7 septembre 2022 Cour d’appel de Nîmes RG n° 20/02322

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7 septembre 2022 Cour d’appel de Nîmes RG n° 20/02322

ARRÊT N°

N° RG 20/02322 – N° Portalis DBVH-V-B7E-HZUL

CS

TRIBUNAL DE COMMERCE D’AVIGNON

04 septembre 2020

RG:2019002616

S.A.R.L. AY DISTRIBUTION

C/

[T]

[K]

S.A.R.L. O BEERS

Grosse délivrée le 07 septembre 2022 à :

– Me Philippe PERICCHI

– Me Céline GUILLE

COUR D’APPEL DE NÎMES

4ème CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 07 SEPTEMBRE 2022

APPELANTE :

S.A.R.L. AY DISTRIBUTION, immatriculée au RCS de Romans sous le N°B 797 543 485 au capital social de 400 000 euros, représentée par son gérant domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me LE HEC Jérôme, substituant Me Jean-baptiste GOUACHE de la SELARL GOUACHE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

Monsieur [M] [T]

né le 04 Décembre 1984 à [Localité 11]

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représenté par Me Céline GUILLE de la SELARL CELINE GUILLE, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Arnaud TRIBHOU, Plaidant, avocat au barreau d’AVIGNON

Monsieur [R] [K]

né le 19 Janvier 1985 à [Localité 9]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Céline GUILLE de la SELARL CELINE GUILLE, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Arnaud TRIBHOU, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d’AVIGNON

S.A.R.L. Ö BEERS, SARL immatriculée au RCS d’AVIGNON sous le numéro B 835074899, pris en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège,

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée par Me Céline GUILLE de la SELARL CELINE GUILLE, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Arnaud TRIBHOU, Plaidant, avocat au barreau d’AVIGNON

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre,

Mme Corinne STRUNK, Conseillère,

Madame Claire OUGIER, Conseillère.

GREFFIER :

Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 4ème chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 16 Juin 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 07 Septembre 2022.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 07 Septembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.

EXPOSÉ

Vu l’appel interjeté le 21 septembre 2020 par la société AY Distribution à l’encontre du jugement rendu le 4 septembre 2020 par le tribunal de commerce d’Avignon dans l’instance n° 2019002616 ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 21 décembre 2020 par l’appelant, et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 5 mars 2021 par les intimés, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu l’ordonnance du 10 décembre 2021 de clôture à effet différé au 2 juin 2022 ;

* * *

En 2014, la Société « AY Distribution » (ci-après l’appelante) a mis en place un réseau de franchise portant sur des bars et caves à bière sous l’enseigne « My Beers » et compte à ce jour 18 franchisés essentiellement concentrés dans le quart sud-est de la France.

Entre le mois de mai 2017 et le mois de septembre 2017, une phase de pourparlers a pris place entre, d’une part, Monsieur [M] [T] et Monsieur [R] [K] (ci-après les gérants), et d’autre part, les représentants de la société appelante, afin d’envisager l’implantation d’un bar et cave à bière « My Beer » dans la zone d’achalandage du Pontet.

Ces pourparlers n’ont pas abouti.

Le 4 septembre 2017, les gérants se positionnaient sur un local commercial appartenant à la SCI « Malf », situé au Pontet, pour créer leur propre établissement sous l’enseigne « O Beers » (ci-après la société intimée) le 1er février 2018 dans le but d’exercer une activité de débit de boissons tout en assurant la co-gérance de cette entité.

A la suite de l’ouverture de ce local, la société appelante, voyant de nombreux points de similitude avec son concept, a reproché aux gérants de s’être appropriés son concept architectural et commercial.

C’est dans ce contexte que par exploit du 22 janvier 2019 signifié à la société intimée ainsi qu’à ses deux associés en leur nom personnel, la société appelante a saisi le tribunal de commerce d’Avignon d’une action en concurrence déloyale et parasitaire et sollicitait:

– qu’il soit ordonné à la société intimée, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, passé le délai d’un mois à compter de la signification du jugement à intervenir, de cesser l’utilisation :

– du double concept de cave à bières et bar de dégustation ;

– des signes distinctifs identiques ou très approchants de MY BEERS et notamment le signe O BEERS ;

– de la conjugaison de tout ou partie des éléments suivants :

– une façade de style industriel ; .

– des tonneaux, tabourets dans l’esprit entrepôt/industriel ;

– des barriques bordelaises en guise de tables pour les clients et des tabourets métalliques ;

un habillage du comptoir en parquet imitation bois vieilli ;

– un comptoir du bar en zinc ou inox pour garder l’esprit industriel ;

– un coin canapé rétro vintage avec un canapé type Chsterfield et une table basse en acier avec planche en bois sur le dessus ;

– l’organisation d’évènements (concerts, spectacles, soirées dansantes) dans le bar ;

– et, plus généralement, de cesser toute référence directe ou indirecte, susceptible d’entretenir de quelque manière que soit dans l’esprit du public, une confusion entre son exploitation et celle d’un point de vente exploitant sous l’enseigne MY BEERS.

– la condamnation in solidum de la société intimée et de ses gérants au paiement d’une somme de 50.000 € en raison du préjudice commercial subi et d’une somme de 30.000 € en raison du préjudice subi au titre de l’atteinte à l’image ;

– la condamnation in solidum de la société intimée et de ses gérants au paiement d’une somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Par jugement du 4 septembre 2020, le tribunal de commerce d’Avignon a :

Rejeté la demande de mise hors de cause des gérants;

Débouté la société appelante de l’intégralité de ses demandes ;

Condamné cette société à payer la somme de 1.000 euros à chacun des défendeurs à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Laissé à l’appelante la charge des dépens dont ceux de greffe liquidés à la somme de 115,46 euros ttc.

Par déclaration au greffe le 21 septembre 2020, la société demanderesse a interjeté appel de cette décision.

* * *

L’appelant accuse les intimés d’actes de parasitisme et de concurrence déloyale à son détriment consistant en la copie servile d’une grande partie du concept « My Beers » tout en créant une confusion dans l’esprit des consommateurs en choisissant une enseigne qui a la même sonorité que la sienne.

Il rappelle le projet de franchise auquel les gérants n’ont pas donné suite mais qui leur a permis d’obtenir des informations de la part du franchisé « My Beers » (fonctionnement de la franchise, prix pratiqués, structure de la franchise, coût des travaux d’aménagement et d’agencement d’un local’) de sorte qu’ils ont eu accès aux éléments clés du concept architectural et commercial « My Beers ». Disposant de ces informations, ils ont pu ouvrir et exploiter un local en tout point similaire au concept qu’il développe en s’appropriant le travail et les investissements réalisés sous l’enseigne « My Beers » depuis 2014 sans avoir de leur côté engager des recherches et des investissements conceptuels.

Il soutient que les gérants ont récupéré la charte architecturale et les éléments du savoir-faire de « My Beers » auprès d’un autre franchisé lors des négociations du contrat de franchise, ce qui justifie la mise en cause de ces derniers.

A cet égard, il soutient que le travail intellectuel protégé contre le parasitisme n’a pas besoin d’être une ‘uvre originale, ni une forme susceptible d’être déposée à titre de marque pour justifier une telle action ; il précise que ce travail passe nécessairement par des investissements.

De plus, il affirme qu’il peut y avoir une action en concurrence déloyale ou parasitaire quand bien même il n’existe pas de rapports de concurrence direct et effectif.

Sur ce, il rappelle que le parasitisme consiste pour un opérateur économique à se placer dans le sillage d’une entreprise afin de profiter de sa notoriété ou de ses investissements, et affirme au cas d’espèce qu’il y a parasitisme car les intimés ont profité de sa notoriété et de ses investissements.

En l’occurrence, il constate l’existence de nombreuses similitudes concernant l’agencement extérieur et intérieur en présence d’une décoration identique, et la reprise du concept de cave à bière et bar de dégustation, la reprise de l’offre des produits (copie de la carte) ainsi que des éléments de communication qui sont des caractéristiques essentielles de son enseigne; elle considère que les intimés ont mis en place une cave à bière qui ressemble en tout point au concept « My Beers » ce qui permet de tromper le consommateur et capter une clientèle affluente de cette enseigne.

Il ajoute que la reprise du concept architectural et commercial couplée avec la proximité géographique entre le point de vente de la société intimée et les deux points de vente « My Beers » nourrissent cette confusion.

S’agissant de la présence d’autres enseignes, il souligne des différences concernant l’exploitation ou l’agencement de sorte qu’aucune confusion n’est possible entre les deux concepts.

S’agissant de la concurrence déloyale, l’appelant affirme que la copie servile ou l’imitation d’un produit ou d’un concept est source de concurrence déloyale , celle-ci créant une impression visuelle d’ensemble identique en reprenant les éléments d’identification de son enseigne.

Ce faisant, il sollicite que soit ordonnée la cessation de ces actes de concurrence déloyale et parasitaire ainsi que l’indemnisation de son entier préjudice constitué de la perte du chiffre d’affaires et du trouble commercial généré par le détournement de clientèle, outre un préjudice d’image résultant de ces actes qui réduisent à néant les investissements réalisés.

Dans ses dernières conclusions, l’appelant demande à la cour d’appel, au visa des articles 1231-1, 1231-2 et 1240 du code civil, de :

Infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté les intimés de leur demande de mise hors de cause ;

La recevoir en ses présentes écritures et la dire bien-fondée ;

Voir dire et juger que la société intimée a commis des faits constitutifs de concurrence déloyale et parasitaire ;

Voir dire et juger que les intimés se sont rendus complices de ces agissements parasitaires ;

Ordonner à la société intimée, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, passé le délai d’un mois à compter de la signification du jugement à intervenir, de cesser l’utilisation :

du double concept de cave à bières et bar de dégustation ;

des signes distinctifs identiques ou très approchants de MY BEERS et notamment le signe O BEERS ;

de la conjugaison de tout ou partie des éléments suivants :

une façade de style industriel ; .

des tonneaux, tabourets dans l’esprit entrepôt/industriel ;

des barriques bordelaises en guise de tables pour les clients et des tabourets métalliques ;

un habillage du comptoir en parquet imitation bois vieilli ;

un comptoir du bar en zinc ou inox pour garder l’esprit industriel ;

un coin canapé rétro vintage avec un canapé type Chesterfield et une table basse en acier avec planche en bois sur le dessus ;

l’organisation d’évènements (concerts, spectacles, soirées dansantes) dans le bar ;

et, plus généralement, de cesser toute référence directe ou indirecte, susceptible d’entretenir de quelque manière que soit dans l’esprit du public, une confusion entre son exploitation et celle d’un point de vente exploitant sous l’enseigne MY BEERS.

Et juger que le tribunal se réserve le pouvoir de liquider l’astreinte ainsi prononcée ;

Condamner in solidum la société intimée et de ses gérants au paiement d’une somme de 50.000 € en raison du préjudice commercial subi et d’une somme de 30.000 € en raison du préjudice subi au titre de l’atteinte à l’image ;

les condamner in solidum au paiement d’une somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens distraits au profit de la Selarl Avoué Pericchi en application de l’article 699 du code de procédure civile.

* * *

Les intimés contestent tout acte de parasitisme rappelant une jurisprudence constante selon laquelle la commercialisation identique d’un produit de même forme, sur le même marché, n’est pas de nature à caractériser un acte de parasitisme.

Ils soulignent l’apparition depuis ces dernières années de nombreuses caves à bières ainsi que la tendance actuelle des Pubs irlandais combiné à l’architecture de la cave à vin. La seule originalité du concept développé par l’appelant serait l’implantation d’établissements de ce type dans les zones commerciales. Or, là aussi, à ce jour, il peut être relevé un nombre incommensurable de points de vente de ce type.

Aussi, le concept décliné par l’appelant s’inscrit dans une tendance actuelle et un engouement pour la dégustation de bière  ; l’appelant ne démontre pas l’effort de recherches et de création d’un tel concept qui s’avère être développé dans le monde entier. Ils citent ainsi de nombreuses enseignes qui développent le même concept et dont les points de vente réunissent des attributs et une architecture similaires à ceux utilisés par l’appelant faisant écho au concept de l’after work de sorte que l’appelant ne justifie pas le développement d’un concept architectural et commercial innovant ou distinctif.

Sur l’enseigne, la simple utilisation du terme générique « Beer », qui signifie bière en anglais, est commune à de nombreux établissements et ne peut constituer un acte de parasitisme.

De plus, ils considèrent que la vente et la commercialisation de produits identiques ne sont en rien constitutifs d’acte de parasitisme, la société intimée se contentant de vendre des bières existantes sur le marché.

Les intimés ajoutent que leur établissement diffère néanmoins sur les services proposés comme la restauration et la communication.

Il ne saurait donc leur être fait grief d’avoir développé un concept existant depuis de nombreuses années.

Enfin, ils affirment que l’appelante ne justifie pas de la caractérisation d’un quelconque préjudice réel, certain et direct ainsi que la causalité nécessaire au succès de son action.

Dans leurs dernières conclusions, les intimés demandent à la cour d’appel, en application de l’article1240 du code civil, de :

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 septembre 2020 par le Tribunal de Commerce d’Avignon ;

Débouter l’appelant de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Dire et juger que l’appelant ne justifie pas d’actes parasitaires par détournement d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel ou d’une création propre,

Dire et juger que la société intimée n’a fait que décliné un concept déjà existant et dont la société appelante n’a pas le monopole,

Dire et juger que la société appelante ne justifie pas d’un préjudice réel, certain et direct,

La condamner à leur verser la somme de 5.000 € chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION

Sur le parasitisme :

Le tribunal de commerce a fait le constat d’une similitude entre les deux commerces dans le concept général qui résulte du lieu où sont installés ces commerces et au phénomène de mode dans lequel s’inscrit ces deux établissements; il a rejeté la demande retenant que l’appelant ‘ne prouve pas que les intimés se sont inspirés uniquement de son concept et de son savoir-faire, ceux-ci ayant pu récupérer des idées auprès d’autres concurrents et notamment des enseignes précédemment citées compte-tenu de la similitude de concept des bars à bière de type ‘after work’. Le fait d’ouvrir un bar de dégustation de bières dans une zone d’achalandage rappelant le concept anglo-saxon de l’after work n’est pas suffisant à établir un acte de parasitisme quand même y aurait-il une resssemblance à peu de chose près entre les deux établissements et ce d’autant que la société appelante ne fait la démonstration qu’elle est la créatrice de ce concept’.

L’appelant estime que la juridiction consulaire n’a pas tiré la bonne solution juridique des constatations faites dans le cadre de sa décision et notamment de la reconnaissance de similitudes dans le concept qui auraient dû l’amener, dans le cadre d’une approche globale, à constater l’existence d’un parasitisme.

Sur ce, l’appelant indique que l’originalité du concept n’est pas une condition du parasitisme tout en soulignant qu’aucune des enseignes citées par le tribunal de commerce ne reprend l’intégralité du concept à la différence des intimés.

Ces derniers répliquent que le concept , dont se prévaut l’appelant, correspond à un concept de mode globalisée type ‘after work’ reposant sur des éléments communs relatifs à l’agencement, au mode d’exploitation et aux services offerts que ne peut s’approprier l’appelant du fait de leur caractère général.

* * *

L’action en parasitisme se fonde sur l’article 1240 du code civil, anciennement 1382 du code civil, et suppose donc la caractérisation d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux.

Le parasitisme est l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis. (com 10/07/2018 n°16-23.794).

Le parasitisme ne peut se déduire du seul fait qu’une entreprise vend un produit imité ou identique à celui commercialisé avec succès par d’autre entreprises. A la différence de la concurrence déloyale, le parasitisme résulte d’un ensemble d’éléments appréhendés dans leur globalité. Le parasitisme peut être établi même en l’absence de toute situation de concurrence.

Le parasitisme suppose une diffusion des agissements fautifs auprès de personnes autres que la victime.

En l’espèce, l’appelant produit en pièce 6 la charte architecturale ‘My Beers’ qui précise les différents éléments liés aux aménagements du point de vente,aux matériaux utilisés et aux couleurs. Il est également dit que ‘l’application rigoureuse de ces règles a pour objectif de développer une identité visuelle forte, harmonieuse et cohérente de ses points de vente afin d’asseoir la notoriété de My Beers partout en France’ et doit constituer ‘un repère et signe de ralliement pour les clients’.

Les éléments principaux relatifs aux aménagements sont les suivants:

– façade : enseigne lumineuse ‘My Beers’;

– agencement de la terrasse:

– tonneaux, tabourets avec aménagement d’une banquette au moyen de palettes afin de conserver l’esprit entrepôt/industriel du concept My Beers.

– gros oeuvre:

– aménagement de deux comptoirs, l’un pour le service bar , l’autre pour la cave et les encaissements;

– sol: carrelage;

– peinture: l’esprit industriel doit être conservé au maximum avec apposition de peintures référencées sur les murs qui peuvent rester bruts et un plafond brut;

– éclairage par des lignes de suspensions avec une ligne suspendue sur le bar, ainsi que l’utilisation de spots pour éclairer les produits en vritine en soirée;

– agencement partie cave:

– caisses de pommes (h:35cm, L: 53,5 cm, P: 31 cm) qui font office d’étagères: la première caisse au sol est retournée et les 6 autres caisses sont empilées les unes sur les autres pour former une étagère de 7 caisses de pommes, il faut prévoir 24 étagères en tout qui seront fixées aux murs;

– ilôts de bières bouteilles consignés;

– comptoir d’encaissement: structure siporex et habillage du comptoir en parquet imitation bois vieilli avec création d’une tablette dans la continuité du comptoir pour l’accès handicapé;

– vitrine;

– agencement partie bar:

– structure du comptoir: structure siporex et habillage du comptoir en parquet imitation bois vieilli ; l’arrière du bar doit en carrelage imitation bois pour faciliter l’entretien; le comptoir doit être en zinc ou inox pour conserver l’esprit industriel avec création d’une tablette;

– aménagement du comptoir: dispositon sur l’arrière bar de 4 vitrines réfrigérées, espace multimédia, caisses de pommes à accrocher aux murs…

– agencement salle:

– ameublement:

* barriques bordelaises en bois de chène en guise de tables munis de deux poignées et pieds avec vernis de teinte foncée (‘les tonneaux sont importants dans l’identité ‘My Beers’);

* tabourets métalliques gravés ‘My beers’;

* tablette muralle habillée zinc ou inox dans l’espace dégustation pour la clientèle

* coin canapé: ‘afin d’agrémenter l’environnement My Beers’, nous vous proposons d’installer un coin canapé- fauteuils- table basse. Le choix du mobilier est libre. Ils doivent rester cependant dans l’esprit My Beers et être rétro-vintage avec un canapé type Chesterfield et une table basse en acier

* il est important de prévoir au moins un grand écran, pour la rediffusion d’évènements sportifs ou autres;

– décoration murale en lien avec les brasseurs et présence de 9 grandes ardoises pour former une grande carte de l’offre au-dessus du bar.

La charte est complétée en annexe par des plans relatifs à l’aménagement de diverses zones du local ainsi que de photographies relatifs à divers points de vente.

L’appelant produit également des pièces financières justifiant des investissements faits pour établir le concept ‘My Beers’ et diffuser son projet.

Cette charte associée aux investissements engagés dans le cadre du développement de la franchise, démontrent que l’appelant a developpé le concept de l’after work de manière personnelle en opérant une réelle réflexion et en développant un véritable travail destinés à personnaliser le concept et se l’approprier; si ‘la société appelante ne fait la démonstration qu’elle est la créatrice de ce concept’ comme l’a dit le tribunal de commerce, pour autant ce constat est indifférent dans la mesure où elle justifie d’un effort d’adaptation du concept des caves et bars à bière et d’investissements financiers.

L’appelant est donc légitime à réclamer la sanction d’un comportement, qu’il estime parasitaire, au regard de l’existence des efforts consentis pour développer sa franchise.

Ceci étant, il est vrai que le concept d’after work, consistant en l’ouverture d’une cave à bières associée à un bar à bières dans une zone commerciale, représente un phénomène de mode dont l’appelant ne peut revendiquer la paternité; de même, l’utilisation de l’enseigne ‘O’Beers’ qui rappelle le nom donné à la bière en anglais ainsi que la vente de produits similaires ne peuvent à elles seules constituées des actes constitutifs de parasitisme.

Il doit être néanmoins constaté que les intimés ont ’emprunté’ les modalités de mise en oeuvre de ce concept telles qu’elles ont été devéloppées par l’appelant dans le cadre de sa charte architecturale ‘My Beers’ datée de 2013.

Il résulte en effet des procès-verbaux établis par voie d’huissier de justice en date des12 février 2018 , 3 septembre 2018 et 15 novembre 2018, une similarité quant à l’agencement intérieur du local géré et ouvert dans une zone commerciale par les intimés, et le concept architectural développé par l’appelant. Ces points de ressemblance sont les suivants:

– présence de deux comptoirs habillés façon bois l’un destiné à la vente et l’autre à la consommation outre la présence de deux zones bien délimitées, l’une réservée à la cave l’autre à la consommation;

– des caisses de pommes qui font office d’étagères avec la première caisse au sol est retournée et les 5 autres caisses sont empilées les unes sur les autres pour former une étagère de 6 caisses de pommes;

– utilisation de barriques bordelaises en bois de chène en guise de tables et de tabourets métalliques pour une consommation assise;

– un coin canapé composé d’un canapé type Chesterfield, des fauteuils et une table basse;

– un éclairage par des lignes de suspensions avec un plafond brut;

– ilôts de bières bouteilles consignées;

– décoration murale en lien avec les brasseurs et présence de grandes ardoises faisant office de carte de l’offre.

Ce faisant, s’il n’existe pas d’identité parfaite entre l’aménagement préconisé par l’appelant et celui choisi par les intimés, et si les éléments suvsisés pris séparément se retrouvent dans d’autres caves et bars à bière, l’impression visuelle, qui en résulte, est néanmoins celle d’une ressemblance manifeste entre les deux locaux susceptible de créer une confusion chez la clientèle visée par ces deux enseignes notamment en lien avec l’apropriation globale des éléments d’aménagement intérieur.

Ainsi, à la différence d’autres enseignes citées par les intimés, comme ‘Beers o’clock’ ou ‘V and B’, l’établissement ouvert par les intimés est le seul à reprendre chacune des caractéristiques qui font le concept My Beers à savoir une cave et un bar à bière ouverts dans une zone commerciale inspirés de l’esprit entrepôt/industriel reprenant un agencement intérieur fort similaire en présence d’éléments de décoration communs (caisses de pomme, luminaire, comptoir, tonneaux, tabouret, affiche…) permettant une consommation au comptoir ou assise tout en offrant une zone de détente en présence d’un coin muni d’un canapé Chesterfied, de fauteuils et une table de salon qui est un signe distinctif de la franchise My beers avec proposition à la clientèle d’une activité de restauration ainsi que des évènements festifs.

Les cogérants ne pouvaient ignorer cette ressemblance dans la mesure où dans le cadre de négociations entretenues avec l’appelant dans le cadre de la franchise, ils ont pu rencontrer un autre franchisé en visitant un point de vente My Beers comme en atteste Monsieur [E] (pièce 4) dont le témoignage est le suivant : ‘une personne s’est présentée… comme le futur franchisé d'[Localité 10]Il m’a posé des questions concernant le fonctionnement, les prix d’achats, les marges et sur la struture de la franchise. Il m’a demandé s’il pouvait prendre des photos de la cave et du bar… de plus, il avait des questions sur les prix des travaux d’une ouverture… je lui ai donné toutes les informations nécessaires’.

Il est ainsi établi que les co-gérants et non seulement la société ont commis des actes de parasitisme.

Il sera relevé que les intimés ne justifient à cet égard d’aucune dépense d’investissement en lien avec le développement de leur projet.

Ainsi, en s’inspirant largement du concept architectural associé à la reprise du concept commercial, les intimés ont pu profiter des efforts financiers et intellectuels engagés par l’appelant les dispensant de toute étude et de tout effort financier relatifs à l’ouverture de leur local ce qui constitue un acte de parasitisme au détriment de l’appelant qui lui occasionne nécessairement un préjudice économique.

Le jugement déféré sera en conséquence infirmé de ce chef.

L’appelant réclame une double indemnisation, la première correspondant à un préjudice commercial, la seconde à un préjudice subi au titre de l’atteinte à l’image.

S’agissant du préjudice commercial, l’appelant se prévaut d’une dépense totale de 152.989,34 euros pour asseoir son concept comprenant la rédaction de la charte architecturale (15.750 euros), du manuel opératoire (45.500 euros), du positionnement des produits et prix (14.000 euros), de la recherche de mobilier et aménagements (14.000 euros), le pôle marketting (46.066,53 euros), le dépôt de marque (7.188 euros), le site internet et le budget publicitaire (1896,81 euros).

Ne sont toutefois pas justifiées, faute de production de pièces, les dépenses engagées pour la recherche de mobilier et aménagements, ainsi que le positionnement des produits et prix étant précisé que les autres postes de dépenses en lien avec le développement du site internet, des factures relatives à la promotion de My Beers, les formalités de dépôt de marque, des bulletins de paie pour une activité d’assistante admnistrative et responsable service commercial (pièces 15 à 18) sont justifiées dans des proportions bien moindres soit à hauteur de près de 42.000 euros et non 116.401,34 euros comme indiqué dans les écritures de l’appelant.

Ainsi, si le préjudice commercial doit être retenu, il doit être néanmoins ramené à de plus justes proportions pour tenir compte des dépenses d’investissement non justifiées mais également du fait que les sommes engagées pour développer le concept My Beers ont profité à 18 établissements rattachés à cette franchise de sorte qu’en l’absence d’éléments comptables précisant une perte de chiffres d’affaire, la réparation du préjudice se chiffre à 8.000 euros à titre de dommages et intérêts.

S’agissant de l’atteinte à l’image, l’appelant ne démontre pas en quoi l’acte de parasitisme dénoncé jette le discrédit sur le concept dont elle se prévaut ni en quoi il porte atteinte à son image de sorte qu’il ne saurait être fait droit à cette demande.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a débouté l’appelant de cette indemnisation.

Enfin, l’appelant demande qu’il soit ordonné à la société intimée , sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, passé le délai d’un mois à compter de la signification du jugement à intervenir, de cesser l’utilisation :

du double concept de cave à bières et bar de dégustation ;

des signes distinctifs identiques ou très approchants de MY BEERS et notamment le signe O BEERS ;

de la conjugaison de tout ou partie des éléments suivants :

une façade de style industriel ; .

des tonneaux, tabourets dans l’esprit entrepôt/industriel ;

des barriques bordelaises en guise de tables pour les clients et des tabourets métalliques ;

un habillage du comptoir en parquet imitation bois vieilli ;

un comptoir du bar en zinc ou inox pour garder l’esprit industriel ;

un coin canapé rétro vintage avec un canapé type Chesterfield et une table basse en acier avec planche en bois sur le dessus ;

l’organisation d’évènements (concerts, spectacles, soirées dansantes) dans le bar.

Il sera fait droit partiellement à cette demande dans la mesure où seul est nécessaire de mettre fin à l’utilisation des signes les plus distinctifs utilisés par My Beers à savoir la conjugaison des éléments suivants :

– un coin canapé rétro vintage avec un canapé type Chesterfield et une table basse en acier avec planche en bois sur le dessus ;

– un habillage du comptoir en parquet imitation bois vieilli ;

– un comptoir du bar en zinc ou inox pour garder l’esprit industriel ;

Pour s’assurer de l’exécution de cette obligation, il convient de l’assortir d’une astreinte dont les modalités seront fixées dans le dispositif du présent arrêt.

Sur les frais de l’instance :

Les intimés, qui succombent, devront supporter les dépens de première instance et d’appe; ils seront condamnés à payer à l’appelante la somme totale de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté la société AY Distribution de la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice d’image e et rejeté la demande de mise hors de cause des co-gérants,

Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées,

Dit que Monsieur [M] [T], Monsieur [R] [K] et la Sarl O Beers ont commis des actes de parasitisme au détriment de la société AY Distribution ,

Condamne solidairement Monsieur [M] [T], Monsieur [R] [K] et la Sarl O Beers à payer à la société AY Distribution la somme de 8.000 euros au titre du préjudice commercial ,

Ordonne à la Sarl O Beers de cesser l’utilisation des éléments suivants dans un délai de trois mois suivant la signification de la présente décision et à défaut sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant une durée de trois mois :

– un coin canapé rétro vintage avec un canapé type Chesterfield et une table basse en acier avec planche en bois sur le dessus ;

– un habillage du comptoir en parquet imitation bois vieilli ;

– un comptoir du bar en zinc ou inox pour garder l’esprit industriel ;

Dit n’y avoir lieu à se réserver le contentieux de la liquidation d’astreinte,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne solidairement Monsieur [M] [T], Monsieur [R] [K] et la Sarl O Beers à payer à la société AY Distribution la somme totale de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne solidairement Monsieur [M] [T], Monsieur [R] [K] et la Sarl O Beers aux entiers dépens.

La minute du présent arrêt a été signée par Madame Christine CODOL, Présidente, et par Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

 


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