Pas de travail dissimulé sans intention coupable

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Pas de travail dissimulé sans intention coupable
Ce point juridique est utile ?

Pour allouer une indemnité pour travail dissimulé, les juges du fond doivent rechercher le caractère intentionnel de la dissimulation. Ce caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie. 

En l’espèce, la salariée fait valoir d’une part qu’elle a travaillé pour le compte de la société Capago antérieurement au 27 avril 2015, soit entre le 14 et le 27 avril 2015, et d’autre part qu’elle ne pouvait ignorer l’illégalité de son forfait jours et à tout le moins sa surcharge de travail ;

Les courriels produits entre le 7 avril et le 24 avril 2015 concernent soit un échange avec Mrs [J] et M. [R] à une adresse mail ‘nowlis.com’ les messagesayant pour objet ‘Deewigo’ dont le lien avec la société Capego n’est pas démontré, soit un échange avec M. [S] de la société Capego en lien avec le materiel necessaire ou les modalités d’éxécution du contrat de travail envisagé, sans demonstration d’une prestation préalable ;

En outre, l’attestation de MMe [A] produite par la salariée qui indique qu’elle a été employee chez Capago entre 2015 et 2017 et qu’elle a travaillé sur de nombreux projets avec [O], ne permet pas enl’absence de dates précises des projets évoqués d’en déduire l’exécution de prestations avant le 27 avril 2015 ;

Par ailleurs, en l’état d’un accord qui prévoyait un certain nombre de garanties et alors que la salariée qui travaillait à domicile bénéficiait d’une autonomie totale dans l’organisation de son temps de travail, 1’intention de dissimulation n’est pas établie ;

Le jugement a été  infirmé en ce qu’il a accordé à tort une indemnité pour travail dissimulé. 

* * *

AFFAIRE : N° RG 21/02173

N° Portalis DBVC-V-B7F-GZUB

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CAEN en date du 27 Mai 2021 RG n° 19/00429

COUR D’APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRÊT DU 16 FEVRIER 2023

APPELANTE :

S.A. CAPAGO prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN, substitué par Me SORLAT, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

Madame [O] [D]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Coralie LOYGUE, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre, rédacteur

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller,

DÉBATS : A l’audience publique du 01 décembre 2022

GREFFIER : Mme ALAIN

ARRÊT prononcé publiquement contradictoirement le 16 février 2023 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, par prorogation du délibéré initialement fixé au 2 février 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

Selon contrat de travail à durée indéterminée à effet du 27 avril 2015, Mme [D] a été engagée par la société Capago en qualité de directrice artistique et webdesigner, statut cadre avec un forfait de 217 jours ;

Un avenant à effet du 1er mai 2015 puis du 1er juin 2016 a modifié sa rémunération ;

Convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 17 janvier 2019 par lettre remise le 7 janvier précédant, Mme [D] a été licenciée pour motif économique par lettre recommandée datée du 6 février 2019 ;

Se plaignant de la légitimité de la rupture et estimant n’avoir pas été remplie de ses droits au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail, elle a saisi le 7 août 2019 le conseil de prud’hommes de Caen lequel par jugement rendu le 27 mai 2021 a :

– dit la convention de forfait inopposable ;

– dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– condamné la société Capago à payer à Mme [D] les sommes suivantes :

– 42 549.64 € au titre des heures supplémentaires pour la période 2016-2019 et celle de 4254.97 € au titre des congés payés afférents;

– 1264.26 € nets au titre du rappel d’indemnité de licenciement ;

– 12 512.91 € brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

– 22025.82 € nets au titre de l’indemnité pour travail dissimulé ;

– 17 000 € au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 1200 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rejeté la demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société Capago à la remise sous astreinte des documents de fin de contrat et bulletins de salaire ;

– débouté les parties de leurs autres demandes ;

– condamné la société Capago aux dépens ;

Par déclaration au greffe du 21 juillet 2021, la société Capago a formé appel de cette décision ;

Par conclusions remises au greffe le 21 octobre 2021 et auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel, la société Capago demande à la cour de :

– infirmer le jugement ;

– débouter Mme [D] de ses demandes au titre des heures supplémentaires, repos compensateurs et travail dissimulé et également au titre de la rupture du contrat ;

– écarter des débats les propos diffamatoires sur le prétendu travail dissimulé de MM. [N], [F] et de Mme [P], et condamner Mme [D] à lui payer la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de ses propos ;

– condamner Mme [D] à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation de l’obligation de non sollicitation, de confidentialité et de loyauté ;

– condamner Mme [D] à lui payer la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation de l’obligation d’exclusivité ;

– condamner Mme [D] à payer à une somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner Mme [D] aux dépens ;

Par conclusions remises au greffe le 17 janvier 2022 et auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel, Mme [D] demande à la cour de :

– confirmer le jugement ;

– débouter la société Capago de toutes ses demandes ;

– condamner la société Capago à lui payer à une somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société Capago aux dépens ;

L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 novembre 2022 ;

Les conclusions de l’appelante remises au greffe le 24 novembre 2022 et contenant une pièce nouvelle (pièce n°21) ont été déclarées irrecevables par le conseiller de la mise en état ;
* * *

MOTIFS

I- Sur la convention de forfait

La salariée invoque la nullité de la convention de forfait en ce que les modalités prévues par l’accord ne sont pas suffisantes pour garantir son droit au repos, sont muettes sur le droit à la déconnexion, subsidiairement qu’elle n’a bénéficié d’aucune de ses modalités de suivi ;

L’employeur estime qu’il a veillé au temps de repos en contractualisant l’accord du 11 avril 2000, que la salariée pouvait tenir elle-même le récapitulatif de ses jours de travail et de repos, qu’elle travaillait à domicile, qu’elle ne s’est jamais plainte d’une surcharge de travail ;

« L’accord du 11 avril 2000 prévoit que au titre du contrôle de jours travaillés, que « L’employeur est tenu de mettre en place des modalités de contrôle du nombre des journées ou demi-journées travaillées par l’établissement d’un document récapitulatif faisant en outre apparaître la qualification des jours de repos en repos hebdomadaire, congés payés, congés conventionnels ou jours de réduction du temps de travail.

Ce document peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l’employeur.

Ces modalités pourront être complétées et améliorées par accord d’entreprise.

Et au titre des « Modalités de suivi » que « Les cadres concernés par un forfait jours bénéficient chaque année d’un entretien avec le supérieur hiérarchique, au cours duquel il sera évoqué l’organisation du travail, l’amplitude des journées d’activité et de la charge de travail en résultant.

Cette amplitude et cette charge de travail devront rester raisonnables et assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail des intéressés.

Notamment, la pratique du forfait jours ne doit pas se traduire par des amplitudes journalières et hebdomadaires de travail qui ne permettraient pas un équilibre satisfaisant entre la vie professionnelle et la vie personnelle du cadre concerné.

Ainsi, les 13 heures d’amplitude de travail quotidiennes autorisées par la loi ne doivent pas avoir un caractère systématique.

2.9. Modalités de suivi dans l’entreprise

Les deux premières années suivant la mise en place des 35 heures, un bilan est fait par l’employeur et présenté au comité d’entreprise et, à défaut, aux délégués du personnel.

À défaut d’institutions représentatives du personnel dans l’entreprise, le bilan est communiqué à chaque salarié à la fin de l’année civile.

Ce bilan est également adressé aux organisations syndicales représentatives présentes dans l’entreprise.

Ce bilan présente l’évolution des effectifs suite à la réduction du temps de travail et le suivi des modalités de l’organisation du temps de travail mise en place. »

A supposer même que ces modalités soient insuffisantes, l’employeur peut justifier qu’il a concrètement appliqué un suivi destiné à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et d’assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail du salarié ;

En l’occurrence, l’employeur ne produit aucun élément ou pièce de nature à établir qu’il a mis en place un entretien annuel au cours duquel il sera évoqué l’organisation du travail, l’amplitude des journées d’activité et de la charge de travail en résultant, ni qu’il ait mis en place notamment le document récapitulatif des journées ou demi-journées travaillées ou à tout le moins vérifié que la salariée le tenait. Le fait que celle-ci travaille à domicile est sans incidence sur les obligations inhérentes à l’employeur, pas davantage à le supposer établi, le fait qu’elle ne se soit jamais plainte d’une surcharge de travail ;

La convention de forfait est donc inopposable et la salariée peut en conséquence réclamer le paiement des heures supplémentaires éventuellement réalisées;

II – Sur les heures supplémentaires

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant ;

La salariée produit aux débats :

– un planning découpé par semaine, distinguant les jours fériés et les congés payés, pour la période de janvier 2016 à février 2019, mentionnant chaque jour les horaires de début et fin de travail, en déduisant une pause d’une demi-heure ;

– un décompte du calcul des heures effectuées par semaine, en distinguant le taux à 25% et à 50%, les heures réclamées concernant débutant la semaine 23 de 2016 (à partir du 6 juin 2016) jusqu’à la semaine 6 de 2019 (jusqu’au 8 février 2019) ;

– le relevé de sa boîte mail et skype ;

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre et il importe peu ainsi que le décompte ait été établi postérieurement à la réalisation des heures réclamées ou que la salariée n’ait pas réclamé durant la relation de travail le paiement d’heures supplémentaires ;

L’employeur ne critique pas utilement le décompte présenté. En effet, il ne démontre pas que les heures de travail dont le paiement était réclamé n’auraient pas été accomplies avec son accord, au moins implicite, ou n’auraient pas été rendues nécessaires par les tâches confiées à la salariée ;

Ainsi, il critique le fait que la salariée répondait à des heures tardives à des courriels envoyés en cours de journée. Or, les tâches de la salariée ne consistaient pas uniquement à répondre à des courriels ou à envoyer des courriels, puisqu’elle devait au vu de la description de ses fonctions décrites dans ses écritures et non contestée par l’employeur, s’occuper de la communication pour tous les centres dans tous les pays de l’entreprise, réaliser également des magazines, des fichiers graphiques de présentation des appels d’offres, et l’employeur ne démontre pas que les heures effectuées n’étaient pas nécessaires à la salariée pour y pourvoir ;

Il soutient également que la salariée cumulait une autre activité professionnelle et se fonde sur le compte Facebook de la salariée ;

Or ce compte a été créé le 11 février 2019 soit postérieurement au licenciement dans le but selon la salariée de répertorier ses prestations depuis 15 ans afin de démarcher de futurs employeurs ou clients.

La salariée a par ailleurs reconnu avoir durant la relation de travail effectué trois prestations à titre bénévole et en dehors de ses heures de travail entre 2016 et 2018 (« 4 pattes sur le chemin », « be my dog » et faire part de naissance) pour 7 heures de travail en tout. L’employeur critique ces prestations en indiquant que la date de créations de fichiers (samedi 13 janvier 2018 pour « be my dog » et 27 novembre 2017 pour « 4 pattes sur le chemin »)ne permet pas d’établir que la prestation ait été achevée à cette date. Toutefois, outre que la date de création de ces fichiers est justifiée par le compte Facebook de la salariée, l’employeur n’apporte aucun élément pour remettre en cause cette date ou pour établir que ses prestations n’étaient pas terminées à cette date ;

Enfin concernant la prestation Advise, il résulte du compte Facebook de la salariée que la société Advise l’a acceptée le 10 février 2015 soit antérieurement à l’embauche de la salariée. C’est donc en vain que l’employeur se fonde sur la validité du devis qui expirati le 7 mai 2015, alors même que la simple lecture des pièces mentionnées permet de connaître la date d’acceptation du 10 février 2015 et qu’il n’établit de toute façon pas que cette prestation aurait été exécutée postérieurement à la date d’embauche ;

Il convient dès lors de faire droit à la demande de rappel d’heures supplémentaires de 42 459.64 € outre les congés payés afférents pour 4254.97 € pour 2016 (à compter du 6 juin), 2017, 2018 et 2019 (jusqu’au 8 février). Le décompte de la salariée n’est pas utilement discuté par l’employeur qui sollicite une appréciation « forfaitaire » sans indiquer quelles heures supplémentaires devraient être déduites du décompte de la salariée.

Le jugement sera en conséquence confirmé ;

III – Sur l’indemnité pour travail dissimulé

Pour allouer une indemnité pour travail dissimulé, les juges du fond doivent rechercher le caractère intentionnel de la dissimulation. Ce caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie ;

La salariée fait valoir d’une part qu’elle a travaillé pour le compte de la société Capago antérieurement au 27 avril 2015, soit entre le 14 et le 27 avril 2015, et d’autre part qu’elle ne pouvait ignorer l’illégalité de son forfait jours et à tout le moins sa surcharge de travail ;

Les courriels produits entre le 7 avril et le 24 avril 2015 concernent soit un échange avec Mrs [J] et M. [R] à une adresse mail ‘nowlis.com’ les messagesayant pour objet ‘Deewigo’ dont le lien avec la société Capego n’est pas démontré, soit un échange avec M. [S] de la société Capego en lien avec le materiel necessaire ou les modalités d’éxécution du contrat de travail envisagé, sans demonstration d’une prestation préalable ;

En outre, l’attestation de MMe [A] produite par la salariée qui indique qu’elle a été employee chez Capago entre 2015 et 2017 et qu’elle a travaillé sur de nombreux projets avec [O], ne permet pas enl’absence de dates précises des projets évoqués d’en déduire l’exécution de prestations avant le 27 avril 2015 ;

Par ailleurs, en l’état d’un accord qui prévoyait un certain nombre de garanties et alors que la salariée qui travaillait à domicile bénéficiait d’une autonomie totale dans l’organisation de son temps de travail, 1’intention de dissimulation n’est pas établie ;

Le jugement sera en consequence infirmé en ce qu’il a accordé une indemnité pour travail dissimulé;

IV- Sur les propos diffamatoires

L’employeur, au visa de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881, estime diffamatoires les propos de la salariée lorsqu’elle indique que M [F] et [N] et Mme [P] auraient travaillé tous les trois pour la société Capago sans être declares et ce pendant un an, ces propos qui sont faux portant atteinte à sa considération ;

L’article 41de la loi du 29 juillet 1881 dispose que :

« Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux ;

Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts ;

Pourront toutefois les faits diffamatoires étrangers à la cause donner ouverture, soit à l’action publique, soit à l’action civile des parties, lorsque ces actions leur auront été réservées par les tribunaux, et, dans tous les cas, à l’action civile des tiers. 

La salariée estime que la demande relève du tribunal judiciaire sans autre precision ou développement, alors que l’alinéa 2 du texte susvisé donne compétence au juge saisi de la cause et statuant sur le fond »;

Dans ses écritures, après avoir considéré qu’elle avait travaillé pour le compte de l’employeur avant la signature de son contrat de travail, la salariée écrit ‘il s’agit là d’une pratique habituelle de la société Capago. Ainsi, M. [E] [F], M. [G] [N], Mme [I] [P], tous trois commerciaux, ont travaillé pendant un an sans être déclarés. La société Magebox leur réglait leurs frais de déplacement’ ;

Ces affirmations sont démenties par les attestations de ces trois personnes aux termes desquelles toutes trois indiquent avoir, dans la perspective d’une association dans la société Magebox sur le projet d’édiion du magazine My Link, avoir pendant plusieurs mois participé à des reunions, étudié des démarches commerciales des concurrents, et ce afin de verifier la pérennité du projet, auquel ils n’ont pas donné suite ;

La salariée ne critique pas utilement ces attestations par le document publicitaire du magazine My Frend Link qui mentionne les noms de M [F] et [N] sans qu’un quelconque lien avec la société Capago soit établi ;

Il sera observé tout d’abord que ces éléments n’ont pas été pris en compte par la cour dans l’appréciation de la demande d’indemnité pour travail dissimulé puisqu’ils ne concernent pas directement la situation de la salariée ;

Ensuite, que l’employeur ne caractérise pas en quoi les propos litigieux qui font état de témoignages à l’encontre de la société Magebox constitueraient une atteinte à sa considération, et n’établit pas ainsi qu’ils puissent être considérer comme une diffamation au sens de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Au demeurant, à supposer même que ces propos puissent s’analyser en une diffamation, la société Capago, ne démontrent pas de préjudice pouvant justifier sa demande indemnitaire ;

Il convient dès lors, par confirmation du jugement, de la débouter de sa demande et également de celle tendant à écarter des débats les propos diffamatoires ;

V – Sur le licenciement

La salariée fait valoir qu’elle a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle sans avoir eu connaissance du motif économique ;

L’employeur estime qu’il a satisfait à son obligation dès lors que la convocation à l’entretien préalable indique les causes du licenciement envisagé et que celles-ci ont été rappelés lors de l’entretien préalable ;

Si en cas d’adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle prévu à l’article L1233-65 du code du travail, le contrat est réputé rompu d’un commun accord des parties, il n’en demeure pas moins que cette rupture qui découle d’une décision de licenciement prise par l’employeur doit être justifiée par une cause économique que le salarié est en droit de contester devant les juridictions du travail. Le motif économique de la rupture doit apparaître dans un document écrit remis ou adressé au salarié avant son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle ;

En l’espèce, la salariée a accepté le contrat de sécurisation professionnelle le 18 janvier 2019, soit antérieurement à la notification de la lettre de licenciement ;

La lettre de convocation à l’entretien préalable mentionne « nous vous informons que nous sommes amenés à envisager à votre encontre une mesure de licenciement pour motif économique. En effet comme vous le savez, nous rencontrons une baisse drastique de notre chiffre d’affaires, suite au non renouvellement du contrat avec les consulats italiens en Afrique du Sud et par conséquences la mise en suspend du projet média MyLink dans les prochains jours » ;

Toutefois, ces indications qui ne précisent pas l’incidence de ces difficultés sur l’emploi ou le contrat de travail de la salariée ne constitue pas un motif économique au sens de l’article L1233-3 du code du travail ;

Par ailleurs, l’employeur ne fait état d’aucun document écrit – et ce donc peu important l’information orale qui a pu être faite pendant l’entretien préalable au demeurant contredite par la salariée -, sur lequel apparaît le motif économique de la rupture qui aurait été remis effectivement à la salariée avant son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle ;

Dès lors, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

En application des dispositions de l’article L1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l’ordonnance du 22 septembre 2017, la salariée peut prétendre, au vu de son ancienneté de 3 années complètes et de la taille de l’entreprise, à une indemnité comprise entre 3 et 4 mois de salaire brut. L’ancienneté s’apprécie à la date à laquelle l’employeur envoie la lettre de licenciement et non à l’expiration du préavis comme l’indiquent les premiers juges ;

La salariée sollicite la fixation du salaire brut calculé en application du rappel de salaire alloué au titre des heures supplémentaires, soit 4170.97 € brut, ce qui au vu de ce qui a été précédemment jugé est justifié. L’indemnité maximale est de 16 683.88 € ;

En considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge, à l’ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer, par infirmation du jugement, la réparation qui lui est due à la somme de 15 000€ ;

En ce qui concerne le complément de l’indemnité de licenciement, la salariée fonde sa demande sur la prise en compte du salaire majoré des heures supplémentaires allouées. Aucune observation n’est faite par l’employeur ;

Au vu de ce qui a été précédemment jugé sur la demande au titre des heures supplémentaires, il convient de faire, par confirmation du jugement, droit à la demande ;

En ce qui concerne l’indemnité de préavis, si l’article L1233-67 dispose que la rupture du contrat par l’adhésion du salaire au contrat de sécurisation professionnelle ne comporte ni préavis ni indemnité compensatrice de préavis, il convient de relever qu’en l’absence de motif économique de licenciement, comme c’est le cas en l’espèce, le contrat de sécurisation professionnelle n’a pas de cause et l’employeur est tenu à l’obligation de préavis et des congés payés afférents ;

Dès lors, il convient de faire droit à la demande de la salariée pour le montant réclamé qui n’est pas y compris subsidiairement discuté, et de confirmer le jugement sur ce point ;

VI – Sur la clause de non concurrence

L’article 13 dudit contrat prévoyait :

« 2. Clause de non concurrence

En raison de la nature des fonctions exercées en cas de rupture du présent contrat à quelque époque et pour quelque cause que ce soit, Mademoiselle [O] [D] de travailler, à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement pour toute entreprise ayant une activité susceptible de concurrencer tout ou partie celle de la Société.

Cette interdiction de concurrence est limitée à une période de 6 mois à compter de la cessation effective d’activité et s’applique sur le territoire français, africain et le moyen orient.

En contrepartie de son application qui a pour conséquence de limiter le libre exercice d’une activité professionnelle, la salariée percevra, pendant toute la durée d’application de cette interdiction, une indemnité mensuelle égale à 25% du salaire moyen brut des 3 derniers mois d’activité.

Toute violation de la part de la salariée de cette interdiction de concurrence le rendrait automatiquement redevable, outre le remboursement de l’indemnité de non concurrence déjà perçue, d’une pénalité fixée dès à présent forfaitairement à 6 mois de salaire moyen brut, avec un minimum de 20.000 euros. Le paiement de cette pénalité ne porte pas atteinte aux droits de la société de poursuivre Mademoiselle [O] [D] en remboursement du préjudice subi et de faire ordonner sous astreinte la cessation de l’activité concurrentielle » ;

L’employeur estime que la salariée n’a pas respecté son obligation au motif qu’elle a réalisé un design graphique en juillet 2019 pour le compte d’Investir Immobilier Normandie, qui est une cliente de la société Capago, et qu’elle travaille à son compte avec la société Dogwalking ;

La salariée considère que l’employeur n’a pas renoncé à la clause mais n’a pas versé la contrepartie, qu’elle s’est donc estimée libérer de cette clause, au demeurant l’activité de graphiste était accessoire et n’a pas perduré à son départ de la salariée ;

En application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ;

Or, en l’occurrence, l’employeur dans la partie discussion de ses écritures sollicite une somme de 20 000 € pour violation de l’obligation de non concurrence mais n’a pas repris sa prétention au dispositif de ses écritures ;

La cour n’est donc pas saisie de cette demande ;

VII – Sur la clause de confidentialité et de loyauté

Le contrat de travail contient une clause de confidentialité imposant à la salariée une discrétion la plus absolue sur les informations de toute nature concernant le fonctionnement et les activités de la société, et de ne pas communiquer à des tiers ces informations ;

Il contient également une clause de loyauté qui interdit à la salariée « pendant toute la durée de son contrat de travail de s’intéresser à quelque titre que ce soit directement ou indirectement à toute entreprise ayant une activité susceptible de concurrencer en tout ou en partie celle de l’entreprise sauf autorisation expresse de la direction ; »

L’employeur reproche à la salariée d’avoir « détourné les créations (en l’occurrence le magazine) créées pour le compte de Capago dans la perspective de créer de la valeur ajoutée avec les donneurs d’ordre (ministères et ambassades) ;

Il produit :

– un échange de courriels non daté entre une dénommée [T], l’autre personne n’étant pas identifiée, rédigé en anglais. L’employeur commente cette pièce comme établissant les démarches entre Mme [T] [M] (prestataire indépendant) et Mme [Z] (salariée de Capago) « dans l’objectif de détourner les créations » ;

Dans ces échanges, ces deux personnes évoquent un projet de magazine et Mme [M] indique en avoir parlé à [O] (Mme [D]) précisant qu’elle a le droit de faire du free-lance, et lui demandant de n’en parler à personne chez Capago » ;

La salariée n’a ainsi pas participé à cet échange. Elle produit aux débats une attestation de Mme [M] qui indique qu’il s’agissait d’une simple idée pour un magazine différent de celui de Capago lequel au demeurant s’arrêtait, et que les propos tenus sur Mme [D] n’engagent qu’elle notamment sur la possibilité pour cette dernière de faire du free lance ;

Ainsi, ces éléments sont insuffisants pour caractériser une méconnaissance par la salariée de ses obligations contractuelles ;

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté l’employeur de sa demande indemnitaire ;

VIII – Sur la clause d’exclusivité

Le contrat de travail ne contient pas de clause spécifiquement intitulée « clause d’exclusivité » mais contient une clause dite clause de loyauté (que l’employeur cite) et qui a été cité ci-avant ;

L’employeur évoque une méconnaissance par la salariée de cette obligation « à de multiples reprises » sans développer d’éléments de fait sur ce point ;

La salariée répond sur ce point que son compte Facebook dans lequel elle détaille ses réalisations depuis 15 ans a été fait postérieurement au licenciement, que l’avenant du 27 janvier 2016 prévoyait une commission pour les anciens clients qu’elle apporterait, ce qui établit l’accord de l’employeur, et enfin que les quelques prestations bénévoles concernaient des relations amicales ;

Faute pour l’employeur de lister précisément les manquements et de répondre aux arguments de la salariée, la demande indemnitaire pour manquement à l’obligation d’exclusivité sera, par confirmation du jugement, rejetée ;

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront confirmées ;

En cause d’appel, la société Capago qui perd le procès sera condamnée aux dépens d’appel et déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile. En équité, elle réglera, sur ce même fondement, une somme de 1800 € à Mme [D] ;

En l’absence d’allégation de circonstances le justifiant, il n’y a pas lieu d’assortir d’une astreinte la remise des documents et bulletins de salaire ordonnée par les premiers juges. Le jugement sera infirmé sur ce point ;

La salariée ayant plus de deux ans d’ancienneté et l’entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, le jugement sera confirmé en ce qu’il a fait application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail ;

PAR CES MOTIFSS

LA COUR

Dit la cour non saisie de la demande de dommages et intérêts pour la violation de la clause de non concurrence ;

Confirme le jugement rendu le 27 mai 2021 par le conseil de prud’hommes de Caen sauf sur le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sauf sur l’indemnité pour travail dissimulé et sauf en ce qu’il a assorti d’une astreinte la remise des documents de fin de contrat et des bulletins de salaire rectifiés ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant ;

Condamne la société Capago à payer à Mme [D] la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Déboute Mme [D] de sa demande au titre de l’indemnité pour travail dissimulé ;

Dit n’y avoir lieu à assortir d’une astreinte la remise des documents et bulletins de salaire ordonnée par les premiers juges ;

Condamne la société Capago à payer à Mme [D] la somme de 1800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

La déboute de sa demande aux mêmes fins ;

Dit que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ;

Condamne la société Capago aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. ALAIN L. DELAHAYE * * * * * * * * * * * *


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