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Le photographe Sacha Goldberger a obtenu près de 50 000 euros de dommages et intérêts au titre de la contrefaçon de plusieurs de ses photographies de la série « Super Flamands » (photographies contemporaines dans le style de Rembrandt).
L’article 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle précise que la somme allouée à titre de dommages et intérêts est non seulement forfaitaire, mais qu’elle doit être supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Le but étant bien évidemment de dissuader les contrevenants de s’affranchir de la nécessaire autorisation d’utiliser les droits reconnus à l’auteur et protégés par ces dispositions.
Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.
Le juge peut donc, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, d’allouer une somme forfaitaire, supérieure au montant des redevances ou droits qui aurait été du si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte (v. not. Crim., 13 octobre 2015, pourvoi n° 14-88.485 ; Crim., 19 avril 2017, pourvoi n° 16-86.140) et non exclusive de l’indemnisation du préjudice moral.
Cette branche alternative est destinée, en particulier, à permettre une réparation du préjudice dans l’hypothèse où des éléments de preuve manquent pour apprécier avec précision le préjudice subi par le titulaire de droits (Rapport d’information de la commission des lois n° 296, Lutte contre la contrefaçon : premier bilan de la loi du 29 octobre 2007, MM. L. B et R. Yung).
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
1ère chambre 1ère section
ARRÊT DU 15 MARS 2022
N° RG 20/04475
N° Portalis DBV3-V-B7E-UBRG
AFFAIRE :
S.A.S. L’ORFEVRE
C/
Y X
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Mai 2020 par le Tribunal Judiciaire de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 18/07690
LE QUINZE MARS DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.S. L’ORFEVRE
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège
N° SIRET : 832 653 307
[…]
[…]
représentée par Me Anne-Sophie REVERS, avocat postulant – barreau de VERSAILLES
Me Natalia ICHIM de la SELARL IDEA AVOCATS, avocat – barreau de STRASBOURG, vestiaire : 155
APPELANTE
****************
Monsieur Y X
1 place Winston-Churchill
[…]
représenté par Me Vincent TOLEDANO, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : A0859
INTIMÉ
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 10 Janvier 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente chargée du rapport et Madame Nathalie LAUER, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anna MANES, Présidente,
Madame Nathalie LAUER, Conseiller,
Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
FAITS ET PROCÉDURE
M. Y X, photographe professionnel, est l’auteur d’une série de 52 photographies intitulée ‘Super Flamands’, représentant en différents formats des personnages de fiction de sa génération à la manière des peintres flamands des XVème et XVIème siècles.
Il revendique notamment, dans ce cadre, des droits d’auteur sur trois photographies qui ont été, avec d’autres, exposées en France dès 2014 avant de faire l’objet d’une rétrospective organisée dans les locaux de la gare d’Austerlitz à Paris du 28 juin au 30 septembre 2016.
La société L’Orfèvre, immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Strasbourg le 17 novembre 2017, exerce une activité principale déclarée de location meublée saisonnière et exploite dans ce cadre à Strasbourg un établissement dénommé le ‘Life Renaissance – New Concept’ proposant des appartements meublés à la location.
Expliquant avoir découvert que cette dernière exploitait sans son autorisation ces trois photographies de sa série ‘Super Flamands’ pour décorer son immeuble et faire la promotion en ligne de ses activités, M. Y X a :
– fait dresser le 1er février 2018 et le 13 mars 2018 par un huissier de justice deux procès-verbaux de constat sur les sites booking.com, gites.fr, stays.io, rentybyowner.com, lonelyplanet.com et schoolgallery.com,
– par courrier de son conseil du 1er février 2018 lui imputant des actes de contrefaçon de droits d’auteur, mis en demeure la société L’Orfèvre de lui proposer une réparation au titre de son préjudice tant moral que patrimonial.
Le 15 février 2018, la société L’Orfèvre a fait réaliser à son tour un constat d’huissier de justice afin de faire établir que les représentations de super-héros avaient été retirées des chambres.
Aucune solution amiable permettant la résolution du litige n’a été trouvée.
Dans ces circonstances, par acte d’huissier de justice du 27 juillet 2018, M. Y X a fait assigner la société L’Orfèvre devant le tribunal de grande instance de Nanterre (devenu tribunal judiciaire) en contrefaçon de droits d’auteur ainsi qu’en concurrence déloyale et parasitaire.
Par jugement contradictoire rendu le 14 mai 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
– rejeté les fins de non-recevoir opposés par la SAS L’Orfèvre ;
– dit qu’en communiquant au public les oeuvres ‘Portrait d’un homme vêtu d’une armure d’or’, ‘Portrait d’une famille du Nouveau Monde’ et ‘Femme en rouge et bleu au diadème et lasso’ créées par M. Y X qu’elle a présentées et reproduites sans mention de son nom pour assurer la promotion de son activité commerciale et la décoration de son établissement, la SAS L’Orfèvre a commis à son préjudice des actes de contrefaçon et porté atteinte à son droit moral ;
– condamné en conséquence la SAS L’Orfèvre à payer à M. Y X les sommes de :
* 50 000 euros en réparation du préjudice causé par la violation de ses droits patrimoniaux d’auteur,
* 6 000 euros en réparation du préjudice causé par la violation de son droit moral d’auteur ;
– interdit en outre à la SAS L’Orfèvre toute présentation, toute reproduction et toute exploitation directe ou indirecte des oeuvres ‘Portrait d’un homme vêtu d’une armure d’or’, ‘Portrait d’une famille du Nouveau Monde’ et ‘Femme en rouge et bleu au diadème et lasso’ créées par M. Y X ou de toute oeuvre identique ;
– dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte à ce titre ;
– rejeté les demandes de M. Y X au titre du parasitisme ;
– rejeté la demande de la SAS L’Orfèvre au titre de la procédure abusive et des frais irrépétibles ;
– condamné la SAS L’Orfèvre à payer à M. Y X la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à lui rembourser les frais afférents aux procès-verbaux de constat des 1er février et 13 mars 2018 ;
– condamné la SAS L’Orfèvre à supporter les entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés directement conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;
– ordonné l’exécution provisoire du jugement en toutes ses dispositions.
Le 15 septembre 2020, la société L’Orfèvre a interjeté appel de cette décision.
Par ses dernières conclusions notifiées le 25 mai 2021, la société L’Orfèvre demande à la cour, au fondement des articles L. 11-1, L. 113-1 et suivants , L. 121-1, L. 122-4, L. 331-1-3 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle, de :
– la déclarer recevable et bien fondée ;
En conséquence,
– infirmer le jugement rendu le 14 mai 2020 par le tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu’il a :
* rejeté les fins de non-recevoir opposées par la SAS L’Orfèvre,
* dit qu’en communiquant au public les oeuvres ‘Portrait d’un homme vêtu d’une armure d’or’, ‘Portrait d’une famille du Nouveau Monde’ et ‘Femme en rouge et bleu au diadème et lasso’, créées par M. Y X qu’elle a présentées et reproduites sans mention de son nom pour assurer la promotion de son activité commerciale et la décoration de son établissement, la SAS L’Orfèvre a commis à son préjudice des actes de contrefaçons et a porté atteinte à son droit moral,
* condamné en conséquence la SAS L’Orfèvre à payer à M. Y X les sommes de :
– 50 000 euros en réparation du préjudice causé par la violation de ses droits patrimoniaux d’auteur,
– 6 000 euros en réparation du préjudice causé par la violation de son droit moral d’auteur,
– interdit en outre à la SAS L’Orfèvre toute présentation, toute reproduction et toute exploitation directe ou indirecte des ‘Portrait d’un homme vêtu d’une armure d’or’, ‘Portrait d’une famille du Nouveau Monde’ et ‘Femme en rouge et bleu au diadème et lasso’, créées par M. Y X ou de toutes oeuvres identiques,
– rejeté la demande de la SAS L’Orfèvre au titre de la procédure abusive et des frais irrépétibles,
– condamné la SAS L’Orfèvre à payer à M. Y X la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à lui rembourser les frais afférents aux procès-verbaux de constat des 1er février et 13 mars 2018,
– condamné la SAS L’Orfèvre à supporter les entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés directement conformément à l’article 699 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
– constater, dire et juger que le prix unitaire des oeuvres de M. Y X est de 10 000 euros ;
– constater, dire et juger que le montant des droits qu’aurait perçu M. Y X s’il avait consenti à l’exploitation commerciale de ses photographies s’élève à 30 000 euros ;
– fixer à 1 000 euros la majoration due par elle à M. X pour les trois oeuvres ;
En conséquence,
– réduire à 31 000 euros la somme qu’elle doit verser à M. Y X au titre de la réparation du préjudice causé par la violation de ses droits patrimoniaux d’auteur ;
– constater, dire et juger que la série de photographies intitulée Super Flamands, dont M. Y X est l’auteur, est largement reproduite sur internet ;
– constater, dire et juger que l’exploitation faite par elle des oeuvres de M. Y X n’a pas été importante dans la mesure ou les contrefaçons n’ont pu être vues que par les locataires pendant trois mois ;
– constater, dire et juger que les clichés destinés à sa clientèle, et présentes sur les sites de réservation, n’étaient pas centrés sur la reproduction des oeuvres de M. Y X ;
En conséquence,
– réduire à 1 000 euros la somme qu’elle doit verser à M. Y X en réparation de son préjudice moral ;
– condamner M. Y X à lui payer la somme de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. Y X aux entiers dépens de la présente procédure ainsi que ceux de première instance.
M. X a constitué avocat le 12 novembre 2021, après l’expiration des délais impartis par l’article 909 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 2 décembre 2021.
SUR CE, LA COUR,
Sur les limites de l’appel et à titre liminaire,
La cour rappelle que les ‘dire et juger’ et les ‘constater’ ne constituent pas des prétentions, mais en réalité des moyens qui ont leur place dans le corps des écritures, plus précisément dans la partie consacrée à l’examen des griefs formulés contre le jugement et à la discussion des prétentions et moyens, pas au dispositif. La cour ne répondra de ce fait à de tels ‘dire et juger’ et ‘constater’ qu’à condition qu’ils viennent au soutien de la prétention formulée en appel et énoncée au dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas au dispositif de son arrêt, mais aux motifs de celui-ci. Par ‘prétention’, au sens de l’article 4 du code de procédure civile, il faut entendre une demande en justice tendant à ce qu’il soit tranché un point litigieux.
Force est de constater que les dispositions du jugement qui rejettent les demandes de M. X au titre de l’astreinte et du parasitisme ne sont pas querellées. Elles sont dès lors devenues irrévocables.
En revanche, la société L’Orfèvre poursuit l’infirmation du jugement en ses autres dispositions mais ne formule de prétentions que relativement au montant des condamnations qui ont été prononcées contre elle, sollicitant que celles-ci soient ramenées à 31 000 euros au lieu de 50 000 euros au titre du préjudice résultant de la violation des droits patrimoniaux de M. X et à 1 000 euros au lieu de 6 000 euros au titre de la violation de son droit moral d’auteur.
Ainsi, bien qu’elle poursuive l’infirmation du jugement qui a rejeté ses fins de non recevoir, au dispositif de ses conclusions, elle ne formule aucune demande à ce titre. Elle admet du reste que M. X est l’auteur des oeuvres litigieuses, dont elle reconnaît l’originalité. En outre, elle convient que les actes de contrefaçon sont caractérisés. La cour n’est donc saisie d’aucune prétention de ces chefs irrévocablement tranchés par le tribunal (1re Civ., 12 janvier 2022, pourvoi n° 20-17.346).
Sur le montant de la réparation du préjudice causé par la violation des droits patrimoniaux d’auteur
La société L’Orfèvre fait grief au jugement de la condamner à verser la somme de 50 000 euros au titre du préjudice résultant de la violation des droits patrimoniaux de M. X par application des dispositions de l’article A331-1-3, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle en retenant que ‘le montant des droits qu’auraient perçus M. X s’il avait consenti à l’exploitation commerciale de ses photographies sera fixé à la somme de 15 000 euros par oeuvre soit un total de 45 000 euros au total’ alors que, selon le deuxième constat d’huissier de justice réalisé par la partie adverse du 13 mars 2018, démontre que le galeriste de M. X, la School Gallery Paris, a cédé deux reproductions de la même série, dans un format 140 X 187 cm, accompagnées de ‘2AP’ à une société allemande pour le montant total de 20 000 euros soit 10 000 euros l’unité (pièce 4).
L’appelante invoque encore un article de presse dans lequel l’auteur lui-même évalue le prix unitaire de ces mêmes oeuvres à 12 000 euros (pièce 5).
Elle en déduit que le prix réel des différentes reproductions réalisées par M. X est situé entre 10 000 et 12 000 euros et que le tribunal a commis une erreur en retenant le montant de 15 000 euros unitaire.
Elle sollicite donc que ce montant soit ramené à 10 000 euros par oeuvre.
S’agissant de la majoration, elle estime que celle-ci ne pourra pas être supérieure à 1 000 euros pour les trois oeuvres et non pas 5 000 euros comme l’ont retenu les premiers juges. Elle conteste, en effet, avoir touché un large public, par l’effet de l’utilisation des sites de location en ligne, tel que booking.com, mais insiste sur le fait que les trois reproductions litigieuses n’étaient pas au centre de la décoration des pièces ; qu’en outre, le temps d’utilisation des contrefaçons a été extrêmement court, tout au plus fin novembre 2017 à la mi-février 2018 ; que les oeuvres litigieuses ont été retirées dès le premier courrier du conseil de l’artiste ; que le rayonnement international des sites de location n’est pas de son fait et qu’elle n’est pas responsable des partages opérés par le public. Elle ajoute que la cour devra tenir compte de la présence massive des oeuvres de M. X sur internet de sorte que les photos qu’elle a postées n’ont pas pu participer à la dépréciation de l’oeuvre de l’intimé, mais bien au contraire n’ont pu que contribuer à la diffusion auprès du public de ces photographies, donc à en augmenter leur valeur.
‘ Appréciation de la cour
L’article A331-1-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que (souligné par la cour) :
‘Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.’
L’article A331-1-3, in fine, du code de la propriété intellectuelle prévoit ainsi, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, d’allouer une somme forfaitaire, supérieure au montant des redevances ou droits qui aurait été du si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte (v. not. Crim., 13 octobre 2015, pourvoi n° 14-88.485 ; Crim., 19 avril 2017, pourvoi n° 16-86.140) et non exclusive de l’indemnisation du préjudice moral comme le précise expressément la dernière phrase de cette disposition.
Cette branche alternative est destinée, en particulier, à permettre une réparation du préjudice dans l’hypothèse où des éléments de preuve manquent pour apprécier avec précision le préjudice subi par le titulaire de droits (Rapport d’information de la commission des lois n° 296, Lutte contre la contrefaçon : premier bilan de la loi du 29 octobre 2007, MM. L. B et R. Yung).
Devant les premiers juges, M. X a sollicité l’allocation d’une somme forfaitaire égale à 100 000 euros par application du dernier alinéa de l’article susmentionné.
La société L’Orfèvre ne conteste pas l’existence du préjudice patrimonial subi par l’auteur, mais sollicite la minoration du montant alloué par le premier juge à savoir la somme de 50 000 euros (15 000 euros pour chacune des trois oeuvres contrefaites, au titre de l’évaluation forfaitaire, et 5 000 euros pour les trois oeuvres au titre de la majoration) afin que ce montant soit ramené à la somme totale de 31 000 euros (10 000 euros pour chacune des trois oeuvres contrefaites, au titre de l’évaluation forfaitaire, et 1 000 euros pour les trois oeuvres au titre de la majoration).
Cependant, c’est par d’exacts motifs adoptés par la cour, que le premier juge a retenu que M. X démontrait que le montant des droits qu’il aurait perçu s’il avait consenti à l’exploitation commerciale de ses photographies devait être fixé forfaitairement à la somme de 15 000 euros par oeuvre.
Il convient d’abord de rappeler que l’article A331-1-3, in fine, du code de la propriété intellectuelle précise que la somme allouée à titre de dommages et intérêts est non seulement forfaitaire, mais qu’elle doit être supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Le but étant bien évidemment de dissuader les contrevenants de s’affranchir de la nécessaire autorisation d’utiliser les droits reconnus à l’auteur et protégés par ces dispositions.
En outre, il ressort des éléments de preuve versés aux débats que le prix prouvé pratiqué par un galeriste pour la cession de reproductions de la même série dans un format similaire s’élevait, en 2016, à 20 000 euros au total pour la vente de deux reproductions non encadrées à la même personne morale de droit allemand, non identifiée.
L’article de presse produit par la société L’Orfèvre (pièce 5) qui date d’octobre 2020 n’est pas de nature à contredire l’évaluation du premier juge en ce que le prix d’une oeuvre similaire à celles concernées par le présent litige, soit ‘Portrait d’un homme vêtu d’une armure d’or’, ‘Portrait d’une famille du Nouveau Monde’ et ‘Femme en rouge et bleu au diadème et lasso’, provenant de la série de 52 photographies intitulées ‘Super Flamands’ peut atteindre la somme de 12 000 euros l’unité.
C’est de même, de manière inopérante, que l’appelante prétend que la présence massive des oeuvres de M. X sur internet devrait conduire la cour à reconsidérer les condamnations qui lui ont été infligées en première instance. C’est également sans aucun fondement qu’elle soutient que le fait d’avoir posté les reproductions des oeuvres litigieuses, sans autorisation de son auteur, a permis de les faire connaître et de les valoriser.
Il s’ensuit que l’évaluation faite le tribunal de la réparation du préjudice causé par la violation des droits patrimoniaux d’auteur de M. X (15 000 euros pour chacune des trois oeuvres contrefaites, au titre de l’évaluation forfaitaire, et 5 000 euros pour les trois oeuvres au titre de la majoration, soit la somme globale de 50 000 euros), qui n’apparaît pas erronée, sera confirmée.
Le jugement sera dès lors confirmé de ce chef.
Sur la réparation du préjudice résultant de l’atteinte portée au droit moral de l’auteur
Soulignant l’importance de l’exploitation et de la promotion des oeuvres contrefaisantes et de leur nature commerciale, le tribunal a estimé que le préjudice causé à M. X par l’atteinte portée à son droit moral s’élevait, non pas au montant de 100 000 euros réclamé par l’auteur, mais à celui de 2 000 euros par oeuvre.
Il a dès lors condamné la société L’Orfèvre à verser la somme totale de 6 000 euros à M. X à ce titre.
Se fondant sur les dispositions de l’article A121-1 du code de la propriété intellectuelle, la société L’Orfèvre poursuit l’infirmation du jugement de ce chef et fait valoir que le jugement a largement surévalué ce préjudice dès lors que les oeuvres de cet auteur sont largement diffusées sur internet et qu’elles sont très facilement ‘trouvables’. Elle énumère à cette fin les références de différents sites web permettant d’accéder aux oeuvres de M. X de la série Super Flamands et souligne que cette large diffusion concourt à sa popularité.
Elle produit un article du quotidien Le Monde (pièce 6) dans lequel M. X explique avoir pris le parti d’assigner systématiquement tous les auteurs de contrefaçons dont il peut avoir connaissance et elle estime que cette position, si elle est légitime, n’en demeure pas moins très rémunératrice et lui permet d’obtenir des indemnités qui s’ajoutent à la vente de ses oeuvres.
Elle considère que le tribunal a mal apprécié le montant de la réparation due. Elle conteste l’importance de ce préjudice et insiste donc sur le fait que les oeuvres en question n’étaient pas au centre de la décoration des chambres qu’elle louait et qu’elles ne faisaient qu’apparaître.
Par voie de conséquence, elle demande à la cour de diviser par deux le montant accordé à M. X à ce titre.
‘ Appréciation de la cour
C’est par d’exacts motifs adoptés par la cour, que le premier juge a condamné la société L’Orfèvre à verser à M. X la somme de 6 000 euros en réparation du préjudice résultant de l’atteinte portée à son droit moral d’auteur.
Les moyens développés par la société L’Orfèvre ne sont pas de nature à remettre en cause cette appréciation.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.
La société L’Orfèvre, qui succombe en ses prétentions, sera condamnée aux dépens d’appel et par voie de conséquence sa demande, fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,
Dans les limites de l’appel,
CONFIRME le jugement ;
CONDAMNE la société L’Orfèvre aux dépens d’appel ;
DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
– signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,