AFFAIRE : N° RG 21/03058 –
N° Portalis DBVC-V-B7F-G3YD
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DECISION du Tribunal de Commerce de CAEN en date du 03 Novembre 2021
RG n° 2021004233
COUR D’APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 06 AVRIL 2023
APPELANTE :
S.A. CREDIT AGRICOLE LEASING & FACTORING
N° SIRET : 692 029 457
[Adresse 1]
[Localité 3]
prise en la personne de son représentant légal
représentée par Me Gaël BALAVOINE, substitué par Me REICHKING, avocats au barreau de CAEN
assistée de Me Ghislain HANICOTTE de la SELARL ADEKWA, avocat au barreau de LILLE,
INTIMEE :
S.A.S. BATIZAM
N° SIRET : 892 356 502
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
prise en la personne de son représentant légal
non représentée, bien que régulièrement assignée
DEBATS : A l’audience publique du 30 janvier 2023, sans opposition du ou des avocats, M. GOUARIN, Conseiller, a entendu seul les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme EMILY, Président de Chambre,
Mme COURTADE, Conseillère,
M. GOUARIN, Conseiller,
ARRÊT prononcé publiquement le 06 avril 2023 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier
* * *
Par acte en date du 15 février 2021 signé électroniquement, la SAS BATIZAM, exploitant une activité de travaux de maçonnerie générale et gros oeuvre de bâtiment, a conclu avec la SA CREDIT AGRICOLE LEASING & FACTORING un contrat d’affacturage Eurofactor Pro n° 8514 pour mobiliser ses créances commerciales auprès du factor par voie de subrogation conventionnelle.
Faisant valoir que la SAS BATIZAM lui avait transféré plusieurs créances pour un montant total de 160 046,38€ et estimant que celles-ci étaient soit irrégulières soit contestées par les clients, ce pour un montant total de 118 372,77€, la SA CREDIT AGRICOLE LEASING & FACTORING, après avoir vainement mise en demeure la SAS BATIZAM de lui rembourser cette somme et lui avoir notifié la résiliation du contrat d’affacturage le 4 juin 2021, a, par acte d’huissier du 22 juillet 2021, fait assigner cette dernière devant le tribunal de commerce de Caen en paiement.
Par jugement réputé contradictoire du 3 novembre 2021, le tribunal a :
– débouté la SA CREDIT AGRICOLE LEASING & FACTORING de l’ensemble de ses demandes ;
– condamné cette dernière aux entiers dépens, y compris les frais de greffe s’élevant à la somme de 62,76€ dont TVA 10,46€.
Par déclaration du 9 novembre 2021, la SA CREDIT AGRICOLE LEASING & FACTORING a interjeté appel de cette décision.
La SAS BATIZAM n’a pas constitué avocat bien que la déclaration d’appel et les premières conclusions d’appelant lui ont été signifiées le 31 décembre 2021, à l’étude d’huissier.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 22 décembre 2021, la SA CREDIT AGRICOLE LEASING & FACTORING demande de :
– réformer le jugement déféré ;
En conséquence, statuant à nouveau :
– condamner la SAS BATIZAM à lui la somme de 116 764,23€, outre les intérêts au taux conventionnel à compter du 19 mai 2021, date de la mise en demeure de paiement, et ce jusqu’à parfait paiement ;
– condamner la SAS BATIZAM à lui payer la somme de 5000€ par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la SAS BATIZAM aux entiers dépens de la procédure, en ce compris
les frais de première instance et d’appel.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 14 décembre 2022.
Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS
Selon l’article 1366 du code civil, l’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité.
En l’espèce, le contrat d’affacturage comporte, tant sous ses conditions particulières que générales, la signature électronique de M. [X] [E], gérant de la SAS BATIZAM : ‘ DocuSign by [X] [E] B1264D15E4A34FF’.
Pour rapporter la preuve de la fiabilité de la signature électronique de la SAS BATIZAM, la SA CREDIT AGRICOLE LEASING & FACTORING produit en cause d’appel le certificat de réalisation Docusign mentionnant en particulier :
– le numéro d’identifiant de l’enveloppe: EB1980743B40436E91B690D7C3D420C0 qui figure sur chaque page du contrat (conditions particulières et générales, RIB et quittance subrogative) ;
– le nom du signataire, soit M. [X] [E], son adresse mail, sa signature électronique identique à celle apposée sur le contrat
– l’authentification via SMS
– la date et l’heure à laquelle les documents ont été signés : 15/02/2021 à 19h44
– l’adresse IP utilisée : 90 22 83 119
– le nombre de pages du document signé : 37
La conformité de la solution de signature électronique de Docusign (prestataire de services de certification électronique) aux exigences techniques de la signature électronique au sens du règlement européen eIDAS n°910/2014 du 23 juillet 2014 n’est pas remise en cause.
Ainsi, le certificat susvisé, qui se rattache au contrat litigieux, rapporte la preuve suffisante de l’authenticité de la signature électronique du représentant légal de la SAS BATIZAM.
Le défaut de paraphe de chaque page du contrat, d’apposition du tampon de l’entreprise, et de mention du numéro de contrat et de la dénomination de la société BATIZAM sur la première page des conditions générales n’affecte ni la validité de la convention d’affacturage ni sa force probante.
De même, l’absence de production de l’original du contrat établi conformément à l’article 10 des conditions particulières qui prévoit que ‘ le présent contrat entrera en vigueur dès que le Crédit Agricole Leasing & Factoring aura accusé réception, par tous moyens écrits, d’un exemplaire du contrat dûment signé, scanné et envoyé par le client par courriel’ et que ‘le client s’engage à retourner par voie postale (…) les deux originaux du contrat dûment signés, pour régularisation du contrat’, ne remet pas en cause la validité et l’opposabilité de la convention qui a été régulièrement signée électroniquement.
L’article 2-4 des conditions générales du contrat d’affacturage stipule : ‘ Le client se porte garant de la régularité juridique de chacune des remises de créances, et notamment, de l’existence de ces créances, de leur validité et de l’opposabilité de leur transfert, tant à l’égard des Acheteurs que des autres tiers, de telle sorte que la subrogation ne soit, en aucune manière, privée d’effet, en fait ou en droit’.
En l’espèce, l’appelante justifie du caractère litigieux des créances cédées ci-après :
– facture n°33 du 7 avril 2021 d’un montant de 27 448,64€ à l’ordre de la société MAISONS HEXAOM, cette dernière ayant indiqué à la SA CREDIT AGRICOLE LEASING & FACTORING qu’elle n’avait ni chantier ni sous-traitant du nom de la SAS BATIZAM et que le tampon n’était pas le sien (pièces n°4 et 12) ;
– facture n°42 du 14 avril 2021 d’un montant de 24 250€ à l’ordre de la société MAISONS DU COTENTIN qui a indiqué à l’appelante qu’il s’agissait d’une usurpation d’identité et de faux et usage de faux et qu’elle n’avait jamais signé de contrat de sous-traitance avec la société BATIZAM (pièce n°5).
La banque est donc bien fondée à exercer son recours contre la SAS BATIZAM à hauteur des sommes respectives de 27 448,64€ et 24 250€.
En revanche, s’agissant des factures n° 17 et 18 qui auraient été établies à l’ordre de la SOC DIFFUSION DES MAISONS ORNE pour un montant respectif de 8447,98€ et 11 762,93€ (non produites), l’appelante ne fournit strictement aucune pièce permettant d’établir l’existence et le montant de la créance cédée et de justifier d’une contestation de la cliente, la mise en demeure adressée à l’intimée le 19 mai 2021 (pièce n°7) ne constituant pas une preuve à cet égard.
Le même raisonnement doit être suivi concernant la demande relative à une facture n°16 du 2 avril 2021 d’un montant de 28 430,22€ à l’ordre de la société MAISONS VIVRE ICI, qui n’est pas produite.
De même, n’est pas caractérisé le bien-fondé de la demande relative à une facture n° 7 du 17 mars 2021 d’un montant de 18 033€ à l’ordre de la société MAISONS LE MASSON qui n’est pas versée aux débats. Il ressort du procès-verbal de dépôt de plainte du président de cette société et des échanges de mails avec la SA CREDIT AGRICOLE LEASING & FACTORING que celle-ci lui a réclamé le paiement d’une facture n°37, et non n°7, laquelle s’élevait à 11 000€ et non 18 033€.
La demande de remboursement de ces chefs n’est donc pas justifiée.
Au vu de ces observations, il convient de condamner la SAS BATIZAM à payer à la SA CREDIT AGRICOLE LEASING & FACTORING la somme de 51 698,64€ avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 mai 2021 et de débouter cette dernière du surplus de ses demandes, étant précisé que la stipulation d’un intérêt conventionnel n’est pas démontrée.
La SAS BATIZAM succombant, est condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à payer à la SA CREDIT AGRICOLE LEASING & FACTORING la somme de 2500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le jugement est infirmé sauf en ce qui concerne la liquidation des frais de greffe.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt par défaut, mis à disposition au greffe,
INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qui concerne la liquidation des frais de greffe ;
Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,
CONDAMNE la SAS BATIZAM à payer à la SA CREDIT AGRICOLE LEASING & FACTORING la somme de 51 698,64€ avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 mai 2021 ;
CONDAMNE la SAS BATIZAM à payer à la SA CREDIT AGRICOLE LEASING & FACTORING la somme de 2500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SAS BATIZAM aux dépens de première instance et d’appel ;
DEBOUTE la SA CREDIT AGRICOLE LEASING & FACTORING du surplus de ses demandes.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL F. EMILY