4 juillet 2022 Cour d’appel de Nancy RG n° 20/01125

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4 juillet 2022 Cour d’appel de Nancy RG n° 20/01125

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D’APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2022 DU 4 JUILLET 2022

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/01125 – N° Portalis DBVR-V-B7E-ESYC

Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal de grande instance de VERDUN, R.G.n° 18/0366, en date du 19 novembre 2019,

APPELANTS :

Monsieur [E] [G]

né le 30 Juillet 1949 à VENDAYS-MONTALIVET (33)

domicilié 42 allée du Laudon – 40700 SAINTE COLOMBE

Représenté par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, substituée par Me Rui Manuel PEREIRA, avocats au barreau de NANCY

Madame [B] [P], épouse [G]

née le 10 Février 1947 à ROUEN (76)

domiciliée 42 allée du Laudon – 40700 SAINTE COLOMBE

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, substituée par Me Rui Manuel PEREIRA, avocats au barreau de NANCY

INTIMÉE :

S.C.P. [O] MICHEL & MANCINI, prise en la personne de Me [R] [O], notaire associé, pour ce domicilié au siège social sis 4 avenue Albert 1er – 55100 VERDUN

Représentée par Me Cyrille GAUTHIER de la SCP GAUTHIER, avocat au barreau d’EPINAL

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 02 Mai 2022, en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre, chargée du rapport,

Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ; en présence de Monsieur Jean-François DEMENGEON, greffier stagiaire ;

A l’issue des débats, le Président a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2022 en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. Puis, à cette date, le délibéré a été prorogé au 4 Juillet 2022.

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 4 Juillet 2022, par Madame FOURNIER, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame FOURNIER, Greffier ;

FAITS ET PROCÉDURE :

Par acte authentique du 22 janvier 2010, la société à responsabilité limitée (S.A.R.L.) Atlantique Développement Immobilier, la S.A.R.L. Société Financière Atlantique Développement, Monsieur [E] [G] et Madame [B] [P] épouse [G] ont établi les statuts de la société civile SCCV Le Clos Du Breton ayant pour objet l’acquisition d’un terrain sis 5 Landon (Gironde) 33138 chemin du Breton, la construction sur ce terrain de trois bâtiments et la vente, en totalité ou par fraction des immeubles construits avant ou après leur achèvement, il a été attribué aux associés les parts sociales suivantes :

– S.A.R.L. Atlantique Développement Immobilier : 32 parts,

– S.A.R.L. Société Financière Atlantique Développement : 30 parts,

– Monsieur [G] et Madame [P] épouse [G] : 38 parts.

Par courriers recommandés du 15 janvier 2013, la société civile professionnelle (SCP) Rufin et Michel, office notarial à Verdun, a adressé à Monsieur [G] et Madame [P] épouse [G] une copie d’un compromis de vente d’immeuble en date du 28 décembre 2012 conclu entre eux, en qualité d’acquéreurs et la SCCV Le Clos Du Breton, en qualité de vendeur, portant sur les fractions d’un immeuble en copropriété situé à Landon (Gironde) – 33138 – 3 Chemin de Breton, en particulier sur les lots 12, 26 et 43, moyennant le prix de 169000 euros TTC.

Par acte du 28 décembre 2017, Monsieur [G] et Madame [P] épouse [G] ont fait assigner la SCP Rufin, Michel et Mancini devant le tribunal de grande instance de Verdun en responsabilité civile aux fins d’indemnisation de leur préjudice.

Par jugement contradictoire du 19 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Verdun, a :

– débouté Monsieur [G] et Madame [P] épouse [G] de leur demande en paiement de dommages et intérêts,

– condamné Monsieur [G] et Madame [P] épouse [G] à payer la somme de 1500 euros à la SCP Rufin Michel et Mancini au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Monsieur [G] et Madame [P] épouse [G] aux dépens,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.

Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé, tout d’abord, que chaque partie verse un exemplaire du compromis de vente du 28 décembre 2012 paraphé par les époux [G] ; il a également estimé que les époux [G] n’avaient pas contesté en justice la validité du compromis de vente, ce qui serait alors un préalable à la mise en cause de la responsabilité du notaire.

De plus, le tribunal a considéré qu’il ne pouvait pas y avoir de faute résultant d’un manquement hypothétique à un devoir d’information, relatif à la possible compensation de créances et l’impossibilité de récupérer une quelconque somme, même en cas de réitération forcée de l’acte. Les premiers juges ont également énoncé l’absence de preuve s’agissant du préjudice des époux [G], étant relevé qu’ils n’ont pas versé le prix de vente de 169000 euros en l’absence de réitération de l’acte authentique de vente ; ils ont également souligné que les époux [G] n’ont entamé cette procédure judiciaire qu’au moment de la liquidation judiciaire de la SCCV Le Clos du Breton, au passif de laquelle ils ont déclaré une créance chirographaire d’un montant de 316914,11 euros, relative au remboursement de leur compte courant d’associés.

Enfin, le tribunal a rejeté le moyen tiré d’une tromperie de la part du gérant de la SCCV Le Clos du Breton, puisque les époux [G] en tant qu’associés majoritaires, ont accès à la comptabilité de ladite société et pouvaient avoir connaissance de sa situation économique.

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique le 3 juillet 2020, Monsieur [G] et Madame [P] épouse [G] ont relevé appel de ce jugement.

Par décision du 31 janvier 2022, la cour d’appel de Nancy saisie de la procédure en inscription de faux, a :

– déclaré régulière et recevable la procédure incidente en inscription de faux, diligentée selon acte du 23 mars 2021 par Monsieur et Madame [G] contre un compromis de vente daté du 28 décembre 2012 concernant les lots d’un immeuble sis à Landon,

– rejeté la procédure, l’acte contesté étant un acte sous seing privé,

– condamné Monsieur [G] et Madame [P] épouse [G] à payer une somme de 2000 euros à la SCP Rufin, Michel et Mancini, à titre de dommages et intérêts,

– dit n’y avoir lieu à amende civile,

– condamné Monsieur [G] et Madame [P] épouse [G] à payer à la SCP Rufin, Michel et Mancini la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté Monsieur [G] et Madame [P] épouse [G] de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Monsieur [G] et Madame [P] épouse [G] aux dépens de la procédure en inscription de faux.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 3 mars 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [E] [G] et Madame [B] [J] [P] épouse [G] demandent à la cour de :

– réformer le premier jugement,

– dire que le compromis de vente en date du 28 décembre 2012 est nul et de nul effet,

– dire que des dommages et intérêts à hauteur de 169000 euros leur seront alloués en réparation de leurs préjudices,

– condamner la SCP Rufin Michel et Mancini au paiement de ces dommages et intérêts,

– ‘éventuellement procéder à une vérification d’écritures sur l’acte en litige avec les éléments de comparaison produits et éventuellement ordonner un sursis à statuer dans l’attente de cette vérification au besoin désigner un expert graphologue afin de réaliser cette mission de vérification des signatures et paraphes attribués à Monsieur et Madame [G] sur l’acte du 28 décembre 2012,

– éventuellement ordonner un sursis à statuer dans l’attente de la procédure d’inscription de faux déposée par les époux [G] à l’encontre de l’acte du 28 décembre 2012 ‘,

– condamner la SCP Rufin, Michel et Mancini à payer la somme de 6000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 18 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Maître [O] notaire au sein de la SCP Rufin et Mancini demande à la cour, au visa des articles 1240-1 et 2224 du code civil, de l’article 564 du code de procédure civile, de :

– déclarer Monsieur et Madame [G] irrecevables et en tout état de cause, mal fondés en leur appel,

– dire et juger que la demande de nullité de l’acte sous seing privé du 28 décembre 2012 est une demande nouvelle et irrecevable,

– dire et juger que la demande de nullité de l’acte sous seing privé du 28 décembre 2012 est prescrite,

– débouter Monsieur et Madame [G] de leur demande en inscription de faux,

– débouter Monsieur et Madame [G] de leurs demandes de vérification d’écriture, de sursis à statuer et de désignation d’un expert.

– dire et juger que Maître [R] [O] n’a commis strictement aucune faute en lien de causalité direct avec le préjudice que Monsieur et Madame [G] prétendent avoir subi,

– débouter Monsieur et Madame [G] de leur appel ainsi que de l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,

– condamner Monsieur et Madame [G] à lui verser la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts en application de l’article 305 du code de procédure civile,

– condamner Monsieur et Madame [G] à lui verser la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Monsieur et Madame [G] aux dépens.

L’audience de plaidoirie a été fixée le 2 mai 2022, le délibéré au 27 juin 2022 et prorogé au 4 juillet 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les écritures déposées le 3 mars 2022 par Monsieur et Madame [G] et le 18 mars 2022 par Maître Olivier Rufin membre de la SCP Rufin et Mancini, auxquelles la Cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;

Vu la clôture de l’instruction prononcée par ordonnance du 29 mars 2022 ;

Sur l’irrecevabilité du fait de l’existence d’une demande nouvelle

A l’appui de ce moyen de défense, Maître [O] fait valoir que la demande de nullité du compromis de vente formée par Monsieur et Madame [G] à l’appui de leur appel, constitue une demande nouvelle, et à ce titre, est irrecevable ;

il ajoute que seule sa responsabilité était recherchée en première instance, pour manquement à son devoir d’information, mais qu’à présent, les appelants demandent la nullité du compromis de vente et aussi la condamnation du notaire au titre de sa responsabilité ;

il conteste la recevabilité de cette demande, qui ne tend pas aux mêmes fins que la précédente au sens de l’article 565 du code de procédure civile ; il précise en effet que la demande de nullité d’un acte sous seing privé ne le concerne pas, mais uniquement les parties à cet acte ;

En réponse, Monsieur et Madame [G] font valoir que leur demande est recevable en précisant qu’elle a pour objet de faire écarter les prétentions adverses, ou comme procédant de la révélation d’un fait, l’usage d’une fausse signature dans le compromis en litige ;

ils se fondent également sur les dispositions de l’article 565 du code de procédure civile dès lors que la demande en nullité formée, tend aux mêmes fins que la précédente, faire reconnaître la falsification de l’acte donc sa nullité afin d’obtenir la mise en cause de la responsabilité du notaire ;

Enfin ils visent l’article 566 du code de procédure civile pour voir constater que la nullité sollicitée se fonde sur la falsification des signatures qui, selon la qualification de l’acte, nécessite soit une vérification d’écritures soit une inscription de faux ;

Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile ‘à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n’est pour opposer la compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait’ ;

‘Les prétentions ne sont pas nouvelles lorsqu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent’ ajoute l’article 565 du même code ;

En outre selon l’article 566 du code civil’les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire’ ;

En l’espèce, le jugement déféré a statué sur la faute du notaire de nature à entraîner sa responsabilité en l’écartant, en retenant qu’aucun manquement au devoir de conseil n’est établi, mais surtout que l’acte en litige daté du 15 janvier 2013, ne constitue qu’un acte préparatoire à la vente de l’immeuble ;

au demeurant il a relevé l’absence de préjudice résultant du prix de 169000 euros, dès lors que l’acte authentique de vente n’a pas été régularisé ;

Cependant la demande de nullité du compromis de vente du 15 janvier 2013, constitue le prolongement ou l’accessoire de leurs demandes précédentes, appréciées à la lumière d’un fait nouveau, à savoir le rejet de la demande d’inscription de faux formée par Monsieur [E] [G] et Madame [F] [P] épouse [G] par l’arrêt de la cour de ce siège du 31 janvier 2022 ;

Dès lors le moyen de défense opposé par Maître [O] sera écarté et la demande des appelants déclarée recevable à cet égard ;

Sur la prescription de l’action de Monsieur et Madame [G]

Pour contester la demande en nullité de l’acte sous seing privé du 28 décembre 2012, Maître [O] oppose la prescription de l’action ;

il indique qu’en effet les appelants devaient agir dans les cinq ans à compter du 15 janvier 2013, date à laquelle Monsieur et Madame [G] avaient connaissance de cet acte, notifié par le notaire en application des dispositions de l’article L 271-1 du code de la construction et de l’habitation ; or ils n’ont saisi le tribunal qu’en date du 2 octobre 2020 ;

En réponse Monsieur et Madame [G] font valoir qu’ils ont effectué des réclamations auprès de la chambre des notaires, qui a elle même relevé la caducité de cet acte et qu’ils ont en outre porté plainte au pénal pour usurpation d’identité dans le délai de prescription ;

Aux termes de l’article 2224 du code civil ‘les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer’ ;

‘la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription’ ajoute l’article 2240 du même code ;

‘ la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion (…)’ précise l’article 2241 du code civil ;

En l’espèce Monsieur et Madame [G] entendent se prévaloir d’un courrier qui leur a été adressé par la chambre des notaires le 3 mai 2016 (pièce 8 appelants) pour conclure à l’interruption du délai pour agir en nullité de l’acte en litige ;

cependant, non seulement cette lettre ne comporte aucune reconnaissance des droits de Monsieur et Madame [G], la chambre des notaires relevant uniquement un fait, soit que le compromis n’a pas été réitéré et se trouve par conséquent sans suite, mais encore, elle n’émane pas de celui contre lequel ils souhaitent agir au sens des articles du code civil sus énoncés ;

De même ils justifient du dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile le 30 mai 2016 entre les mains du Procureur de la République de Bordeaux (pièce 9 appelants) ;

cependant il est constant qu’une simple plainte, à laquelle doit être assimilée leur réclamation, seul le doyen des juges d’instruction pouvant être saisi d’une plainte avec constitution de partie civile, n’est pas de nature à interrompre le délai de prescription quinquennale dès lors qu’elle a donné lieu à un classement sans suite sans qu’aucun acte d’enquête n’ait été effectué dès lors aucune cause d’interruption du délai de prescription de cinq ans n’est démontrée ;

Par conséquent les appelants qui avaient connaissance depuis le 15 janvier 2013, du compromis de vente du 28 décembre 2012 dont ils demandent la nullité, se devaient d’agir avant le 15 janvier 2018 ; dès lors leur demande en nullité ce cet acte est prescrite ;

Sur le bien fondé de l’action en responsabilité contre Maître [R] [O]

A l’appui de leur recours Monsieur et Madame [G] font valoir que Monsieur [O] a établi à leur nom un compromis de vente daté du 28 décembre 2012, comportant son cachet professionnel, mentionnant leur présence alors qu’ils ne l’ont jamais rencontré et n’ont ni signé ni paraphé cet acte ; il portait sur l’acquisition d’un des lots construits par la SCCV Le Clos Breton pour un montant de 169000 euros ; il a été présenté pour enregistrement au SIE de Bordeaux-Mérignac et ils n’en ont eu connaissance que le 15 janvier 2013 par la notification faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception par Maître [O] en application de l’article L 271-1 du code de la construction et de l’habitation ; ils considèrent que le gérant de la SCI ADI également actionnaire de la SCCV sus énoncée, Monsieur [A], est intervenu à l’acte à leur place sans que le notaire ait vérifié leur identité ;

ils affirment que par l’établissement de cet acte, Maître [O] a permis à la SCCV d’obtenir de nouveaux financements et de retarder la transmission d’information relatives à la santé financière de la société intervenant dans le projet immobilier ; ils ajoutent ainsi que s’ils avaient été clairement informés au moment de la régularisation de l’acte, de son objet réel, ils auraient immédiatement sollicité le remboursement de leur compte courant d’associé de 300000 euros, lequel est devenu impossible du fait du dépôt de bilan de la société ADI ;

En réponse Maître [O] conteste l’imputation de toute faute dans la rédaction du projet de compromis de vente sous seing privé qu’il précise ne pas avoir rédigé en présence de Monsieur [A], gérant de la société ADI, pas plus qu’il ne l’a fait enregistrer ;

il relève qu’aucun fondement juridique n’est avancé à l’appui de la demande de Monsieur et Madame [G], alors que sa responsabilité ne peut être recherchée sans faute ; il conteste avoir apposé son sceau mais reconnaît avoir mis son cachet commercial lorsqu’il a réceptionné le retour du compromis de vente présenté pour enregistrement au SIE ; il ajoute que l’acte en litige est un projet de compromis de vente sous seing privé, ce qui ne lui confère pas l’obligation de vérifier l’identité des signataires, alors qu’il est constant que cet acte n’a pas été signé en son étude ; il relève également que les appelants n’ont pas souhaité se rétracter après notification de l’acte par ses soins le 15 janvier 2013, tout en contestant en être les signataires ce qui pose la question de leur bonne foi ;

S’agissant du reproche fondé sur un manquement de sa part à l’obligation d’information et de conseil, il lui est opposé par les appelants de ne pas avoir rédigé un projet conforme à leur volonté qui était de compenser l’acquisition du dernier lot restant avec le compte courant d’associé ; or il n’est pas démontré l’existence d’un accord sur ce point avec la société venderesse pas plus que la rédaction du projet de compromis de vente n’était pas conforme à la volonté des parties, dont les appelants ont reçu communication par mail du 28 décembre 2012 ; il ajoute que quoi qu’il en soit, il n’a pas pour obligation de conseiller les parties sur l’opportunité économique de leur projet ; enfin il relève que l’acte n’a jamais été réitéré et qu’il n’en est pas responsable pas plus que du préjudice avancé par les appelants qui résulterait de l’établissement d’un compromis falsifié en l’absence de lien de cause à effet ;

Aux termes de l’article 1241 du code civil ‘ chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait mais encore par sa négligence ou son imprudence’ ;

Il est constant que le notaire qui rédige un acte sous seing privé et spécialement une promesse ou un compromis est susceptible d’engager sa responsabilité, dans des conditions proches de celles rencontrées en matière d’actes authentiques ;

En revanche le notaire n’est pas tenu d’un devoir de conseil sur l’opportunité économique d’une opération (Cass. 1ère civ., 20 janvier 2011) ;

En l’espèce il résulte des pièces produites que le compromis de vente établi le 28 décembre 2012, est un acte sous seing privé, rédigé sans conteste par Maître [O] ; il porte sur la vente de lots de copropriété de la SCCV au profit de Monsieur et Madame [G] pour un prix de 169000,00 euros ;

S’il mentionne la présence des signataires, cela ne consiste pas en une constatation du notaire intimé, dès lors qu’il est constant que cet acte n’a pas été signé en son étude et en sa présence mais, à Landon lieu de situation de l’opération immobilière à laquelle les appelants ont concouru ;

Les courriels échangés entre les parties, et plus précisément ceux des 18 et 21 décembre 2012 émanant de Madame [B] [G] (pièces n° 20 et 13 appelants) ne montrent aucune réticence ou équivoque concernant l’opération de cession portant sur les derniers biens restant à céder dans le cadre de l’opération de construction menée par la SCCV dont ils sont actionnaires à 38% ;

Dès lors la finalité de cette opération était connue de Monsieur et Madame [G], qui cependant contestent la réalité de leur volonté d’engagement par une signature de l’acte sous seing privé dénoncé ; de plus, cet acte n’a pas été dénoncé par les appelants dans le délai de rétractation de 11 jours à compter de la notification par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 15 janvier 2013, ce qui tend à démontrer que les appelants n’entendaient pas le remettre en cause ;

L’acte n’a pas été réitéré sans que la raison n’en soit énoncée ; il est cependant constant que Monsieur et Madame [G] entendaient obtenir par cette opération une compensation au moins partielle de leur compte courant d’associé, point qui n’était pas mentionné dans l’acte sous seing privé ;

Il n’en résulte pas pour autant la preuve d’une faute de Maître [O], qui a certes rédigé cet acte sous seing privé, qui a été signé en dehors de sa présence et pour lequel il n’avait pas l’obligation de les informer sur les caractéristiques de financement, prétendument par une compensation avec le compte courant d’associés des appelants, modalité aucunement prévue dans cet acte ;

cette preuve est d’autant moins établie, que les appelants indiquent n’avoir jamais rencontré l’intimé en personne ce que Maître [O] ne conteste pas au demeurant, en faisant état uniquement d’une communication téléphonique et de l’envoi de pièces d’identité et d’actes de naissance par les appelants ;

Il résulte également des termes de l’arrêt de cette cour du 31 janvier 2022, que l’acte contesté est sous seing privé n’a pas été enregistré par Maître [O], qui n’y a pas apposé son sceau mais uniquement son cachet ‘commercial’ après réception de l’acte présenté pour enregistrement dans le ressort du lieu de situation de l’immeuble soit Bordeaux-Mérignac ;

Enfin l’établissement par Maître [O] d’un second projet de compromis de vente au nom de Monsieur [A] portant sur le même bien immobilier – fraction d’un immeuble en copropriété situé à Landon (33138) 3, chemin du breton cadastré BR n°2 pour un prix de 114715,72 euros (pièce 19 appelants) n’est pas de nature à justifier d’une erreur ou d’une abstention fautive de l’intimé, qui était uniquement chargé de la rédaction de ce projet tout comme celui concernant Monsieur et Madame [G], le notaire n’étant pas comptable de la bonne fin de ces transactions, dès lors qu’elles n’ont pas été signées conjointement et en sa présence ;

Par conséquent aucune faute n’est établie à son encontre ;

En outre il sera relevé comme l’a fait la chambre des Notaires dans son courrier en réponse aux appelants daté du 3 mai 2016 (pièce 8 appelants), que compte-tenu de l’absence de réitération de l’acte authentique et consécutivement à l’absence de paiement du prix de vente, il n’est pas établi l’existence d’un préjudice au détriment de Monsieur et Madame [G], qui allèguent d’une présentation fallacieuse de la situation économique réelle d’un associé de la SCCV Le Clos du Breton, sans lien démontré avec la rédaction par l’intimé d’un compromis de vente, non réitéré ;

Dès lors le jugement déféré qui a rejeté la demande indemnitaire de Monsieur et Madame [G] sera confirmé ;

De plus il sera relevé que par arrêt du 31 janvier 2022 la cour d’appel de Nancy a rejeté la procédure incidente d’inscription de faux diligentée par Monsieur et Madame [G] contre le compromis de vente du 28 décembre 2012 concernant la vente d’un immeuble sis à Landon ; dès lors les demandes ‘éventuelles’ portant sur la vérification d’écriture et de sursis dans l’attente de l’organisation de cette mesure ne sont pas fondées au vu des développements précédents ;

Enfin, il n’appartient pas à la cour de statuer sur les demandes de ‘constatation’ ou de ‘donner acte’ ou encore des demandes ‘éventuelles’, qui ne sont pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile.

Sur la demande en dommages et intérêts fondée sur l’article 305 du code de procédure civile

Maître [O] sollicite une somme de 5000 euros au titre de l’article 305 du code de procédure civile relatif à la procédure d’inscription de faux ; cependant celle-ci a d’ores et déjà été jugée par arrêt de cette cour du 31 janvier 2022 ; par conséquent cette demande ne saurait prospérer ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les dépens de première instance ont été mis à la charge des demandeurs à l’instance, Monsieur et Madame [G], partie qui succombe ; ils seront confirmés tout comme la condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, pour la même raison ;

Monsieur [E] [G] et Madame [F] [P] épouse [G], partie perdante, devront supporter les dépens d’appel ; en outre Monsieur [E] [G] et Madame [F] [P] épouse [G] seront condamnés à payer à Maître [R] [O], membre de la SCP Rufin, Michel et Mancini la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée en première instance ; en revanche Monsieur [E] [G] et Madame [F] [P] épouse [G] seront déboutés de leur propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant,

Déclare prescrite la demande en nullité du compromis de vente signé le 28 décembre 2012 entre la SCCV Le Clos du Breton et Monsieur [E] [G] et Madame [F] [P] épouse [G] ;

Déboute Maître [R] [O] de sa demande en dommages et intérêts ;

Déboute Monsieur et Madame [G] du surplus de leurs demandes ;

Condamne Monsieur [E] [G] et Madame [F] [P] épouse [G] aux entiers dépens ;

Condamne Monsieur [E] [G] et Madame [F] [P] épouse [G] à payer à Maître Olivier Rufin, membre de la SCP Rufin, Michel et Mancini la somme de 3000 euros (trois mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Monsieur [E] [G] et Madame [F] [P] épouse [G] de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame FOURNIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : I. FOURNIER.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-

Minute en onze pages.

 


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