Licence de marque : faire annuler le paiement des redevances

Licence de marque : faire annuler le paiement des redevances

Le contrat de licence de marque assorti d’une clause d’approvisionnement exclusif peut être requalifié en contrat de franchise. Cette requalification permet, en cas de non transmission d’un savoir-faire, d’obtenir la nullité du contrat et donc du paiement des redevances qui se trouve privé de cause.

Rupture du contrat de licence de marque

La société Dynamite a conclu pour une durée de dix ans avec la Sarl RPG Geek un contrat intitulé ‘contrat de licence de marque’, en vue de l’exploitation d’un magasin de jeux vidéo sous la marque Dynamite Games à Saintes, moyennant le paiement de redevances

Ce contrat comportait une clause obligeant le licencié à s’approvisionner à titre exclusif auprès du concédant ou auprès du ou des fournisseurs choisis par ce dernier. Par lettre recommandée avec avis de réception, la Sarl Rpg Geek a rompu unilatéralement ce contrat avec effet immédiat. Elle a cessé de payer les redevances tout en poursuivant son activité dans sa boutique.

Conditions de la requalification en contrat de franchise

Les premiers juges ont considéré à tort que le contrat conclu entre les parties incluait l’ensemble des éléments d’un contrat de franchise, et en particulier la transmission d’un savoir-faire fondé sur l’expérience acquise par le cédant dans le cadre de l’exploitation de son propre magasin.

Se fondant sur les dispositions de l’article 1131 du code civil ancien, le tribunal a aussi   retenu (à tort) que le contrat était nul, pour défaut de cause, dès lors que la société Geek n’avait jamais bénéficié de la transmission d’un quelconque savoir-faire substantiel et spécifique, apportant une vraie utilité au franchisé (il en résultait une absence de tout fondement à la demande en paiement des redevances).

Un contrat de franchise doit comporter la mise à la disposition du franchisé, par le franchiseur, d’un nom commercial, de sigles et symboles, d’une marque ainsi que d’un savoir-faire et d’une collection de produits et services offerts d’une manière originale et spécifique, exploités suivant des techniques commerciales uniformes, préalablement expérimentées et constamment mises au point et contrôlées.

La franchise se distingue de la licence de marque en ce que le licencié n’a pas droit, comme le franchiseur, à l’utilisation de l’enseigne, à la transmission d’un savoir-faire, et à la fourniture continue d’une assistance technique ou commerciale.

Le critère déterminant du savoir faire

Selon l’article 1-g) du réglement (UE) n°330/2010 de la commission du 20 avril 2010 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, on entend par «savoir-faire», un ensemble secret, substantiel et identifié d’informations pratiques non brevetées, résultant de l’expérience du fournisseur et testées par celui-ci; dans ce contexte, «secret» signifie que le savoir-faire n’est pas généralement connu ou facilement accessible; «substantiel» se réfère au savoir-faire qui est significatif et utile à l’acheteur aux fins de l’utilisation, de la vente ou de la revente des biens ou des services contractuels; «identifié» signifie que le savoir-faire est décrit d’une façon suffisamment complète pour permettre de vérifier s’il remplit les conditions de secret et de substantialité.

L’importance du savoir-faire se déduit de ses caractères. Il doit, en effet, être original et spécifique, éprouvé, actualisé, identifié. Il doit fournir un avantage concurrentiel.

Le contenu du savoir-faire est fonction de la branche d’activité ou du produit, objet de la franchise.

Lorsque le ‘savoir-faire” se limite à la sélection des produits et des fournisseurs par le concédant, il s’agit d’éléments sans originalité que n’importe quel professionnel peut acquérir seul. De plus, la sélection d’articles ne présente pas un caractère technique ou spécifique permettant la mise en évidence d’un réel savoir-faire.

En l’espèce, le contrat conclu entre les parties stipulait expressément (chapitre Transmission de savoir-faire): « M. X accepte de communiquer à M. Y son savoir-faire et son assistance technique en vue de l’exploitation d’un magasin d’achat, d’échange et de vente de jeux vidéo et d’accessoires que la société RPG Geek doit ouvrir prochainement à Saintes au 8, […]. Pour ce faire, M. X à M. Y au moins trois semaines de formation à son magasin de Challans (formation obligatoire) portant notamment sur la comptabilité, la gestion des stocks et l’argus des jeux vidéo et accessoires ainsi que notamment sur les points suivants :

– communication de l’assortiment type du stock nécessaire et conseil pour son adaptation au marché local, en vue de la passation de la première commande,

– assistance et conseils pour la préparation et la mise en place de l’ouverture,

– conseil publicitaire de lancement,

– comportement psychologique à respecter face aux clients. »

En première page du contrat, le gérant de la SARL Dynamite Concept Concept, rappelait  qu’il dispose d’un savoir-faire dans l’achat, l’échange et la vente de jeux vidéo et accessoires par une expérience de plusieurs années dans l’exploitation de son propre magasin.  

Exclusion du savoir-faire  

Toutefois, les parties n’avaient pas convenu que le savoir-faire devait faire l’objet d’un document détaillé et opératoire remis lors de la conclusion du contrat, comme il est d’usage en matière de contrat de franchise, mais qu’il devait être transmis dans le cadre d’une formation obligatoire d’une durée de trois semaines.

En outre, il ne peut être considéré que les conseils sur le stock à constituer, son adaptation au milieu local, la préparation de l’ouverture et l’attitude à adopter face aux clients puissent constituer un savoir-faire substantiel ou secret, il s’agit en réalité d’une simple formation à la technique de vente, à la gestion des stocks, non spécifique et que le contractant aurait pu acquérir lui-même par l’expérience. Par ailleurs, la société Dynamite Games Concept ne s’est pas engagée à une obligation d’assistance continue.

C’était donc à tort que le tribunal de commerce a procédé à une requalification du contrat de licence en contrat de franchise.


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