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Une demande judiciaire visant à la rectification des données et à la suppression des contenus mis en ligne sur un site internet (propos dénigrants contre une société concurrente attribués à Pierre Woodman) est une et indivisible et ne peut, par conséquent, être portée que devant une juridiction compétente pour connaître de l’intégralité d’une demande de réparation du dommage en vertu de la jurisprudence résultant des arrêts du 7 mars 1995, Shevill e.a.
La société tchèque Gtflix Tv ayant pour activité la production et la diffusion de contenus pour adultes, notamment via son site internet, a poursuivi le réalisateur, producteur et distributeur de films pornographiques Pierre Woodman pour dénigrement.
Le litige a posé une question de compétence juridictionnelle puisque les sites internet du réalisateur sont hébergés en Hongrie où il exerce son activité et où il est domicilié.
Par le passé, la CJUE a déjà considéré (arrêt, grande chambre, du 17 octobre 2017, Bolagsupplysningen OÜ et B… L… contre Svensk Handel AB, C-194/16) que :
1) L’article 7, point 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 doit être interprété en ce sens qu’une personne morale, qui prétend que ses droits de la personnalité ont été violés par la publication de données inexactes la concernant sur internet et par la non-suppression de commentaires à son égard, peut former un recours tendant à la rectification de ces données, à la suppression de ces commentaires et à la réparation de l’intégralité du préjudice subi devant les juridictions de l’Etat membre dans lequel se trouve le centre de ses intérêts.
Lorsque la personne morale concernée exerce la majeure partie de ses activités dans un Etat membre autre que celui de son siège statutaire, cette personne peut attraire l’auteur présumé de l’atteinte au titre du lieu de la matérialisation du dommage dans cet autre Etat membre.
2) L’article 7, point 2, du règlement n° 1215/2012 doit être interprété en ce sens qu’une personne qui prétend que ses droits de la personnalité ont été violés par la publication de données inexactes la concernant sur internet et par la non-suppression de commentaires à son égard ne peut pas, devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel les informations publiées sur internet sont ou étaient accessibles, former un recours tendant à la rectification de ces données et à la suppression de ces commentaires.
Se référant à la nature ubiquitaire des données et contenus mis en ligne sur un site internet et au fait que la portée de leur diffusion est en principe universelle, la CJUE a précisé qu’une demande visant à la rectification des données et à la suppression des contenus mis en ligne sur un site internet est une et indivisible et ne peut, par conséquent, être portée que devant une juridiction compétente pour connaître de l’intégralité d’une demande de réparation du dommage en vertu de la jurisprudence résultant des arrêts du 7 mars 1995, Shevill e.a. (C-68/93, points 25, 26 et 32), ainsi que du 25 octobre 2011, eDate Advertising e.a. (C-509/09 et C-161/10, points 42 et 48), et non devant une juridiction qui n’a pas une telle compétence.
Cette jurisprudence rendue en matière d’atteinte alléguée aux droits de la personnalité au moyen de contenus mis en ligne sur un site internet est transposable aux actes de concurrence déloyale résultant de la diffusion sur des forums internet de propos prétendument dénigrants.
En l’occurrence, le centre des intérêts de la société Gtflix Tv est établi en République Tchèque et le réalisateur Pierre Woodman est domicilié en Hongrie. Il en résulte que seules les juridictions du premier de ces Etats, compétentes pour connaître de l’intégralité d’une demande de réparation du dommage en vertu de la jurisprudence résultant des arrêts Shevill et eDate Advertising ou celles du second dans lequel le défendeur est domicilié, étaient compétentes pour ordonner le retrait des commentaires prétendument dénigrants imputés au réalisateur et leur rectification par publication d’un communiqué.
Dans cette même affaire, la Cour de cassation a tout de même saisi la CJUE d’une question préjudicielle. Il s’agira de déterminer si la solution consacrée par la CJUE dans l’arrêt du 27 octobre 2017, doit être interprétée en ce sens :
i) Que la personne qui, estimant qu’une atteinte a été portée à ses droits par la diffusion de propos dénigrants sur internet, agit tout à la fois aux fins de rectification des données et de suppression des contenus, ainsi qu’en réparation des préjudices moral et économique en résultant, peut réclamer, devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est ou a été accessible, l’indemnisation du dommage causé sur le territoire de cet Etat membre, conformément à l’arrêt eDate Advertising (points 51 et 52) ou si :
ii) En application de l’arrêt Svensk Handel, elle doit porter cette demande indemnitaire devant la juridiction compétente pour ordonner la rectification des données et la suppression des commentaires dénigrants.