6 juin 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 21/01275

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6 juin 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 21/01275

ARRÊT N°

JFL/FA

COUR D’APPEL DE BESANÇON

– 172 501 116 00013 –

ARRÊT DU 06 JUIN 2023

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire

Audience publique du 04 avril 2023

N° de rôle : N° RG 21/01275 – N° Portalis DBVG-V-B7F-EMYC

S/appel d’une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE MONTBELIARD en date du 28 avril 2021 [RG N° 21/00067]

Code affaire : 59B Demande en paiement relative à un autre contrat

[J] [E] C/ [U] [T]

PARTIES EN CAUSE :

Madame [J] [E]

née le 05 Mars 1997 à [Localité 3], de nationalité française, enseignante, demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Marie-Christine VERNEREY, avocat au barreau de MONTBELIARD

APPELANTE

ET :

Madame [U] [T]

née le 08 Septembre 1986 à [Localité 3], de nationalité française,

demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Anne-Laure MAUVAIS, avocat au barreau de BELFORT

INTIMÉE

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.

ASSESSEURS : Madame Bénédicte MANTEAUX et Monsieur Jean-François LEVEQUE, conseillers

GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier

Lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre,

ASSESSEURS : Madame Bénédicte MANTEAUX, conseiller et Monsieur Jean-François LEVEQUE, magistrat rédacteur.

L’affaire, plaidée à l’audience du 04 avril 2023 a été mise en délibéré au 06 juin 2023. Les parties ont été avisées qu’à cette date l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe. Par avis en date du 15 mai 2023, les parties ont été informée que le délibéré serait rendu le 16 mai 2023.

**************

Exposé du litige

Sur assignation délivrée le 4 février 2021 par Mme [J] [E], cavalière professionnelle, à Mme [U] [T], propriétaire d’une jument de compétition, pour obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 13 450 euros pour avoir rompu le contrat en date du 10 juillet 2019 par lequel la propriétaire lui avait confié l’exploitation sportive de cet animal, tout en confiant par ailleurs son entretien à l’EARL BSH Valentigney, gérée par la même Mme [E], le tribunal judiciaire de Montbéliard, par jugement du 28 avril 2021, a débouté Mme [E] de ses demandes et l’a condamnée aux dépens, aux motifs qu’elle n’établissait pas que Mme [T] avait mis fin au contrat, qu’elle réclamait une indemnité mensuelle de 300 euros à compter du mois de janvier 2019 alors que le contrat n’avait été signé que le 10 juillet suivant et que l’évaluation de la jument n’avait pas été faite par un expert désigné en commun par les parties conformément au contrat.

Mme [E] a interjeté appel de cette décision par déclaration parvenue au greffe le 8 juillet 2021. L’appel critique expressément tous les chefs de jugement.

Par conclusions transmises le 2 mars 2022, l’appelante demande à la cour d’infirmer le jugement et de :

– condamner Mme [T] à lui payer la somme de 18 450 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2020 :

– outre 1 200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer les dépens.

L’appelante soutient que Mme [T] lui doit les indemnités de rupture prévues au contrat ; que si elle a obtenu une évaluation de la jument à 40 000 euros, elle accepte l’évaluation à 60 000 euros invoquée par Mme [E] ; qu’elle a travaillé la jument du 1er janvier au 15 novembre 2019, la qualité de ses prestations n’étant pas contestée et étant au demeurant établie par le palmarès obtenu ; qu’en réalité la critique des soins donnés à la jument concerne l’EURL BSH Valentigney, chargée de l’hébergement, et non elle-même, cavalière chargée seulement de la carrière sportive de la jument, de la programmation des saisons de concours, du planning du travail et des soins quotidiens.

Mme [T], par conclusions transmises le 9 décembre 2021 indiquant porter appel incident et visant les articles 1231-1 et 1219 du code civil, demande en réalité à la cour de :

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

– d’y ajouter la condamnation de [E] à lui payer 5 000 euros de dommages et intérêts ;

– et de la condamner à lui payer 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer les dépens.

L’intimée soutient que le contrat confiait à Mme [E] la gestion de la carrière sportive de la jument, la programmation des saisons de concours, le planning quotidien et les soins quotidiens, les soins de la jument devant être effectués par le personnel de l’équipe de Mme [E] alors que l’EARL se bornait à fournir l’hébergement et l’alimentation ; qu’au mois de septembre elle avait décidé de reprendre la jument après l’avoir découverte dans un pré non approprié, dépérissant, amaigrie, se déplaçant avec difficulté et l’oeil terne, justifiant la consultation d’un vétérinaire et d’un ostéopathe selon qui elle était entièrement bloquée et présentait une anémie révélatrice de maladies ; que si le contrat lui interdisait de poursuivre la responsabilité de Mme [E] et de l’EARL en cas d’incident, accident, apparition de pathologie ou de maladies liées aux activités de compétition, tel n’est pas le cas des maladies constatées qui ne proviennent pas de l’activité de compétition mais d’une faute de l’EARL et de Mme [E] correspondant à un défaut des soins et de l’entretien attendus pour un animal estimé 60 000 euros.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs moyens de fait et de droit, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’instruction a été clôturée le 14 mars 2023. L’affaire a été appelée à l’audience du 4 avril 2023 et mise en délibéré au 6 juin suivant.

Motifs de la décision

Sur l’application de la clause de rupture du contrat

Mme [T] reconnaît être à l’initiative de la rupture du contrat, ce qui l’expose, en application de la troisième clause du paragraphe 6, au ‘remboursement aux deux autres parties des frais ou travail engagés depuis le début du contrat’, particulièrement ‘à [J] [E], soit 300 €/mois (à actualiser à la date de la rupture) + 25 % de la valeur de la jument à la date de la rupture (à estimer par un expert désigné en commun par les deux parties)’

Pour tenter d’échapper au paiement de ces sommes, Mme [T] invoque l’exception d’inexécution, prévue à l’article 1219 du code civil suivant lequel une partie peut refuser d’exécuter son obligation si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave, mais elle n’apporte pas la preuve d’une inexécution grave.

En effet, alors que Mme [E] avait pour obligation d’entraîner la jument, de la monter en compétition, et de lui faire donner des soins par son équipe, aucun manquement grave ne peut être retenu au regard de son état au 15 novembre 2019, date à laquelle Mme [T] l’a repris. L’anémie invoquée ne résulte pas des analyses biologiques produites, qui montrent des valeurs normales à l’exception d’un taux de ‘baso’ et d’un taux d’urée légèrement sous la normale, qui en l’absence de toute explication médicale ne peuvent être retenus comme caractérisant une anémie. La mention par un vétérinaire d’une ‘forme passable’, comme la mention par le nouvel hébergeur de la jument d’un ‘manque d’état général’, restent vagues et n’apparaissent pas nécessairement révélatrices de mauvais soins, alors de plus qu’elles sont contredites par un certificat vétérinaire en date du 8 novembre 2019 mentionnant un bon état de forme et de santé, sans maladie ni boiterie, et alors, surtout, que l’animal venait de briller en finale à la compétition de jeunes chevaux de Pompadour et de ‘clôturer sa très belle saison 2019″‘, ainsi que s’en félicitait elle-même sa propriétaire dans un message posté sur un réseau social le 16 septembre de la même année.

En conséquence, n’ayant établi aucun manquement à l’encontre de Mme [E], Mme [T] devra l’indemniser des conséquences de la rupture conformément au contrat,

Sur les indemnisations

Le contrat, en prévoyant expressément une indemnisation du travail accompli à hauteur de 300 euros par mois à compter du ‘début du contrat’ et non à compter du début de la prise en charge de l’animal, qui dans les faits a précédé de plusieurs mois la signature du contrat, n’oblige Mme [T] que pour la période postérieure à la signature de l’acte, intervenue le 10 juillet 2019, et jusqu’à la rupture, matérialisée le 15 novembre suivant par la récupération de la jument.

L’indemnité contractuelle étant de 300 euros par mois et la période indemnisable s’étendant sur quatre mois et 5 jours, l’indemnité due est de 1 250 euros ((4 x 300) + (300 / 30 x 5).

Une indemnité complémentaire avait été convenue à hauteur de 25 % de la valeur de la jument, valeur à fixer par un expert désigné en commun par les parties. Une telle désignation n’étant pas intervenue, l’indemnité sera fixée au regard des éléments d’évaluation fournis par les parties.

Mme [E] produit une évaluation à 40 000 euros, réalisée en date du 16 juillet 2020 par M. [X] [C], se disant professionnel du commerce de chevaux de sport, cavalier international, enseignant et coach.

Madame [T] produit quant à elle une évaluation à 60 000 euros, réalisée en date du 3 avril 2021 par Mme [P] [N], se disant cavalière professionnelle et instructeur.

La première évaluation, plus circonstanciée que la seconde et établie à une date plus proche de la rupture du contrat, apparaît la mieux à même de correspondre à la valeur de l’animal et doit donc être retenue. L’indemnité complémentaire sera ainsi fixée à 10 000 euros (40 000 x 25 %).

En conséquence, la cour infirmera le jugement en ce qu’il a débouté Mme [E] de ses demandes indemnitaires et condamnera  Mme [T] à lui payer la somme de 11 250 euros

(10 000 + 1 250), avec intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2020, date de la mise en demeure.

Mme [T] sera en revanche déboutée de la demande indemnitaire qu’elle présente pour la première fois devant la cour, n’ayant pas apporté la preuve d’un manquement de sa cocontractante de nature à engager sa responsabilité, ainsi que précédemment retenu, ni la preuve, surabondamment, d’un quelconque préjudice.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement rendu entre les parties le 28 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Montbéliard ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne Mme [U] [T] à payer à Mme [J] [E] la somme de 11 250 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2020 ;

Déboute Mme [T] de sa demande de dommages et intérêts ;

La déboute de sa demande pour frais irrépétibles ;

La condamne de ce chef à payer à Mme [E] la somme de 1 200 euros ;

La condamne à payer les dépens de première instance et d’appel.

Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.

La greffière Le président de chambre

 


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