8 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/17813

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8 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/17813

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 10

ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 21/17813 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEO4J

Décision déférée à la cour :

Jugement du 14 septembre 2021-juge de l’exécution de SAINT MAUR DES FOSSES -RG n°11-21-000246

APPELANT

Monsieur [I] [N]

Chez Monsieur [X] [N] au [Adresse 1]

[Localité 5]

représenté par Me Gladys RIVIEREZ, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 196

INTIMÉS

Monsieur [R] [P]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Madame [H] [P]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentés par Me Romain GENON-CATALOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B 0096

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 juin 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Bénédicte PRUVOST, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

GREFFIER lors des débats : Madame Sonia DAIRAIN

ARRÊT

-contradictoire

-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition.

Par acte sous seing privé du 13 décembre 2016, M. et Mme [R] [H] [P] ont conclu avec M. [I] [N] un bail portant sur un appartement situé [Adresse 3].

Par ordonnance du 15 mai 2018, le juge des référés du tribunal d’instance de Meaux a condamné M. [N] à payer aux époux [P] la somme de 2.616 euros au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation échus au mois d’octobre 2017, assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision, outre une indemnité mensuelle d’occupation égale au montant du loyer et des provisions sur charge jusqu’à complète libération des lieux.

Par acte d’huissier du 1er juin 2018, cette ordonnance a été signifiée à M. [N].

Par requête déposée le 18 décembre 2019 devant le tribunal de proximité de Saint-Maur-des-Fossés, les époux [P] ont sollicité la saisie des rémunérations de M. [N] pour les sommes de 7.515,86 euros à titre principal et 2.033,06 euros au titre des intérêts courus.

Selon procès-verbal de non-conciliation du 15 décembre 2020, la saisie des rémunérations de M. [N] a été autorisée pour la somme de 7.613,54 euros en principal et 406,27 euros au titre des frais.

Par acte d’huissier du 15 avril 2021, M. [N] a fait assigner les époux [P] devant le juge de l’exécution de Saint-Maur-des-Fossés aux fins de contestation de la saisie des rémunérations.

Par jugement du 14 septembre 2021, le juge de l’exécution a :

autorisé la saisie des rémunérations du travail de M. [N] pour un montant total de 8019,81 euros (7613,54 euros en principal et 406,27 euros au titre des frais d’exécution) ;

rejeté toute autre demande ;

condamné M. [N] aux dépens.

Pour statuer ainsi, le juge de l’exécution a retenu qu’il ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs et sans remettre en cause la chose jugée attachée à la décision du 15 mai 2018, trancher la difficulté soulevée par M. [N] qui prétend avoir été victime d’une usurpation d’identité et subordonner l’examen de la demande de saisie des rémunérations au succès d’une plainte dont l’issue est incertaine.

Par déclaration du 11 octobre 2021, M. [N] a fait appel de ce jugement.

Par dernières conclusions du 13 juin 2022, M. [N] demande à la cour de :

le juger recevable et bien fondé en ses demandes, fins et prétentions ;

en conséquence,

infirmer partiellement le jugement dont appel en ce qu’il a autorisé la saisie de ses rémunérations du travail pour un montant total de 8.019,81 euros (7.613,54 euros en principal et 406,27 euros en frais d’exécution) et l’a condamné aux dépens ;

et statuant à nouveau,

juger qu’il existe une contestation sérieuse quant à la régularité de la saisie des rémunérations du travail à son encontre, portant tant sur l’identité du débiteur saisi que sur l’opposabilité du titre exécutoire à son encontre ;

juger qu’il n’a pas été locataire des époux [P] au [Adresse 3] ;

juger que la demande de saisie des rémunérations des époux [P] n’est pas certaine faute de justifier du quantum des frais réclamés à hauteur de 406,27 euros ;

ordonner la mainlevée de la saisie de ses rémunérations du travail ;

débouter les époux [P] de l’ensemble de leurs prétentions ;

condamner solidairement les époux [P] à lui payer la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner les époux [P] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

L’appelant soutient que :

il résulte des pièces versées au débat qu’il n’a pas conclu le bail du 13 décembre 2016 avec les époux [P], mais a été victime d’une usurpation d’identité par un lointain cousin, usurpation d’identité pour laquelle il a porté plainte, et qu’il vivait dans le Val-de-Marne pendant la période où le logement a été loué, chez un ami puis chez son frère ;

l’issue de la plainte n’était pas incertaine au moment où le juge de l’exécution a statué, l’avis de classement étant intervenu du seul fait de l’absence de localisation de l’auteur qui a néanmoins été identifié ; ainsi, le juge aurait dû considérer qu’il existait une contestation sérieuse sur la requête à fin de saisie des rémunérations ;

le juge de l’exécution n’aurait pas excédé ses pouvoirs en tranchant cette contestation, ce qui n’aurait pas eu pour effet de remettre en cause l’autorité de la chose jugée attachée à l’ordonnance de référé du 15 mai 2018 mais simplement de rendre cette décision inopposable à son encontre, l’autorité de la chose jugée perdurant à l’encontre de l’usurpateur d’identité  ;

la saisie des rémunérations est irrégulière en raison de l’irrégularité de la signification de l’ordonnance du 15 mai 2018 effectuée hors des délais prévus à l’article 478 du code de procédure civile dès lors qu’il n’a été informé de ladite ordonnance qu’en 2020, lors de la signification de la procédure relative à la saisie des rémunérations ;

a titre subsidiaire, ses revenus (956,91 euros mensuels après prélèvement à la source) ne lui permettraient pas de payer la somme réclamée et les frais mis en compte par les intimés ne sont pas justifiés.

Par dernières conclusions du 11 février 2022, les époux [P] demandent à la cour de :

débouter M. [N] de toutes ses demandes ;

confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

condamner M. [N] à leur payer la somme de 2.500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner M. [N] aux dépens.

Les intimés font valoir que :

c’est la première fois après deux ans de procédure, alors qu’à la première audience de saisie des rémunérations, M. [I] [N] a demandé un renvoi, puis n’a pas comparu à la seconde, qu’il invoque une prétendue usurpation d’identité ;

c’est à bon droit que le juge de l’exécution a retenu qu’il ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs, statuer sur la régularité, la validité ou l’opposabilité du titre exécutoire sauf à modifier le dispositif de l’ordonnance du 15 mai 2018 qui constate à leur profit une créance certaine, liquide et exigible ;

l’usurpation d’identité n’est pas établie, M. [N] ne fournissant aucun élément de nature à en démontrer l’existence, les pièces administratives qu’il produit ne permettant ni d’établir une véritable domiciliation, puisque libellées à l’adresse d’un tiers, ni d’exclure l’existence d’un bail en son nom sur la période considérée  tandis que l’ensemble de ses employeurs étaient situés dans le même département que le studio loué en Seine-et-Marne ;

ses déclaration contiennent de nombreuses incohérences quant aux circonstances de la perte de ses documents d’identité, à l’absence de démarches entreprises à l’issue du classement sans suite de sa plainte alors qu’il affirme connaître l’identité de son usurpateur (un lointain cousin) sans toutefois expliquer comment ce dernier a pu entrer en possession des documents nécessaires à la souscription du bail (avis d’imposition, attestation d’hébergement assortie d’une copie de la pièce d’identité) ;

la signification de l’ordonnance de référé 15 mai 2018 intervenue le 1er juin 2018 est régulière comme respectant les dispositions de l’article 478 du code de procédure civile, l’appelant produisant lui-même l’acte de signification.

L’ordonnance de clôture, initialement fixée au 2 juin 2022, a été révoquée à la demande de l’appelant formée le jour même de la clôture, lequel a déposé de nouvelles écritures le 13 juin 2022, et la clôture a été à nouveau prononcée à l’audience de plaidoirie du 17 juin 2022.

MOTIFS

Sur la nullité de la procédure de saisie des rémunérations pour irrégularité de la signification de l’ordonnance de référé

L’article 478 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé contradictoire au seul motif qu’il est susceptible d’appel est réputé non avenu s’il n’a pas été notifié dans les six mois de sa date.

Or l’ordonnance de référé, réputée contradictoire au seul motif qu’elle était susceptible d’appel, rendue le 15 mai 2018, a été signifiée le 1er juin 2018, par procès-verbal d’huissier remis à étude, dont l’appelant n’indique pas en quoi il serait irrégulier et alors qu’il ne conteste pas les mentions apposées par l’huissier de justice, lesquelles valent jusqu’à inscription de faux. Par conséquent, à défaut d’établir la nullité de cette signification, effectuée quinze jours après sa date, l’appelant ne peut se prévaloir des dispositions précitées pour voir déclarer non avenue la décision du 15 mai 2018.

Sur le moyen tiré de l’inopposabilité du titre exécutoire à M. [I] [N]

Aux termes de l’article R. 121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution.

Or l’ordonnance de référé du 15 mai 2018 a été rendue à l’encontre de M. [I] [N] nommément. Celui-ci n’a frappé d’appel cette décision de justice ni à l’occasion de la signification qui lui a été faite le 1er juin 2018, ni à la suite de son assignation devant le juge de l’exécution le 3 juin 2020 chez M. [X] [N], [Adresse 1], adresse que l’appelant indique dans ses conclusions (page 5) comme étant la sienne depuis le mois de juillet 2019.

Par conséquent, c’est par une juste application des dispositions de l’article R. 121-1 du code des procédures civiles d’exécution que le juge de l’exécution a rejeté le moyen tiré de la prétendue inopposabilité du titre exécutoire au défendeur, ne pouvant modifier le dispositif du titre exécutoire qui vise nommément M. [I] [N], et ne pouvant suspendre l’exécution de celui-ci pour quelque motif que ce soit, notamment pas en raison d’une plainte pénale invoquée par celui-ci, laquelle a d’ailleurs été classée sans suite.

Sur le montant de la saisie des rémunérations

L’appelant se borne à contester le montant des frais mis en compte par l’acte de saisie, sans toutefois préciser lesquels ne seraient pas justifiés ni pour quels motifs.

A l’inverse, les époux [P] produisent un état détaillé de leurs frais, arrêté au 17 septembre 2018 à la somme de 959,27 euros, décompte que le juge de l’exécution a retenu à hauteur de 406,27 euros.

Cette réduction du montant des frais par le juge de l’exécution n’est pas contestée par les intimés qui sollicitent la confirmation du jugement entrepris. Il y a donc lieu de rejeter la contestation des frais avancée sans motifs par M. [N].

L’appelant fait enfin valoir qu’il ne perçoit aujourd’hui qu’un salaire mensuel de 1000 euros environ, soit 956,91 euros après prélèvement de l’impôt à la source. C’est en vain que M. [N] soutient que cette situation de revenu ne lui permettrait pas de s’acquitter de la dette visée par la requête, les proportions dans lesquelles les rémunérations sont saisissables étant fixées par l’article R 3252-2 du Code du travail en fonction du montant de la rémunération, par tranches, et du nombre de personnes dont le débiteur a la charge, de sorte que la dette n’est pas saisie en une seule fois et se trouve échelonnée sur la durée en fonction de la quotité saisissable.

En définitive, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires

L’issue du litige justifie de condamner l’appelant aux dépens d’appel ainsi qu’au paiement aux intimés d’une indemnité de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant,

Condamne M. [I] [N] à payer à M. et Mme [R] et [H] [P] une somme de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [I] [N] aux dépens d’appel.

Le greffier, Le président,

 


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