4 août 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 22/00483

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4 août 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 22/00483

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 04 AOÛT 2022

F N° RG 22/00483 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-MQZI

Société COMMISSIONS IMPORT EXPORT (COMMISIMPEX)

c/

RÉPUBLIQUE DU CONGO

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 12 octobre 2021 (R.G. 20/06651) par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 14 janvier 2022

APPELANTE :

Société COMMISSIONS IMPORT EXPORT (COMMISIMPEX)

Société anonyme de droit congolais immatriculée au RCCM de Brazzaville sous le numéro RCCM CG/BZV/07 B413, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercie, M. [D] [V] [C]

Elisant domicile chez Maître Emmanuel Joly

et chez la SELAS Archipel, [Adresse 2]

Et ayant son siège social, [Adresse 1] (Répulique du Congo)

[Adresse 1] Républiquedu Congo

Représentée par Me Emmanuel JOLY de la SCP JOLY-CUTURI-WOJAS AVOCATS DYNAMIS EUROPE (ADE), avocat au barreau de BORDEAUX et assistée de Me Jacques Alexandre GENET avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

RÉPUBLIQUE DU CONGO, demeurant [Adresse 4] (Congo)

Représenté par Me Jacques-brice MOMNOUGUI de la SELARL JURIS TIME, avocat au barreau de BORDEAUX et assisté de Me Simone BERNARD-DUPRE avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 05 juillet 2022 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Paule POIREL, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Madame Isabelle LOUWERSE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Annie BLAZEVIC

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Aux termes de deux sentences arbitrales des 3 décembre 2000 et 21 janvier 2013, désormais irrévocables, la République du Congo a été condamnée à payer diverses sommes à la société anonyme de droit congolais Commissions Import Export (la société Commisimpex).

Par arrêt rendu le 27 février 2020, statuant en appel d’une ordonnance du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris ayant rejeté la demande d’autorisation, la cour d’appel de Paris a autorisé toute mesure d’exécution sur les biens appartenant à la République du Congo, notamment les aéronefs, à l’exception de ceux utilisés ou destinés à être utilisés dans l’exercice des fonctions de la mission diplomatique de cet Etat.

Agissant en vertu de ces deux sentences arbitrales des 3 décembre 2000 et 21 janvier 2013 et de l’autorisation de la cour d’appel de Paris du 27 février 2020, la société Commisimpex a fait dresser un procès-verbal de saisie-vente d’aéronef le 8 juin 2020 portant sur l’aéronef Dassault Falcon 7X immatriculé TN-ELS appartenant à la République du Congo, entre les mains de la société Dassault Falcon Service à l’aéroport de [Localité 3], à qui il avait été confié en vue de travaux de maintenance.

Par acte d’huissier en date du 7 août 2020, la société Commisimpex a dénoncé la saisie de l’aéronef et fait assigner la République du Congo devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, au visa des articles R.123-1 et suivants du code de l’avion civile, aux fins de vente forcée de l’aéronef Dassault Falcon 7X immatriculé TN-ELS.

Saisie d’une demande de rétractation de l’arrêt du 27 février 2020 autorisant la saisie, la cour d’appel de Paris a, par arrêt en date du 3 juin 2021, rejeté cette demande.

Par arrêt en date du 3 juin 2021, la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement du 29 juin 2020 du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris qui a débouté la République du Congo de ses demandes relatives à la mainlevée de la saisie.

La République du Congo a formé pourvois en cassation à l’encontre de ces deux arrêts du 3 juin 2021.

Par acte du 15 mars 2021, la République du Congo a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris en contestation de la saisie du 8 juin 2020. Par jugement du 24 juin 2021, le juge de l’exécution a déclaré irrecevable la demande de la République du Congo tendant à ce qu’il soit jugé qu’il ne saurait être procédé à la vente aux enchères de l’aéronef.

Par ordonnance en date du 12 avril 2021, le juge de la mise en état de la première chambre civile du tribunal judiciaire de Bordeaux, saisi d’un incident formé par la société Commisimpex, a :

– déclaré irrecevable devant le tribunal judiciaire de Bordeaux les moyens relatifs à la régularité ou au caractère tardif de la signification du commandement de payer du 23 août 2019, au caractère diplomatique ou non de l’aéronef saisi, à la limite de l’engagement du 3 mars 1993 et à l’absence de transcription de la saisie au registre de l’immatriculation,

– déclaré irrecevable devant le tribunal judiciaire de Bordeaux :

*la demande de ‘nullité de la signification de la dénonciation de la saisie

d’aéronef portant assignation devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, en raison de l’irrégularité des significations des actes de procédures’,

*la demande de ‘libération’ de l’aéronef,

– déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer formée par la société Commisimpex ‘jusqu’à la décision à intervenir du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris à défaut d’autorisation du juge de procéder à la vente forcée’,

– dit que le juge de la mise en état n’est pas compétent pour connaître des moyens et arguments relatifs au caractère dérisoire de la mise à prix,

– invité les parties à conclure sur l’opportunité d’un sursis à statuer dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice dans l’attente de l’issue des recours formés par la République du Congo à l’encontre de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 27 février 2020 et du jugement du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris du 29 juin 2020.

Par conclusions du 19 août 2021, la République du Congo a saisi le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bordeaux d’un nouvel incident.

La société Commisimpex a demandé le renvoi de cet incident à la formation de jugement.

L’incident a été fixé devant la formation de jugement de l’audience du 21 septembre 2021, afin d’être évoqué avant les plaidoiries au fond.

Par jugement rendu le 12 octobre 2021, en formation de jugement statuant sur incident, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

– dit n’y avoir lieu à réouverture des débats,

– ordonné le sursis à statuer dans la procédure enrôlée sous le n° RG 20/6651 jusqu’à ce qu’une décision définitive intervienne suite aux pourvois en cassation formés par la République du Congo à l’encontre des arrêts de la cour d’appel de Paris en date du 3 juin 2021,

– réservé l’ensemble des demandes,

– retire l’affaire du rôle et dit qu’elle sera réinscrite à la demande de la partie la plus diligente,

– réserve les dépens.

Par ordonnance de référé du 16 décembre 2021, la première présidente de la cour d’appel de Bordeaux a autorisé la société Commisimpex à relever appel du jugement du 12 octobre 2021, l’affaire étant fixée au 5 juillet 2022.

Par déclaration électronique en date du 7 janvier 2022, la société Commisimpex a relevé appel de l’ensemble du jugement sauf en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à réouverture des débats (n° RG 22/00090).

Par acte délivré le 14 janvier 2022 à la République du Congo, la société Commisimpex l’a assignée à jour fixe d’avoir à comparaître devant la deuxième chambre civile de la cour d’appel de Bordeaux le 5 juillet 2022 à 14 heures.

La société Commisimpex, dans ses dernières conclusions d’appelante en date du 13 mai 2022, demande à la cour, au visa des articles R.123-1 et suivants du code de l’aviation civile, 378, 380 et 579 du code de procédure civile et VII de la Convention de Genève du 19 juin 1948 relative à la reconnaissance internationale des droits sur aéronef, de :

– annuler ou subsidiairement infirmer le jugement rendu par le tribunal judicaire de Bordeaux le 12 octobre 2021,

Statuant à nouveau et évoquant l’affaire au fond

– dire qu’il n’y a pas lieu de surseoir à statuer,

– déclarer la République du Congo irrecevable en ses demandes de nullité de la saisie,

– débouter la République du Congo de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– ordonner la vente judiciaire aux enchères publiques de l’aéronef de type Dassault Falcon 7X n°232 immatriculé TN-ELS appartenant à la République du Congo par le ministère de la Selarl Pestel-Debord, commissaire-priseur judiciaire, assistée de tout expert en aéronefs de son choix

– fixer la mise à prix à la somme de un million d’euros (1 000 000 euros),

– dire que la vente sera effectuée au moins six semaines après la décision à intervenir,

– dire que la vente sera annoncée en République du Congo, lieu où l’aéronef est immatriculé, conformément aux dispositions du droit congolais, au moins un mois avant le jour fixé,

– dire que la vente sera effectuée au moins trois semaines après la plus récente apposition d’affiches et insertion de cette affiche dans l’un des journaux français désignés pour recevoir les annonces judiciaires du ressort du tribunal et dans le Bulletin officiel des Annonces commerciales,

– dire qu’il sera procédé à une publicité complémentaire de cette vente sur le site interencheres.com (site réservé aux commissaires-priseurs judiciaires, et premier media de ventes aux enchères français) ainsi que dans un journal de presse régionale du lieu où se trouve le Falcon 7X, et enfin sur un support publicitaire approprié au regard de la nature de l’aéronef au choix de la Selarl Pestel-Debord,

– dire que la République du Congo sera prévenue de la date d’adjudication au moins un mois à l’avance, par lettre recommandée à l’adresse indiquée sur le certificat d’immatriculation à savoir « République du Congo – Présidence de la République – BP 14590 – Brazzaville, République du Congo »,

– dire que les affiches seront apposées sur la partie la plus apparente de l’aéronef saisi,

– dire que la Selarl Pestel-Debord, commissaire-priseur judiciaire, établira le cahier des charges de la vente en exécution des textes et décisions juridictionnelles régissant la vente aux enchères publiques sur saisie-vente du Falcon 7X,

– condamner la République du Congo aux dépens qui comprendront notamment les frais de commandement, le procès-verbal de saisie-vente, la dénonciation de la saisie avec assignation à comparaître, la publicité ainsi que tous les autres frais encourus pour parvenir à la vente, lesquels sont privilégiés,

– condamner la République du Congo au paiement d’une somme de 100 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La République du Congo, dans ses dernières conclusions d’intimée notifiées le 7 juin 2022, demande à la cour, au visa des articles 110 code de procédure civile, R.123-1 à R 123-8 et D 123-1 à D 123-2 du code de l’aviation civile, L. 6123-3 du code des transports, l’article 379 du code de procédure civile et la Convention de Genève relative a la reconnaissance internationale des droits sur aéronefs du 19 juin 1948, de :

– débouter la société Commisimpex de l’ensemble de ses demandes,

En conséquence :

– confirmer le sursis à statuer prononcé par le tribunal judiciaire de Bordeaux dans son jugement du 12 octobre 2021,

Statuant à nouveau et évoquant l’affaire au fond :

A titre principal,

– juger impossible la saisie-vente en raison de:

1°) l’absence de transcription du procès-verbal de saisie-vente au registre d’immatriculation de l’aéronef ,

2°) l’absence de remise d’un extrait certifié conforme des inscriptions sur l’aéronef,

– juger que la société Commisimpex n’étant pas un créancier inscrit est irrecevable à agir, et à requérir la mise aux enchères de l’aéronef,

A titre subsidiaire,

– fixer la mise à prix de l’aéronef à 20 000 000 euros,

– ordonner la consignation des sommes résultant du produit de la vente fassent l’objet d’une consignation auprès de la Caisse des Dépôts et des Consignations, afin de permettre de s’assurer que leur transfert s’opère bien auprès du créancier poursuivant (la société Commisimpex dont le siège est à Brazzaville) et non tout autre,

En tout état de cause,

– condamner la société Commisimpex à lui payer la somme de 50 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 juin 2022.

Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.

A l’audience, la cour a mis dans les débats la question du pouvoir de la cour pour évoquer l’affaire au fond, dans la mesure où l’appel porte sur un jugement rendu par le tribunal statuant sur un incident de mise en état. Les parties ont été autorisées à déposer sous huitaine une note en délibéré.

La société Commisimpex a déposé sa note en délibéré le 12 juillet 2022 à laquelle la République du Congo a répondu par une note en délibéré du 13 juillet 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d’annulation du jugement.

La SA Commisimpex qui sollicite l’annulation ou l’infirmation du jugement ne fait valoir aucun moyen au soutien de sa demande d’annulation qui doit être rejetée.

Sur la demande de sursis à statuer.

Le tribunal a sursis à statuer dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice jusqu’à ce qu’une décision définitive intervienne suite aux pourvois en cassation formés par la République du Congo à l’encontre des arrêts de la cour d’appel de Paris du 3 juin 2021, retenant notamment que l’incertitude juridique qui pourrait affecter la régularité de l’adjudication, du fait de l’issue des pourvois en cassation, représente un risque suffisamment sérieux pour ordonner le sursis à statuer sur la demande de vente forcée.

Au soutien de sa demande de réformation du jugement, la société Commisimpex fait essentiellement valoir, sur le fondement de l’article 579 du code de procédure civile que le sursis à statuer contrevient au droit à l’exécution des décisions de justice exécutoires et qu’il aurait pour conséquence de reporter le terme de l’affaire à plusieurs années, entraînant une déperdition irrémédiable de valeur du bien saisi au préjudice du créancier saisissant et du débiteur saisi indépendamment de l’issue des procédures.

En défense, la République du Congo soutient, sur le fondement de l’article 110 du code de procédure civile, que l’issue des deux instances actuellement en cours devant la Cour de cassation est susceptible d’influer sur la solution du présent litige. Elle considère que seul le résultat de ces pourvois permettra de savoir si la saisie est régulière au regard des règles d’immunité d’exécution des Etats étrangers et du statut de l’aéronef saisi, faisant valoir qu’une procédure de révision des sentences arbitrales a été entreprise, la Chambre de commerce internationale ayant été saisie d’une demande de réouverture des débats sur le fondement des faits de corruption découverts à l’encontre du président du tribunal arbitral ayant rendu la sentence arbitrale de 2013.

Enfin, la République du Congo rejette l’argument relatif à la dépréciation de la valeur de l’aéronef en indiquant que la société Commisimpex elle-même a tardé à plusieurs reprises pour l’assigner, précisant au surplus qu’au regard des enjeux tant financiers que diplomatiques, la durée de la présente procédure n’a rien d’anormal et soutient que la décision de sursis à statuer relève d’une bonne administration de la justice.

L’article 110 du code de procédure civile dispose ‘Le juge peut également suspendre l’instance lorsque l’une des parties invoque une décision, frappée de tierce opposition, de recours en révision ou de pourvoi en cassation’.

L’article 579 du même code prévoit que ‘Le recours par une voie extraordinaire et le délai ouvert pour l’exercer ne sont pas suspensifs d’exécution si la loi n’en dispose autrement’.

L’article L111-11 du code des procédures civiles d’exécution dispose de même que ‘Sauf dispositions contraires, le pourvoi en cassation en matière civile n’empêche pas l’exécution de la décision attaquée.

Cette exécution ne peut donner lieu qu’à restitution ; elle ne peut en aucun cas être imputée à faute’.

En l’espèce, les pourvois en cassation dans l’attente de l’issue desquels il est sollicité qu’il soit sursis à statuer sont les suivants :

– pourvoi contre l’arrêt du 3 juin 2021 statuant sur la demande de rétractation de l’arrêt du 27 février 2020 qui a autorisé, sur appel de l’ordonnance sur requête du 9 octobre 2019 du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris, l’arrêt du 3 juin 2021 ayant rejeté la demande de la République du Congo, de rétracter l’arrêt du 27 février 2020 sur la base duquel a été pratiquée la saisie de l’aéronef ,

– pourvoi contre l’arrêt du 3 juin 2021 confirmant le jugement du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris du 29 juin 2020 qui a rejeté les demandes de mainlevée de la saisie et de dommages-intérêts formulées par la République du Congo, après avoir retenu qu’il n’était pas démontré que l’aéronef est utilisé ou destiné à être utilisé dans l’exercice de la mission diplomatique de l’Etat de la République du Congo.

Si l’issue de ces pourvois peut remettre en cause le principe même de la saisie de l’aéronef, il convient toutefois de relever que ces arrêts sont exécutoires par application de l’article 579 du code de procédure civile et que le pourvoi en cassation n’est pas suspensif de leur exécution.

L’article 110 du code de procédure civile qui permet au juge de suspendre une instance dans l’hypothèse d’un pourvoi en cassation ou d’un recours en révision, institue un moyen de défense qui ne peut être invoqué à titre principal par la République du Congo au soutien de sa demande de sursis à statuer, quand bien même cette demande serait formée en appel au soutien d’une demande de confirmation d’un jugement ayant ordonné d’office une telle mesure.

En outre, la République du Congo qui verse aux débats une demande déposée auprès de la Cour internationale d’arbitrage d’ordonner la réouverture de l’affaire relative à la sentence arbitrale du 21 janvier 2013, ne justifie pas que la réouverture de cette affaire est effective, l’article de presse produit à cet effet étant inopérant.

Par ailleurs, la mise en oeuvre d’une voie d’exécution a lieu aux risques et périls de la partie poursuivante, en sorte que les conséquences d’une vente par adjudication de l’aéronef dans l’hypothèse d’une remise en cause de la validité de la saisie, sont à la charge de la SA Commisimpex, la République du Congo qui conteste l’argument selon lequel il résulterait d’un sursis à statuer une dépréciation financière de l’avion, au soutien duquel la SA Commisimpex produit une note technique établie par M. [J] [W] du cabinet aéronautique Erget ne contredisant celle-ci par aucun élément.

En conséquence, il n’apparaît au vu de ces éléments qu’il soit d’une bonne administration de la justice d’ordonner le sursis à statuer.

Le jugement doit être infirmé en ce qu’il a ordonné qu’il soit sursis à statuer.

Sur la demande d’évocation.

La société Commisimpex demande à la cour d’évoquer l’affaire au fond en faisant valoir que lorsque la cour statue sur appel d’un jugement de sursis à statuer préalablement autorisé par le premier président, elle a dès lors la faculté d’évoquer les points non jugés si elle estime de bonne justice de donner à l’affaire une solution définitive. Elle ajoute au soutien de sa demande d’évocation qu’elle bénéficie d’un titre exécutoire en France depuis plus de vingt ans, que la saisie a été pratiquée le 8 juin 2020, soit il y a plus de deux ans et que la République du Congo a saisi sept juridictions qui l’ont toutes déboutée de ses demandes.

La République du Congo ne s’est pas opposée à cette demande.

Toutefois, la cour a mis dans les débats la question des pouvoirs de la cour d’évoquer le fond de l’affaire alors qu’elle est saisie de l’appel d’un jugement du tribunal judiciaire statuant sur incident.

Aux termes de l’article 568 du code de procédure civile, ‘Lorsque la cour d’appel infirme ou annule un jugement qui a ordonné une mesure d’instruction, ou qui, statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l’instance, elle peut évoquer les points non jugés si elle estime de bonne justice de donner à l’affaire une solution définitive, après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d’instruction.

L’évocation ne fait pas obstacle à l’application des articles 554, 555 et 563 à 567.’

En l’espèce, le jugement a ordonné un sursis à statuer ainsi que le retrait du rôle de l’affaire, ces événements entraînant la suspension de l’instance et non son extinction, le tribunal restant saisi par application de l’article 379 du code de procédure civile et l’instance étant suspendue jusqu’au terme de la procédure de pourvoi en cassation. Le jugement de sursis à statuer n’entre donc pas dans le champ d’application de l’article 568 du code de procédure civile et ne permet à la cour d’évoquer le fond de l’affaire.

En outre, s’il est exact qu’outre les deux cas prévus à l’article 568 du code de procédure civile – jugement ordonnant une mesure d’instruction ou jugement qui, statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l’instance – l’évocation est admise lorsque le jugement a sursis à statuer et que l’appel en a été autorisé par un premier président en application de l’article 380 du code de procédure civile (Civ.2, 21 avril 2005, n° 03-16.466), il n’entre cependant pas dans les pouvoirs de la cour d’évoquer le fond de l’affaire alors qu’elle est saisie par un jugement rendu par la formation de jugement statuant sur incident.

Le juge de la mise en état était en effet initialement saisi d’une fin de non-recevoir soulevée par la République du Congo par conclusions du 19 août 2021 qui a été renvoyée en formation de jugement à la demande de la SA Commisimpex.

Il est précisé dans le dispositif du jugement que le tribunal a statué dans sa formation de jugement, en incident.

La faculté de renvoyer au fond le jugement d’un incident est prévue par l’article 789 du code de procédure civile qui dispose que :

‘Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :

1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et les incidents mettant fin à l’instance ;

6° Statuer sur les fins de non-recevoir.

Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s’y opposer. Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa, le juge de la mise en état renvoie l’affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l’instruction, pour qu’elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s’il l’estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d’administration judiciaire.

Le juge de la mise en état ou la formation de jugement statuent sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir par des dispositions distinctes dans le dispositif de l’ordonnance ou du jugement. La formation de jugement statue sur la fin de non-recevoir même si elle n’estime pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond. Le cas échéant, elle renvoie l’affaire devant le juge de la mise en état.’

En l’espèce, par une ordonnance du 12 avril 2021, le juge de la mise en état a débouté la République du Congo de sa demande de sursis à statuer et a ensuite soulevé d’office la nécessité de surseoir à statuer dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, invitant les parties à conclure sur ce point le demandeur devant conclure pour l’audience du 10 juin 2021.

La République du Congo a saisi le juge de la mise en état de conclusions du 19 août 2021 dans lesquelles elle soulevait l’irrecevabilité de l’action de la société Commisimpex pour défaut de droit d’agir, n’étant pas un créancier inscrit habilité pour requérir le mise aux enchères de l’aéronef.

Les parties ont ensuite échangé des conclusions en réponse sur incident, la société Commisimpex ayant demandé le renvoi au fond de l’affaire dans ses conclusions du 2 septembre 2021, sur le fondement de l’article 789-6° du code de procédure civile.

Le juge de la mise en état a convoqué les parties pour qu’il soit statué sur l’incident à l’audience du 21 septembre 2021, la convocation précisant que ‘l’affaire pourra être plaidée au fond en suivant les plaidoiries sur incident’ puis a rendu une ordonnance de clôture le 9 septembre 2021, l’affaire étant fixée à l’audience du 21 septembre 2021.

Outre que la société Commisimpex n’a dans ses conclusions du 8 septembre 2021, formé aucune demande au fond notamment quant aux modalités de la vente forcée, seule la République du Congo ayant demandé subsidiairement qu’il soit statué au fond, le tribunal dans son jugement du 12 octobre 2021 s’est expréssément placé dans le cadre d’un incident sans statuer sur le fond du litige, d’autant plus qu’était soulevée à titre principal une exception de procédure tendant au sursis à statuer et non une fin de non-recevoir, la fin de non-recevoir tenant au défaut de qualité à agir de la SA Commisimpex n’étant in fine plus soulevée qu’à titre subsidiaire et le tribunal ne s’étant pas prononcée sur celle-ci. Il sera relevé que la société Commisimpex, qui conteste dans sa note en délibéré que le tribunal se soit prononcé sur le fondement de l’article 789 -6° du code de procédure civile, reproduit de façon incomplète sa demande formulée dans son courrier du 27 août 2021 en citant l’article 789 du code de procédure civile omettant la mention de l’alinéa 6 alors qu’elle le visait dans son courrier dans lequel elle demandait au juge de la mise en état de ‘statuer simultanément sur l’incident et la question de fond et ce, conformément à l’article 789 al.6 du code de procédure civile’.

Le tribunal a statué, même si cela n’est pas expréssément mentionné par celui-ci, par application de l’article 789 6° du code de procédure civile qui seul permet le renvoi d’un incident en formation de jugement, mentionnant expréssément dans son dispositif qu’il statuait sur incident se plaçant ainsi dans ce champ processuel.

En tout état de cause, il n’apparaît pas qu’il soit d’une bonne administration de la justice d’évoquer le fond de l’affaire, étant rappelé que l’évocation est une simple faculté et non un droit pour les parties.

Il n’y a donc pas lieu de faire droit à la demande tendant à évoquer le fond de l’affaire.

La présente affaire sera donc renvoyée devant le tribunal pour la reprise de l’instance au fond.

Sur les mesures accessoires.

Partie perdante, la République du Congo sera condamnée aux dépens d’appel.

L’équité commande d’allouer à la SA Commisimpex une somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile.

Par ces motifs,

contradictoire

Rejette la demande d’annulation du jugement déféré,

Infirme le jugement en ce qu’il a ordonné le sursis à statuer dans l’affaire enregistrée sous le RG 20/6651 jusqu’à ce qu’une décision définitive intervienne suite aux pourvois en cassation formés par la République du Congo à l’encontre des arrêts de la cour d’appel de Paris en date du 3 juin 2021,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à surseoir à statuer,

Dit n’y avoir lieu d’évoquer le fond de l’affaire,

Renvoie la cause et les parties devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, première chambre civile pour que l’instance au fond soit reprise,

Condamne la République du Congo à payer à la SA Commisimpex une somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la République du Congo aux dépens d’appel.

La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Annie BLAZEVIC, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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