5 avril 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 21/02650

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5 avril 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 21/02650

N° RG 21/02650 -N��Portalis DBVX-V-B7F-NQRJ

Décision du Juge des contentieux de la protection de LYON au fond du 26 mars 2021

RG : 11-20-3548

[F]

[F]

C/

[U]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRÊT DU 05 Avril 2023

APPELANTS :

Mme [Y] [F]

née le [Date naissance 5] 1977 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 4]

M. [M] [F]

né le [Date naissance 3] 1975 à

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentés par Me Antony VANHAECKE de la SELARL CEOS AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1025

INTIMÉ :

M. [L] [U]

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représenté par Me Céline DELANNOY, avocat au barreau de LYON, toque : 1597

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 11 Janvier 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 13 Février 2023

Date de mise à disposition : 05 Avril 2023

Audience présidée par Bénédicte BOISSELET, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Julien MIGNOT, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

– Bénédicte BOISSELET, président

– Karen STELLA, conseiller

– Véronique MASSON-BESSOU, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Les époux [F] ont donné à bail à [R] [U] un local d’habitation au [Adresse 2] à [Localité 10] par contrat du 4 décembre 2014 pour un loyer mensuel de 550 euros.

Un acte de cautionnement solidaire a été signé au nom de [L] [U] par acte séparé du 5 décembre 2014.

Des loyers sont restés impayés.

Un commandement de payer la somme de 15 332 euros, échéance de juillet 2020 comprise, visant la clause résolutoire a été délivré le 13 juillet 2020.

Il a été dénoncé à la caution le 23 juillet 2020. En vain.

Les époux [F] ont assigné leur locataire et sa caution devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lyon par exploits du 8 et 15 octobre 2020 aux fins de’:

constatation de la résiliation du bail au 14 septembre 2020 ;

expulsion du locataire et tous occupants de son chef au besoin avec la force publique ;

fixation d’une indemnité mensuelle d’occupation à hauteur de 571 euros à indexer sur IRL au 1er janvier de chaque année outre 30 euros de charges ;

condamnation solidaire de [R] et [L] [U] à leur payer la somme principale de 17 135 euros pour loyers et charges impayés arrêtés au 1er octobre 2020 outre intérêts de droit à compter du 25 avril 2016 et capitalisation des intérêts ;

la somme de 10’% des sommes dues en capital à titre de pénalités ;

une somme correspondant au double du loyer et charges à compter de la résiliation de plein droit ;

la somme de 550 euros de dépôt de garantie à titre définitif à compenser avec le montant versé à titre de dépôt de garantie ;

3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

A l’audience, la créance a été actualisée à 19539 euros arrêtée au 1er février 2021 échéance février 2021 incluse. A titre subsidiaire, en cas de nullité du cautionnement, il est demandé le maintien de leurs demandes contre le locataire. Celui ci a reconnu son arriéré locatif.

[L] [U] a demandé de constater que son écriture sur l’acte de cautionnement n’est pas la sienne et qu’il n’est pas engagé,. A titre principal, il a conclu à la nullité de l’acte de cautionnement et au débouté des demandes à son encontre. A titre subsidiaire, il a conclu que l’acte à effet au 4 décembre 2014 n’était valable que 3 ans. L’arriéré locatif au-delà du 3 décembre 2017 n’est pas dû par lui. Par ailleurs, la clause pénale n’a pas été portée à sa connaissance. Les demandes à ce titre contre lui ne sont pas fondées. Il a sollicité 2000 euros au titre des frais irrépétibles et la condamnation des bailleurs aux dépens.

Par jugement du 26 mars 2021, le juge des contentieux de la protection, a’:

dit que l’acte de cautionnement signé par [L] [U] est nul et que les demandes contre lui doivent être rejetées en totalité ;

constaté l’acquisition de la clause résolutoire au 14 septembre 2020 ;

autorisé l’expulsion au besoin avec un serrurier et la force publique ;

condamné [R] [U] à payer aux époux [F] la somme de 19 539 euros arrêtée au 1er février 2021 avec l’échéance de février 2021 incluses, les intérêts au taux légal à compter du 13 février 2020 sur la somme de 15 332 euros et à compter de la signification de la présente décision pour le surplus, avec capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière, à compter de la signification de la présente décision ;

condamné [R] [U] à payer aux époux [F] une indemnité mensuelle d’occupation pour la période courant du 1er mars 2021 à la date de libération effective et définitive des lieux ;

fixé cette indemnité au montant du loyer et charges comme si le contrat s’était poursuivi ;

rejeté les demandes de pénalités ;

rappelé que la décision est exécutoire par provision ;

rejeté le surplus des demandes ;

condamné [R] [U] à payer aux époux [F] la somme de 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

rejeté les demandes de [L] [U] au titre des frais irrépétibles ;

condamné [R] [U] aux dépens comprenant le coût du commandement de payer du 13 juillet 2020.

Appel a été interjeté par le conseil des époux [F] par déclaration électronique du 14 avril 2021 à l’encontre des dispositions du jugement en ce qu’il a dit que l’acte de cautionnement signé par [L] [U] est nul conduisant au rejet des demandes à son encontre tendant à sa condamnation à leur payer toutes sommes auxquelles [R] [U] aura été condamné à payer au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation avec solidarité et à titre subsidiaire à leur payer la somme de 19 800 euros de dommages et intérêts et en ce qu’il a rejeté le surplus des demandes sur sa condamnation aux dépens et aux frais irrépétibles.

Seul [L] [U] a été intimé.

Suivant ses dernières conclusions notifiées le 22 juin 2021 par RPVA, [Y] et [M] [F] demandent à la Cour de’:

Vu l’article 22-1 de la loi du 6 décembre 1989, 1103,2288 et 1382 ancien et 1984 du Code civil, 5 et 287 du Code de procédure civile,

Les dire et juger recevables en leur appel.

Y faisant droit,

réformer le jugement sur le rejet de leurs demandes à l’encontre d'[L] [U] en sa qualité de caution.

Et statuant à nouveau :

le condamner à les garantir du paiement des sommes mises à la charge de son fils par jugement du 26 mars 2021.

A titre subsidiaire,

le condamner à leur payer 19 800 euros de dommages et intérêts.

En tout état de cause,

le condamner aux entiers dépens de l’instance ;

le condamner à leur payer 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Les appelants soutiennent notamment que’:

Il ne ressort pas de l’acte de cautionnement qu'[L] [U] n’est pas le rédacteur de toutes les mentions manuscrites. De plus, s’il les a faites rédiger par autrui, cette circonstance n’entraîne pas nécessairement la nullité du cautionnement. Eux-mêmes n’étaient pas présents lors de la rédaction des mentions manuscrites et la signature de l’acte. [L] [U] a refusé de donner des précisions sur les conditions de rédaction de l’acte en dépit du courrier officiel à l’attention de son conseil le 9 juillet 2020. Il ne conteste pas avoir signé mais uniquement les mentions manuscrites ce que son fils a confirmé devant le premier juge car son père a demandé à une dame de remplir les mentions manuscrites pour lui. [L] [U] prétendait qu’il ne savait écrire qu’en majuscules alors qu’il a tout de même signé en lettres minuscules. Les deux pièces qu’il a produites en majuscules sont des écritures différentes. Il recourt ainsi à plusieurs types d’écriture. La première mention manuscrite a été faite en lettres majuscules sur l’acte de cautionnement et l’écriture correspond à la première des pièces produites dont il s’attribue la paternité. Le juge n’a pas estimé, malgré ces doutes, devoir faire écrire la caution sous sa dictée en minuscules. Aucune explication n’a été sollicitée sur la personne qui a rédigé à sa place. En tout état de cause, aucune nullité ne peut affecter l’acte.

La sanction de nullité n’est pas automatique. Depuis la loi Elan du 23 novembre 2018, il n’est plus nécessaire que la caution procède à la rédaction des mentions manuscrites mais simplement qu’elle signe les documents contenant les informations qu’elle devait autrefois reproduire. L’article 22-1 de la loi du 6 décembre 1989 applicable au litige ne prévoyait pas expressément que la caution doive rédiger les mentions manuscrites de sa main mais uniquement qu’elle doive signer de sa main. Les juges du fond conservent un pouvoir d’appréciation des faits ayant conduit la caution à solliciter qu’un tiers rédige à sa place. En l’espèce, la caution a expliqué avoir des difficultés à rédiger n’étant pas né en France et n’ayant pas fait d’études. Il est arrivé à 14 ans et a cessé les études à 16 ans. Il ne sait qu’écrire en lettres bâtons. Il n’a pas contesté les explications de son fils sur l’intervention d’une dame pour rédiger à sa place. Cet acte de cautionnement a été retourné signé et rempli via une enveloppe provenant de l’université employant la caution. Il apparaît qu’il a rempli la première mention et a sollicité le relais d’une autre personne pour la suite des mentions ainsi que cela ressort du fait qu’il a eu des problèmes pour terminer la première mention et a écrit, manquant de place, la fin de la mention en première ligne. Ces circonstances sont propres à établir l’existence d’un mandat entre [L] [U] et le rédacteur des deux dernières mentions manuscrites. Or, le bailleur avait pris soin d’aviser la caution de la nécessité de reproduire de sa main les textes en italique, mention soulignée. La caution a donc agi en parfaite connaissance de cause.

A titre subsidiaire, le juge n’a pas statué sur leur demande, en cas de nullité du cautionnement, sur le fondement de la responsabilité délictuelle de la caution qui fait rédiger par un tiers les mentions manuscrites exigées pour la validité de l’acte. En l’espèce, c’est [L] [U] qui a pris la décision de faire intervenir un tiers pour écrire d’autant qu’il ne conteste pas avoir signé. La caution a donc commis une faute en faisant recopier les mentions par un tiers. Cela a causé une perte de chance de bénéficier de l’aval de la garantie de la caution alors qu’il bénéficie de revenus stables ce qui n’est pas le cas de son fils qui est dans une situation délicate et refuse de payer. La saisie a été infructueuse. [L] [U] est fonctionnaire à l’université [9] où il travaille à temps plein et est propriétaire de sa résidence principale. La perte de chance peut s’évaluer à 19 800 euros de dommages et intérêts, montant maximal cautionné alors que la créance dépasse largement cette somme.

L’intimé a constitué avocat mais n’a pas conclu. Le présent arrêt sera contradictoire à son égard.

Pour l’exposé des moyens développés par les parties, il sera fait référence conformément à l’article 455 du Code de procédure civile à leurs écritures déposées et débattues à l’audience du 10 octobre 2022 à 9 heures.

A l’audience, les conseils des parties ont pu faire leurs observations et/ou déposer ou adresser leurs dossiers respectifs. Puis, l’affaire a été mise en délibéré au 30 novembre 2022.

La Cour a enjoint les parties de produire différentes pièces pour le 13 février 2023 après avoir obtenu d’office du tribunal le 24 octobre 2022, la note d’audience et les deux jeux de conclusions d'[L] [U] en première instance. L’affaire a été renvoyée au 15 février 2023 à 9 heures puis mise en délibéré au 5 avril 2023.

MOTIFS

A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir la Cour «’constater’» ou «’dire et juger’» ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4,5,31 et 954 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n’y a pas lieu de statuer sur celles-ci.

Sur la production des pièces par les parties sur injonction de la Cour

Par courrier du 31 janvier 2023, le conseil des consorts [F] a transmis l’original de l’engagement de caution et l’acte de caution ainsi que la photocopie du passeport de [L] [U] portant sa signature.

Par lettre du 2 février 2023, le conseil de l’intimé a transmis son timbre et indiqué qu’une demande d’aide juridictionnelle était déposée. Il a fourni les pièces 1 et 2 produites en première instance. Il est précisé que la pièce n°2 est un échantillon d’écriture de [L] [U] sur papier libre qui reprend les mentions obligatoires de l’engagement de caution. Il s’ensuit qu’il en s’agit pas de son écriture sur l’engagement de caution. L’original de la pièce n°2 n’a pas été retrouvé. L’écrit a de nouveau été rerproduit. Son fils a bien dit que ce n’était pas son père qui avait écrit les mentions. A été produit le procès-verbal d’audience faisant mention de ces déclarations. Les bailleurs n’étaient pas présents ainsi qu’ils l’ont reconnus dans leurs conclusions de première instance qui sont jointes.

Par note du 6 février 2023, le conseil des appelants a sollicité le rejet des éléments versés aux débats par le conseil de l’intimé au motif qu’il n’avait pas versé son timbre avant que la Cour statue et qu’il n’est pas justifié de la décision d’aide juridictionnelle. En revanche, il fait sienne la production du procès-verbal d’audience du 12 février 2021 du tribunal de première instance qui éclaire sur le comportement contractuel de Monsieur [U] car son fils a bien précisé à la barre que le père avait expressément demandé à la personne présente de le faire pour lui. Il savait donc parfaitement à quoi il s’engageait en demandant à un tiers d’apposer les mentions obligatoires à l’acte permettant d’obtenir un bail à son fils tout en lui permettant ultérieurement de se désengager sous prétexte qu’il n’aurait pas apposé lui-même les mentions manuscrites.

La Cour n’a pas à écarter les pièces qu’elle a dûment sollicitées du conseil de [L] [U], celui-ci étant d’ailleurs en capacité de déposer son timbre jusqu’à ce que la Cour statue au fond soit le 5 avril 2023.

En revanche, il y a lieu d’écarter les pièces spontanément versées par le conseil de l’intimé et ses observations sur le fond dans son courrier du 2 février 2023 à savoir le procès-verbal d’audience, qui a en tout état de causé déjà été fourni à la demande de la Cour par le greffe du tribunal dans le cadre de son délibéré, et les conclusions des époux [F] en première instance.

En effet, n’ayant pas conclu dans le délai, le conseil de [L] [U] n’avait que le pouvoir de transmettre les pièces que la Cour lui a enjoint de produire sans faire de commentaire ni produire d’autres pièces.

En conséquence, la Cour écarte la lettre de 2 février 2023 de Maître Delannoy comportant des observations de fond ainsi que les conclusions de première instance des époux [F] et les notes d’audience du tribunal en date du 12 février 2021 émanant du conseil de [L] [U].

Sur validité du cautionnement signé par [L] [U]

En l’espèce, l’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 dans sa version en vigueur jusqu’à la loi Elan du 23 novembre 2018 s’appliquait au présent bail conclu le 4 décembre 2014.

Cette disposition prévoyait que «’la personne qui se porte caution fait précéder sa signature de la reproduction manuscrite du montant du loyer et des conditions de sa révision tels qu’ils figurent au contrat de location, de la mention manuscrite exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance qu’elle a de la nature et de l’étendue de l’obligation qu’elle contracte et de la reproduction manuscrite de l’alinéa précédent. Le bailleur remet à la caution un exemplaire du contrat de location. Ces formalités sont prescrites à peine de nullité du cautionnement ».

La mention manuscrite prévue à l’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 devait être rédigée par la caution elle-même, s’agissant non d’une condition de preuve de l’acte mais d’une condition de sa validité, peut important que celle-ci soit présente au moment de la rédaction des mentions manuscrites par un tiers et qu’elle ait de ce fait été informée des conditions du bail et ait signé personnellement l’acte lui-même.

Il ressort des mentions du jugement attaqué, des conclusions de première instance de [L] [U] et des pièces des appelants que [L] [U] a contesté avoir rempli les mentions manuscrites prescrites à peine de nullité figurant à l’engagement de caution (pièce 3 des appelants) mais pas sa signature.

Il est constant et non contesté que les bailleurs n’étaient pas présents au moment de l’acte d’engagement de caution.

La Cour a sollicité l’original de l’engagement de caution qui a été produit par les époux [F] dans le cadre de l’arrêt avant dire droit. Il s’agit de deux actes l’un avec des mentions manuscrites et un acte intitulé «’acte de cautionnement » qui a été écrit sur ordinateur et qui ne comporte qu’une signature en date du 2 décembre 2014. il n’a pas été contesté par [L] [U] qu’il a signé ces deux actes, la signature correspondant d’ailleurs à celle apposée sur son passeport dont copie a été produite par les bailleurs.

Pour les mentions manuscrites apposées sur l’engagement de caution, il doit être procédé à une vérification d’écritures conformément aux articles 287 et suivants du code de procédure civile.

La Cour constate que si [L] [U] a reproduit pour comparaison en sa pièce 2 des mentions manuscrites qu’il n’a à évidence pas écrites, il s’est en revanche gardé de reproduire, le mention en écriture bâton correspondant à son identité ainsi que la toute première mention qui a été écrite en écriture dite «’bâtons’» écriture qu’il pratique pourtant et qui est libellée comme suit «’CHARGES DES REPARATIONS LOCATIVES DES FRAIS DE PROCEDURE et DES INDEMNITES.D’OCCUPATION BON POUR CAUTION SOLIDAIRE SANS FACULTE DE DISCUSSION NI de NI DE DIVISION POUR LE PAIEMENT DU LOYERS, DES’»

Or, par comparaison avec la pièce 2, il ressort des similitudes tellement importantes notamment dans la façon très spécifique de transcrire les N, les F, les T et les S majuscules, le chiffre 1, la façon d’insérer certaines lettres en minuscules au milieu des majuscules et un mouvement d’écriture un peu penché vers la droite qu’il ne fait pas de doute que c’est [L] [U] qui a rempli son nom et sa date et lieu de naissance au Portugal ainsi que la toute première mention ci-dessus reproduite.

Il ressort de l’examen de l’entier acte de question qu’après avoir écrit de lui-même la toute première mention, il a sollicité le relais d’une autre personne pour la suite des mentions sans doute en raison du fait qu’il a eu des problèmes pour terminer la première mention et a écrit, manquant de place, la fin de la mention en première ligne.

Cela est en tout état de cause corroboré par le fait qu’il ressort des notes d’audience que son fils a effectivement affirmé au premier juge qu’il avait demandé à une personne de le faire à sa place et ce, en sa présence.

Dans ses conclusions de première instance, [L] [U] n’a à aucun moment prétendu qu’on avait usurpé son identité pour rédiger un acte de cautionnement ni accusé son fils de l’avoir fait à son insu. Il s’est borné à dire qu’il n’avait pas rempli les mentions manuscrites sans expliquer les circonstances exactes de l’élaboration de cet acte d’engagement ni remettre en cause les allégations de son fils selon lesquelles il avait demandé à une personne de remplir à sa place puisqu’il s’est contenté de dire dans ses conclusions n°2 que «’l’acte avait pu parfaitement être rédigé par un tiers à la demande du locataire’» sans l’affirmer avec fermeté et vigueur éventuellement complété par un dépôt de plainte pour usurpation d’identité ou faux’en écriture privée compte tenu des conséquences financières importantes et des ennuis judiciaires en découlant.

Ainsi, si [L] [U] a bien rédigé certaines mentions de l’engagement de caution qu’il ne conteste pas avoir signé, les mentions manuscrites essentielles sur la teneur et l’étendue de l’engagement de caution ont été rédigées par une tierce personne à sa demande.

Ces circonstances ne sont toutefois pas propres à rendre l’engagement de caution valable.

La Cour confirme la nullité de l’acte de cautionnement, par substitution de motifs, et le rejet des demandes de condamnation à paiement des consorts [F] à l’encontre de [L] [U] sur le fondement de cet acte qui est nul.

Sur la responsabilité délictuelle de [L] [U]

[L] [U] a fait intervenir un tiers pour l’aider à rédiger, dans l’intérêt de son fils, un engagement de caution. Il a rédigé certaines mentions mais pas toutes alors que le document portait la mention soulignée que «’le signataire reproduit à la main les textes en italique ci-après proposés’».

[L] [U] a commencé par s’exécuter en suivant cette consigne mais n’est pas allé jusqu’au bout, confiant cette mission à un tiers pour des raisons qui lui appartiennent mais qui sont certainement dues à sa difficulté de reproduire les mentions dans le peu d’espace disponible à en juger par le fait qu’il a eu des problèmes pour terminer la première mention et a écrit, manquant de place, la fin de la mention en première ligne.

L’acte de cautionnement a été rédigé en dehors de la présence des bailleurs et été retourné signé et rempli via une enveloppe provenant de l’université l’employant ce qui est un fait acquis étant, selon ses propres conclusions de première instance, agent technique d’entretien à l’université Jean Moulin, détail figurant nulle part ailleurs.

[L] [U] a produit une pièce 1 qui démontre qu’il détenait son certificat d’étude. Son passeport indique ‘il est de nationalité français étant en France d’ailleurs depuis ses 14 ans en arrêtant sa scolarité à ses 16 ans. Ne pouvant sérieusement prétendre qu’il ne sait pas lire, il a agi en parfaite connaissance de cause en comprenant l’étendue de son engagement.

Il est exact que dans les notes d’audience le juge était saisi à titre subsidiaire d’une demande de dommages et intérêts qualifiée «’à la place’» à laquelle il n’a pas été répondu.

Une caution qui en connaissance de cause fait rédiger par un tiers les mentions manuscrites exigées pour la validité de l’acte engage sa responsabilité délictuelle envers les bailleurs qui ont cru disposer d’une garantie.

Leur préjudice est constitué par une perte de chance, comme ils le soutiennent, de bénéficier de la garantie d’une caution qui bénéficiait de revenus stables ce qui n’est pas le cas de son fils qui est dans une situation délicate et refuse de payer. La saisie pratiquée à l’encontre de ce dernier a effectivement été infructueuse.

Les bailleurs établissent par leurs pièces 14 et 18 que [L] [U] est fonctionnaire à l’université [9] où il travaille à temps plein et est propriétaire de sa résidence principale.

Selon les appelants, leur perte de chance peut s’évaluer à 19 800 euros de dommages et intérêts, montant maximal cautionné alors que la créance dépasse largement cette somme. Or, une perte de chance ne peut jamais équivaloir au montant total du préjudice soit le montant total, en l’espèce, garanti.

La perte de chance ne peut qu’être une quote-part de leur entier préjudice surtout s’ils ont contribué à leur propre dommage. Or, c’est le cas en l’espèce car à réception de l’acte d’engagement, ils ne pouvaient que s’apercevoir de la différence d’écritures et de l’incohérence de la première mention. Ils auraient dû faire refaire en leur présence l’acte ou faire faire un acte authentique.

Ainsi, leur perte de chance ne peut s’établir au-delà de 25 % du montant cautionné.

Dès lors, la Cour répare l’omission de statuer du jugement et condamne [L] [U] à payer à [Y] et [M] [F] le somme de 4950 euros de dommages et intérêts.

Sur les demandes accessoires

Succombant, [L] [U] doit supporter les entiers dépens d’appel.

En équité, la Cour condamne [L] [U] à payer à [Y] et [M] [F] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant dans les limites de l’appel,

Ecarte la lettre de 2 février 2023 de Maître Delannoy comportant des observations de fond ainsi que les conclusions de première instance des époux [F] et les notes d’audience du tribunal en date du 12 février 2021 communiquées par le conseil de [L] [U],

Confirme le jugement déféré qui a prononcé la nullité de l’engagement de caution signé le 5 décembre 2014 par [L] [U] et qui a rejeté les demandes en paiement dirigées par les époux [F] à l’encontre de [L] [U] fondées sur l’acte de cautionnement qui est nul,

Réparant l’omission de statuer du jugement déféré.

Condamne [L] [U] à payer à [Y] et [M] [F] la somme de 4 950 euros de dommages et intérêts au titre de sa responsabilité civile délictuelle.

Y ajoutant,

Condamne [L] [U] aux entiers dépens d’appel,

Condamne [L] [U] à payer à [Y] et [M] [F] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Rejette le surplus des demandes de [Y] et [M] [F].

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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