Déposer une marque en fraude des droits d’un tiers

Déposer une marque en fraude des droits d’un tiers

Le groupe américain THOR (véhicules, caravanes et remorques) a obtenu la restitution de toutes ses marques françaises et noms de domaines incluant sa marque « Air Stream » déposés par l’un de ses importateurs. 

Les déposants frauduleux, domiciliés en Martinique, avaient eu l’idée d’importer des caravanes anciennes en provenance des États-Unis afin de les faire immatriculer et de les commercialiser en France. Le groupe THOR a découvert le dépôt frauduleux de plus d’une dizaine de marques et de noms de domaine.

Prescription de l’action fondée sur la fraude

Au sens de l’article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle, si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice. A moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l’action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la demande d’enregistrement.

L’action fondée sur l’adage « fraus omnia corrumpit » reposant sur la  mise en œuvre d’un principe général, elle doit suivre les règles de prescription du droit commun qui sont celles de l’article 2224 du code civil suivant lequel « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».

Action en nullité de marque

Il est de principe que l’action en nullité fondée sur la théorie générale de la fraude peut toujours être exercée indépendamment d’une action en revendication. La fraude se définissant comme l’utilisation d’une règle de droit de façon à porter atteinte aux intérêts d’un tiers au moyen d’actes d’apparence régulière, il s’agira dans le cas du dépôt d’une marque, de l’intention par ce moyen de priver autrui d’un signe nécessaire à son activité ou de s’approprier indûment le bénéfice d’une opération légitimement entreprise.

La caractérisation de la fraude suppose d’une part la connaissance des droits fraudés et d’autre part la recherche d’un profit indûment obtenu, la réunion de ces conditions étant appréciée in concreto au regard des circonstances de l’espèce parmi lesquelles le fait de savoir qu’un tiers utilise un signe identique ou similaire dans un contexte prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est sollicité, l’intention du demandeur d’empêcher ce tiers de continuer à utiliser le signe, et le degré de protection juridique dont bénéficient respectivement le signe du tiers et celui objet du dépôt. La fraude peut consister soit dans l’objectif de capter une valeur économique acquise par l’opérateur qui en est victime, soit dans l’intention de lui nuire en le privant de la possibilité d’exploiter le signe concerné.

En l’occurrence, la connaissance par les déposants des droits acquis sur le signe AIRSTREAM ressortait avec évidence du contexte dans lequel les marques litigieuses ont été déposées.  La démarche des déposants caractérisait clairement leur volonté de profiter de la réputation des droits fraudés en se présentant comme les exploitants légitimes d’un signe, dans des conditions leur permettant de s’affranchir des restrictions applicables dans le cas d’une référence nécessaire afin d’exclure tout risque de confusion. Le caractère frauduleux et partant l’absence de bonne foi des déposants étaient caractérisés. Télécharger la décision


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