Licenciement économique dans le secteur audiovisuel
Licenciement économique dans le secteur audiovisuel

Y compris en matière audiovisuelle, la cause économique d’un licenciement s’apprécie au niveau de l’entreprise ou, si celle-ci fait partie d’un groupe, au niveau du secteur d’activité du groupe dans lequel elle intervient.


En l’occurrence, la société CFI avait une mission principale d’expertise médias à l’international, celle de fourniture de contenus audiovisuels n’étant que secondaire, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait que, l’employeur ne relevant pas du même secteur d’activité que le groupe France télévisions, la cause économique du licenciement devait être appréciée au seul niveau de l’entreprise.

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Cour de cassation
Chambre sociale
27 mai 2021

RG n° 19-22.523

Audience publique du 27 mai 2021 Cassation Mme LEPRIEUR, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt no 620 F-D Pourvoi no Z 19-22.523

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 MAI 2021

La société Transtélé Canal France international, société anonyme, dont le siège est […], 92130 Issy-les-Moulineaux, a formé le pourvoi no Z 19-22.523 contre l’arrêt rendu le 27 juin 2019 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l’opposant :

1o/ à Mme A X, domiciliée […], […],

2o/ à Pôle emploi Ile-de-France, dont le siège est […], […],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations de la SCP Gatineau Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Transtélé Canal France international, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme X, et l’avis de Mme Y, après débats en l’audience publique du 30 mars 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, M. Maron, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

  1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 27 juin 2019), Mme Z, engagée le 1er juillet 2001 par la société Transtélé Canal France international (CFI), occupait en dernier lieu les fonctions de chargée de relations partenaires. Elle a été licenciée pour motif économique le 20 juillet 2015, en raison de la suppression de son poste, liée à l’arrêt du service de distribution de programmes dans lequel elle intervenait et résultant de la réduction des subventions accordées par le ministère des affaires étrangères sous la tutelle duquel la société était placée.
  2. Elle a saisi la juridiction prud’homale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

  1. L’employeur fait grief à l’arrêt de juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, de le condamner à payer une indemnité à ce titre, des frais irrépétibles et les dépens, et d’ordonner le remboursement à Pôle-emploi des indemnités de chômage dans la limite de quatre mois, alors « que l’appartenance d’une entreprise à un secteur d’activité déterminé s’apprécie au regard de son activité principale ; qu’en l’espèce, la société CFI faisait valoir, preuves à l’appui, qu’en sa qualité d’agence de coopération du MAEDI, elle avait pour vocation de participer à l’action de coopération conduite par ce ministère dans le domaine de l’aide au développement des médias dans les pays ciblés par la France dans le cadre des décisions issues de la réunion du comité interministériel de la coopération internationale et du développement, que son activité consistait à dispenser des conseils et du coaching aux professionnels des médias dans les pays en développement et en sortie de crise, à des rédactions et personnels de management tous médias, ainsi qu’aux acteurs de la société civile agissant en faveur de la transition démocratique utilisant les médias comme vecteur du changement, tels que les bloggeurs ou les associations citoyennes numériques, qu’elle formait, à ce titre, les professionnels des médias et que

ces missions étaient principalement exécutées à l’étranger, notamment par des interventions dans le cadre d’ateliers de formation ou de colloques, et qu’elle avait cessé depuis 2003 toute activité de télédiffusion et en dernier lieu l’activité de distribution de programmes ; que la cour d’appel a relevé que la convention établie par le ministère des affaires étrangères pour l’année 2015 définissant les missions de la société CFI prévoyait une mission principale d’expertise médias à l’international mais également une mission secondaire de distribution de contenus audiovisuels en Afrique sub-saharienne ayant  »vocation à s’interrompre à terme rapproché » dès l’année 2015 ; qu’en disant pourtant que les difficultés économiques ne concernaient pas seulement l’entreprise mais le secteur d’activité du groupe auquel elle appartenait, au prétexte qu’à l’époque du licenciement de la salariée intervenu en juillet 2015, la société CFI avait des activités communes avec celles de France Télévisions, qui avait notamment une activité de diffusion de programmes et de contenus, la cour d’appel qui a constaté que l’activité de distribution de contenus audiovisuels de la société CFI constituait une mission très accessoire, voire résiduelle, n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et partant a violé l’article L. 1233-3 du code du travail, alors applicable. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

  1. La salariée conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit.
  2. Cependant, le moyen, ne se prévalant d’aucun fait qui n’ait été constaté par la cour d’appel, est de pur droit et peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation.
  3. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l’article L. 1233-3 alinéa 1 du code du travail, dans sa rédaction applicable, antérieure à la loi no 2016-1088 du 8 août 2016 :

  1. La cause économique d’un licenciement s’apprécie au niveau de l’entreprise ou, si celle-ci fait partie d’un groupe, au niveau du secteur d’activité du groupe dans lequel elle intervient.
  2. Pour juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a retenu que l’employeur avait à l’époque du licenciement des activités en partie communes avec le groupe France Télévisions, lequel avait également une activité de diffusion de programmes et de contenus, et qu’il n’était pas

établi l’existence de difficultés économiques au niveau du secteur d’activité du groupe, pas plus que la nécessité de sauvegarder la compétitivité de ce secteur.

  1. En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que la société CFI avait une mission principale d’expertise médias à l’international, celle de fourniture de contenus audiovisuels n’étant que secondaire, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait que, l’employeur ne relevant pas du même secteur d’activité que le groupe France télévisions, la cause économique du licenciement devait être appréciée au seul niveau de l’entreprise, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 27 juin 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;

Condamne Mme Z aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Transtélé Canal France international

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR infirmé le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 27 février 2017, en toutes ses dispositions, d’AVOIR statuant à nouveau, jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour motif économique de la salariée, d’AVOIR condamné l’employeur à lui payer la somme de 53700 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêt au taux légal à compter de la mise à disposition de l’arrêt et capitalisation des intérêts, d’AVOIR condamné l’employeur à rembourser à Pôle Emploi les allocations versées à la salariée, dans la limite de quatre mois, d’AVOIR condamné l’employeur à payer à la salariée la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, d’AVOIR rejeté le surplus des demandes formées par les parties, d’AVOIR condamné l’employeur à payer les dépens de première instance et d’appel ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le licenciement Le courrier de licenciement du 20 juillet 2015 est rédigé dans les termes suivants : « Dans le prolongement de notre entretien préalable du 8 juillet 2015, au cours duquel vous vous êtes présentée sans assistance, nous sommes conduits à vous notifier votre licenciement pour motif économique pour les raisons ci-après qui vous ont été exposées lors de cet entretien CFIest un opérateur sous tutelle du MAEDI (Ministère des Affaires Etrangères et du Développement International) pour la mise en oeuvre de la coopération française à destination des médias des pays en développement. L’essentiel des ressources de CFI est constitué d’une subvention versée par le MAEDI représentant en 2014, 11 938 K€ sur un budget de 14 500 K€ et en 2015, 10 282 K€ sur un budget global de 13 737 KC. Le reste des ressources de CFI provient de contrats aléatoires et non garantis de surcroît conditionnés pour leur financement par des bailleurs externes par le succès d’appels d’offres ouverts à la concurrence. Cette subvention déjà tendanciellement à la baisse depuis 2009 (34,5 0/0 de baisse cumulée entre 2009 et 2015) va encore s’accentuer dans les trois prochaines années puisque le MAEDI a décidé d’une nouvelle baisse de 40 0/0 sur le prochain triennum 2015-2017 entraînant une réduction en valeur de 1,66 MC par an de la subvention brute, soit 5 MC sur trois ans à partir du 1er janvier 2015. Face à la brutalité de ce changement de périmètre budgétaire, qui réduit ses moyens d’action, puisque la subvention du MAEDI a pour vocation première de couvrir ses coûts fixes, CFI se voit donc dans l’obligation de prendre dès à présent diverses mesures d’adaptation de son organisation en vue d’assurer la pérennité de l’entreprise.

Dans ce contexte difficile et contraint, il a été décidé de diverses mesures d’économies dont l’arrêt de l’activité de distribution de programmes audiovisuels devenue depuis 2009 une activité secondaire pour CFI, qui n’a pas de vocation marchande, et aujourd’hui limitée à la distribution de programmes de stocks ne générant que des recettes marginales. L’arrêt de cette activité, avec arrêt des achats de programmes dès le 30 juin 2015, devrait ainsi générer une économie de 1 510 K€ en année pleine à compter de la deuxième moitié de l’exercice 2017. L’arrêt de la distribution de programmes audiovisuels entraîne la suppression des 5 postes affectés à cette activité, dont votre poste de chargée des relations partenaires. Au regard de la situation économique de l’entreprise, de sa taille et de son organisation, aucun poste de reclassement interne n’a pu vous être proposé. Par ailleurs, les démarches que nous avons entreprises au sein du groupe France Télévisions, auquel CFI est juridiquement rattaché, n’ont pu permettre la concrétisation d’opportunités de postes correspondant à vos compétences dans le contexte de ce groupe lui-même confronté à la mise en oeuvre d’un plan de départs volontaires qui l’engage à rechercher des possibilités de reclassements internes pour ses collaborateurs concernés. De même, les recherches menées auprès d’Arte France, TV5 Monde, France Média Monde et le Ministère des affaires étrangères et du développement international n’ont pu aboutir à des propositions d’emploi. C’est dans ces conditions et pour les motifs évoqués ci-dessus, qu’intervient par la présente votre licenciement pour motif économique. (…) ». À titre principal, Mme X soutient que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et développe différents moyens, qu’il convient d’examiner successivement. En premier lieu, Mme X soutient que :’ le périmètre d’examen du motif économique du licenciement comprend non seulement l’employeur mais également le groupe France Télévisions, qui en détient 75 % du capital, et la société Transtélé Canal France International Arte, qui détient 25 % du capital ; ‘ contrairement à ce que soutient l’intimée, ces deux sociétés interviennent dans le même secteur d’activité que l’employeur, à savoir celui des médias, et ce d’autant plus qu’elle collabore étroitement dans le cadre de leurs activités ; ‘ si l’employeur a effectivement cessé son activité de télédiffusion en 2003, il a conservé son activité de distribution de programmes jusqu’en 2015. Or, le département « France Télévisions distribution » de la société France Télévisions a précisément pour activité la vente de programmes notamment à des télévisions africaines, ce qui conduisait l’employeur à collaborer avec ce département ; ‘ l’employeur faisait intervenir des collaborateurs de France Télévisions dans le cadre des formations qu’il organisait ; ‘ l’employeur fonctionne avec une grille de programmes comme toute chaîne de télévision ;

‘ le fait que l’employeur exerçait ses activités dans le cadre de l’aide publique au développement est inopérant ; ‘ les mouvements de personnels confirment l’identité du secteur d’activité ;’ ainsi, les activités de l’employeur et celles du groupe France Télévisions relevaient du même secteur d’activité ; ‘ si la situation de l’employeur avait été appréciée au niveau du groupe à la date du licenciement, il aurait fallu exclure l’existence de difficultés sérieuses nécessitant sa réorganisation, puisque le groupe France Télévisions compte 23 filiales, a plus de 10 000 salariés, et qu’en 2014, son chiffre d’affaires s’est élevé à plus de 3 milliards d’euros, le chiffre d’affaires de la société Arte s’étant quant à lui élevé à la somme de près de 155 millions d’euros ; ‘ les motifs du licenciement, qui tiennent essentiellement à la baisse des subventions du Ministère des affaires étrangères, ne permettent pas de retenir l’existence de difficultés économiques rendant nécessaire un licenciement collectif pour motif économique, et ce d’autant plus que la simulation du chiffre d’affaires sur trois ans laissait apparaître un chiffre d’affaires très significatifs, qui devait être de 2 210 000 € en 2015, de 2 530 000 € en 2016 et de 2 717 000 € en 2017 ; l’avis du comité d’entreprise confirme que le résultat net de l’année 2015 projetée par la direction générale devait être encore significatif et que l’arrêt de l’activité de distribution était critiquable. Le comité d’entreprise a en outre considéré que la direction de l’entreprise avait été fautive ; au regard des éléments qui précèdent, il est évident que d’autres solutions qu’un licenciement collectif pour motif économique aurait pu être mises en ‘œuvre. La société Transtélé Canal France International indique quant à elle que le licenciement économique est fondé au regard des éléments suivants : ‘ elle constitue l’agence de coopération du ministère des affaires étrangères ; ‘ elle participe à ce titre à l’action de coopération de ce ministère dans le domaine de l’aide au développement des médias dans certains Etats étrangers, en dispensant des conseils et du coaching aux professionnels de ces médias ; ‘ elle exécute ses missions principalement à l’étranger ; ‘ depuis 2003, elle a cessé toute activité de télédiffusion et elle a arrêté en dernier lieu son activité de distribution de programmes, ce qui l’a conduit à demander la modification de son code NAF/APE ; ‘ dans ces conditions, Mme X ne peut pas soutenir que l’appréciation des difficultés économiques devrait s’étendre au secteur d’activité englobant France Télévisions car les activités de ce groupe sont différentes de celles de l’employeur et ne sont pas interchangeables, France Télévisions étant un diffuseur de chaînes de télévision avec des missions de service public ; ‘ en tout état de cause, France Télévisions exerce son activité de distribution dans un but lucratif, alors que l’employeur distribuait des programmes dans le cadre de l’aide publique au développement, à titre subsidiaire, la société Transtélé Canal France International soutient que si la cour devait considérer qu’elle relevait du même secteur d’activité

que France Télévisions, elle devrait estimer que cette dernière subissait, à la même période, des difficultés économiques importantes avec un plan de départs volontaires, avec un plan d’économie de 300 millions d’euros avec un résultat net d’exploitation déficitaire, ce dont il y a lieu de conclure que le motif économique du licenciement est en tout état de cause incontestable. Au regard des positions opposées des parties, il sera rappelé, de manière générale, que : si une entreprise appartient à un groupe, les difficultés économiques doivent être appréciées au niveau du secteur d’activité du groupe ; les difficultés de l’entreprise ne peuvent pas alors suffire à justifier un licenciement économique si le secteur d’activité du groupe auquel elle appartient n’en connait pas ; lorsqu’une entreprise appartient à un groupe, des licenciements économiques ne peuvent être justifiés par une mesure de réorganisation qu’à la condition que celle-ci soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité du secteur d’activité du groupe dont relève l’entreprise. En l’espèce, il apparaît que si l’employeur indique être une agence de coopération du Ministère des affaires étrangères, il est constitué en tant que société anonyme, dont le siège social est situé en France, et qu’à l’époque du licenciement de Mme X, la société Transtélé Canal France International avait deux actionnaires, à savoir France Télévisions à hauteur de 75 % et Arte à hauteur de 25 %. Pour démontrer la réalité des difficultés économiques qu’il rencontrait, l’employeur produit notamment un rapport de gestion pour l’année 2015, qui renseigne sur sa situation comptable. Il y a toutefois lieu de déterminer si ces difficultés devaient être appréciées au niveau de l’entreprise ou, le cas échéant, au niveau du secteur d’activité du groupe auquel il appartenait, comme le soutient la salariée. A cet égard, l’employeur développe deux moyens, l’un à titre principal et l’autre à titre subsidiaire. A titre principal, l’employeur conteste avoir la même activité que France Télévisions et soutient qu’il a cessé toute activité de télédiffusion et de diffusion de programmes et qu’il intervient uniquement en matière de développement des médias à l’étranger. Cependant, il ne produit pas les stipulations de ses statuts définissant son objet social, sans d’ailleurs non plus fournir de renseignements précis et juridiques sur l’objet social de ses actionnaires à l’époque. Il fournit essentiellement une reproduction (pièce no 28), sur support papier, des informations qu’il diffuse sur son site Internet quant à ses activités, éléments qui visent uniquement à informer le public à ce sujet mais qui ne renseignent pas de manière précise sur l’étendue de ses activités. Par ailleurs, l’employeur produit (pièce no 29) la convention établie par le Ministère des affaires étrangères pour l’année 2015, qui définit les missions de l’entreprise au regard de sa participation à l’action de coopération conduite par le Ministère (art. 1 de la convention). Or, si cette convention prévoit une mission principale d’expertise médias à l’international, elle prévoit également

une mission secondaire de distribution de contenus audiovisuels en Afrique sub-saharienne (art. 3). Et si la convention indique que cette activité a vocation « à s’interrompre à terme rapproché » (art. 3) dès l’année 2015 (art. 3.2), elle prévoit néanmoins le maintien de la distribution de contenus d’information dans certains Etats africains et que l’employeur est mandaté « pour mettre à disposition son dispositif technique de distribution par fichiers pour transporter le fil vidéo quotidien fourni par l’AFP jusqu’à la date de fin du marché AFP » (art. 3.2). Or, il y a lieu de considérer, au regard de ces éléments, que, ainsi que le soutient la salariée, la société Transtélé Canal France International avait encore, à l’époque du licenciement, des activités en partie communes avec celles de France Télévisions, dont il n’est pas contesté qu’elle avait, notamment, une activité de diffusion de programmes et de contenus. Par conséquent, le licenciement ne pourrait être considéré comme fondé que dans la mesure où il serait établi que les difficultés économiques ne concernaient pas seulement l’employeur mais le secteur d’activité du groupe auquel celui-ci appartenait. Sur ce point, et à titre subsidiaire, la société Transtélé Canal France International soutient que tel était bien le cas. Pour ce faire, elle se borne toutefois à indiquer que France Télévisions a mis en oeuvre un plan de départ volontaires, enproduisant d’ailleurs uniquement à ce sujet deux articles de presse (pièces no 8 et 9) et un mail de France Télévisions évoquant ce plan (pièce no 20), et les rapports annuels 2014 et 2015 concernant France Télévisions (pièces no 31 et 43). Néanmoins, la société ne peut pas sérieusement soutenir que la cour peut déduire de deux simples articles de presse et d’un mail de France Télévisions que le secteur d’activités auquel elle appartenait connaissait des difficultés économiques au sens des dispositions du code du travail relatives aux licenciements économiques. Par ailleurs, si elle fournit les rapports annuels 2014 et 2015 de France Télévisions, la société Transtélé Canal France International ne fournit pas une analyse approfondie de ceux-ci, se bornant à relever que le résultat d’exploitation a été négatif au cours de ces deux exercices et que le résultat net a été négatif en 2014 et de 0 en 2015 (conclusions p. 12). Or, ces rapports annuels concernent le groupe France Télévisions dans son ensemble et présentent des comptes consolidés, de sorte qu’il appartenait à la société Transtélé Canal France International de présenter à la cour les éléments qui auraient pu lui permettre d’apprécier si le secteur d’activités auquel elle appartenait présentait, à l’époque du licenciement de Mme X, des difficultés économiques. Faute de disposer de ces éléments, la cour retient donc que la preuve de ces difficultés économiques au niveau du secteur d’activité du groupe n’est pas rapportée, pas plus que celle tenant à la nécessité de sauvegarder la compétitive de ce secteur par une réorganisation conduisant à des licenciements économiques. Au regard de ce qui précède, le licenciement économique de Mme X sera donc jugé sans cause réelle et sérieuse. Il lui sera alloué une somme de 53 700 euros sur la base d’un revenu mensuel moyen de 3 358 euros, compte tenu de l’ancienneté de Mme X dans

l’entreprise, de son âge et du temps passé pour retrouver un emploi. L’employeur sera par ailleurs condamné à rembourser à Pôle Emploi les allocations versées à la salariée, dans la limite de quatre mois. Sur l’article 700 du code de procédure civile La société Transtélé Canal France International succombant, elle sera condamnée à payer à Mme X la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. Sa demande formée à ce titre sera quant à elle rejetée. Sur les dépens La société Transtélé Canal France International succombant, elle sera condamnée aux dépens, de première instance et d’appel » ;

1o) ALORS QU’en matière prud’homale, la preuve est libre ; qu’en l’espèce, pour établir avoir cessé toute activité de télédiffusion et de diffusion de programmes et intervenir uniquement en matière de développement des médias à l’étranger, la société CFI se prévalait du communiqué de presse CFI du 31 août 2017,dela demande de modification de son code NAF/APE, d’un extrait du site internet de l’entreprise, d’une convention de subvention pour 2014, durapport annuel 2014, du contenu des programmes d’intervention ainsi que de deux exemples de projets menés par l’entreprise(productions no 6 à 13) ; qu’en reprochant à la société CFI de ne pas produire les stipulations de ses statuts définissant son objet social et de ne pas fournir de renseignements précis et juridiques sur l’objet social de ses actionnaires(arrêt p.7 § 3), la cour d’appel a exigé la production des documents particuliers, et partant a violé l’article 1315 devenu 1353 du code civil et le principe de la liberté de la preuve en matière prud’homale ;

2o) ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu’en l’espèce, pour établir avoir cessé toute activité de télédiffusion et de diffusion de programmes et intervenir uniquement en matière de développement des médias à l’étranger, la société CFI avait notamment versé aux débats la demande de modification de son code NAF/APE faite en juin 2015 (production no 7) ; qu’en affirmant que la société CFI avait encore à l’époque du licenciement, des activités en partie communes avec celles de France Télévisions, qui avait notamment un activité de diffusion de programmes et de contenus, sans viser ni analyser le document susvisé, dument versé aux débats par l’employeur, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

3o) ALORS QUE l’appartenance d’une entreprise à un secteur d’activité déterminé s’apprécie au regard de son activité principale ; qu’en l’espèce, la société CFI faisait valoir (conclusions de l’exposante p. 7 et 8), preuves à l’appui (productions no 6 à 13), qu’en sa qualité d’agence de coopération du

MAEDI, elle avait pour vocation de participer à l’action de coopération conduite par ce ministère dans le domaine de l’aide au développement des médias dans les pays ciblés par la France dans le cadre des décisions issues de la réunion du comité interministériel de la coopération internationale et du développement, que son activité consistait à dispenser des conseils et du coaching aux professionnels des médias dans les pays en développement et en sortie de crise, à des rédactions et personnels de management tous médias, ainsi qu’aux acteurs de la société civile agissant en faveur de la transition démocratique utilisant les médias comme vecteur du changement, tels que les bloggeurs ou les associations citoyennes numériques, qu’elle formait, à ce titre, les professionnels des médias et que ces missions étaient principalement exécutées à l’étranger, notamment par des interventions dans le cadre d’ateliers de formation ou de colloques, et qu’elle avait cessé depuis 2003 toute activité de télédiffusion et en dernier lieu l’activité de distribution de programmes; que la cour d’appel a relevé que la convention établie par le ministère des affaires étrangères pour l’année 2015 définissant les missions de la société CFI prévoyait une mission principale d’expertise médias à l’international mais également une mission secondaire de distribution de contenus audiovisuels en Afrique sub-saharienne ayant « vocation à s’interrompre à terme rapproché » dès l’année 2015 (arrêt p.7) ; qu’en disant les difficultés économiques ne concernaient pas seulement l’entreprise mais le secteur d’activité du groupe auquel elle appartenait, au prétexte qu’à l’époque du licenciement de la salariée intervenu en juillet 2015, la société CFI avait des activités communes avec celles de France Télévisions, qui avait notamment une activité de diffusion de programmes et de contenus, la cour d’appel qui a constaté que l’activité de distribution de contenus audiovisuels de la société CFI constituait une mission très accessoire, voire résiduelle, n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et partant a violé l’article L. 1233-3 du code du travail, alors applicable ;

4o) ALORS QUE le juge doit apprécier lui-même la valeur et la portée des pièces produites par les parties ; qu’en l’espèce, pour établir les difficultés économiques du groupe France Télévisions, l’employeur avait notamment versé aux débats les rapports annuels 2014 et 2015 établissant que le résultat net d’exploitation avait été négatif au cours des deux derniers exercices, et que le résultat net avaitété négatif en 2014 et de zéro en 2015 (productions no10 et 14); qu’en reprochant à l’employeur de ne pas fournir une analyse approfondie des rapports annuels 2014 et 2015, quand il lui appartenait d’apprécier elle-même la valeur et la portée de ces rapports, la cour d’appel a méconnu son office et a violé l’article 4 du code civil ;

5o) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les termes du litige tels qu’ils sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu’en l’espèce, il n’avait à aucun moment été affirmé que les difficultés économiques invoquées à l’appui du licenciement de la salariée devaient être appréciées

au regard d’un secteur d’activité ne comprenant qu’une partie des entreprises du groupe France Télévisions ; que la salariée faisait valoir que les activités de la société CFI et du groupe France Télévisions dans son entier s’inscrivaient dans le même secteur d’activité, de sorte que les difficultés économiques devaient être appréciées au regard de l’ensemble du groupe France Télévisions (conclusions d’appel adverses p.7 à 9) ; qu’en réponse, l’employeur soutenait qu’au regard de l’activité spécifique de la société CFI totalement distincte de celle du groupe France Télévisions, les difficultés économiques invoquées à l’appui du licenciement de la salariée devaient être appréciées au regard de l’entreprise et non du groupe et qu’en tout état de cause le groupe France Télévisions connaissait des difficultés économiques (conclusions d’appel de l’exposante p.7 à p.12) ; qu’en reprochant à l’employeur d’avoir produit les rapports annuels du groupe France Télévisions, dans son ensemble, et de ne pas avoir présenté à la cour les éléments permettant d’apprécier si le secteur d’activité auquel il appartenait, présentait à l’époque du licenciement de la salariée des difficultés économiques, la cour d’appel a dénaturé les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

6o) ALORS QUE l’existence des difficultés économiques s’apprécient au niveau du secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise concernée ; qu’en l’espèce, l’employeur faisait valoir qu’au regard de l’activité spécifique de la société CFI totalement distincte de celle du groupe France Télévisions, les difficultés économiques invoquées à l’appui du licenciement de la salariée devaient être appréciées au regard de l’entreprise et non du groupe et qu’en tout état de cause le groupe France Télévisions connaissait des difficultés économiques (conclusions d’appel de l’exposante p.7 à p.12) ; que la salariée prétendait quant à elle que les activités de la société CFI et du groupe France Télévisions dans son entier s’inscrivaient dans le même secteur d’activité, de sorte que les difficultés économiques devaient être appréciées au regard de l’ensemble du groupe France Télévisions (conclusions d’appel adverses p.7 à 9) ; que la cour d’appel a retenu que la société CFI avait à l’époque du licenciement des activités communes avec celles de France Télévisions, qui avait notamment une activité de diffusion de programmes et de contenus, pour dire que les difficultés économiques ne concernaient pas seulement l’employeur mais le secteur d’activité du groupe auquel il appartenait; qu’en reprochant à l’employeur d’avoir produit les rapports annuels du groupe France Télévisions, dans son ensemble, et de ne pas avoir présenté à la cour les éléments permettant d’apprécier si le secteur d’activité auquel elle appartenait, présentait à l’époque du licenciement de la salariée des difficultés économiques, sans avoir cependant préalablement caractérisé que celle-ci appartenait à un groupe au sein duquel plusieurs entreprises constituaient avec l’exposante un secteur d’activité commun au niveau duquel il convenait d’apprécier les difficultés économiques et, partant, sans avoir déterminé le périmètre d’appréciation des difficultés économiques

retenu, pourtant différent de celui invoqué par les parties, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1233-3 du code du travail, alors applicable.


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