03 MAI 2022
Arrêt n°
KV/SB/NS
Dossier N° RG 20/01103 – N° Portalis DBVU-V-B7E-FOEU
Organisme
URSSAF
D’AUVERGNE
/
S.A.R.L.
AURILLAC
CANTAL RUGBY DEVELOPPEMENT
Arrêt rendu ce TROIS MAI DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Karine VALLEE, Conseiller
Mme Frédérique DALLE, Conseiller
En présence de Mme Séverine BOUDRY, Greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
Organisme URSSAF D’AUVERGNE
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représenté par Me Francois FUZET de la SCP HUGUET-BARGE-CAISERMAN-FUZET, avocat au barreau de CUSSET/VICHY
APPELANT
ET :
S.A.R.L. [4] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Michel PAMART de la SELAS FIDAL, avocat au barreau d’AURILLAC et par Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
INTIMEE
Mme VALLEE, Conseiller en son rapport, après avoir entendu, à l’audience publique du 14 Mars 2022, tenue en application de l’article 945-1 du code de procédure civile, sans qu’ils ne s’y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Par lettre en date du 25 janvier 2016, l’URSSAF AUVERGNE a notifié à la SARL [4] sa position consistant à considérer que les sommes versées aux joueurs à l’occasion des contrats de parrainage doivent être assujetties à cotisations et contributions sociales.
La contestation de cette position devant la commission de recours amiable de l’URSSAF AUVERGNE ayant échoué, la SARL [4] a, par lettre recommandée en date du 17 mai 2016, saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du CANTAL d’un recours contre cette décision.
Par jugement en date du 20 février 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale du CANTAL, a :
– reçu le recours de la SARL [4] ;
– dit que le contrat de parrainage conclu entre les joueurs professionnels du Stade [5] et la SARL [4] ne contient pas de lien de subordination et ne relève donc pas des dispositions des articles L.311-2 et L.242-1 et suivants du code de la sécurité sociale.
En conséquence :
– annulé la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de I’URSSAF d’AUVERGNE saisie régulièrement le 16 mars 2016 ;
– annulé la décision de I’URSSAF d’AUVERGNE du 25 janvier 2016 ;
– condamné I’URSSAF d’AUVERGNE à payer à la SARL [4] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rejeté le surplus des demandes.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 11 avril 2018 , l’URSSAF AUVERGNE a interjeté appel de ce jugement notifié à sa personne morale le 16 mars 2018.
L’affaire a été radiée du rôle des affaires en cours par ordonnance du 4 septembre 2018 puis réinscrite le 3 septembre 2020 à la diligence de l’appelante.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par ses dernières écritures visées le 14 mars 2022 et oralement soutenues, l’URSSAF AUVERGNE demande à la cour de, rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires :
– faire droit à l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– rejeter la demande tendant à constater la péremption d’instance ;
– déclarer la SARL [4] irrecevable et en tout cas mal fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions et l’en débouter ;
– infirmer en l’ensemble de ses dispositions le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale du CANTAL en date du 20 février 2018.
Le réformant,
– confirmer la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable rendue le 16 mars 2016 ;
– confirmer sa décision en date du 25 janvier 2016 ;
En tout état de cause,
– condamner la SARL [4] à lui payer et porter la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile;
– condamner la SARL [4] aux entiers dépens.
A l’audience, l’URSSAF AUVERGNE conclut en outre à l’irrecevabilité de l’exception de péremption qui lui est opposée, au motif qu’en contrariété avec les dispositions de l’article 388 du code de procédure civile, l’intimée ne l’a pas soulevée avant tout autre moyen.
Par ses dernières écritures visées le 14 mars 2022 et oralement soutenues, la SARL [4] demande à la cour de :
À titre principal :
– prononcer la péremption et extinction de l’instance ;
Subsidiairement :
– débouter l’URSSAF de ses demandes, fins et conclusions ;
– condamner l’URSSAF au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées des parties, oralement soutenues à l’audience, pour l’exposé de leurs moyens.
MOTIFS
– Sur la péremption d’instance :
L’article 386 du code de procédure civile dispose que ‘ l’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.’
Se fondant sur ces dispositions, la SARL [4] argue de la péremption de l’instance d’appel engagée par l’URSSAF AUVERGNE, qui quant à elle oppose à cette exception une irrecevabilité tirée de l’inobservation de l’article 388 du code de procédure civile, selon lequel ‘ la péremption doit, à peine d’irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen’.
L’URSSAF AUVERGNE considère en effet qu’en n’ayant pas développé oralement son moyen préalablement à tout autre à l’ouverture des débats, la SARL [4] s’expose à une irrecevabilité de son exception de péremption.
Représentée par son Conseil à l’audience, la SARL [4] a déclaré soutenir ses conclusions visées le 14 mars 2022 sans formuler d’observations orales.
Aux termes de ses conclusions valablement soutenues à l’audience, la SARL [4] a invoqué l’exception de péremption avant ses autres moyens.
L’article 388 du code de procédure civile invoqué par l’appelante, s’il prescrit à la partie qui l’excipe de l’invoquer avant tous autres moyens, ne lui impose pas, en procédure d’appel sans représentation obligatoire, de la soulever avant que la partie adverse n’ait elle même exposé oralement ses moyens. Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de déclarer l’exception de péremption opposée par la SARL [4] irrecevable.
Selon l’article 392 du code de procédure civile si l’interruption de l’instance emporte celle du délai de péremption, tel n’est pas le cas de la suspension d’instance qui laisse courir le délai de péremption, sauf si celle-ci n’a lieu que pour un temps ou jusqu’à la survenance d’un événement déterminé.
En vertu de ces dispositions, l’ordonnance de radiation rendue le 4 septembre 2018, en ce qu’elle n’a fait que suspendre le cours de l’instance d’appel, n’a pas interrompu le délai de péremption qui, en conséquence, est arrivé à échéance dès le 11 avril 2020.
Il est exact que les conclusions au fond de l’URSSAF AUVERGNE, valant réinscription de l’affaire au rôle, n’ont été déposées que le 3 septembre 2020, soit postérieurement à l’expiration du délai biennal de péremption.
Il sera toutefois observé que l’ordonnance de radiation notifiée à l’URSSAF AUVERGNE le 10 septembre 2018 contient une disposition formulée dans les termes suivants : ‘ dit qu’elle (l’affaire) ne pourra être rétablie qu’au vu de conclusions ou d’argumentation écrite déposées par la partie la plus diligente et qui doivent être notifiées préalablement aux parties adverses, ces diligences devant être impérativement accomplies dans un délai maximal de deux ans à compter de la notification du présent arrêt.’
Au regard des dispositions de l’article 392 susvisé du code de procédure civile, c’est à tort que cette ordonnance a présenté l’ordonnance de radiation comme une cause d’interruption du délai de péremption.
Toutefois, nonobstant la contrariété du dispositif de l’ordonnance de radiation aux règles applicables en matière d’interruption du délai de péremption, il y a lieu d’en faire application à l’URSSAF AUVERGNE qui, en raison des termes erronés de la décision qui lui a été notifiée, a pu se méprendre sur le délai imparti pour se conformer à ses obligations procédurales.
Il convient donc de considérer que la fixation du point de départ du délai de péremption à la date de la déclaration d’appel est inopposable à l’appelante, envers laquelle le point de départ de ce délai doit être différé au 10 septembre 2018, date de notification à sa personne morale de l’ordonnance de radiation.
Il en résulte qu’en déposant ses conclusions au fond le 3 septembre 2020, l’URSSAF AUVERGNE a accompli une diligence utile de nature à faire progresser l’instance dans le délai de péremption qui expirait vis à vis d’elle à la date du 10 septembre 2020.
L’exception de péremption sera dès lors rejetée.
– Sur le fond :
L’article L242-1 du code de la sécurité sociale, dan sa version en vigueur à la date de la décision litigieuse, énonce : ‘Pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l’entremise d’un tiers à titre de pourboire’
Aux termes de l’article L311-2 du même code ‘sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d’une pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l’un ou de l’autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat.’
Au visa de ces textes, l’URSSAF AUVERGNE fait valoir que les joueurs liés à la SARL [4] par contrat de parrainage perdent leur autonomie dans la gestion de leur image sportive en ce qu’ils cèdent contre rémunération l’exploitation de celle-ci à cette société. L’organisme de recouvrement considère que nonobstant le fait que les conventions signées avec les joueurs concernés ne soient pas qualifiées de contrat de travail, les conditions déterminant l’assujettissement de cette rémunération au paiement des cotisations sociales sont remplies, en particulier la condition tenant à l’existence d’un lien de subordination.
Au vu des textes applicables susvisés et de l’argumentation soutenue par l’appelante, il y a lieu de rechercher si les conditions d’exercice de l’exploitation par le club sportif du nom et de l’image des joueurs signataires d’un contrat de parrainage mettent en évidence l’existence d’un lien de subordination duquel il résulterait une obligation d’assujettissement aux cotisations sociales des rémunérations perçues par eux.
La circonstance que la conclusion d’une convention relative au droit à l’image du joueur soit corrélée à la signature d’un contrat de travail conditionnant la cession de son droit à l’image est indifférente. Elle ne permet pas de présupposer l’existence d’un lien de subordination débordant sur la convention de parrainage.
Le versement d’une rémunération n’est pas non plus suffisante pour conclure à un lien de subordination, lequel se définit en jurisprudence comme l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le
pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
L’URSSAF AUVERGNE estime que les obligations mises à la charge des joueurs parties aux contrats de parrainage font naître ce lien de subordination puisque les sportifs concernés sont tenus d’exécuter les missions qui en découlent sous l’empire des directives qui leur sont données, et qu’ils doivent respecter.
Alors qu’elle supporte la charge de la preuve de cette allégation, l’appelante ne produit pas les contrats de parrainage objets du différend, mais la SARL [4] verse la copie d’un contrat conclu avec un joueur du club pour les saisons 2013/2014 à 2017/2018. L’URSSAF AUVERGNE ne démontre pas, ni même ne soutient, que les clauses des autres contrats de parrainage litigieux diffèrent de celles qui sont insérées à cette convention, dont il ressort que :
– la SARL [4] accepte de soutenir financièrement le joueur en contrepartie de la promotion et de la publicité qu’il pourra retirer de l’association de son image personnelle avec la sienne ;
– la SARL [4] pourra utiliser le nom, l’image et tout élément de la personnalité du joueur par voie de citation, mention, reproduction, représentation, à l’occasion d’opérations de relations publiques, d’interviews, des relations avec les médias et d’actions de communication;
– le joueur autorise l’exploitation dérivée de son nom et de son image individuelle par reproduction sur des objets, vêtements, livres susceptibles d’être diffusées par SARL [4] dans le cadre de ses activités ;
– le joueur doit s’abstenir de souscrire un engagement concurrent relatif à son image pour les saisons sportives concernées ;
– en contrepartie de la cession des droits relatifs aux attributs de la personnalité du joueur, la SARL [4] s’engage à lui verser une rémunération définie par saison sportive.
Aucune autre obligation n’est mise à la charge du joueur, de sorte que contrairement à ce qu’allègue l’URSSAF AUVERGNE, les conventions de parrainage ne prévoient pas que la SARL [4] donne aux joueurs des directives précises et obligatoires sur les conditions et modalités d’exploitation par elle de leur image, dont l’inobservation constituerait un manquement contractuel.
Il apparaît au contraire que la seule obligation contractuelle imposée au joueur est celle de s’abstenir de conclure pour les saisons sportives visées un engagement relatif à son image de même nature que celui faisant l’objet du contrat de parrainage, une telle obligation ne pouvant être assimilée à une directive se rapportant à l’exécution d’un travail.
En conséquence de ces observations, la cour estime que le rapport contractuel unissant les joueurs signataires des contrats de parrainage litigieux et la SARL [4] ne contient pas de lien de subordination justifiant l’assujettissement des rémunérations consenties aux cotisations de sécurité sociale.
Cette solution est, qui plus est, confortée par les dispositions de l’article L222-2-10-1 du code du sport. Selon ce texte en effet ‘une association ou une société sportive mentionnée aux articles L. 122-1 ou L. 122-2 peut conclure avec un sportif ou un entraîneur professionnel qu’elle emploie un contrat relatif à l’exploitation commerciale de son image, de son nom ou de sa voix.
Les sportifs et entraîneurs professionnels ne peuvent être regardés, dans l’exécution du contrat mentionné au premier alinéa du présent article, comme liés à l’association ou à la société sportive par un lien de subordination juridique caractéristique du contrat de travail, au sens des articles L. 1221-1 et L. 1221-3 du code du travail, et la redevance qui leur est versée au titre de ce contrat ne constitue ni un salaire ni une rémunération versée en contrepartie ou à l’occasion du travail, au sens de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, dès lors que :
1° La présence physique des sportifs ou des entraîneurs professionnels n’est pas requise pour exploiter commercialement leur image, leur nom ou leur voix ;
2° La redevance des sportifs ou des entraîneurs professionnels n’est pas fonction du salaire reçu dans le cadre du contrat de travail mais fonction des recettes générées par cette exploitation commerciale de leur image, de leur nom ou de leur voix.’
De la même façon, la circulaire interminestérielle n°94-60 du 28 juillet 1994, qui en tout état de cause ne s’impose pas aux juridictions saisies d’un litige, subordonne l’assujettissement des rémunérations versées à un joueur signataire d’un contrat de parrainage à la condition qu’ait été fixée à sa charge une obligation de participation à des manifestations ou démonstrations, ou une obligation de présentation directe ou indirecte par le joueur d’un produit, d’un service, d’un message publicitaire, ou encore de poser comme modèle. Or en l’espèce, comme il a été précédemment relevé, l’URSSAF AUVERGNE ne fait pas la démonstration que de telles obligations aient été imparties aux joueurs signataires des contrats de parrainage avec la SARL [4].
Enfin, au regard de l’absence de force obligatoire, vis à vis des juridictions, des lettres des organismes nationaux de sécurité sociale, il ne peut être tiré argument de l’interprétation contraire soutenue par l’ACOSS aux termes d’une correspondance adressée en mars 2010 à une autre société sportive.
Il résulte de l’ensemble des éléments soumis à l’appréciation de la cour que c’est à bon droit, par un jugement qui mérite confirmation, que le tribunal des affaires de sécurité sociale du CANTAL a annulé la décision de l’URSSAF AUVERGNE du 25 janvier 2016 comme étant mal fondée.
– Sur les dépens et les frais de l’article 700 du code de procédure civile :
La disposition du jugement entrepris relative à l’application de l’article 700 du code de procédure civile sera confirmée.
L’URSSAF AUVERGNE qui succombe à la procédure au sens de l’article 696 du code de procédure civile sera condamnée à supporter les entiers dépens d’appel, ce qui exclut qu’il soit fait droit à la demande qu’elle présente au titre des frais irrépétibles.
Sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, elle sera en outre condamnée à payer à la SARL [4] une indemnité dont le montant sera fixé à 1.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens que celle-ci a été contrainte d’exposer pour assurer en cause d’appel la défense de ses intérêts.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
– Déclare l’exception de péremption de l’instance soulevée par la SARL [4] recevable mais la rejette au fond,
– Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions;
Y ajoutant,
– Condamne l’URSSAF AUVERGNE à payer à la SARL [4] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamne l’URSSAF AUVERGNE aux dépens d’appel ;
– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le Greffier, Le Président,
S. BOUDRY C. RUIN