COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 septembre 2022
Rejet non spécialement motivé
Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10478 F
Pourvoi n° K 21-13.640
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 SEPTEMBRE 2022
La société Maisons du monde France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 21-13.640 contre l’arrêt rendu le 23 novembre 2020 par la cour d’appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige l’opposant à la société Bazalp, société par actions simplifiée unipersonnelle à associé unique, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société Fly, défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Maisons du monde France, de Me Balat, avocat de la société Bazalp, et l’avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l’audience publique du 31 mai 2022 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Maisons du monde France aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Maisons du monde France et la condamne à payer à la société Bazalp la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat aux Conseils, pour la société Maisons du monde France.
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté les demandes de la société Maisons du monde ;
1°) ALORS QUE la concurrence parasitaire résulte d’un ensemble d’éléments appréhendés dans leur globalité ; que la notoriété de l’entreprise victime des agissements litigieux et la distinctivité de son identité visuelle constituent des facteurs pertinents à prendre en compte pour l’examen de la concurrence parasitaire ; qu’en se focalisant sur le fait que les chiffres de l’étude Opinionway de 2019 montreraient que les associations spontanées à Maisons du Monde seraient « bien moins importantes » puis en retenant qu’« à supposer [ ] qu’une possibilité marginale d’évocation de la société Maisons du monde existe à la lecture du prospectus litigieux », le parasitisme n’était pas établi, sans prendre en considération l’importante renommée de la société Maisons du monde et la force de son identité visuelle sur le marché considéré, qui n’étaient pas contestées, et sans rechercher si, eu égard à cette renommée et à cette forte identité visuelle et compte tenu de l’existence des ressemblances qu’elle a elle-même relevées entre les polices de caractères des visuels litigieux ainsi que des associations spontanées résultant du sondage Opinonway, la société Fly n’avait pas créé un rattachement parasitaire avec l’identité visuelle de la société Maisons du monde lui permettant de bénéficier indument de sa force attractive, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382, devenu 1240, du code civil :
2°) ALORS QUE la concurrence parasitaire consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un concurrent en profitant indûment de la notoriété acquise, des efforts ou des investissements consentis ; qu’il résulte d’un ensemble d’éléments appréhendés dans leur globalité ; qu’en relevant, de manière inopérante, que « si les polices comparées, soumises côte à côte au consommateur sondé, peuvent apparaître ressemblantes à ses yeux, ceci ne conduit pas pour autant à déduire une banalisation du slogan « Soyez fous Soyez vous » » et qu’elle « ne retient pas qu’un consommateur voyant les termes « déRANGER SON PETIT MONDE » ferait nécessairement et spontanément le lien avec le slogan « Soyez fous Soyez vous » », sans rechercher, comme elle y était invitée, si, eu égard à l’importante renommée de la société Maisons du monde et à la force de son identité visuelle sur le marché considéré, qui n’étaient pas contestées, la reprise combinée de la police de caractères du logo de cette société et d’une police similaire à celle utilisée pour son slogan « Soyez fous Soyez vous », dans un slogan comportant également le mot « monde » en lettres majuscules, n’avait pas permis à la société Fly de se placer dans le sillage de l’identité visuelle de la société Maisons du monde et de bénéficier indûment de son attractivité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382, devenu 1240, du code civil ;
3°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la concurrence parasitaire, qui résulte d’un ensemble d’éléments appréhendés dans leur globalité, doit être examinée en tenant compte de l’ensemble des facteurs pertinents du cas d’espèce ; qu’un sondage dans lequel le consommateur potentiel est invité à comparer les éléments en litige constitue précisément un élément pertinent permettant de mesurer la perception du public pertinent et devant donc être pris en compte dans l’examen global du parasitisme ; qu’en refusant de tenir compte de la partie des résultats du sondage Opinionway de novembre 2019 correspondant à des réponses à des questions dans lesquelles le consommateur potentiel est invité à comparer « les deux éléments », au motif que la structure « fermée » de telles questions introduirait un « biais dans les réponses » dès lors que le consommateur potentiel est « spécifiquement invité à comparer les deux éléments », tout en constatant que ces résultats allaient « dans le sens d’une proximité visuelle qui peut être constatée à la comparaison », la cour d’appel a violé l’article 1382, devenu 1240, du code civil ;
4°) ALORS QUE la concurrence parasitaire consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un concurrent en profitant indûment de la notoriété acquise, des efforts ou des investissements consentis ; qu’elle résulte d’un ensemble d’éléments appréhendés dans leur globalité ; qu’en l’espèce, la société Maisons du monde ne reprochait pas, en soi, à la société Fly d’avoir cherché à véhiculer un message d’expression personnelle et de pensée individuelle aux consommateurs, mais lui faisait grief de s’être fautivement placée dans le sillage de son identité visuelle en reprenant, de manière combinée, la police de caractères de son logo et de ses signes distinctifs et une police similaire à celle utilisée pour son slogan « Soyez fous Soyez vous », dans un slogan comportant également le mot « monde », pour, au surplus, exprimer un message de liberté individuelle, exactement comme la société Maisons du monde l’avait elle-même fait en utilisant la police « Levi Brush » dans son slogan (v. conclusions d’appel, pp. 67, 77 et 78) ; qu’en relevant, de manière inopérante, que la société Maisons du Monde ne saurait reprocher à sa concurrente de chercher, comme elle, à véhiculer un message « d’expression personnelle et de pensée individuelle au consommateur », sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Fly ne s’était pas fautivement placée dans le sillage de la société Maisons du monde en utilisant des polices caractéristiques de l’identité visuelle de cette dernière pour exprimer le même message d’expression personnelle et de pensée individuelle, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382, devenu 1240, du code civil ;
5°) ALORS QUE la concurrence parasitaire résulte d’un ensemble d’éléments appréhendés dans leur globalité ; qu’en l’espèce, dans ses conclusions d’appel (pp. 48-50 et pp. 73-74), la société Maisons du monde faisait valoir que la chronologie et le contexte des faits litigieux constituaient des éléments permettant de montrer que la société Fly s’était fautivement rapprochée de l’identité visuelle de la société Maisons du monde et placée dans le sillage de cette dernière ; qu’elle soulignait, tout d’abord, que la société Maisons du monde exploitait, de manière intensive, depuis 1999 son logo ayant une police de caractères très spécifique et qu’elle avait lancé, en octobre 2014, une importante campagne publicitaire mettant en avant le slogan « Soyez fous, soyez vous » dans une police de caractères très particulière ; qu’elle rappelait ensuite qu’alors même qu’elle avait adopté une identité visuelle totalement différente en 2012 et que son ancien propriétaire soulignait en décembre 2014 qu’on ne l’entendait quasiment plus, la société Fly avait décidé, dès février 2015, d’utiliser un slogan (« Vive la déco libre ») avec une police de caractères similaire à celle du slogan « Soyez fous Soyez vous » puis en septembre 2015, d’adopter le slogan « déRANGER SON PETIT MONDE » reprenant, de manière combinée, une police similaire à celle du slogan de Maisons du monde et un police identique à celle du logo et des signes distinctifs de Maisons du monde (incorporant, au surplus, le même mot « monde ») ; qu’en affirmant qu’il ne serait pas démontré une volonté, pour la société Fly, de faire référence indûment à la notoriété de la société Maisons du Monde, afin de se mettre dans son sillage et de profiter des investissements de cette dernière et que la société Fly aurait développé une stratégie propre, déclinée à travers plusieurs prospectus composant un ensemble cohérent au sein duquel s’inscrivait le prospectus litigieux, sans s’expliquer sur cette chronologie et ce contexte, la cour d’appel, qui n’a pas apprécié la concurrence parasitaire en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382, devenu 1240, du code civil ;
6°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU’en relevant ainsi que la société Fly aurait développé une stratégie propre, qu’elle a décliné à travers plusieurs prospectus composant un ensemble cohérent, au sein duquel s’inscrivait celui en cause, la cour d’appel s’est déterminée par des considérations impropres à exclure que la société Fly se soit fautivement placée dans le sillage de l’identité visuelle de la société Maisons du monde en diffusant un prospectus reprenant, de manière combinée, la police de caractères de son logo et de ses signes distinctifs et une police similaire à celle utilisée pour son slogan « Soyez fous Soyez vous », dans un slogan comportant également le mot « monde » ; qu’en statuant par de tels motifs inopérants, la cour d’appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382, devenu 1240, du code civil ;
7°) ALORS QU’une faute de concurrence parasitaire est caractérisée, même en présence d’actes limités dans le temps, dès lors que ceux-ci permettent à leur auteur de se placer dans le sillage d’un concurrent en profitant indûment de la notoriété acquise, des efforts ou des investissements consentis ; qu’en relevant que le prospectus litigieux n’avait été diffusé que pendant un mois, la cour d’appel a, à nouveau, statué par un motif impropre à écarter l’existence d’une faute de concurrence parasitaire et privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382, devenu 1240, du code civil ;
8°) ALORS QUE la concurrence parasitaire consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un concurrent en profitant indûment de la notoriété acquise, des efforts ou des investissements consentis ; qu’à cet égard, une entreprise tire fautivement profit de la notoriété ou des investissements d’un concurrent et se rend ainsi coupable de concurrence parasitaire, en particulier lorsqu’elle cherche, de manière déloyale, à susciter, dans l’esprit du public, un rattachement avec l’identité visuelle ou les signes distinctifs de ce concurrent, tout en lançant un message de défi à ce dernier ; qu’en retenant, au contraire, qu’« aucune intention de profiter de la notoriété de son concurrent ne pourrait être retenue dans un tel cas » et que la société Maisons du monde ne pourrait « rationnellement soutenir que le message du prospectus était un message « de défi visant à bousculer un concurrent » et que dans le même temps, ce slogan visait à usurper sa notoriété au profit de son adversaire », la cour d’appel a violé l’article 1382, devenu 1240, du code civil ;
9°) ALORS QUE l’action fondée sur le parasitisme suppose seulement l’existence d’une faute, sans requérir la démonstration d’un élément intentionnel, ; qu’en l’espèce, alors même qu’elle a elle-même rappelé que « la concurrence parasitaire peut ainsi se déduire d’un faisceau de présomptions », la cour d’appel a retenu, pour rejeter les demandes de la société Maisons du monde au titre de la concurrence parasitaire, qu’un agissement parasitaire nécessiterait « la volonté de bénéficier de la reconnaissance d’un concurrent, de se rattacher à l’image positive de son identité dans l’esprit des consommateurs », qu’« à supposer [ ] qu’une possibilité marginale d’évocation de la société Maisons du monde existe à la lecture du prospectus litigieux, il ne peut être analysé comme un acte délibéré opéré en vue de parasiter sa renommée » et qu’il ne serait pas démontré une « volonté », pour la société Fly de faire référence indûment à la notoriété de la société Maisons du monde, afin de se mettre dans son sillage et de profiter des investissements de cette dernière ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a ainsi subordonné l’existence d’une faute de concurrence parasitaire à la démonstration d’un élément intentionnel, a violé l’article 1382, devenu 1240, du code civil.