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La qualité de propriétaire du support matériel est reconnue à celui qui en a assuré le paiement et/ou la fabrication.
La société Hachette ayant financé les supports vierges et les frais techniques de développement de photographies pour ses titres de presse, a été considérée comme propriétaire originaire desdits supports sans qu’il soit besoin de démontrer l’acquisition par la société éditrice des supports transformés par l’intervention du photographe, la qualité de propriétaire du support matériel étant reconnue à celui qui en a assuré le paiement et/ou la fabrication.
La juridiction a de ce fait écarté, comme étant inopérants, les moyens tirés de la possession de bonne foi, des règles de l’accession mobilière résultant des articles 566 et suivants du code civil, parce que la société Hachette Filipacchi Presse était reconnue propriétaire ab initio des supports transformés.
Pour mémoire, l’article L. 111-3 du code de la propriété intellectuelle pose le principe que la propriété incorporelle est indépendante de la propriété de l’objet matériel. L’acquéreur de cet objet n’est investi, du fait de cette acquisition, d’aucuns droits sans cession. Les droits d’auteur subsistent en la personne de l’auteur ou de ses ayants droit qui, pourtant, ne peuvent exiger du propriétaire de l’objet matériel la mise à leur disposition de cet objet pour l’exercice desdits droits. Néanmoins, en cas d’abus notoire du propriétaire empêchant l’exercice du droit de divulgation, le tribunal judiciaire peut prendre toute mesure appropriée.
Ces dispositions prévoient l’indépendance des propriétés corporelle et intellectuelle ; la vente du support n’entraîne pas cession des droits d’auteur à l’acquéreur et la cession des droits de propriété intellectuelle n’entraîne pas le transfert de propriété du support. Il s’ensuit que le propriétaire du support exerce les prérogatives que lui confère le droit de propriété d’un objet corporel notamment la vente de celui-ci à laquelle ne peut s’opposer le titulaire des droits d’auteurs, ce dernier pouvant en revanche interdire au propriétaire du support de reproduire l’oeuvre, de porter atteinte à son intégrité, puisque ce dernier ne dispose d’aucun droit de propriété intellectuelle sur l’oeuvre.
Comme l’a encore exactement retenu le premier juge, l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 28 octobre 2015, dans une affaire similaire, puisqu’elle opposait la société Hachette Filipacchi Presse à un autre photographe indépendant qui avait réalisé, à partir de 1974 jusqu’en 1984, des reportages pour le magazine LUI, a tranché cette question.
Par cet arrêt, la Cour de cassation a dit pour droit que viole les articles 544 du code civil et L. 111-3 du code de la propriété intellectuelle, une cour d’appel qui, pour condamner un éditeur à payer à un photographe des dommages-intérêts en réparation du préjudice patrimonial résultant de la non-restitution des clichés photographiques dont ce dernier est l’auteur, retient que la preuve de l’acquisition des supports transformés par l’intervention du photographe n’est pas rapportée par l’éditeur, alors que, selon ses propres constatations, celui-ci avait financé les supports vierges et les frais techniques de développement, ce dont il résulte qu’il était le propriétaire originaire desdits supports matériels.
Cet arrêt apparaît conforme à la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation. En effet, déjà dans un arrêt du 8 juin 2004 (1re Civ., 8 juin 2004, pourvoi n° 02-13.096), dans un litige opposant un photographe indépendant à une société qui lui avait passé commande de reportages photographiques destinés à la promotion des différents programmes immobiliers qu’elle réalisait, la Cour de cassation a jugé qu’il résultait des notes versées aux débats par le photographe que celui-ci avait facturé distinctement les reportages et les frais techniques énumérés comme représentant les pellicules, développement plus contacts, ektas, diapositives en couleur, correspondant, en définitive, au support matériel de l’oeuvre, et que ces frais avaient été payés. Elle a dès lors approuvé la cour d’appel qui a décidé, à partir de ces éléments, que la société qui avait passé cette commande avait acquis, outre le droit de reproduction des oeuvres, la propriété des supports matériels des clichés.