Retour en présentiel après un télétravail : l’accord du salarié obligatoire

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Retour en présentiel après un télétravail : l’accord du salarié obligatoire
Ce point juridique est utile ?

Le retour en présentiel du salarié, après l’accord donné par l’employeur, de pouvoir télétravailler, nécessite bien l’accord du salarié.  

L’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 sur le télétravail, qui reprend l’accord cadre européen du 16 juillet 2002, adopté selon la procédure de l’article 139 du traité sur l’Union européenne, et qui sera transposé par la loi du 22 mars 2012 avec une codification aux articles L 1222-9 à L 1222-11 du code du travail, définit le télétravail comme ‘une forme d’organisation et/ou de réalisation du travail, utilisant les technologies de l’information dans le cadre d’un contrat de travail et dans laquelle un travail, qui aurait également pu être réalisé dans les locaux de l’employeur, est effectué hors de ces locaux de façon régulière’.

Cet accord, qui s’applique à la relation contractuelle, prévoit notamment les conditions de recours à cette organisation et les modalités de réversibilité, étant toutefois précisé, que ce n’est qu’en cas de passage au télétravail en cours d’exécution du contrat que les parties sont autorisées à aménager une période d’adaptation, au cours de laquelle le salarié comme l’employeur pourront chacun décider de ne pas poursuivre la formule, moyennant le seul respect d’un délai de prévenance.

Plus généralement, si cet accord indique que le télétravail, pouvant faire partie des conditions d’embauche du salarié, revêt un caractère volontaire tant pour le salarié que pour l’employeur, il n’en résulte pas que ce dernier pourrait y mettre un terme de manière unilatérale.

Or, en l’état du droit alors applicable, lorsque les parties sont convenues d’une exécution de tout ou partie de la prestation de travail par le salarié à son domicile, l’employeur ne peut modifier cette organisation contractuelle du travail sans l’accord du salarié, et la clause par laquelle les parties ont prévu dès l’embauche cette modalité d’exécution du travail a un caractère substantiel, ce dont il se déduit que l’employeur ne peut y mettre fin en excipant de l’exercice de son pouvoir de direction, pas même en mettant en oeuvre une clause de mobilité.

Ainsi, en l’espèce, en ayant décidé, malgré le refus express de la salariée, de mettre un terme à l’exécution de la prestation de travail au domicile de celle-ci en invoquant la clause contractuelle qui prévoyait une telle possibilité pouvant ‘ être motivée par une baisse de la qualité du travail’, l’employeur a procédé à une modification unilatérale de l’organisation contractuelle du travail de la salariée que l’exercice de son pouvoir de direction ne lui permettait pas d’imposer, ce d’autant qu’il exigeait d’elle qu’elle se rende dans des locaux situés à une grande distance, plus de cent kilomètres, de son domicile, impliquant des temps de trajet importants et un coût de transport, qu’elle aurait dû supporter faute de réponse positive de l’employeur à ses demandes de prise en charge, manifestement disproportionné au regard d’un salaire mensuel net d’environ 600 euros pour un temps partiel de moins de quatre-vingt dix heures par mois.

A titre surabondant, il ne s’évince pas des éléments fournis que la salariée, dont les résultats et statistiques d’avril 2015 la plaçaient à la première place de l’équipe, et dont le travail était jugé ‘très bon’ par l’employeur au sein d’un mail en date du 4 mai 2015, aurait fourni par la suite un travail de moindre qualité, ni plus généralement que celle-ci n’aurait pas correctement et en temps voulu accompli tout ou partie des tâches qui lui étaient confiées par son employeur, lequel avait l’obligation de mettre en place un dispositif de contrôle efficace.

Par suite, dès lors que la salariée se tenait à la disposition de son employeur pour exécuter un travail à lui fournir à son domicile tel que prévu par le contrat de travail, ce dernier ne pouvait la licencier en raison de son absence dans les bureaux de la société qui ne résultait que de son refus légitime d’une modification contractuelle qui ne pouvait lui être imposée (licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse).

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT DU 11 JUIN 2021

N° 2021/ 289

Rôle N° RG 17/22951 – N° Portalis DBVB-V-B7B-BBWEZ

SARL EUROPEENNE DE COMMUNICATION PUBLICITAIRE

C/

Y X

Copie exécutoire délivrée

le : 11/06/2021

à :

Me Clément AUDRAN, avocat au barreau de TOULON

Me Pierre OBER, avocat au barreau de TOULON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULON en date du 28 Novembre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° F16/00166.

APPELANTE

SARL EUROPEENNE DE COMMUNICATION PUBLICITAIRE, demeurant […]

représentée par Me Clément AUDRAN, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

Madame Y X, demeurant 85 impasse des près – 83140 SIX-FOURS LES PLAGES

représentée par Me Pierre OBER, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été appelée le 13 Avril 2021 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Thierry CABALE, conseiller, a fait un rapport de l’affaire.

La Cour était composée de :

Madame Christine LORENZINI, Présidente de Chambre

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller

Mme Solange LEBAILE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Juin 2021.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Juin 2021,

Signé par Madame Christine LORENZINI, Présidente de Chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 6 septembre 2011, Madame Y X a été embauchée par la société Coprim Plan devenue Sarl Européenne de Communication Publicitaire, en tant que télé-prospectrice à temps partiel, à compter du 07 septembre 2011. La relation contractuelle était régie par la convention nationale collective de la publicité. La salariée a été licenciée pour cause réelle et sérieuse au motif d’absences injustifiées, par lettre recommandée avec avis de réception en date du 02 novembre 2015.

Le 22 février 2016, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Toulon qui par jugement en date du 28 novembre 2017 :

— a condamné la ‘Sarl Européenne de Communication Publicitaire- Ecp Cprim Plan’ à lui verser les sommes suivantes:

1805 euros brut : salaire du 1er septembre 2015 au 05 novembre 2015,

964 euros brut: rappel de salaire du 07 septembre 2011 au 31 août 2015,

118 euros brut: prime d’ancienneté ‘ du Septembre 2014 à janvier 2016″,

461 euros bruts: indemnité de congés payés du 07 septembre 2011 au 19 janvier 2016,

1721 euros bruts: indemnité de préavis du 6 novembre 2015 au 19 janvier 2016,

55 euros: ‘indemnité conventionnelle de licenciement (écart)’,

964 euros: indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

150 euros: article 700 du code de procédure civile,

— l’a déboutée du reste de ses demandes,

— a débouté la ‘Sarl Européenne de Communication Publicitaire-Ecp Coprim Plan’ de sa demande reconventionnelle,

— a laissé les dépens à la charge ‘du défendeur’.

Respectivement le 22 décembre 2017 et le 03 janvier 2018, dans le délai légal, la Sarl ‘Européenne de Communication Publicitaire’ puis Madame X ont relevé appel de ce jugement qui leur a été notifié les 13 et 12 décembre 2018, les deux instances étant jointes.

Par dernières conclusions du 11 mai 2018, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, la Sarl ‘Européenne de Communication Publicitaire’ demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

— dire et juger que le licenciement dont a fait l’objet Madame Y X repose sur une cause réelle et sérieuse,

— lui donner acte de ce qu’elle se reconnaît ‘débiteur’ des sommes suivantes, et en tant que de besoin l’y condamner :

756 euros bruts à titre de rappel de salaire sur les trois dernières années,

118 euros au titre de la prime d’ancienneté,

316,53 euros bruts au titre de l’indemnité de congés payés,

55 euros à titre de complément sur indemnité conventionnelle de licenciement,

— débouter Madame Y X de ses demandes plus amples ou contraires,

— condamner Madame Y X à lui payer la somme de 1200 euros en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner Madame X aux entiers dépens.

Elle fait valoir que les absences injustifiées qui fondent le licenciement pour cause réelle et sérieuse et non pour faute sont consécutives au fait que la salariée a refusé de venir exercer ses fonctions au siège de l’entreprise alors que par lettre recommandée avec avis de réception du 1er juillet 2015, il lui avait été demandé de s’y rendre à compter du 1er septembre 2015 en application de l’article 7 de son contrat de travail; son refus express manifesté par courrier du 25 août 2015 a donné lieu à un courrier recommandé deux jours plus tard lui rappelant, en vain, sa décision qu’elle expliquait par un rapatriement contraint de l’activité de ‘phoning’ au siège afin de revoir l’organisation, à raison de résultats insuffisants, mettant en péril son activité; une mise en demeure a suivi sans plus de succès; la salariée ne peut valablement justifier son absence ni par une prétendue modification unilatérale de son contrat de travail dès lors que l’article 7 est très explicite sur le lieu d’exécution de la prestation de travail, à domicile ou au siège social, sans avoir à motiver sa décision, ni par une exécution du contrat exempte de bonne foi que rien ne démontre, ni par l’application de l’article 3 de l’accord interprofessionnel invoqué dont les dispositions en matière de réversibilité ne concernent que le télétravail ne faisant pas partie des conditions d’embauche; aucun salaire n’est dû pour la période de septembre 2015 au 5 novembre 2015 puisque la salariée ne s’est pas présentée sur le lieu de travail; les frais professionnels dont le remboursement est réclamé ne sont pas justifiés pour partie matériellement et dans leur globalité quant à leur destination professionnelle; les primes, congés payés et autre rappel de salaire ne sont pas contestés dans les limites du donné acte et en considération de la prescription triennale de l’article L 3245-1 du code du travail.

Par dernières conclusions du 14 mars 2018, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, la salariée demande à la cour de :

— constater, dire et juger qu’aux termes du contrat de travail du 7 septembre 2011 les parties sont convenues d’une exécution de la prestation de travail au domicile du salarié,

— constater, dire et juger que la modification du lieu de travail non seulement ne se justifiait pas au regard de l’article 7 du contrat de travail, faute pour l’employeur de démontrer une baisse de la qualité du travail mais, surtout, nécessitait l’accord de la salariée,

— dire et juger le licenciement intervenu en date du 2 novembre 2015 dénué de cause réelle et sérieuse,

et en conséquence,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré le licenciement intervenu sans cause réelle et sérieuse,

— le confirmer en ce qu’il a condamné la ‘SARL ECP’ au paiement des sommes suivantes :

1805 euros bruts au titre des salaires du 1er septembre 2015 au 5 novembre 2015,

964 euros bruts au titre de rappel de salaire du 7 septembre 201 1 au 31 août 2015,

118 euros bruts au titre de la prime d’ancienneté de septembre 2014 à janvier 2016,

461 euros bruts au titre de l’indemnité de congés payés du 7 septembre 2011 au 19 janvier 2016,

172l euros bruts au titre de l’indemnité de préavis du 6 novembre 2015 au 19 janvier 2016,

55 euros bruts au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement (écart),

— le réformer en ce qu’il a condamné la ‘SARL ECP’ a lui régler la somme de 964 euros au titre de l’indemnité en l’absence de cause réelle et sérieuse de licenciement,

— le réformer en ce qu’il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la ‘SARL ECP’ a lui payer les frais professionnels qu’elle a engagés,

— la recevoir en ses demandes,

y faisant droit,

— condamner la ‘SARL ECP’ a lui payer en plus les sommes suivantes :

10 056 euros bruts à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1345 euros au titre du remboursement des frais professionnels,

— débouter la ‘SARL ECP’ de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

— condamner la ‘SARL ECP’ a lui payer la somme de 2500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la même aux entiers dépens.

Elle fait valoir que : les parties se sont entendues sur le principe d’un télétravail depuis son domicile au regard de son éloignement géographique du siège social de la société dont il était séparé de 150 kms et de son niveau de rémunération qui excluait la prise en charge de frais de transport; la réversibilité envisagée par l’article 3 de l’accord national interprofessionnel du 19 juin 2005 n’est dès lors pas applicable et nonobstant le contenu de l’article 7 du contrat de travail, l’employeur ne pouvait modifier le lieu d’exécution de la prestation de travail sans son accord, ce d’autant que ses horaires devaient changer; le motif invoqué pour y procéder est injustifié dès lors que l’employeur disposait de moyens de contrôle à distance de l’activité des téléprospectrices; le seul motif de cette décision unilatérale est une volonté de réorganiser l’équipe commerciale sans invoquer une baisse de la qualité de son travail, condition prévue par le contrat de travail; l’employeur est de mauvaise foi, ayant souhaité se séparer d’elle en lui imposant une modification qui aurait entraîné la prise en charge de frais supérieurs à sa rémunération; il s’ensuit l’obligation pour l’employeur de lui verser les rappels de salaire du 1er septembre au 5 novembre 2015 devant s’ajouter à un rappel de salaire de 964 euros bruts sur les trois dernières années, une prime d’ancienneté de 118 euros bruts, une indemnité de congés payés de 466 euros bruts, une indemnité pour un préavis de deux mois, une indemnité conventionnelle de licenciement de 55 euros bruts et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l’article L 1235-3 du code du travail égale à 12 mois de salaire au regard de son âge (soixante et un ans) et de ses chances ainsi réduites de retrouver un emploi; les dépenses de téléphone, consommables et maintenance, dont le remboursement est demandé ont été engagés pour les besoins de l’activité de télétravail et l’employeur est tenu de prendre en charge tous les coûts relatifs à l’exercice du télétravail, notamment des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils, outre de la maintenance, en application de l’article L 1222-10 du code du travail .

Par courrier en date du 09 décembre 2020, le président de la chambre a fait application des dispositions de l’article 6 de l’ordonnance n°2020-1400 du 18 novembre 2020. L’avocat de la Sarl Européenne de Communication Publicitaire s’y est opposé par lettre en date du 14 décembre 2020.

La clôture de l’instruction est intervenue le 08 janvier 2021.

MOTIFS:

Sur le licenciement:

Il s’évince des dispositions de l’article L.1232-6 du code du travail que la lettre de licenciement doit énoncer le ou les motifs du licenciement de manière suffisamment précise pour permettre au juge d’en apprécier le caractère réel et sérieux ; cette lettre fixe les limites du litige, ce qui interdit à l’employeur d’invoquer de nouveaux griefs comme au juge d’examiner d’autres griefs non évoqués dans la lettre.

Selon l’article L 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement datée du 2 novembre 2015, qui fixe les limites du litige, intitulée ‘notification de licenciement’, est ainsi motivée :

‘ Nous vous avons convoqué à un 1er entretien préalable au licenciement le 15/10, puis à un 2e le 27/10, vous laissant ainsi la possibilité de vous exprimer et nous présenter des raisons valable de votre absence; malheureusement vous ne vous êtes présentée à aucun entretien.

Nous tenons à vous préciser que nous avons essayé de trouver une solution pour éviter cette décision, mais votre absence prolongée depuis le 01/09/2015 perturbe énormément le bon fonctionnement du service commercial en ces temps de crise.

Nous regrettons de vous faire savoir que nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour cause réelle et sérieuse, pour le motif suivant:

– Absences injustifiées depuis le 01/09/2015

Vous bénéficiez d’un préavis de 2 mois qui débutera à première présentation de cette lettre…’

En énonçant de tels motifs, suffisamment précis, objectifs et matériellement vérifiables, l’employeur respecte l’exigence de motivation de la lettre de licenciement.

Il résulte du contrat de travail en date du 6 septembre 2011 et de son avenant en date du 6 novembre 2012 qui a fait passer le temps de travail de seize à vingt heures par semaine, que la modalité d’exécution du travail de télé-prospectrice en télétravail a été prévue par les parties dès l’embauche sans que celles-ci n’aient entendu la limiter dans le temps, tel qu’énoncé à l’article 7 du contrat initial comme suit ( dispositions reprises dans l’avenant) :

‘ Vous exercerez vos fonctions:

– à votre domicile, les horaires sont déterminés en accord avec la direction;

Ou

– à la demande de la direction dans les bureaux de la société – cette demande peut être motivée par une baisse de la qualité du travail, elle peut-être temporaire ou définitive à l’appréciation de la direction et selon les résultats – du mardi au vendredi de 9h00 à 13h00 à l’adresse suivante: COPRIM PLAN – 1890 CHEMIN DE ST BERNARD – PORTE 10 – […].’

Par lettre en date du 1er juillet 2015, l’employeur a indiqué à la salariée ce qui suit :

‘ Dans le cadre de la réorganisation de l’équipe commerciale et afin d’assurer un meilleur suivi des résultats et de l’équipe, nous avons décidé que l’équipe devra effectuée ses heures de travail dans les locaux de la société conformément à l’Article 7 – HORAIRES DE TRAVAIL de votre contrat.

Cette application sera effective à compter du 1er septembre 2015.

Vous exercerez vos heures de travail dans nos locaux à l’adresse habituelle:

– ECP-1890 Chemin St Bernard-Porte 10-06220 Vallauris

– Du mardi au Vendredi de 8h30 à 13h30.’

Par lettre recommandée avec avis de réception datées des 4 et 7 septembre 2015, l’employeur a mis en demeure la salariée de justifier de son absence ou de ‘ réintégrer’ son poste de travail qu’il situait désormais à l’adresse précitée dans la commune de Vallauris, quand la salariée, domiciliée à Six Fours Les Plages, qui avait successivement évoqué par courriers ou mails des temps de trajet de six heures aller-retour et un coût de transport consécutif de 85 euros qu’elle n’était pas en mesure de supporter en raison d’un salaire mensuel d’environ 580 euros, réitérait son refus de se rendre dans les bureaux de la société dans le cadre d’une décision qu’elle avait estimé être unilatérale et constituer une modification de l’organisation contractuelle de son travail réalisé depuis près de quatre ans depuis son domicile, tout en indiquant à l’employeur se tenir à sa disposition pour réaliser un travail qui ne lui était plus fourni depuis le 1er septembre 2015 et qu’elle indiquait être en mesure d’exécuter à son domicile.

C’est ainsi qu’un mois plus tard l’employeur l’a convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement avant de la licencier au seul motif d’une absence non justifiée depuis le 1er septembre 2015.

L’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 sur le télétravail, qui reprend l’accord cadre européen du 16 juillet 2002, adopté selon la procédure de l’article 139 du traité sur l’Union européenne, et qui sera transposé par la loi du 22 mars 2012 avec une codification aux articles L 1222-9 à L 1222-11 du code du travail, définit le télétravail comme ‘une forme d’organisation et/ou de réalisation du travail, utilisant les technologies de l’information dans le cadre d’un contrat de travail et dans laquelle un travail, qui aurait également pu être réalisé dans les locaux de l’employeur, est effectué hors de ces locaux de façon régulière’. Cet accord, qui s’applique à la relation contractuelle, prévoit notamment les conditions de recours à cette organisation et les modalités de réversibilité, étant toutefois précisé, ce que l’employeur souligne à juste titre, que ce n’est qu’en cas de passage au télétravail en cours d’exécution du contrat que les parties sont autorisées à aménager une période d’adaptation, au cours de laquelle le salarié comme l’employeur pourront chacun décider de ne pas poursuivre la formule, moyennant le seul respect d’un délai de prévenance.

Plus généralement, si cet accord indique que le télétravail, pouvant faire partie des conditions d’embauche du salarié, revêt un caractère volontaire tant pour le salarié que pour l’employeur, il n’en résulte pas que ce dernier pourrait y mettre un terme de manière unilatérale.

Or, en l’état du droit alors applicable, lorsque les parties sont convenues d’une exécution de tout ou partie de la prestation de travail par le salarié à son domicile, l’employeur ne peut modifier cette organisation contractuelle du travail sans l’accord du salarié, et la clause par laquelle les parties ont prévu dès l’embauche cette modalité d’exécution du travail a un caractère substantiel, ce dont il se déduit que l’employeur ne peut y mettre fin en excipant de l’exercice de son pouvoir de direction, pas même en mettant en oeuvre une clause de mobilité.

Ainsi, en l’espèce, en ayant décidé, malgré le refus express de la salariée, de mettre un terme à l’exécution de la prestation de travail au domicile de celle-ci en invoquant la clause contractuelle qui prévoyait une telle possibilité pouvant ‘ être motivée par une baisse de la qualité du travail’, l’employeur a procédé à une modification unilatérale de l’organisation contractuelle du travail de la salariée que l’exercice de son pouvoir de direction ne lui permettait pas d’imposer, ce d’autant qu’il exigeait d’elle qu’elle se rende dans des locaux situés à une grande distance, plus de cent kilomètres, de son domicile, impliquant des temps de trajet importants et un coût de transport, qu’elle aurait dû supporter faute de réponse positive de l’employeur à ses demandes de prise en charge, manifestement disproportionné au regard d’un salaire mensuel net d’environ 600 euros pour un temps partiel de moins de quatre-vingt dix heures par mois.

A titre surabondant, il ne s’évince pas des éléments fournis que la salariée, dont les résultats et statistiques d’avril 2015 la plaçaient à la première place de l’équipe, et dont le travail était jugé ‘très bon’ par l’employeur au sein d’un mail en date du 4 mai 2015, aurait fourni par la suite un travail de moindre qualité, ni plus généralement que celle-ci n’aurait pas correctement et en temps voulu accompli tout ou partie des tâches qui lui étaient confiées par son employeur, lequel avait l’obligation de mettre en place un dispositif de contrôle efficace.

Par suite, dès lors que la salariée se tenait à la disposition de son employeur pour exécuter un travail à lui fournir à son domicile tel que prévu par le contrat de travail, ce dernier ne pouvait la licencier en raison de son absence dans les bureaux de la société qui ne résultait que de son refus légitime d’une modification contractuelle qui ne pouvait lui être imposée.

Il y aura donc lieu de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les rappels de salaires et primes:

— Le jugement entrepris ne contient aucune motivation s’agissant de la demande en paiement d’un rappel de salaire à laquelle il a fait droit à hauteur de 964 euros bruts pour la période du 7 septembre 2011 au 31 août 2015.

Quant à la salariée, les seuls développements qui y sont consacrés au sein de ses conclusions sont les suivants: ‘ Concernant l’arriéré de salaire sur les trois dernières années l’employeur sera condamné à lui verser 964,00 Euros bruts. (Pièces n°21 et 22)’. Pour sa part, l’employeur soulève la prescription de l’article L 3245-1 du code du travail et il propose de verser la somme de 756 euros bruts sur les trois années ayant précédé la rupture du contrat de travail.

Il résulte des éléments d’appréciation qu’en tenant compte de la prescription précitée, le rappel de salaire ne peut excéder le montant dont l’employeur se reconnaît redevable.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point et l’employeur sera condamné au paiement de la somme de 756 euros bruts à titre de rappel de salaire correspondant aux trois années ayant précédé la rupture du contrat de travail.

— Concernant la demande de rappel de salaire pour la période du 1er septembre au 05 novembre 2015, au vu des éléments d’appréciation, c’est la somme de 1805 euros bruts qui est due à la salariée qui n’en a été privée qu’en raison de l’attitude de l’employeur qui l’a considérée, à tort, en absence injustifiée, quand pourtant elle se tenait à sa disposition afin qu’il lui fournisse un travail à son domicile conformément au contrat de travail.

— Le jugement sera également confirmé en ce qu’il alloue à la salariée une somme de 118 euros bruts au titre d’un rappel de prime d’ancienneté que l’employeur reconnaît lui devoir pour la période du mois de septembre 2014 au mois de janvier 2016, étant observé que les parties fixent au 19 janvier 2016 la fin du préavis.

Sur l’indemnité de congés payés:

Pour allouer à la salariée une somme de 461 euros bruts au titre d’une indemnité de congés payés du 7 septembre 2011 au 31 août 2015, le premier juge a retenu que celle-ci n’avait pas perçu la totalité de ses indemnités de congés payés et était en droit de réclamer le paiement de ses congés payés dus par l’employeur lorsque ceux-ci n’ont pas été pris, ni rémunérés, et que par conséquent elle devait percevoir la somme de 461 euros bruts.

Dans ses conclusions, la salariée demande la confirmation du jugement entrepris en indiquant: ‘L’employeur sera condamné à lui verser la somme de 466,00 Euros bruts’. Pour sa part, l’employeur soulève la prescription de l’article L 3245-1 du code du travail et il propose de verser la somme de 316,53 euros bruts sur les trois années ayant précédé la rupture du contrat de travail.

Il résulte des éléments d’appréciation qu’en tenant compte de la prescription précitée, le rappel de salaire ne peut excéder le montant dont l’employeur se reconnaît redevable.

Le jugement sera donc infirmé et il y aura lieu d’allouer à la salariée la somme de 316,53 euros bruts de ce chef.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse:

En vertu des dispositions alors en vigueur de l’article L 1235-3 du code du travail, en considérant un salaire moyen mensuel de 838 euros bruts, outre l’âge au moment du licenciement (cinquante huit ans), l’ancienneté dans l’entreprise et la capacité de la salariée à retrouver un emploi tel que celle-ci résulte des éléments fournis, la somme de 6704 euros nets sera allouée à cette dernière à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le complément d’indemnité conventionnelle de licenciement:

Le jugement sera confirmé en ce qu’il alloue à la salariée une somme de 55 euros qui s’entend nécessairement en net et qui correspond à un solde d’indemnité conventionnelle de licenciement que l’employeur reconnaît lui devoir.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis:

De manière contradictoire, le premier juge affirme dans un premier temps que la salariée a été dispensée d’exécuter son préavis du fait de l’employeur, ce qui ne résulte d’aucun élément d’appréciation, les bulletins de paie mentionnant un préavis ‘ non effectué non payé’, pour, dans un second temps, indiquer que la salariée s’est tenue à la disposition de son employeur et n’a jamais refusé d’exécuter son préavis, ce qui justifierait l’allocation d’une somme de 1721 euros bruts sans précision ni détail sur le montant ainsi alloué.

Dans ses conclusions, la salariée indique uniquement s’agissant de cette indemnité : ‘Fixée à 2 mois l’employeur sera condamné à lui verser la somme de 1721,00 Euros bruts’, mais demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il lui a alloué une somme de 1721 euros bruts au titre de l’indemnité de préavis du 06 novembre 2015 au 19 janvier 2016, durée excédant deux mois que l’employeur a effectivement retenue et qu’il a inscrite sur les bulletins de paie.

En application des articles L 1234-1 et L 1234-5 du code du travail et sachant qu’il résulte des éléments d’appréciation que l’employeur a fixé la durée du préavis du 06 novembre 2015 au 19 janvier 2016 et ne l’a pas payé au motif d’une absence qu’il considérait, à tort, injustifiée, le jugement doit, par ces motifs, être confirmé en ce qu’il alloue à la salariée une somme de 1721 euros bruts à titre d’indemnité de préavis, montant au moins égal au salaire que la salariée aurait dû percevoir au cours de cette même période.

Sur le remboursement des frais relatifs au télétravail:

Le contrat de travail ne contient aucune stipulation relative aux frais engagés par la salariée pour les besoins de son activité professionnelle.

En revanche, il prévoit que cette dernière doit remettre à la société le relevé téléphonique du mois afin de contrôler la durée du travail et l’utilisation par la salariée de ses propres outils de travail n’est pas efficacement combattue par l’employeur qui, en l’absence de tout élément corroborant ses dires, indique que les frais n’étaient pas contractuellement pris en charge notamment en raison du fait que la salariée avait la possibilité d’ouvrir une ligne téléphonique internet personnelle et de passer gratuitement ses appels depuis cette ligne, celle-ci étant par ailleurs tenue contractuellement de lui transmettre des relevés téléphoniques.

La salariée produit aux débats divers justificatifs relatifs à la période située entre septembre 2011 et juin 2015, soit des factures de l’opérateur Orange relatives à un ‘forfait mobile’ , des factures d’achat de matériel téléphonique et informatique, de maintenance informatique outre de consommables, essentiellement des cartouches d’encre, que l’employeur est tenu de prendre en charge en ce qu’ils constituent des coûts directement engendrés par le télétravail selon les dispositions de l’accord précité du 19 juillet 2005.

Il y a donc lieu d’allouer à la salariée, qui évalue à juste raison et sans être valablement contredite, la part de la dépense totale dédiée à son activité professionnelle à hauteur de 50 %, une somme de 1323,83 euros nets au vu des justificatifs fournis, le jugement étant infirmé de ce chef.

Sur les frais irrépétibles:

En équité, il n’y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile qu’au bénéfice de la salariée à laquelle sera allouée la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

Sur les dépens:

L’employeur, partie succombante, sera condamné aux entiers dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS:

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud’homale, par mise à disposition au greffe:

Infirme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension et y ajoutant,.

Dit que le licenciement de Madame Y X est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamne la ‘ SARL ECP’ à payer à Madame Y X les sommes suivantes:

—  756 euros bruts à titre de rappel de salaire correspondant aux trois années ayant précédé la rupture du contrat de travail

—  1805 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 1er septembre 2015 au 05 novembre 2015,

—  118 euros bruts au titre d’un rappel de prime d’ancienneté pour la période de septembre 2014 à janvier 2016,

—  316,53 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,

—  6704 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  55 euros nets à titre de solde d’indemnité conventionnelle de licenciement,

—  1721 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

—  1323,83 euros nets au titre des frais,

—  1500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties pour le surplus.

Condamne la ‘ SARL ECP’ aux entiers dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


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