N° RG 21/01191 – N° Portalis DBVM-V-B7F-KY7S
C3
N° Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
la SCP MICHEL BENICHOU MARIE-BÉNÉDICTE PARA LAURENCE TRIQUET-DUMOUL INKREMENA MLADENOVA’ AVOCATS ASSOCIES
Me Marie-Catherine CALDARA-BATTINI
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 09 MAI 2023
Appel d’une décision (N° RG 20/00060)
rendue par le Tribunal judiciaire de GRENOBLE
en date du 18 janvier 2021
suivant déclaration d’appel du 08 mars 2021
APPELANT :
M. [P] [M]
né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 4]
représenté par Me Michel BENICHOU de la SCP MICHEL BENICHOU MARIE-BÉNÉDICTE PARA LAURENCE TRIQUET-DUMOUL INKREMENA MLADENOVA’ AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMEE :
LA CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE SUD RHONE ALPES prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée et plaidant par Me Marie-Catherine CALDARA-BATTINI, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Catherine Clerc, président de chambre,
Mme Joëlle Blatry, conseiller,
Mme Véronique Lamoine, conseiller
DÉBATS :
A l’audience publique du 13 mars 2023 Mme Clerc président de chambre chargé du rapport en présence de Mme Blatry, conseiller assistées de Mme Anne Burel, greffier, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [P] [M] a signé avec la société MBK France un contrat de construction de maison individuelle (CCMI) le 24 février 2015.
Selon offre de prêt du 19 mars 2015, acceptée le 9 avril 2015, la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône Alpes (la Banque) a accordé à M. [M] un prêt d’un montant de 90.701€ et un prêt à taux zéro d’un montant de 18.000€ destinés à financer ce projet immobilier incluant l’acquisition d’un terrain à [Localité 7] (38).
La société MBK France a cessé son activité et le chantier de construction a été abandonné le 16 novembre 2016.
M. [M] qui avait déclaré cet abandon de chantier à la société Acsel Assurances pour voir mettre en ‘uvre la garantie de livraison, s’est vu répondre par celle-ci le 25 octobre 2017 que la société MKB n’avait jamais été assurée chez elle et qu’elle avait déposé plusieurs plaintes à son encontre pour usurpation d’identité, faux et usage de faux.
Selon acte extrajudiciaire du 26 décembre 2019, M. [M] a assigné à jour fixe la Banque devant le tribunal de grande instance de Grenoble en expertise pour évaluer le coût des travaux nécessaires à l’achèvement de l’ouvrage et paiement d’une indemnité provisionnelle’; il lui reprochait d’avoir manqué à ses obligations contractuelles en ne procédant pas à un examen sommaire du dossier pour s’assurer de la validité de la garantie de livraison alors que l’attestation d’assurance produite était entachée d’incohérences manifestes mais également en s’abstenant de vérifier le contrat CCMI dont plusieurs mentions étaient manquantes de telle sorte qu’il était nul et ne pouvait donc faire l’objet d’une garantie de livraison.
Par jugement contradictoire du 18 janvier 2021, le tribunal précité devenu tribunal judiciaire, a’:
rejeté la demande de dommages et intérêts provisionnelle formulée par M. [M] à l’encontre de la Banque fondée sur la responsabilité contractuelle au titre de l’offre de prêt acceptée le 9 avril 2015,
dit en conséquence n’y avoir lieu d’ordonner une expertise judiciaire,
dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
débouté M. [M] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné M. [M] à payer à la Banque la somme de 2.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné M. [M] aux dépens.
Par déclaration déposée le 8 mars 2021, M. [M] a relevé appel.
Dans ses dernières conclusions n°5 déposées le 6 janvier 2023 sur le fondement des articles L.231-1 et suivants, L.231-10 du code de la construction et de l’habitation, 1104 et 1231 du code civil, M. [M] demande que la cour infirmant le jugement déféré et statuant à nouveau,
juge que la Banque a manqué à ses obligations contractuelles et engagé sa responsabilité à son égard,
condamne la Banque à lui verser à titre provisionnel, une somme de 54.024,60€ à titre de dommages et intérêts,
avant dire droit sur le quantum du préjudice, ordonne une expertise judiciaire aux frais avancés de la Banque avec pour mission de’:
«’se rendre sur les lieux, prendre connaissance des éléments du dossier,
décrire l’état du chantier,
déterminer et évaluer les travaux de nature à permettre la livraison d’une maison conforme au contrat, au permis de construire et aux règles de l’art,
fournir au tribunal tous les éléments de nature à se prononcer sur les responsabilités encourues,
adresser son pré-rapport aux parties,
du tout dresser rapport pour être déposé au greffe du tribunal de céans dans le délai de trois mois de sa saisine’
condamne la Banque à lui verser la somme de 5.000€ sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
déboute la Banque de ses demandes,
condamne la Banque aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Me MicheL Benichou (SCP MBTD) avocat.
Il fait valoir en substance que’:
la Banque a commis une faute en ne vérifiant pas si le contrat CCMI comportait les mentions énoncées à l’article L.231-2 du code de la construction et de l’habitation qui sont d’ordre public, les modalités de règlement en fonction de l’avancée des travaux figurant au contrat n’étant pas conformes, et les mentions sur le projet de construction, sur le coût du bâtiment à construire, sur les assurances souscrites, dont la garantie de remboursement et de livraison, n’y figurant pas,
la Banque a également commis une faute en débloquant les fonds le 20 juillet 2015 sans pouvoir justifier qu’elle était alors en possession d’une attestation de livraison à cette date ni qu’elle avait obtenu copie de l’attestation de garantie de livraison avant ce déblocage’; et à considérer qu’il est établi qu’elle a reçu cette attestation en temps utile, elle a manqué de vigilance et à son obligation de contrôle en ne relevant pas le caractère suspect de ce document qui n’identifiait pas clairement l’identité du garant et qui comportait des énonciations inexactes et contraires aux dispositions d’ordre public de l’article R.213-7 du code de la construction et de l’habitation s’agissant de l’échelonnement des règlements,
il a subi un préjudice qui s’analyse en une perte de chance de ne pas avoir pu mener à terme son projet immobilier et de percevoir du garant le paiement des indemnités de retard contractuellement fixées sur la base de 1/3000 du prix par jour de retard, soit pour 2708 jours selon arrêté provisoire au 31 décembre 2021 (ou 2022 les deux années étant mentionnées), une somme de 54.024,60€’; une expertise aux frais de la Banque est nécessaire pour constater l’état du chantier et chiffrer le montant des travaux nécessaires pour permettre la livraison d’une maison contractuellement conforme.
Par dernières conclusions n°2 déposées le 3 janvier 2023 sur le fondement des articles L.231-2 et L.231-10 du code de la construction et de l’habitation, 1104 et 1231 du code civil, la Banque demande à la cour de’:
confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
en conséquence,
juger qu’elle n’a commis de faute et débouter M. [M] de sa demande de condamnation,
à titre subsidiaire,
juger que M. [M] ne justifie pas de son préjudice et d’un lien de causalité entre celui-ci et une prétendue faute de sa part,
le débouter de sa demande de provision,
à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour retenait sa responsabilité
juger prématurée la demande de provision de M. [M] et l’en débouter,
si la cour faisait droit à la demande d’expertise formulée par M. [M], prendre acte de ses protestations et réserves d’usage,
préciser que l’expert aura également pour mission de :
évaluer précisément le degré d’avancement des travaux au jour de l’abandon du chantier en novembre 2017 et le chiffrer le coût des travaux restant à exécuter en exécution du contrat signé par M. [M],
préciser les conséquences d’arrêt du chantier pendant une période de deux ans et les travaux de reprise qui s’imposent parce que le chantier est resté en l’état pendant cette longue période,
juger que M. [M], demandeur à l’expertise, supportera la consignation à verser à l’expert.
en tout état de cause,
condamner M. [M] à lui payer une somme de 3.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance d’appel.
L’intimée réplique que’:
les mentions obligatoires listées à l’article L.231-2 du code de la construction et de l’habitation sont présentes dans le contrat CCMI qui se compose des conditions générales et particulières, de la notice descriptive et des plans, documents qu’elle verse au débat contrairement à M. [M] qui s’est abstenu de le faire alors qu’il n’a jamais contesté les avoir reçus et les lui avoir remis ,
pour autant, les griefs fondés sur la prétendue absence de ces mentions obligatoires au contrat sont sans objet dès lors que M. [M] n’invoque que le préjudice lié à l’absence de garantie de livraison,
elle a débloqué les fonds après avoir été en possession de l’attestation de livraison,
rien ne pouvait laisser présumer que l’attestation de garantie de livraison qui présentait une apparence de régularité, n’était pas valide et qu’il s’agissait d’un faux, M. [M] lui-même s’y étant trompé ‘; elle n’a pas l’obligation de s’assurer de l’authenticité des documents produits, étant seulement obligée conformément à l’article L.231-10 du code de la construction et de l’habitation d’en obtenir la communication avant le déblocage des fonds,
M. [M] ne justifie pas de son préjudice (perte de chance de mener à bien son projet immobilier) en l’absence d’éléments d’élément permettant de vérifier l’état de la construction depuis le 16 novembre 2016, alors même qu’il a écrit à l’assureur Axelliance pour la garantie dommages ouvrage (et non pas garantie de livraison) en indiquant que «’la construction est livrée terminée conformément au contrat de construction signé le 24 février 2015’»’; il échoue également à établir l’existence d’un préjudice certain en lien de causalité direct et exclusif avec un manquement qu’elle aurait commis’; dès lors la demande d’expertise est sans objet.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 10 janvier 2023.
MOTIFS
Il est rappelé à titre liminaire, que la cour n’est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches que ses constatations rendent inopérantes.
Sur la responsabilité contractuelle de la Banque
En droit, l’établissement bancaire a l’obligation, avant toute offre de prêt, de vérifier conformément à l’article L. 231-10 du code de la construction et de l’habitation que le contrat CCMI qui lui est transmis comporte les énonciations visées à l’art. L. 231-2, et ne peut débloquer les fonds s’il n’a pas communication l’attestation de garantie de livraison à prix et délai convenu.
Pour autant, il n’a pas l’obligation de s’assurer de l’authenticité de cette attestation étant tenu seulement d’en vérifier l’existence et sa nature, à savoir qu’elle constitue bien l’attestation de garantie prévue par le texte’; ainsi, dès lors que cette attestation a une apparence de régularité et se rattache par les mentions qui y sont portées au marché de travaux, la responsabilité de l’établissement bancaire ne peut pas être recherchée au titre d’un défaut de vérification de sa véracité.
En l’espèce, l’attestation de garantie présentait tous les signes d’apparente régularité (mention de l’identité du maître de l’ouvrage, références du contrat CCMI, date prévisionnelle d’ouverture du chantier, délai contractuel de livraison, énoncé du fonctionnement et des limites de la garantie, franchises , obligation du maître d’ouvrage bénéficiaire, calendrier appel de fonds annoncé conforme à l’article R.213-7 du code de la construction et de l’habitation «’en cumul’»), et aucune faute ne peut être reprochée par M. [M] à l’encontre de la Banque au motif qu’en se livrant pas à la vérification de l’exactitude des mentions qui étaient portées dans l’attestation de garantie de livraison datée du 10 juillet 2015 établie au nom de’«’ Axelliance Groupe’» désignée «’le garant’» et signée par «’Acsel Assurances par délégation’» elle aurait manqué à son devoir de vigilance en tant que professionnel.
Il est par ailleurs établi que la Banque a débloqué les fonds le 20 juillet 2015, soit après le l’attestation de garantie signée le 10 juillet 2015 qu’elle indique avoir reçu de M. [M].
Le débat instauré par M. [M] sur la non-conformité des mentions du contrat CCMI relatives à l’échelonnement des règlements, ou encore l’absence d’autres mentions visées par l’article L.231-2 est inopérant’ ; en effet, outre qu’il ne poursuit pas la nullité de ce contrat et que ses critiques ne sont pas fondées (notamment celle tenant à l’absence de mention des garanties souscrites dont celle de remboursement et de livraison = cette mention figure clairement dans les conditions particulières du contrat au paragraphe CP 1-2, qui ont été paraphées par M. [M]), le fait générateur du préjudice dont il excipe au soutien de son action en responsabilité à l’encontre de la Banque est le fait que l’attestation de garantie de livraison était un faux.
Sans plus ample discussion, le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a débouté M. [M] de son action en responsabilité contractuelle à l’encontre de la Banque et de ses demandes subséquentes en expertise et paiement de dommages et intérêts à titre provisionnel.
Sur les mesures accessoires
Succombant dans son recours, M. [M] est condamné aux dépens d’appel et conserve ses frais irrépétibles exposés devant la cour’; il est condamné à verser à la Banque une indemnité de procédure pour la cause d’appel.
Le jugement entrepris est confirmé par ailleurs en ses dispositions relatives aux mesures provisoires.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré,
Y ajoutant,
Condamne M. [P] [M] à verser à la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône Alpes une indemnité de procédure de 2′.000€ pour l’instance d’appel,
Déboute M. [P] [M] de sa demande présentée en appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [P] [M] aux dépens d’appel.
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT