Télétravail : le nouveau cadre juridique

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Télétravail : le nouveau cadre juridique
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L’Arrêté du 2 avril 2021 a rendu obligatoire pour tous les employeurs et tous les salariés compris dans son champ d’application, les stipulations de l’accord national interprofessionnel du 26 novembre 2020 pour une mise en œuvre réussie du télétravail.

Notion de télétravail

Le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux, de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication. Dans la pratique, il peut s’exercer au lieu d’habitation du salarié ou dans un tiers-lieu, comme par exemple un espace de co-working, différent des locaux de l’entreprise, de façon régulière, occasionnelle, ou en cas de circonstances exceptionnelles ou de force majeure. En tout état de cause, la mise en œuvre du télétravail doit être compatible avec les objectifs de performance économique et sociale de l’entreprise.

Le cadre juridique de la mise en œuvre du télétravail est constitué de l’accord national interprofessionnel de 2005 relatif au télétravail et des articles L1222-9 et suivants du code du travail, modifiés par l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, dont la portée a pu être précisée par la jurisprudence.

Prise en charge des frais professionnels

Le télétravail est étendu sous réserve du respect du principe général de prise en charge des frais professionnels tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour de cassation (cass. soc, 25 février 1998, n° 95-44096) selon lequel la validation de l’employeur soit interprétée comme étant préalable, et non postérieure, à l’engagement des dépenses par le salarié.

Comment mettre en place le Télétravail 

Le télétravail est mis en place dans le cadre d’un accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique, s’il existe.

En l’absence d’accord collectif ou de charte, la mise en place du télétravail est possible par accord de gré à gré entre le salarié et l’employeur. L’accord collectif applicable ou, à défaut, la charte élaborée par l’employeur précise :

1° Les conditions de passage en télétravail, en particulier en cas d’épisode de pollution mentionné à l’article L. 223-1 du code de l’environnement, et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail ;

2° Les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail ;

3° Les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail ;

4° La détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail ;

5° Les modalités d’accès des travailleurs handicapés à une organisation en télétravail, en application des mesures prévues à l’article L. 5213-6.

En cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés. Dans ce cas, la décision relève du pouvoir de direction unilatérale de l’employeur.

Responsabilité de l’employeur  

S’agissant de l’identification des activités de l’entreprise pouvant faire l’objet de télétravail, la mission première du chef d’entreprise est de pouvoir répondre aux demandes de ses clients en s’appuyant sur les équipes de l’entreprise. Ce dernier doit s’assurer que les salariés travaillent en toute sécurité. A ce titre, l’employeur engage sa responsabilité, dans les conditions fixées par la loi. La question de l’organisation concrète du travail, et notamment l’identification des activités de l’entreprise pouvant faire l’objet de télétravail, conditionne la réussite de ces missions essentielles et relève donc nécessairement de la responsabilité de  l’employeur et de son pouvoir de direction, sans préjudice des dispositions du code du travail et conventionnelles applicables aux relations collectives de travail dans l’entreprise.

Procédure de déploiement du télétravail

Dans le cadre de ses missions habituelles, le CSE est consulté sur les décisions de l’employeur relatives à l’organisation du travail ayant un impact sur la marche générale de l’entreprise, dont les conditions de mise en œuvre et le périmètre du télétravail.

Le télétravail revêt un caractère volontaire pour le salarié et l’employeur concernés, sauf dans le cas du recours au télétravail pour circonstances exceptionnelles ou cas de force majeure. Le télétravail peut être institué dès l’embauche du salarié ou en cours d’exécution du contrat de travail. Dès lors qu’un salarié informe l’employeur de sa volonté de passer au télétravail, l’employeur peut, après examen, accepter ou refuser sa demande.

En l’absence de dispositions particulières prévues par un accord collectif d’entreprise ou une charte, l’employeur et le salarié formalisent leur accord par tout moyen. Les organisations signataires du présent accord soulignent l’utilité de recourir à un écrit, quel qu’il soit, afin, notamment, d’établir la preuve de cet accord. Tout salarié qui accède, d’un commun accord avec l’employeur, au télétravail régulier est informé par écrit des conditions de mobilisation et de mise en œuvre de cette forme de travail, en fonction du lieu d’exercice du télétravail.

Ces informations peuvent notamment porter sur :

– le cadre collectif existant (accord, charte), le cas échéant ;

– la pratique du télétravail telles que le rattachement hiérarchique, les modalités d’évaluation de la charge de travail, les modalités de compte-rendu et de liaison avec l’entreprise,

– les modalités d’articulation entre télétravail et présentiel pour tenir compte notamment du maintien de la qualité du travail avec les autres salariés ;

– les équipements, à leurs règles d’utilisation, à leurs coûts et aux assurances, etc.

– les règles de prise en charges des frais professionnels, telles que définies dans l’entreprise.

Refus du télétravail

Aux termes des dispositions de l’article L. 1222-9 du code du travail, l’employeur motive son refus d’accéder à une demande de recours au télétravail formulée par un salarié, dès lors que l’accès au télétravail est ouvert dans l’entreprise par un accord collectif de travail ou par une charte, et que le salarié demandeur occupe un poste télétravaillable en vertu d’une disposition de cet accord ou de cette charte, ou dès lors qu’il s’agit d’un salarié en situation de handicap ou aidant un proche. Dans les autres cas, l’employeur est invité à préciser les raisons de son refus d’accéder à la demande de télétravail émanant d’un salarié.

Le refus du salarié d’accepter le télétravail n’est pas, en soi, un motif de rupture du contrat de travail.

Droits du salarié en télétravail

En cas d’accord du salarié et de l’employeur pour recourir au télétravail de manière régulière, une période d’adaptation est aménagée pendant laquelle chacune des parties peut mettre un terme à cette forme d’organisation du travail en respectant un délai de prévenance préalablement défini soit par l’accord collectif relatif au télétravail, soit par la charte, soit de gré à gré entre l’employeur et le salarié, en fonction des règles applicables dans l’entreprise. Le salarié retrouve alors son poste dans les locaux de l’entreprise.

Si le télétravail ne fait pas partie des conditions d’embauche, l’employeur et le salarié peuvent, à l’initiative de l’un ou de l’autre, convenir par accord d’y mettre fin et d’organiser le retour du salarié dans les locaux de l’entreprise, dans l’emploi tel qu’il résulte de son contrat de travail. Les modalités de cette réversibilité sont établies par accord individuel et/ou collectif.  Si le télétravail fait partie des conditions d’embauche, le salarié peut ultérieurement postuler à tout emploi vacant, s’exerçant dans les locaux de l’entreprise et correspondant à sa qualification. Il bénéficie d’une priorité d’accès à ce poste.

En tout état de cause, l’employeur peut organiser les conditions du retour ponctuel du salarié en télétravail dans les locaux de l’entreprise en cas de besoin particulier, de sa propre initiative ou à la demande du salarié.

Les salariés en télétravail ont le même accès à la formation et aux possibilités de déroulement de carrière que s’ils n’étaient pas en télétravail. Les salariés en télétravail de manière régulière reçoivent, en outre, une formation appropriée, ciblée sur les équipements techniques à leur disposition et sur les caractéristiques de cette forme d’organisation du travail. Les responsables hiérarchiques et les collègues directs des salariés en télétravail doivent également pouvoir bénéficier d’une formation à cette forme de travail et à sa gestion.

La fréquence du télétravail est déterminée par accord entre l’employeur et le salarié, conformément, le cas échéant, aux dispositions de l’accord collectif ou de la charte relatifs au télétravail en vigueur dans l’entreprise.

Télétravail : les principes à respecter

Les dispositions légales et conventionnelles applicables aux relations de travail s’appliquent aux salariés en télétravail. Ces derniers ont les mêmes droits légaux et conventionnels que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise. Ainsi, sont notamment applicables aux salariés en télétravail, les règles légales et conventionnelles relatives aux sujets suivants :

Le maintien du lien de subordination entre employeur et salarié : le recours au télétravail n’affecte pas la qualité de salarié du salarié en télétravail et ne remet pas en cause le lien de subordination contractuel entre l’employeur et les salariés s’agissant de l’exécution du

La durée du travail et le temps de repos : la durée du travail du salarié est identique qu’il soit sur site ou en télétravail. Les dispositions notamment relatives à la durée maximale quotidienne, aux durées maximales hebdomadaires, au temps de repos, au temps de pause et au décompte des heures de travail s’appliquent ainsi que celles concernant les salariés sous convention de forfait jours.

Le contrôle du temps de travail, le respect du droit à la déconnexion et de la vie privée : les dispositions du code du travail imposent à l’employeur de contrôler la durée du travail du salarié. L’employeur fixe, en concertation avec le salarié, les plages horaires durant lesquelles il peut le contacter, en cohérence avec les horaires de travail en vigueur dans l’entreprise. Il résulte des dispositions légales que si un moyen de contrôle de l’activité du salarié et de contrôle du temps de travail est mis en place, il doit être justifié par la nature de la tâche à accomplir et proportionné au but recherché, et le salarié doit en être informé.

La mise en place de dispositifs numériques spécifiques nécessite le respect de deux conditions cumulatives : la consultation préalable du CSE et l’information préalable des salariés.

La mise en place du télétravail prend en compte le droit à la déconnexion, lequel doit faire l’objet d’un accord ou d’une charte traitant de ses modalités de mise en œuvre, dans les conditions prévues par les dispositions du code du travail relatives à la négociation obligatoire en entreprise. Le droit à la déconnexion a pour objectif le respect des temps de repos et de congé ainsi que la vie personnelle et familiale du salarié. C’est le droit pour tout salarié de ne pas être connecté à un outil numérique professionnel en dehors de son temps de travail.

L’employeur organise chaque année un entretien qui porte notamment sur les conditions d’activité et la charge de travail du salarié en télétravail.

Equipements et usage des outils numériques

Qu’il s’agisse d’outils fournis par l’employeur ou d’outils personnels du salarié, l’usage des outils numériques est encadré par l’employeur, auquel il incombe de prendre, dans le respect du Règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles (RGPD) et des prescriptions de la CNIL, les mesures nécessaires pour assurer la protection des données personnelles du salarié en télétravail et celles traitées par ce dernier à des fins professionnelles.

L’employeur informe le salarié en télétravail des dispositions légales et des règles propres à l’entreprise relatives à la protection de ces données et à leur confidentialité. Il l’informe également de toute restriction de l’usage des équipements ou outils informatiques et des sanctions en cas de non-respect des règles applicables. Il incombe au salarié en télétravail de se conformer à ces règles. Néanmoins, dès lors que le salarié utilise un outil personnel, ces restrictions ne concernent que leur usage à des fins professionnelles.  

Les bonnes pratiques suivantes, s’agissant de l’usage des outils numériques et de la protection des données, pourront servir de base :

– possibilité d’établir un socle de consignes minimales à respecter en télétravail, et communiquer ce document à l’ensemble des salariés ;

– mise à disposition éventuelle des salariés une liste d’outils de communication et de travail collaboratif appropriés au travail à distance, qui garantissent la confidentialité des échanges et des données partagées ;

– possibilité de mise en place de protocoles garantissant la confidentialité et l’authentification du serveur destinataire.

La prise en charge des frais professionnels

Le principe selon lequel les frais engagés par un salarié dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail doivent être supportés par l’employeur s’applique à l’ensemble des situations de travail. A ce titre, il appartient ainsi à l’entreprise de prendre en charge les dépenses qui sont engagées par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’entreprise, après validation de l’employeur.

Le choix des modalités de prise en charge éventuelle des frais professionnels peut être, le cas échéant, un sujet de dialogue social au sein de l’entreprise.

L’allocation forfaitaire versée, le cas échéant, par l’employeur pour rembourser ce dernier est réputée utilisée conformément à son objet et exonérée de cotisations et contributions sociales dans la limite des seuils prévus par la loi.

Evaluation des risques professionnels

Le télétravail est une modalité d’organisation du travail qui peut faire l’objet d’une évaluation des risques professionnels adaptée. Cette évaluation des risques peut notamment intégrer les risques liés à l’éloignement du salarié de la communauté de travail et à la régulation de l’usage des outils numériques.

L’employeur informe le salarié en télétravail de la politique de l’entreprise en matière de santé et de sécurité au travail, en particulier, des règles relatives à l’utilisation des écrans de visualisation et de recommandations en matière d’ergonomie. Le salarié en télétravail est tenu de respecter et d’appliquer correctement ces règles de prévention et de sécurité.

Le télétravail étant une modalité d’exécution du contrat de travail, la présomption d’imputabilité relative aux accidents de travail s’applique également en cas de télétravail. Malgré les difficultés de mise en œuvre pratique, c’est ce que prévoit explicitement le code du travail.


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