Gestion de marques : attention au risque de fraude fiscale
Gestion de marques : attention au risque de fraude fiscale
Ce point juridique est utile ?

Une société écran d’une société luxembourgeoise peut être poursuivie pour fraude fiscale si elle est susceptible de réaliser tout ou partie de son activité de holding et de concession de marques depuis la France en utilisant des moyens humains et matériels en France, sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes.

Affaire Majorelle

Dans l’affaire soumise, compte tenu des relations juridiques existant entre la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL et la SAS LABORATOIRES MAJORELLE, cette dernière a été jugée susceptible de détenir dans les locaux qu’elle occupe en France, des documents et/ ou supports d’information relatifs à la fraude présumée (perquisitions confirmées).

Adresse fictive au Luxembourg

En l’occurrence, la juridiction n’a pas été indifférente au fait i) qu’au siège social de la société luxembourgeoise étaient domiciliées 37 sociétés ; ii) que la société semblait avoir fait appel à un service de domiciliation sans disposer de moyens d’exploitation au Luxembourg ; iii) que le Président de la SAS LABORATOIRES MAJORELLE, serait rémunéré dans le cadre de ses fonctions par la SARL MAJORELLE INTERNATIONAL, qu’il était mandataire auprès de l’institut national de la propriété (INPI) concernant l’enregistrement de marques par le LABORATOIRE MAJORELLE et qu’il avait déclaré réside en France, lors de l’immatriculation d’un véhicule de marque FERRARI auprès de la Préfecture de police de Paris.

Selon les services fiscaux, la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL serait également susceptible de réaliser pour partie son chiffre d’affaires par la concession d’exploitation en tant que titulaire d’Autorisations de Mise sur le Marché (AMM) auprès de sa filiale exploitante la SAS LABORATOIRES MAJORELLE, laquelle disposerait tant dans sa dimension pharmacologique que médicale du personnel nécessaire à l’exploitation de produits médicamenteux.

Ainsi, il pouvait être présumé par l’administration fiscale que la gestion des AMM, des marques des sociétés luxembourgeoises MAJORELLE serait effectuée en réalité depuis le territoire national français par la SAS LABORATOIRE MAJORELLE.

Article L. 16 B du LPF

Pour rappel, la procédure prévue à l’article L. 16 B du Livre des procédures fiscales a pour objet de rechercher la preuve d’une fraude fiscale.  La Haute juridiction a rappelé à plusieurs reprises que les visites domiciliaires ont pour but la recherche de la preuve d’une fraude fiscale. Les poursuites pour fraude fiscale doivent être réservées en cas de fraudes les plus graves. Selon la Cour de cassation, en ce qui concerne l’application combinée de l’article 1729 et de l’article 1741 du code général des impôts, ce dernier article ne peut s’appliquer qu’aux « cas les plus graves » de fraude fiscale, la gravité s’appréciant au regard du montant des droits fraudés, de la nature des agissements de la personne suivie ou des circonstances de leur intervention.

Le Conseil constitutionnel a confirmé la constitutionnalité de l’article 1741 du CGI pris isolément ; il a assorti la seule application combinée de sanctions fiscales et pénales de la réserve que dans ce cas les sanctions prévues à l’article 1741 du CGI doivent être réservées aux cas les plus graves de fraude fiscales ; le caractère de gravité des faits est apprécié exclusivement par le juge pénal saisi de poursuites correctionnelles, cette gravité n’étant pas une condition de recevabilité de l’exercice de l’action publique.

Cette jurisprudence qui vise une hypothèse de cumul des sanctions pénales et fiscales en cas de répression d’infraction de fraude fiscale constituée n’a aucune incidence sur les dispositions de l’article L. 16 B du LPF, dont l’objet est la recherche de la preuve des agissements de soustraction à l’établissement ou au paiement de l’impôt lorsqu’il existe des présomptions de tels agissements.

Il en découle que la jurisprudence du Conseil constitutionnel ne constitue donc aucunement un changement de circonstances permettant de soulever une QPC à l’encontre de l’article L. 16 B du LPF depuis qu’il a été déclaré conforme à la Constitution par la décision n° 2010-19/27 QPC rendue le 30 juillet 2010 par le Conseil constitutionnel. En effet, les dispositions de l’article 1741 du CGI relèvent du droit pénal et organisent la répression de l’infraction constituée de fraude fiscale. Au contraire, il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (21 février 2008, Ravon c/ FRANCE, req. n° 18497/03, point 24) que la contestation portant sur la régularité d’une analyse opérée sur le fondement de l’article L. 16 B du LPF s’analyse en une contestation sur un droit de nature civile au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.

Par ailleurs, il est dépourvu de sens de soutenir que le texte devrait prévoir que les visites et saisies devraient être limitées à la recherche de la preuve des cas les plus graves de fraude fiscale alors même que l’administration, lorsqu’elle sollicite la mise en oeuvre d’une visite domiciliaire, n’a pas, par définition, les éléments pour établir les agissements de fraude et donc établir leur gravité. Enfin, il est rappelé que les dispositions de l’article L. 16 B du LPF n’ont fait l’objet d’aucune critique de la part de la CEDH ni de la Cour de cassation. Télécharger la décision


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