Sommaire
8 février 2023
Cour d’appel de Poitiers
RG n°
21/02399
4ème Chambre
Texte de la décision
ARRET N°
N° RG 21/02399 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GK2N
[H]
[H]
[H]
C/
[L]
[H]
[J]
Association UDAF DE LA GIRONDE (UDAF 33)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
4ème Chambre Civile
ARRÊT DU 08 FEVRIER 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02399 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GK2N
Décision déférée à la Cour : jugement du 19 mars 2021 rendu par le tribunal judiciaire hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SAINTES.
APPELANTS :
Monsieur [U] [G] [H]
né le 02 Décembre 1941 à [Localité 2] (16)
[Adresse 1]
[Localité 5]
ayant pour avocat Me François MIDY de la SELARL OPTIMA AVOCATS, avocat au barreau de SAINTES
Monsieur [A] [H]
né le 09 Novembre 1940 à [Localité 13] (16)
[Adresse 4]
[Localité 10]
ayant pour avocat Me François MIDY de la SELARL OPTIMA AVOCATS, avocat au barreau de SAINTES
Monsieur [O] [K] [H]
né le 10 Mai 1949 à [Localité 13] (16)
[Adresse 9]
[Localité 3]
ayant pour avocat Me François MIDY de la SELARL OPTIMA AVOCATS, avocat au barreau de SAINTES
INTIMES :
Monsieur [I] [V]
né le 21 décembre 1971 à [Localité 15],
[Adresse 11],
[Localité 7]
Assisté de l’UDAF de la Gironde (UDAF 33), ès qualité de curateur de Monsieur [I] [V],
[Adresse 6]
ayant pour avocat Me Nathalie BOURDEAU de la SCP ROUDET BOISSEAU LEROY DEVAINE MOLLE BOURDEAU, avocat au barreau de SAINTES
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/006659 du 25/10/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de POITIERS)
Madame [Z] [H] épouse [D]
[Adresse 12]
[Localité 2]
Défaillante
Monsieur [G] [J]
[Adresse 14]
[Localité 8]
Défaillant
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 11 Janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Dominique NOLET, Président
Madame Marie-Béatrice THIERCELIN, Conseiller, qui a présenté son rapport
Madame Ghislaine BALZANO, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame Diane MADRANGE,
ARRÊT :
– PAR DEFAUT
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
**********************
EXPOSE DU LITIGE
Dans des conditions de régularité, de forme et de délai non discutées, [U], [A] et [O] [H] ont interjeté appel le 28/07/2021 d’un jugement rendu le 19/03/2021 par le tribunal judiciaire de Saintes qui a débouté [U], [A], [Z] ainsi que [O] [H] de leurs demandes et les a condamnés in solidum aux dépens de l’instance.
Les appelants concluent à la réformation de la décision entreprise et demandent à la cour de :
– déclarer nul et de nul effet le testament en date du 28 mars 2010 ainsi que les deux codicilles en date des 3 mai 2010 et 8 juin 2010 aux termes desquels [W] [H] a institué pour légataire universel [I] [V] ;
– Condamner [I] [V] à verser à [U], [A] et [O] [H] une somme de 4.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
[I] [V], assisté de son curateur conclut à la confirmation de la décision déférée et sollicite en outre l’allocation de la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Ni [G] [J] ni [Z] [H] n’ont constitué avocat en cause d’appel. La déclaration d’appel a été signifiée à [Z] [H] le 27/09/2021 à sa personne et à M. [G] [J] le 04/10/2021 à l’étude d’huissier.
Les dernières conclusions des appelants ont été signifiées respectivement les 02/12/2022 à M. [J], à sa personne et le 23/11/2022 à Mme [H] à l’étude d’huissier.
Vu les dernières conclusions des appelants en date du 18/11/2022 ;
Vu les dernières conclusions de [I] [V] en date du 20/01/2022 ;
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 14/12/2022.
EXPOSE DU LITIGE
Mme [W] [H] est décédée le 15/04/2019 à l’âge de 97 ans sans descendant en ligne directe ni conjoint survivant. Elle avait établi le 28 mars 2010 un testament suivi de deux codicilles datés des 3 mai 2010 et 8 juin 2010, instituant [I] [V] en qualité de légataire universel, ledit testament confié à l’office notarial dont la SELARL NOT’ATLANTIC est titulaire, selon le procès-verbal de dépôt et de description du testament établi le 18 juillet 2019 par Maître [B], notaire associé de ladite SELARL.
Par actes d’huissier délivrés les 27 novembre, 29 novembre et 3 décembre 2019, [U], [A] et [O] [H], neveux de la défunte, ont assigné devant le tribunal judiciaire de Saintes, [I] [V], légataire, ainsi que [Z] [H] et [G] [J], autres neveux de Mme [W] [H] aux fins de déclarer nuls le testament ainsi que ses deux codicilles.
[Z] [H] s’est jointe aux demandes de [U], [A] et [O] [H].
SUR QUOI
Selon l’article 901 du code civil, pour faire une libéralité, il faut être sain d’esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence.
Les appelants soutiennent que les trois documents sus-visés sont entâchés de nullité au motif que leur auteur, [W] [H], n’était pas saine d’esprit lors de leur rédaction et qu’en outre son consentement a été vicié par les manoeuvres dolosives de [I] [V] pour la déterminer à les établir.
SUR L’INSANITÉ D’ESPRIT
Selon les appelants, l’insanité d’esprit de leur tante se déduit tout d’abord d’éléments intrinques aux actes contestés. Ils font ainsi valoir que leur tante a rédigé un testament suivi de deux codicilles en trois mois, tous visant le même objectif, instituer [I] [V] légataire universel. La cour considère au contraire que cela démontre la détermination de la défunte dans son intention de gratifier l’intimé, détermination qui résulte également de leur dépôt chez un notaire, étant relevé que les trois actes commencent par ‘ceci constitue mon testament’ pour le premier et le troisième, ‘ceci est mon testament’pour le second où elle a également écrit de sa main, ‘librement avec la pleine jouissance de ses facultés intellectuelles’, ce qui, loin de démontrer une volonté peu assurée de la défunte comme les appelants le soutiennent, atteste d’une intention de rendre ces actes inattaquables.
Le fait que les documents aient été établis sur des papiers à en tête publicitaire (sanofi-synthélabo), de petit format, est indifférent puisqu’aucun formalisme n’est exigé en la matière, tout comme l’écriture, en rapport avec l’âge de la défunte au moment de leur établissement, ou bien encore la présence de ratures, surcharges, retours de lignes sur les actes, dès lors qu’ils n’empêchent pas la compréhension de ceux-ci, la surcharge sur la date ne permettant en aucun cas de déduire que [W] [H] était désorientée.
D’ailleurs le notaire, dans son procès verbal sus-visé, conclut après leur description que les actes ne paraissent présenter aucune défectuosité.
Il résulte de ces développements que contrairement à ce que soutiennent les appelants, l’analyse des documents litigieux ne fait pas ressortir un affaiblissement de leur auteur.
Les consorts [H] expliquent encore avoir observé dès 2010 une proximité entre leur tante, alors âgée de 89 ans, et [I] [V], de cinquante ans son cadet, qui l’a vraisemblablement manipulée pour la dépouiller, ce qui les a conduits, sur la foi d’un certificat médical établi le 1er juillet 2010 requérant l’ouverture d’une mesure de protection en urgence, à signaler 1a situation au Procureur de la République courant mars 2011 en vue d’une mesure de protection et d’une enquête pénale pour abus de faiblesse, précisant dans leur lettre que leur tante refusait de les rencontrer et de se faire examiner par un médecin spécialiste comme ils le lui demandaient.
Il convient tout d’abord de relever que le certificat établi par le docteur [M] courant juillet 2010 dans un temps certes très proche des actes litigieux, ne fournit aucune indication sur les raisons qui ont conduit ce praticien à suggérer la mise sous protection en urgence de Mme [W] [H], alors que [I] [V] affirme qu’il ne s’agissait pas de son médecin traitant et que dans leur courrier adressé au Procureur de la République, les appelants déploraient son refus de se faire examiner et de les rencontrer. Ce document est en toute hypothèse insuffisamment étayé pour permettre d’en tirer la moindre conséquence quant à l’état mental de Mme [W] [H].
Ce n’est qu’un an après la rédaction du testament et des codicilles que le Dr [E], médecin psychiatre a conclu le 3 mai 2011 à la mise sous protection de Mme [W] [H], qui a été placée sous curatelle renforcée par décision du juge des tutelles du 24/11/2011, confirmée par arrêt de cette cour en date du 24/10/2012 sauf en ce qui concerne la désignation du curateur, [U] [H] ayant été désigné curateur, à la place de M. [P], mandataire judiciaire.
La cour observe que si le juge des tutelles a motivé sa décision en retenant un affaiblissement des capacités physiques et mentales de Mme [W] [H] liées à l’âge, l’ayant conduite à faire des retraits en numéraire et rédiger des chèques pour des montants importants (3.500 euros) dont elle ne se souvenait plus, dépassant celui de sa retraite mensuelle, il a retenu qu’elle conservait plus d’un an après les actes critiqués une lucidité qui justifiait qu’elle puisse continuer à suivre l’évolution de ses comptes, ce que la cour d’appel, un an plus tard, n’a pas remis en cause, étant rappelé, ainsi que l’ont relevé les premiers juges que Mme [W] [H] est restée vivre à son domicile et demeurée sous le même régime de protection jusqu’à son décès, à l’âge de 97 ans.
Les analyses concordantes de ces professionnels contredisent l’attestation de M. [R] [S], propriétaire d’un logement dans la même résidence que Mme [W] [H], qui considère qu’à partir de 2010 celle-ci n’était plus en état de gérer ses affaires, et doivent être privilégiées en considération de leur expertise en matière de capacité et de protection des personnes vulnérables.
Par conséquent si le certificat médical établi par le docteur [E] et la mesure de protection instaurée démontrent un affaiblissement de la capacité de Mme [W] [H] dès le mois de mai 2011 et vraisemblablement quelque temps auparavant, ils ne démontrent pas son insanité d’esprit au moment où elle a établi les actes litigieux et ce, alors même qu’il a été considéré que même affaiblie, elle présentait une lucidité lui permettant de conserver des prérogatives dans le cadre d’une mesure de protection. En outre le testament en faveur de [I] [V] est cohérent au regard de l’amitié qu’elle lui portait ainsi qu’en a témoigné Mme [X], ancienne mandataire de M. [V] dans le cadre de l’enquête pénale diligentée à son encontre.
Dès lors que la défunte était saine d’esprit au moment où elle a établi le testament et ses codicilles en faveur de M. [V], il importe peu que ce dernier ait pu paraître ou même ait été intéressé, ainsi qu’a pu le déclarer M. [P]. D’ailleurs celui-ci s’en défend mais fait au contraire état, dans une lettre adressée à son avocat en 2019, d’une rencontre entre deux solitudes ayant donné naissance après plusieurs années à une amitié filiale.
SUR LE DOL
Il appartient aux appelants de démontrer que c’est par des manoeuvres frauduleuses que l’intimé a déterminé la défunte à consentir aux actes litigieux.
Ils soutiennent que l’intimé a trompé leur tante par une relation mensongère.
Ils se prévalent d’un courrier adressé par [I] [V] en 2019 à son propre avocat pour tenter de définir sa relation avec la défunte, où il évoque avec grandiloquence, notamment la relation d’amour filial qui les unissait, ainsi que les bons moments passés ensemble. Cet écrit, dont les maladresses peuvent s’expliquer par les troubles psychiatriques anciens de son auteur, de type psychotique et bipolaire avec épisodes maniaques, ne peut utilement être invoqué comme preuve d’une relation mensongère.
De même, le fait que M. [P] ait pu évoquer le ‘manège intéressé ‘ de [I] [V] ne saurait caractériser des manoeuvres dolosives concomittantes aux actes, faute d’éléments circonstanciés à l’appui de son appréciation pas plus que les exemples de dépenses jugées inconsidérées qu’il cite comme le chèque de 3.500 euros sus-évoqué, qui date de 2011 ainsi qu’un bon de commande d’un véhicule Mercedes d’une valeur de près de 50.000 euros signé en 2012, car d’une part ces dépenses sont bien postérieures aux actes querellés, d’autre part, les appelants ne démontrent pas que le véhicule était destiné à [I] [V], qui le conteste.
Enfin, le fait que l’enquête diligentée à l’encontre de l’intimé pour abus de faiblesse n’ait manifestement pas abouti à des poursuites affaiblit encore la thèse des appelants.
Au regard de ces éléments, ces derniers échouent à rapporter la preuve qui leur incombe de l’existence d’un dol ayant vicié le consentement de Mme [W] [H] au moment de la rédaction du testament et de ses deux codicilles.
Dès lors la décision déférée qui a rejeté la demande d’annulation de ces actes sera confirmée.
[U], [A] et [O] [H] qui succombent dans leurs prétentions supporteront les dépens.
Tenus aux dépens ils seront en outre condamnés à payer à [I] [V] la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant dans les limites de l’appel,
Au fond,
Confirme la décision déférée,
Y ajoutant,
Condamne [U], [A] et [O] [H] aux entiers dépens de l’appel,
Condamne [U], [A] et [O] [H] à payer à [I] [V] la somme de 1.500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
Autorise les avocats de la cause à recouvrer les dépens conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.
Le présent arrêt a été signé par Dominique NOLET, Président et par Diane MADRANGE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
D. MADRANGE D. NOLET