REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 2 – Chambre 7
ARRET DU 30 NOVEMBRE 2022
(n° 29/2022, 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/14710 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEGMU
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Juin 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J.EXPRO, JCP de PARIS RG n° 19/07913
APPELANTE
Madame [G] [K] [C] [I]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Maître Gilles KHAIAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1628, avocat postulant
Assistée de Maître PODOSKI Catherine, avocat au barreau de PARIS, toque : C1628, avocat plaidant
INTIMEES
Société INSTAGRAM LLC prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Localité 5] – ETATS-UNIS
Représentée par Maître Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant
Assistée de Maître LIARD Bertrand de la société WHITE & CASE LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J02, substitué par Maître MALPHETTES DE LA JONCHERE Agathe de la société WHITE & CASE LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J02, avocat plaidant
Société FACEBOOK IRELAND LIMITED prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 3]
[Localité 7] – IRLANDE
Représentée par Maître Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant
Assistée de Maître LIARD Bertrand de la société WHITE & CASE LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J02, substitué par Maître MALPHETTES DE LA JONCHERE Agathe de la société WHITE & CASE LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J02, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 26 octobre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Jean-Michel AUBAC, Président
Mme Anne RIVIERE, Assesseur
Mme Anne CHAPLY, Assesseur
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme RIVIERE dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Margaux MORA
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Jean-Michel AUBAC, Président, et par Margaux MORA, Greffier, présente lors de la mise à disposition.
1. Vu l’assignation devant le tribunal judiciaire de Paris transmise le 5’juillet 2019, selon les modalités prévues par le règlement CE n°’1393/2007 du 13’novembre 2007, à la requête de [G] [K] [C] [I] à la société INSTAGRAM INC, au visa des articles’9 du code civil, 226-4-1 du code pénal et du règlement UE 1215/2012 concernant la compétence judiciaire, aux fins de voir la société défenderesse condamnée à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du retard pris dans la suppression de contenus illicites,
2. Vu l’intervention volontaire de la société FACEBOOK IRELAND LTD, en sa qualité d’hébergeur du service Instagram et de responsable du traitement des données pour ses utilisateurs français, par conclusions notifiées le 9’décembre 2019,
3. Vu les conclusions, notifiées le 17’novembre 2020, par lesquelles [G] [K] [C] [I] demande au tribunal judiciaire de Paris, au visa des textes sus-cités et au vu des comptes illicites listés dans ses conclusions qu’Instagram n’a pas promptement fermés de’:
– débouter les sociétés INSTAGRAM et FACEBOOK IRELAND de leurs demandes,
– condamner la société INSTAGRAM, et subsidiairement la société FACEBOOK IRELAND LTD venant aux droits de la première, à lui verser la somme de 20’000’euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, ainsi que la somme de 3’500’euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– prononcer l’exécution provisoire du jugement à intervenir,
– condamner la société INSTAGRAM, et subsidiairement la société FACEBOOK IRELAND LTD venant aux droits de la première, aux dépens, avec autorisation pour Maître [P] de les recouvrer directement en application de l’article 699 du code de procédure civile, en ce compris le coût de signification à l’étranger des assignations en référé et au’fond et le coût du procès-verbal de constat,
4. Vu le jugement rendu contradictoirement le 23’juin 2021 par le tribunal judiciaire de Paris qui a’:
– débouté [G] [K] [C] [I] de l’intégralité de ses demandes,
– condamné [G] [K] [C] [I] à verser à la société INSTAGRAM LLC la somme de 2’000’euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné [G] [K] [C] [I] aux dépens,
– dit n’y avoir lieu au prononcé de l’exécution provisoire de la présente décision.
5. Vu l’appel interjeté le 27’juillet 2021 par [G] [K] [C] [I],
6. Vu les conclusions de l’appelante signifiées le 30’août 2022, selon lesquelles elle demande à la cour de’:
– dire et juger [G] [K] [C] [I] recevable et bien fondée en son appel et en ses demandes, fins et conclusions,
– dire et juger que la société INSTAGRAM et subsidiairement FACEBOOK IRELAND LTD venant aux droits de INSTAGRAM engage sa responsabilité civile à l’égard de [G] [K] [C] [I], en sa qualité d’éditeur et subsidiairement d’hébergeur, et doit réparation à [G] [K] [C] [I],
– débouter les sociétés INSTAGRAM et FACEBOOK IRELAND LTD de toutes leurs demandes, fins et conclusions contraires, et de leur appel incident, et les rejeter, notamment en ce qu’il est demandé à la cour au titre de l’appel incident de’:
– infirmer le jugement en date du 23’juin 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Paris sous le numéro RG’: 19/07913 en ce qu’il a déclaré recevables les demandes de [G] [K] [I] à l’encontre de la société Instagram LLC,
En conséquence,
– mettre la société Instagram, LLC hors de cause,
– juger [G] [K] [I] irrecevable en toutes ses demandes à l’encontre de la société Instagram LLC.
Statuant à nouveau, et y ajoutant,
– condamner la société INSTAGRAM INC et subsidiairement FACEBOOK IRELAND ltd venant aux droits de INSTAGRAM à payer à [G] [K] [C] [I] les sommes de 20’000,00’euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis et 5’000,00’euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouter les sociétés INSTAGRAM et FACEBOOK IRELAND ltd de toutes leurs demandes, fins et conclusions contraires,
– condamner la société INSTAGRAM et subsidiairement la société FACEBOOK IRELAND ltd venant aux droits de INSTAGRAM aux entiers dépens que Maître [P] pourra recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, en ce compris le coût des significations à l’étranger des assignations en référé et au fond et le coût des procès-verbaux de constat, et les dépens d’appel.
7. Vu les dernières conclusions signifiées du 14’septembre 2022 par les sociétés INSTAGRAM LLC et META PLATFORMS IRELAND LIMITED aux termes desquelles les intimées demandent à la cour de’:
Sur les demandes à l’encontre de la société INSTAGRAM LLC’:
– infirmer le jugement en date du 23’juin 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Paris sous le numéro RG’: 19/07913 en ce qu’il a déclaré recevables les demandes de [G] [K] [I] à l’encontre de la société INSTAGRAM LLC’;
En conséquence,
– mettre la société INSTAGRAM LLC hors de cause’;
– juger [G] [K] [C] [I] irrecevable en toutes ses demandes à l’encontre de la société INSTAGRAM LLC,
À titre subsidiaire,
– confirmer le jugement en date du 23’juin 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Paris sous le numéro RG’: 19/07913 notamment en ce qu’il a jugé que la responsabilité d’INSTAGRAM LLC ne pouvait être engagée et a rejeté toutes les demandes à son encontre,
En tout état de cause,
– confirmer le jugement en date du 23’juin 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Paris sous le numéro RG’: 19/07913 en ce qu’il a jugé la société META PLATFORMS IRELAND LIMITED recevable en son intervention volontaire,
– confirmer le jugement en date du 23’juin 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Paris sous le numéro RG’: 19/07913 notamment en ce qu’il a jugé que la responsabilité de la société META PLATFORMS IRELAND LIMITED ne pouvait être engagée et a rejeté toutes les demandes à son encontre’;
– débouter [G] [K] [C] [I] de l’intégralité de ses demandes à l’encontre de la société INSTAGRAM LLC ou de la société META PLATFORMS IRELAND LIMITED,
– confirmer le jugement en date du 23’juin 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Paris sous le numéro RG’: 19/07913 en ce qu’il a condamné [G] [K] [C] [I] à verser à la société INSTAGRAM LLC la somme de 2’000’euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
Y ajoutant,
– condamner [G] [K] [C] [I] à verser à chacune des sociétés INSTAGRAM LLC et META PLATFORMS IRELAND LIMITED la somme de 2’500’euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner [G] [K] [C] [I] aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Lexavoue Paris-Versailles.
8. Vu l’ordonnance de clôture du 28’septembre 2022,
9. Vu l’article 455 du code de procédure civile,
MOTIFS DE LA DÉCISION
Rappel des faits et de la procédure
10. [G] [K] [C] [I], dite [K] [C], précise qu’elle exerce la profession de conseillère en image et qu’elle a, dans ce cadre, déposé le 19’juin 2013 auprès de l’institut national de la propriété industrielle (INPI), outre un logo, les marques ‘[K] [C]’, ‘[K] [C]’, ‘Ma chérie’, ‘Oh là là ma chérie’, ‘[C] Conseil’, ‘Agence [K] [C]’, ‘Magnifaik’ et ‘Magnifaic’.
11. Elle affirme par ailleurs disposer d’un compte Instagram accessible à l’adresse https://www.instagram.com/[06].
12. L’appelante indique que s’étant aperçue que divers comptes Instagram usurpaient son identité et utilisaient de manière illicite les attributs de sa personnalité et de son image, y compris son «’identité numérique’», elle avait fait procéder, sur autorisation donnée par ordonnance rendue sur requête en date du 12’mai 2017, à la rédaction d’un procès-verbal de constat d’huissier afin de recenser les comptes usurpant son identité. Ce procès-verbal de constat a été dressé le 16’juin 2017.
13. Par constats du 28’juin 2017 et du 5’juillet 2017, l’huissier a par ailleurs retracé ses opérations consistant à procéder à des demandes d’abonnement aux comptes litigieux, lesquelles sont restées sans réponse.
14. L’appelante précise par ailleurs avoir demandé à la société INSTAGRAM LLC de procéder au retrait de ces contenus illicites, par’:
– un signalement effectué sur le site Instagram comme évoqué lors d’un échange de courriels le 26’avril 2017,
– un courrier recommandé rédigé en langue française, daté du 21’juin 2017, adressé à la société INSTAGRAM LLC, intitulé ‘Lettre de notification de contenus illicites'(article’6 I loi n°’2004-575 du 21’juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique)’, et comportant en annexe un listing de 46 comptes illicites dont il est sollicité la fermeture et la suppression pure et simple, le caractère illicite résultant de l’usurpation de son identité et de son image par les utilisateurs de ces comptes, et ce au mépris des articles’9 du code civil et 226-4-1 du code pénal.
15. [K] [C] a indiqué avoir par la suite saisi le juge des référés du tribunal de Nanterre en vue d’une audience devant se tenir le 28’juin 2018, sur le fondement des articles’9 du code civil et 808 et 809 du code de procédure civile, afin d’ordonner à la société INSTAGRAM LLC de fermer les 46 comptes illicites faisant usage de son identité et de son image, identifiés dans le constat d’huissier dressé le 16’juin 2017, et de la condamner à lui verser une provision d’un montant de 20’000’euros à valoir sur l’indemnisation de son préjudice.
16. Par ordonnance du 21’janvier 2019, le juge des référés du tribunal de Nanterre, après avoir mentionné dans l’exposé du litige que par procès-verbal de constat dressé le 14’mai 2018, la société INSTAGRAM avait justifié que les comptes litigieux étaient à cette date inaccessibles, s’est déclaré territorialement incompétent au profit du juge des référés du tribunal de Paris.
17. Dans ces conditions, [K] [C] a assigné la société INSTAGRAM LLC devant le tribunal judiciaire de Paris, estimant que cette société, en sa qualité d’hébergeur, avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité sur le fondement de l’article 6 de la loi du 21’juin 2004 dite LCEN en laissant à la disposition du public, au moins jusqu’au 18’septembre 2017, des contenus sans les retirer promptement, contenus qu’elle savait illicites et dont l’existence lui avait été notifiée conformément aux dispositions de ce même texte.
18. [K] [C] considère à cet égard avoir intégralement respecté les conditions de notification de contenus manifestement illicites prévues par l’article 6 sus-cité, dès lors que la société INSTAGRAM LLC avait pu faire établir le procès-verbal de constat du 14’mai 2018 produit devant le juge des référés sur la base des éléments transmis par elle-même dans son courrier du 21’juin 2017. Ne disposant pas de l’adresse postale des titulaires des comptes litigieux, elle n’avait pas pu au préalable s’adresser à ces titulaires, étant précisé que par arrêt du 9’juillet 2020, la CJUE avait rappelé que le terme «’adresse’» désignait l’adresse postale et non une adresse de courriel, un numéro de téléphone ou une adresse IP.
19. S’agissant de la recevabilité de l’action initiée à l’encontre de la société INSTAGRAM LLC, elle souligne que la qualité d’hébergeur de la société FACEBOOK IRELAND LTD ne date que du 19’avril 2018 et qu’au moment des faits litigieux, la société INSTAGRAM LLC avait la qualité d’hébergeur.
2’0. Les intimées indiquent en premier lieu que la société INSTAGRAM LLC n’a pas qualité à défendre puisque depuis le 19’avril 2018, elle n’est plus l’hébergeur du service Instagram désormais hébergé et opéré par la société FACEBOOK IRELAND LTD, intervenante volontaire, laquelle a par ailleurs repris, selon elle, les droits et obligations de la société INSTAGRAM LLC née avant cette date, vis-à-vis des tiers pour l’Europe. Elles indiquent ne pas l’avoir fait valoir devant le juge des référés de Nanterre compte tenu de la date de ce changement, date contemporaine de la procédure initiée en référé.
21. Les intimées soutiennent par ailleurs, à titre subsidiaire, que la responsabilité civile de la société INSTAGRAM LLC ou de la société FACEBOOK IRELAND LTD ne peut être engagée que dès lors que [K] [C] n’a pas notifié les contenus dont elle demandait la suppression conformément aux prescriptions de l’article 6.I.5 de la LCEN. Les intimées soulignent à cet égard que le courrier recommandé sus-cité ne mentionnait pas en quoi chacun des comptes était illicite, et ne comportait pas la justification des correspondances adressées aux créateurs des contenus litigieux.
22. Elles relèvent par ailleurs que le courrier de notification a été adressé en langue française et qu’un refus de la part de la société INSTAGRAM LLC d’en tenir compte pour cette raison était conforme à l’esprit de l’article 5 de la convention de La’Haye du 15’novembre 1965 ainsi qu’au règlement CE 1393/2007 qui prévoient que les autorités requises sont en droit de refuser des documents rédigés dans une langue autre que celle de leur État et que ce défaut de traduction s’apparente à un défaut de diligence de l’appelante.
23. Les intimées soutiennent, en tout état de cause, que les contenus ne sont pas manifestement illicites dès lors que certains n’étaient pas librement accessibles, d’autres ne reproduisaient pas l’image de la demanderesse, d’autres ne reproduisaient que des images officielles, et d’autres étaient visiblement humoristiques, voire caricaturaux.
24. Elles ajoutent que ces comptes ne constituaient pas de façon manifeste une usurpation d’identité au sens de l’article 226-4-l du code pénal, ou une contrefaçon de marque prévue à l’article L 716-4 du code de la propriété intellectuelle.
Motifs de la décision
Sur l’intervention volontaire de la société FACEBOOK IRELAND LTD
25. Il convient de confirmer le jugement entrepris sur ce point en ce qu’il a jugé qu’il ressort des conditions d’utilisation du service Instagram et de sa politique d’utilisation des données communiquées en pièce n°’1 et’1 bis par les sociétés FACEBOOK IRELAND LTD et INSTAGRAM LLC que depuis le 19’avril 2018, ce service est, pour les utilisateurs européens, hébergé et opéré par la société FACEBOOK IRELAND LTD et que dans ces conditions, en application des articles’325, 328 et’329 du code de procédure civile, la société FACEBOOK IRELAND LTD sera reçue en son intervention volontaire.
Sur la recevabilité de l’action à l’encontre de la société INSTAGRAM LLC
26. Il résulte des articles’30 et’31 du code de procédure civile que l’action engagée à l’encontre de la société INSTAGRAM LLC n’est recevable que si cette dernière a intérêt à agir en défense au regard des demandes faites en l’espèce.
27. En l’espèce, aux termes des conditions générales d’utilisation du service Instagram, actualisées au 1er’octobre 2020, ainsi que de sa politique d’utilisation des données actualisées au 12’novembre 2019 au sein de l’Union Européenne, il est établi que le gestionnaire du réseau social et des différentes données à caractère personnel communiquées par les utilisateurs est, depuis le 19’avril 2018, la société FACEBOOK IRELAND LTD.
28. Cependant, l’action de l’appelante recherche la responsabilité civile de l’hébergeur du service Instagram suite à un manquement à son obligation de promptitude dans le retrait de contenus manifestement illicites dont l’existence lui a été notifiée le 21’juin 2017.
29. Or, il est constant que la société INSTAGRAM LLC est restée l’hébergeur de ce service pendant plusieurs mois de telle sorte qu’elle doit répondre des manquements qui lui sont reprochés.
30. Par ailleurs, les premiers juges ont justement relevé que les intimées ne justifient nullement que la société INSTAGRAM LLC aurait été dissoute ou, comme elles le soutiennent, que la société FACEBOOK IRELAND LTD aurait repris les droits et obligations de la société INSTAGRAM LLC nés avant cette date, vis-à-vis des tiers pour l’Europe.
31. Dès lors, il sera donc confirmé que la société INSTAGRAM LLC conserve un intérêt à agir en défense et que les demandes présentées à son encontre seront déclarées recevables.
Sur l’action en dommages et intérêts de l’appelante
32. Il résulte de l’article 6.I.2 de la loi du 21’juin 2004 que «’les personnes morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère manifestement illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible.’»
33. Il est précisé à l’article 6.I.5 du même texte que «’la connaissance des faits litigieux est présumée acquise par les personnes désignées au 2 lorsqu’il leur est notifié les éléments suivants’:
‘ si le notifiant est une personne physique’: ses nom, prénom, adresse électronique (‘),
‘ la description du contenu litigieux, sa localisation précise et, le cas échéant, la ou les adresses électroniques auxquelles il est rendu accessible. Ces conditions sont réputées satisfaites dès lors que le service de communication au public en ligne mentionné audit 2 permet de procéder précisément à cette notification par un dispositif technique directement accessible depuis ledit contenu litigieux,
‘ les motifs légaux pour lesquels le contenu litigieux devrait être retiré ou rendu inaccessible, cette condition est réputée satisfaite dès lors que le service de communication au public en ligne mentionné au même 2 permet de procéder à la notification par un dispositif technique proposant d’indiquer la catégorie d’infraction à laquelle peut être rattaché ce contenu litigieux,
‘ la copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l’auteur ou l’éditeur n’a pu être contacté, cette condition n’est pas exigée pour la notification des infractions mentionnées au troisième alinéa du 7 du présent I ainsi qu’à l’article 24 bis et aux troisième et quatrième alinéas de l’article 33 de la loi du 29’juillet 1881 sur la liberté de la presse ».
34. Il est constant que pour faire bénéficier son auteur de la présomption simple de connaissance des contenus litigieux par l’hébergeur, la notification doit comporter l’ensemble des mentions prescrites par ce texte.
35. Par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont analysé que le courrier recommandé de l’appelante du 21’juin 2017, intitulé ‘Lettre de notification de contenus illicites (article’6 I Loi n°’2004-575 du 21’juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique) ‘, ne constitue pas la notification prévue à l’article 6.I.5.
36. En effet, bien que ce courrier se réfère expressément à l’article 6 I de la loi du 21’juin 2004 avec mention du nom et du prénom de l’appelante et indique que 46 comptes Instagram seraient illicites et devraient donc être supprimés pour des motifs légaux fondés sur le non-respect des articles’9 du code civil et 226-4-1 du code pénal ainsi que la contrefaçon de marque, ce courrier ne comporte pas la justification des correspondances adressées aux auteurs ou éditeurs des comptes litigieux demandant leur fermeture, ou la justification de ce que ceux-ci n’ont pu être contactés.
37. Eu égard à cette absence de justification d’un contact ou d’une impossibilité de contact avec les titulaires des comptes et alors que l’intervention de l’hébergeur n’est que subsidiaire, ce courrier du 21’juin 2017 ne remplit pas l’ensemble des conditions posées à l’article 6.I.5.
Ainsi, il ne peut être présumé qu’à compter de cette date et par le seul effet de ce courrier, la société INSTAGRAM LLC avait connaissance des contenus litigieux.
38. Par ailleurs, le tribunal a justement fait valoir que la demanderesse sollicite la suppression de 46 comptes en raison de leur caractère manifestement illicite, en invoquant de façon générale trois motifs d’illicéité distincts soumis à des règles différentes, à savoir l’atteinte à la vie privée, l’usurpation d’identité et le non-respect de législation sur la protection des marques déposées à l’INPI, sans préciser quels seraient les comptes concernés pour chacun des motifs, empêchant ainsi l’hébergeur d’apprécier le caractère manifestement illicite des comptes signalés.
39. Dès lors, ces comptes ne pouvant être considérés comme manifestement illicites, aucun manquement à l’obligation de promptitude à retirer leurs contenus n’est caractérisé à l’égard des intimées et l’appelante sera donc déboutée de son action.
Sur les autres demandes
40. Selon les dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est en principe condamnée aux dépens. [G] [K] [C] [I] qui succombe sera donc condamnée aux dépens.
41. Il serait en l’espèce inéquitable de laisser à la charge des intimées les frais irrépétibles qu’elles ont été contraintes d’exposer et la somme de 1 000 euros leur sera octroyée en application de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement entrepris’;
Y ajoutant,
Condamne [G] [K] [C] [I] au paiement aux sociétés INSTAGRAM LLC et FACEBOOK IRELAND LIMITED de la somme de mille euros (1’000’euros) en application de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure ainsi qu’aux entiers dépens.
LE PRÉSIDENT LE GREFFIER