement de celle illustrée sur ces croquis, mais aussi de celle que revendique la société APP et qui est ci-dessus décrite. En effet, la parka Marla du ‘Lookbook’ est ceintrée et moulante, marquant nettement la taille et épousant les formes du corps, contrairement à celle représentée sur les croquis qui tombe droit et, contrairement encore, à celle ‘de coupe droite et rigide légèrement resserrée à la taille’ que revendique la société APP. De plus, elle ne présente que deux poches, positionnées sur les hanches de part et d’autre de la fermeture centrale de la parka et, ne se retrouvent sur ce modèle, ni les quatre poches obliques que donnent à voir les croquis ni la poche verticale à hauteur de la poitrine gauche qui constitue l’une des caractéristiques de la parka Marla telle que revendiquée. Enfin, ainsi qu’il a été exactement constaté par les premiers juges, aucun plastron intégré à l’intérieur du manteau n’y est visible.

Les extraits, nouvellement produits aux débats, de la vidéo du défilé organisé à New-York, à l’occasion de la Mercedes Benz Fashion Week, de la collection Mackage Automne / Hiver 2011, montrent, de face, une femme mannequin portant une parka ouverte. Il n’y est pas indiqué que le modèle présenté serait dénommé ‘Marla’ et il n’est pas permis d’identifier ce modèle comme correspondant à celui revendiqué par la société APP, seule étant exposée la face avant de la parka et sans qu’il soit possible de distinguer, sur cette face avant, un col en forme de collerette intégrant un plastron court à capuche amovible doublé d’une fourrure, des boutons de pression alignés dont 3 apposés sur le col et dissimulés lorsque le rabat du manteau est fermé, deux poches plates latérales à rabat de forme ‘enveloppe’ légèrement en biais, deux poches zippées disposées au- dessus des poches à rabat soulignant la ligne des poches ‘enveloppe’, une poche zippée verticale disposée au niveau de la poitrine gauche sous un liseré en finition cuir.

A la suite des extraits de vidéo précédemment évoqués, le même document (pièce 67) présente une capture d’écran, indiquant la date du 24 avril 2015, du site internet ‘la -canadienne.com’, proposant à la vente, en langue française, la ‘parka Mackage femme Marla’ au prix de 1.130 euros. Or, la parka dont la face avant est montrée en photographie sur ce site de vente, n’est pas dotée d’un double col superposé formant une collerette et intégrant un plastron court à capuche amovible doublé d’une fourrure, ni de deux poches plates latérales à rabat de forme ‘enveloppe’ légèrement en biais , ni d’une poche zippée verticale située au niveau de la poitrine gauche. Ainsi, elle ne réunit pas les caractéristiques de la parka Marla revendiquée dont elle diffère manifestement.

Au vu des ‘Lookbooks’, édités au Canada, des collections Mackage Automne / Hiver pour les années 2012, 2014, 2015 et 2016 ( pièces 12, 13, 14 et 15), la cour relève, sur celui de 2012, qu’un modèle de parka ‘Marla – B’ y est présenté, sur sa face avant, par un mannequin qui le porte ouvert. Il n’est cependant pas permis de discerner, sur cette unique photographie, le détail des caractéristiques du modèle qui parait être entièrement fourré à l’intérieur et sur lequel aucune poche n’est visible et c’est dès lors à tort que les premiers juges ont crû pouvoir y retrouver les caractéristiques revendiquées dans le présent litige. Un modèle ‘Marla’ figure dans la collection 2014, ouvert sur le devant, doté d’une capuche fourrée et d’un plastron intérieur non fourré, montrant une poche verticale sur le côté gauche de la face avant du manteau. Ces constatations parcellaires ne suffisent pas à établir que ce modèle réunit sinon toutes les caractéristiques, du moins les caractéristiques principales de celui que revendique la société APP. Dans le catalogue 2015 sont exposés, sur la même page, un modèle ‘Marla’ et un modèle ‘Marla-B’ , le premier est muni de deux poches ‘enveloppe’ en biais, une de part et d’autre de la fermeture centrale, au niveau des hanches, ainsi que d’une poche verticale recouverte d’un liseré de cuir à hauteur de la poitrine gauche, le second ne comporte que deux poches ‘enveloppe’ en biais, une de part et d’autre de la fermeture centrale, au niveau des hanches. Ces modèles de parka sont portés fermés et sont présentés sur la face avant. Il n’est pas permis d’affirmer qu’ils comportent un plastron intérieur et rien ne peut être constaté concernant l’arrière de ces modèles qui n’est pas visible. Quant au catalogue 2016 il montre un modèle de parka ‘Marla’ qui semble être le même, à la couleur près, que celui présenté sous la même référence dans la collection précédente. Ce modèle de parka est porté fermé et exposé de face . Il ne peut être dit s’il renferme un plastron et aucune indication n’est fournie concernant la face arrière du modèle.

Certes, une fiche technique à en-tête ‘Mackage Fall / Winter 2012-2013″ , datée du 12 décembre 2011, relative à un modèle ‘Marla-B’, présente des croquis où se retrouvent l’ensemble des caractéristiques de la parka Marla décrite par la société APP. Force est toutefois d’observer que ce document interne n’est pas corroboré par les éléments d’appréciation soumis à la cour, en particulier le ‘Lookbook’ de la collection Mackage 2015 d’où il ressort que la parka ‘Marla-B’, telle qu’elle y est exposée sur la seule face avant, est différente de la parka ‘Marla-B’ qui fait l’objet de la fiche technique précitée.

Il résulte des développements qui précèdent que la société APP échoue à rapporter la preuve d’une exploitation non équivoque sous son nom de la parka ‘Marla’ telle que revendiquée au soutien de ses demandes.

C’est en vain qu’il est produit une attestation, établie en date du 18 novembre 2019, par la directrice des ventes en France de la société APP qui rapporte que le modèle de manteau Marla est commercialisé en France depuis l’année 2011, dès lors que cette attestation lacunaire, qui n’est assortie d’aucun croquis ni d’aucune photographie, ne renseigne pas sur les caractéristiques du modèle de manteau auquel elle fait référence et ne permet pas d’identifier précisément ce modèle.

Les bons de commande et les factures portant sur des modèles ‘Marla’, ‘Marla – F2« , ‘Marla -F3 » ou ‘Marla F-4″ ne permettent pas davantage d’identifier ces modèles et ne sauraient en conséquence justifier d’une commercialisation non équivoque par la société APP, en France ou ailleurs, de la parka Marla telle que revendiquée.

La fiche de présentation ‘Third Delivery’ à destination du marché européen justifiant, selon la société APP, de la commercialisation en France de la collection Mackage Automne / Hiver 2011 présente une parka ‘Marla’ identique à celle, précédemment évoquée, figurant dans le ‘Lookbook’ de cette collection et qui est, ainsi qu’il a été observé, différente de la parka Marla telle que revendiquée.

En définitive, la société APP qui ne satisfait pas aux conditions requises pour prétendre au bénéfice de la présomption de titularité des droits de l’auteur sur la parka Marla n’a pas qualité et n’est pas recevable à agir à l’encontre des sociétés intimées en contrefaçon de l’oeuvre invoquée.

Le jugement entrepris qui a retenu la recevabilité à agir de la société APP en contrefaçon de droits d’auteur est en conséquence infirmé en sa disposition déboutant cette dernière sur ce chef.

Sur la demande subsidiaire en concurrence déloyale et parasitaire,

Dès lors que la société APP n’est pas en mesure de justifier de la commercialisation, à une date certaine, d’un produit précisément identifié, sa demande subsidiaire en concurrence déloyale et parasitaire ne peut davantage prospérer .

Une telle demande est fondée sur la faute délictuelle consistant à attenter à l’exercice paisible de la liberté du commerce et de l’industrie en copiant délibérément un produit qui ne fait pas ou ne fait plus l’objet d’un droit de propriété intellectuelle de manière à créer un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle ou dans le but de profiter indûment du succès rencontré par ce produit.

La présence sur le marché, antérieurement aux faits incriminés, de la parka Marla telle que revendiquée, n’ est pas montrée ainsi qu’il résulte des motifs qui précèdent et il ne peut être, dans ces conditions, imputé à faute aux sociétés intimées de l’avoir ‘reproduite servilement’.

Il est au surplus relevé que des modèles de parka de même genre étaient d’ores et déjà commercialisés et se rencontraient couramment, présentant plusieurs des caractéristiques du produit de la société APP, telles les parkas The Kooples (2012), Bolf (2014), Bérénice (2015).

Aucun acte fautif des sociétés intimées n’étant caractérisé le jugement déféré est en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté la société APP de sa demande au fondement de concurrence déloyale et parasitaire.

Sur les autres demandes,

Le sens de l’arrêt conduit à rejeter l’ensemble des demandes subséquentes de la société APP et à confirmer les dispositions du jugement relatives aux dépens de première instance et à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande de condamner la société APP à payer à chacune des sociétés C France,  X., Z A, une indemnité complémentaire de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles et de la débouter de sa demande formée à ce même titre.

Succombant à l’appel la société APP en supportera les dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement déféré mais seulement en ce qu’il déboute la société APP Group de ses demandes fondées sur la contrefaçon de droits d’auteur sur le manteau Marla,

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Déclare la société APP Group irrecevable à agir au fondement de la contrefaçon de droits d’auteur sur le manteau Marla,

Confirmant pour le surplus et ajoutant,

Condamne la société APP Goup à payer à chacune des sociétés C France,  X., Y. et Z A, une indemnité complémentaire de 3.000 euros, soit une indemnité globale de 9.000 euros au titre des frais irrépétibles, et la déboute de sa demande formée à ce même titre,

Condamne la société APP Group aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente


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