COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 51C
14e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 29 SEPTEMBRE 2022
N° RG 22/00359 – N° Portalis DBV3-V-B7G-U6SP
AFFAIRE :
Syndicat UNION LOCALE CGT [Localité 6]
C/
Commune LA COMMUNE DE [Localité 6]
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendu le 30 Novembre 2021 par le Président du TJ de VERSAILLES
N° RG : 21/00577
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 29.09.2022
à :
Me François AJE, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Philippe CHATEAUNEUF, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Syndicat UNION LOCALE CGT [Localité 6]
pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentant : Me François AJE de l’AARPI ALL PARTNERS-AJE LENGLEN LAWYERS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 413
Assisté de Me Ghislain DADI, avocat plaidant au barreau de Paris
APPELANT
****************
LA COMMUNE DE [Localité 6]
Représentée par son Maire en exercice domicilié en cette qualité à la mairie.
[Adresse 7],
en [Adresse 7]
[Localité 6]
Représentant : Me Philippe CHATEAUNEUF, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 643 – N° du dossier 2022032
Assistée de Me Marie-Céline PELE, avocat plaidant au barreau de Paris
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 22 Juin 2022, Madame Marina IGELMAN, conseiller ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Nicolette GUILLAUME, Président,
Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,
Madame Marina IGELMAN, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI
EXPOSE DU LITIGE
Au mois d’octobre 2014, l’Etablissement public foncier des Yvelines (l’EPFY) a acquis une maison d’habitation située [Adresse 4] sur la commune de [Localité 6] (78).
Cette acquisition s’est faite dans la perspective de la réalisation d’une future opération d’aménagement (programme d’habitat diversifié).
La démolition du bien immobilier n’étant toutefois pas prévue à court terme, en application d’une convention d’action foncière en date du 16 septembre 2010, l’EPFY a, suivant procès-verbal du 13 octobre 2014, remis l’ensemble immobilier en gestion à la commune de [Localité 6].
Suivant convention en date du 19 juillet 2016, la commune de [Localité 6] a mis à disposition de l’Union Locale de la CGT de [Localité 6] à titre précaire et révocable ces locaux, pour une durée de 1 an à compter du 16 juin 2016, tacitement reconductible par périodes d’un an, sans pouvoir excéder 12 ans.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 27 mai 2019, la ville de [Localité 6] a informé l’UL CGT de [Localité 6] de la fin de la mise à disposition du local situé au [Adresse 4], passé un préavis de 6 mois en application de l’article 13 de la convention de mise à disposition, et lui a indiqué la mise à disposition à l’issue du préavis d’un local situé [Adresse 3].
Par courrier du 16 octobre 2019, le maire de la commune de [Localité 6] indiquait à l’UL CGT de [Localité 6] que seraient mis à sa disposition au plus tard le 31 décembre 2019 de nouveaux locaux situés [Adresse 2], à partager avec la CGT Territoriaux de [Localité 6].
Par lettre du 2 mars 2020, le maire de la commune informait l’UL CGT qu’après étude de ses statuts et droits correspondants, il maintenait sa proposition de locaux situés au [Adresse 2], et la mettait en demeure de quitter les locaux situés au [Adresse 4].
Une autre vaine mise en demeure de quitter les locaux lui était adressée le 7 juillet suivant, l’UL CGT faisant valoir que les nouveaux locaux proposés ne lui permettaient pas de poursuivre ses actions et la réception de ses adhérents.
Par acte d’huissier de justice délivré le 8 avril 2021, la commune de [Localité 6] a fait assigner en référé le Syndicat Union Locale CGT [Localité 6] aux fins d’obtenir principalement la libération des lieux et son expulsion immédiate, sous astreinte de 200 euros par jour à compter de la signification de la décision.
Par ordonnance du 28 septembre 2021, le juge des référé du tribunal judiciaire de Versailles a rejeté la demande de l’UL CGT [Localité 6] de transmission à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité ainsi posée : ‘L’article L. 1311-18 du code général des collectivités territoriales est-il conforme à la liberté syndicale protégée par la Constitution ». au motif que la portée donnée à cet article a déjà été tranchée par le Conseil constitutionnel dans une décision n° 2016-736 DC du 4 août 2016.
Par ordonnance contradictoire rendue le 30 novembre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Versailles a :
– déclaré recevable l’exception d’incompétence,
– rejeté l’exception d’incompétence soulevée par l’Union Locale CGT [Localité 6],
– dit n’y avoir lieu à surseoir à statuer dans l’attente de la décision du tribunal administratif saisi d’un recours contentieux contre la lettre du 27 mai 2019 mettant un terme à la mise à disposition de l’Union Locale CGT [Localité 6], à titre gratuit et précaire, du local situé [Adresse 4],
– dit n’y avoir lieu à vérification d’écriture,
– ordonné, si besoin avec le concours de la force publique, l’expulsion de l’Union Locale CGT [Localité 6] et de tous occupants de son chef de la parcelle cadastrée section AD n° [Cadastre 5] sur la commune de [Localité 6] sis [Adresse 4], et sous astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard, passé un délai de huit jours, à compter de la signification de l’ordonnance,
– dit que l’astreinte provisoire court pendant un délai de 3 mois, à charge pour la commune de [Localité 6], à défaut de restitution des locaux à l’expiration de ce délai, de solliciter du juge de l’exécution la liquidation de l’astreinte provisoire et le prononcé de l’astreinte définitive,
– dit n’y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle de l’Union Locale CGT [Localité 6] d’attribution d’un local adapté à son activité,
– rejeté la demande de délai de grâce présentée par l’Union Locale CGT [Localité 6] ainsi que la demande en paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile formée à l’encontre de la commune de [Localité 6],
– condamné l’Union Locale CGT [Localité 6] à payer à la commune de [Localité 6] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné l’Union Locale CGT [Localité 6] aux dépens,
– rappelé que la décision bénéficie de l’exécution provisoire de plein droit.
Par déclaration reçue au greffe le 18 janvier 2022, le Syndicat Union Locale CGT [Localité 6] a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.
Dans ses dernières conclusions déposées le 25 mai 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l’Union Locale CGT [Localité 6] demande à la cour, de :
– infirmer l’ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Versailles et statuant à nouveau :
– ordonner à la mairie de [Localité 6] d’attribuer des locaux permettant l’exercice de l’activité syndicale de l’Union CGT de [Localité 6] ( 2 bureaux, une salle de réunion), sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard en se réservant le pouvoir de la liquider ;
subsidiairement,
– dire que l’Union CGT [Localité 6] a accepté les locaux proposés par la mairie (proposition qui n’a jamais été retirée par la mairie) par lettre du 30 novembre 2021 réitérée par lettres des 8 et 25 décembre 2021 ;
en tout état de cause :
– condamner la mairie de [Localité 6] à lui verser 10 000 euros au titre des dommages et intérêts pour discrimination ;
– condamner la mairie de [Localité 6] à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions déposées le 25 mai 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la Commune de [Localité 6] demande à la cour, de :
– déclarer irrecevable la demande de condamnation à verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination, comme n’ayant pas été formée dans les premières écritures de l’Union CGT de [Localité 6] régularisées le 15 mars 2022, en application de l’article 910-4 du code de procédure civile ;
– déclarer l’Union Locale CGT [Localité 6] mal fondée en son appel ;
– confirmer l’ordonnance de référé du 30 novembre 2021 ;
– débouter l’Union Locale CGT [Localité 6] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions, dont celles irrecevables en application de l’article 910-4 du code de procédure civile ;
y ajoutant :
– la recevoir en sa demande additionnelle, et y faisant droit ;
– condamner l’Union Locale CGT [Localité 6] à lui verser la somme de 5 000 euros pour procédure abusive ;
– condamner l’Union Locale CGT [Localité 6] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction pour ceux d’appel directement au profit de Maître Philippe Chateauneuf, avocat, sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 juin 2022.
A l’audience de plaidoiries du 22 juin 2022, les parties ont été invitées à transmettre par note en délibéré leurs observations sur le moyen soulevé d’office tiré de l’irrecevabilité de la demande de dommages et intérêts de l’Union Locale CGT [Localité 6] non formulée à titre provisionnel ainsi que sur l’opportunité de recourir à une médiation.
Seule la Commune de [Localité 6] a adressé une note en date du 27 juin 2022, demandant à la cour de déclarer irrecevable la demande de condamnation formée à son encontre à verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination, d’une part, comme n’ayant pas été formée dans les premières écritures de l’Union Locale CGT [Localité 6] régularisées le 15 mars 2022, en application de l’article 910-4 du code de procédure civile, et d’autre part, comme n’ayant pas été formulée à titre provisionnel, en application de l’article 835 du code de procédure civile.
S’agissant de l’ouverture d’une médiation, elle indique qu’elle entend se limiter désormais à l’exécution de l’ordonnance du 30 novembre 2021 et de l’arrêt à intervenir, tout en soulignant que, ‘contrairement à ce que l’Union Locale CGT [Localité 6] n’a cessé de marteler, elle est restée ouverte pendant de nombreux mois à la discussion, ce qui transparaît dans les pièces du dossier’.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur les demandes de l’appelante :
L’Union Locale CGT [Localité 6], appelante, relate qu’elle est implantée depuis 1960 dans la commune de [Localité 6] et que la mairie laisse à sa disposition un local depuis plus de 70 ans.
Ainsi, installée au [Adresse 1] où elle bénéficiait d’environ 90 m², elle a accepté de déménager dans les locaux situés au [Adresse 4], car s’ils présentaient une superficie inférieure (67 m²), ils lui permettaient tout de même de faire fonctionner l’ensemble de ses instances, le syndicat regroupant plusieurs sections syndicales et organisant en outre des formations ainsi que des permanences juridiques avec la présence d’avocats.
Les locaux ensuite attribués par la ville au [Adresse 2], d’une superficie de 27 m², ne lui permettaient en revanche plus d’exercer ses activités, ce pourquoi elle a refusé d’y déménager et s’est maintenue dans les locaux du [Adresse 4].
L’appelante précise qu’ayant volontairement quitté ce local suite à la décision exécutoire dont appel, elle n’entend pas remettre en cause cette décision, « bien que fortement contestable ».
Elle entend toutefois voir infirmer l’ordonnance querellée en ce qu’elle l’a déboutée de sa demande de relogement, au motif que la loi impose aux mairies de mettre à disposition un local (adapté à l’activité syndicale) aux syndicats qui en font la demande et notamment ceux qui sont présents dans un local depuis plus de 5 ans, tandis que la mairie ne lui a jamais proposé un tel local.
Elle entend tout d’abord démontrer que la mairie de [Localité 6] a l’obligation de mettre à sa disposition des locaux, obligation tant de nature contractuelle eu égard à la convention d’occupation précaire du 16 juillet 2016 contenant engagement de la mairie sur ce point en cas de résiliation de la convention, que de nature légale au regard des articles L. 2144-3 et L. 1311-18 du code général des collectivités territoriales, relevant qu’il existe un principe d’égalité entre les syndicats qui font la demande de mise à disposition de locaux.
Elle relate que suite à l’ordonnance critiquée, elle a accepté l’offre de relogement de la commune au [Adresse 2], ce à quoi il lui a été répondu que les locaux n’étaient plus disponibles.
Elle en déduit que les propositions de relogement de la ville se sont avérées fictives ; qu’elle a accepté par lettre du 30 novembre 2021 les propositions de relogement dans des locaux situés [Adresse 3] et/ou [Adresse 2] à [Localité 6] mais que la mairie lui a répondu par lettre du 30 novembre 2021 qu’elle ne donnerait pas suite à sa demande.
Elle conclut donc à la non-effectivité de l’offre de relogement et à la mauvaise foi de la Commune de [Localité 6], faisant valoir qu’elle se retrouve sans local et que la condamnation de la mairie sous astreinte à reloger le syndicat est urgente.
Elle argue également d’une discrimination commise à son égard par la commune, laquelle tente de se prévaloir de ce qu’elle a refusé les offres de relogement alors que d’une part, cela est inexact puisqu’elle n’a fait qu’indiquer que les locaux ne correspondaient pas aux locaux antérieurs et que d’autre part, ce raisonnement conduit à la sanctionner d’avoir usé de son droit d’ester en justice (ce pourquoi elle sollicite en outre des dommages et intérêts).
L’appelante ajoute enfin que l’obligation légale de proposer un local au syndicat ne saurait s’entendre autrement que par la mise à disposition d’un local adapté à son activité, une superficie inférieure à 60 m² ne lui permettant pas de maintenir les permanences juridiques, d’organiser des formations des syndiqués, ni de recevoir les sections syndicales.
La commune de [Localité 6] entend en réponse d’abord rappeler les obligations qui incombent aux communes à l’égard des syndicats s’agissant de mettre à leur disposition des locaux.
Elle expose que le régime obligatoire de mise à disposition de locaux n’est pas applicable ici, la section syndicale n’étant pas représentative du personnel de la collectivité locale, n’ayant obtenu qu’un siège au sein de la commission administrative paritaire de catégorie C.
Elle prétend donc que l’Union Locale CGT [Localité 6] n’est pas bien fondée à alléguer qu’elle détiendrait des droits découlant du décret du 3 avril 1985, faute de représenter les membres du personnel communal et alors qu’il existe même un doute quant à sa qualité de syndicat local affilié à l’Union Départementale CGT des Yvelines, celle-ci ayant fait état le 13 juillet 2021 auprès du Préfet des Yvelines de contentieux noués contre elle, évoquant expressément une « usurpation d’identité ».
Au surplus, la commune indique que si pour les besoins du raisonnement l’article 4 du décret du 3 avril 1985 était applicable, les critères utilisés pour déterminer si les locaux sont adéquats ne peuvent être appréciés que sous le prisme d’une activité syndicale totalement dédiée aux agents de la collectivité locale, de sorte qu’à ce titre, un local de 27 m² serait incontestablement suffisant pour un syndicat n’ayant remporté qu’un seul siège dans l’une des commissions administratives paritaires, à l’instar du résultat obtenu par la CGT en 2014.
Elle ajoute qu’en dehors du régime obligatoire, le législateur a adopté des dispositions pour faciliter l’activité des syndicats en invitant les collectivités à mettre à leur disposition des locaux, si possible gracieusement, mais qu’il n’en résulte aucune obligation légale pour une commune de doter les unions locales syndicales d’un lieu affecté à leur mission et de le remplacer en cas de reprise.
Elle considère donc que l’appelante ne peut se prévaloir que des clauses de la convention d’occupation précaire du 19 juillet 2016, lesquelles ne stipulent nullement une obligation de résultat quant à un local de relogement.
Elle soutient ensuite qu’elle a valablement résilié la convention d’occupation précaire par lettre du 27 mai 2019 moyennant un préavis de 6 mois et fait valoir que jusqu’au mois de janvier 2022, l’appelante a persisté dans son refus d’intégrer le local qui lui était attribué et s’est maintenue dans les anciens locaux voués à être démolis.
Elle prétend avoir également respecté ses engagements conventionnels (résultant de l’article 7 de la convention d’occupation précaire) en procédant à 3 offres de relogement que l’UL CGT a refusées.
Elle fait valoir que le local disponible situé [Adresse 2], s’il est d’une superficie moindre que celle du local précédemment occupé, permet l’équipement adéquat du syndicat.
Elle précise que l’UL CGT ayant refusé de les intégrer, elle les a proposés à une autre entité.
Elle conteste tout fait de discrimination, soulignant que les 2 syndicats représentatifs du personnel (FO et la CFTC) ont accepté la proposition de relogement et ont aménagé au [Adresse 2].
Elle conclut enfin à l’irrecevabilité de la demande de dommages et intérêts en raison de faits discriminatoires comme étant nouvelle à hauteur d’appel.
Sur ce,
L’article 834 du code de procédure civile dispose que dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.
L’article 835 suivant prévoit que le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
L’Union Locale CGT [Localité 6] ne précise pas sur laquelle de ces deux dispositions elle fonde sa demande de relogement sous astreinte, de sorte que la cour se doit, en application de l’article 12 du code de procédure civile, de donner ou de restituer aux prétentions dont elle est saisie leur exacte qualification juridique.
L’Union Locale CGT [Localité 6] vise l’urgence en faisant valoir qu’elle a quitté les locaux situés au [Adresse 4] suite à l’ordonnance déférée et qu’elle se retrouve sans local, la mairie n’ayant pas accédé à son acceptation de relogement dans les locaux situés [Adresse 3] et/ou [Adresse 2] formulée par lettre du 30 novembre 2021 et rappelée dans ses courriers des 10 et 25 décembre 2021.
Toutefois, force est de constater que cette situation est la conséquence directe de l’exécution des dispositions de l’ordonnance attaquée qui a ordonné son expulsion des locaux situés [Adresse 4] sous astreinte et dit n’y avoir lieu à référé sur sa demande reconventionnelle d’attribution d’un local adapté à son activité et sur sa demande de délai de grâce.
L’Union Locale CGT [Localité 6] n’a pas saisi le premier président aux fins d’arrêt de l’exécution provisoire comme le lui permet l’article 514-3 du code de procédure civile.
Par ailleurs, la décision déférée est à juste titre motivée par le fait que l’Union Locale CGT [Localité 6] était occupante sans droit ni titre des locaux depuis le 6 décembre 2019 et qu’elle s’était maintenue dans les lieux tandis que la Commune de [Localité 6] avait accepté à 3 reprises de repousser son départ, une première fois au 31 décembre 2019, puis au 31 mai 2020 et une dernière fois au 31 juillet 2020.
L’appelante ne saurait dès lors arguer d’une situation urgente qu’elle a elle-même générée en se maintenant des les lieux sans droit ni titre et en refusant obstinément les propositions de relogement qui lui étaient faites.
En effet, il ressort des pièces versées aux débats que :
– elle a été informée le 6 juin 2019 que les locaux devaient être libérés dans un délai de 6 mois, le bâtiment étant voué à la destruction dans le cadre d’un projet immobilier, et que la ville lui mettrait à disposition à l’issue du préavis de nouveaux locaux situés [Adresse 3],
– par lettre du 16 octobre 2019, l’intimée lui indiquait que compte tenu des remarques émises par deux autres syndicats quant à l’absence d’accessibilité des locaux, un rendez-vous de présentation de nouveaux locaux avait été organisé auquel elle ne s’était pas présentée, et que la ville mettait en conséquence à sa disposition au plus tard le 31 décembre 2019 de nouveaux locaux situés [Adresse 2], à partager avec la CGT Territoriaux de [Localité 6],
– au mois de décembre 2019, les parties échangeaient, dans le cadre de l’opposition de l’Union Locale CGT [Localité 6], sur la communication des statuts de cette dernière,
– par lettre du 2 mars 2020, l’intimée informait l’appelante qu’après étude de ses statuts, la proposition initialement émise par la ville était bien conforme aux obligations réglementaires, de sorte qu’elle maintenait sa proposition de locaux au [Adresse 2] et la mettait en demeure de quitter les locaux du [Adresse 4] au 31 mai 2020, mise en demeure réitérée par lettre du 7 juillet 2020 pour un départ au 31 juillet 2020 au plus tard,
– alors que la Commune de [Localité 6] avait fait assigner en référé aux fins d’expulsion l’Union Locale CGT [Localité 6], la ville, par lettre du 27 avril 2021 répondait à la demande de médiation en ces termes :
« je vous ai proposé un local situé [Adresse 3] puis deux autres au [Adresse 2] ; un local de 15 m² puis un autre de 27 m². Ce dernier ne semble pas avoir retenu votre attention puisque, non visité par vos soins, vous n’en faites pas référence dans votre dernier courrier. J’attire votre attention que ce local constituait et constitue toujours ma dernière proposition. Je reste à votre disposition pour discuter à nouveau de cette proposition, le cas échéant lors d’une réunion. », proposition de relogement refusée par l’Union Locale CGT [Localité 6] par courrier du 30 avril 2021.
Ainsi, l’appelante ne peut à hauteur de cour faire état de l’urgence de la situation dans laquelle elle se trouve et qui découle de l’exécution de l’ordonnance entreprise, dont elle ne demande au demeurant pas l’infirmation s’agissant de l’expulsion ordonnée.
Il sera dit n’y avoir lieu à référé sur le fondement de l’urgence.
L’allégation par l’appelante du non-respect par la Commune de [Localité 6] de l’obligation de relogement est également susceptible de caractériser un trouble manifestement illicite, dont il convient donc d’examiner le bien-fondé à l’aune des dispositions de l’article 835 alinéa 1 précité ; sera également analysée l’obligation de la ville de mettre des locaux à disposition de l’Union Locale CGT [Localité 6] au regard du 2ème alinéa de ce texte.
Le trouble manifestement illicite est caractérisé par ‘toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit’ qu’il incombe à celui qui s’en prétend victime de démontrer.
Au titre de l’obligation légale de mise à disposition des locaux par la commune, l’appelante argue de l’application des dispositions de l’article L. 2144-3 du code général des collectivités territoriales, qui ouvre à la commune la faculté de mettre des locaux à la disposition des syndicats qui en font la demande, dans les conditions prévues à l’article L. 1311-18 du même code, lequel dispose que :
« Les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent mettre des locaux à la disposition des organisations syndicales, lorsque ces dernières en font la demande.
Le maire, le président du conseil départemental, le président du conseil régional, le président d’un établissement public local ou regroupant des collectivités territoriales ou le président d’un syndicat mixte détermine les conditions dans lesquelles ces locaux peuvent être utilisés, compte tenu des nécessités de l’administration des propriétés de la collectivité ou de l’établissement, du fonctionnement des services et du maintien de l’ordre public.
Le conseil municipal, le conseil départemental, le conseil régional ou le conseil d’administration de l’établissement ou du syndicat mixte fixe, en tant que de besoin, la contribution due à raison de cette utilisation.
La mise à disposition mentionnée au premier alinéa peut faire l’objet d’une convention entre la collectivité ou l’établissement et l’organisation syndicale.
Lorsque des locaux ont été mis à la disposition d’une organisation syndicale pendant une durée d’au moins cinq ans, la décision de la collectivité ou de l’établissement de lui en retirer le bénéfice sans lui proposer un autre local lui permettant de continuer à assurer ses missions lui ouvre le droit à une indemnité spécifique, sauf stipulation contraire de la convention prévue à l’avant-dernier alinéa. » (souligné par la cour).
Or, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2016-736 du 4 août 2016, a jugé que l’article L. 1311-18 du code général des collectivités territoriales était contraire à la Constitution en ce qu’il prévoyait que les dispositions énoncées à son cinquième alinéa étaient applicables aux conventions en cours ou à celles ayant pris fin avant la date de publication de la loi n 2016-1088.
Il s’ensuit que ces dispositions, selon lesquelles, lorsque des locaux ont été mis à la disposition d’une organisation syndicale pendant une durée d’au moins cinq ans, la décision de la collectivité ou de l’établissement de lui en retirer le bénéfice sans lui proposer un autre local lui permettant de continuer à assurer ses missions lui ouvre le droit à une indemnité spécifique, sauf stipulation contraire, ne sont pas applicables au présent litige, la convention d’occupation précaire ayant été conclue entre les parties le 19 juillet 2016.
Par ailleurs, l’appelante ne saurait valablement invoquer une rupture d’égalité entre les syndicats qui font la demande de mise à disposition des locaux dans la mesure où il apparaît que les autres syndicats ont accepté les offres de relogement proposées, ce qui les place dans une situation différente.
Seules les stipulations conventionnelles régissent donc en l’espèce les relations des parties.
L’article 7 de la convention signée le 19 juillet 2016 entre la Commune de [Localité 6] et l’Union Locale CGT [Localité 6] stipule que l’occupation est consentie à titre précaire et révocable pour une durée d’1 an, sous réserve de la disponibilité des locaux et nonobstant la faculté de résiliation prévue à l’article 13, permettant à la commune d’y mettre fin à tout moment, par un congé délivré au moins 6 mois avant la date de libération. Il est ensuite ajouté : ‘Conformément à la législation en vigueur et le protocole d’accord sur l’exercice des droits syndicaux conclu entre la commune de [Localité 6] et le syndicat, la commune mettra à disposition de ce dernier d’autres locaux le cas échéant.’
Etant relevé qu’il n’est pas contesté que le protocole d’accord visé n’existe en réalité pas, il en ressortait en tout état de cause pour la commune l’obligation de mettre à disposition du syndicat un autre local en cas de congé donné à l’Union Locale CGT [Localité 6], mais sans toutefois qu’il apparaisse, avec l’évidence requise en référé, qu’il s’agirait d’une obligation perpétuelle, ni que les nouveaux locaux devaient présenter une superficie identique à ceux mis à disposition à titre précaire, s’agissant dans le cas d’espèce au surplus d’une section syndicale non représentative du personnel de la ville, ce qui n’est pas valablement contesté.
Or, comme il a été ci-dessus rappelé, la Commune de [Localité 6] a proposé à l’Union Locale CGT [Localité 6], entre le 6 juin 2019 et le 27 avril 2021, 3 types de locaux, dont le dernier situé [Adresse 2], d’une superficie de 27 m², dont il n’est pas contesté qu’il est assorti d’une pièce servant de salle d’attente, en lui proposant des visites et des réunions non suivies d’effet, ce dont il se déduit qu’elle s’est conformée à ses obligations conventionnelles.
Dans ces conditions, l’ordonnance querellée sera confirmée en ce qu’elle a retenu que l’obligation pesant sur la Commune de [Localité 6], dont se prévaut l’Union Locale CGT [Localité 6], d’avoir à lui fournir un local adapté à son activité, comportant 2 bureaux et une salle de réunion, apparaît sérieusement contestable.
Elle sera également confirmée en ce qu’elle a retenu qu’il n’était pas contestable que la commune a proposé un local à l’Union Locale CGT [Localité 6] qui présente une superficie de 27 m², de sorte que l’Union Locale CGT [Localité 6] ne rapporte pas la preuve d’un trouble manifestement illicite, tiré de la violation de la convention de mise à disposition.
L’évolution du litige, résultant du refus formulé dans une lettre du 7 décembre 2021 de la Commune de [Localité 6] de répondre favorablement, par suite de l’ordonnance dont appel, à l’acceptation des propositions de relogement par l’Union Locale CGT [Localité 6], ne saurait davantage caractériser un trouble manifestement illicite, en l’absence de preuve incontestable de l’existence d’une obligation de relogement perpétuelle incombant à la Commune de [Localité 6].
Il sera dit n’y avoir lieu à référé au vu de l’évolution du litige en appel.
En application des dispositions de l’article 910-4 du code de procédure civile, qui prévoient qu’ « à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. », la demande d’indemnisation du syndicat, au demeurant non formulée à titre provisionnel, sera déclarée irrecevable pour n’avoir pas été présentée dans ses premières conclusions déposées le 15 mars 2022.
Sur la demande reconventionnelle de l’intimée :
La Commune de [Localité 6] sollicite quant à elle la condamnation de l’Union Locale CGT [Localité 6] à lui verser la somme de 5 000 euros pour procédure abusive.
Elle soutient que si la demande d’expulsion justifiait pleinement qu’elle défende ses droits, les incidents de procédure qui ont émaillé la première instance et le moyen totalement inopérant développé en appel justifient une condamnation pour abus de droit.
Elle entend souligner qu’aucune discussion juridique n’est étayée dans les conclusions d’appel de l’Union Locale CGT [Localité 6] à l’encontre de l’ordonnance critiquée, que l’appelante est silencieuse sur le recours contentieux engagé le 5 juillet 2021 devant le tribunal administratif de Versailles contre le courrier valant congés, comportements caractérisant l’abus de l’appelante à user de toute voie pour retarder l’issue du litige, engendrant un retard corrélatif dans la réalisation de l’opération d’aménagement.
L’appelante ne répond pas sur ce point.
Sur ce,
En application des dispositions de l’article 1241 du code civil, l’exercice d’une action en justice ne peut constituer un abus de droit que dans des circonstances particulières le rendant fautif.
Or il n’est pas avéré au cas d’espèce qu’en interjetant appel d’une décision qui lui était défavorable, et qui la privait de facto de tout local, l’appelante ait abusé de son droit d’appel, sans au demeurant qu’il y ait lieu à porter une appréciation sur la qualité de ses écritures.
La demande de l’intimée à ce titre sera rejetée.
Sur les demandes accessoires :
Au vu de ce qui précède, l’ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.
Partie perdante, l’Union Locale CGT [Localité 6] ne saurait prétendre à l’allocation de frais irrépétibles. Elle devra en outre supporter les dépens d’appel qui seront recouvrés avec distraction au bénéfice de l’avocat qui en a fait la demande.
Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la Commune de [Localité 6] la charge des frais irrépétibles exposés en cause d’appel. L’appelante sera en conséquence condamnée à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Confirme l’ordonnance du 30 novembre 2021 en ses dispositions critiquées,
Y ajoutant,
Vu l’évolution du litige, dit n’y avoir lieu à référé les demandes de l’Union Locale de la CGT de [Localité 6],
Déclare irrecevable la demande de réparation de l’Union Locale de la CGT de [Localité 6],
Rejette la demande de la Commune de [Localité 6] pour procédure abusive,
Condamne l’Union Locale de la CGT de [Localité 6] à verser à la Commune de [Localité 6] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que l’Union Locale de la CGT de [Localité 6] supportera les dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Nicolette GUILLAUME, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,