28 avril 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/08993

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28 avril 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/08993

AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/08993 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MYZY

[M]

C/

SCE [Adresse 6]

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Lyon

du 04 Décembre 2019

RG : 18/02911

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 28 AVRIL 2023

APPELANTE :

[F] [M]

née le 11 Juin 1996 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Sandrine VARA de la SELARL CINETIC AVOCATS, avocat postulant inscrit au barreau de LYON, et représentée par Me Pierre SALLES, avocat plaidant inscrit au barreau de POITIERS

INTIMÉE :

SCE [Adresse 6]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Olivier GRET de la SELARL A PRIM, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 09 Février 2023

Présidée par Béatrice REGNIER, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Rima AL TAJAR, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Béatrice REGNIER, président

– Catherine CHANEZ, conseiller

– Régis DEVAUX, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 28 Avril 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Président et par Rima AL TAJAR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Vu le jugement du conseil de prud’hommes de Lyon en date du 4 décembre 2019 ;

Vu la déclaration d’appel transmise par voie électronique par Mme [F] [M] le 27 décembre 2019 ;

Vu les conclusions transmises par voie électronique par Mme [M] le 13 décembre 2022;

Vu les conclusions transmises par voie électronique par la SCEA [Adresse 6] le 24 juin 2020 ;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 10 janvier 2023 ;

Pour l’exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions déposées et transmises par voie électronique conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile .

SUR CE :

Attendu que la cour constate en premier lieu que les dispositions du jugement déboutant Mme [M] de sa demande de reliquat de rappel de salaire n’ont pas été frappées d’appel et sont donc définitives ;

– Sur les heures supplémentaires ;

Attendu qu’aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée du travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés ;

Que, selon l’article L. 3171-3 du même code l’employeur tient à la disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié ; que la nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminés par voie réglementaire ;

Qu’enfin, selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu’au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ; que si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ;

Qu’il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires susvisées ;

Qu’enfin le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées ;

Attendu qu’en l’espèce Mme [M] soutient avoir réalisé 153,10 heures supplémentaires au cours de la relation contractuelle ; qu’elle produit :

– ses plannings de travail (la SCEA [Adresse 6] fournissant quant à elle les deux manquants) d’où il ressort qu’elle était prévue pour travailler 5 ou 6 jours par semaine à raison de 8 heures par jour selon un horaire habituel de 8 h à 12 h et de 14 h à 18 h,

– un décompte des heures travaillées selon les plannings,

– un décompte des heures travaillées au-delà des plannings,

– des SMS et messages Facebook,

– les témoignages de deux anciennes stagiaires de la SCEA [Adresse 6], qui attestent de l’amplitude des journées de travail, pouvant durer de 7h45 à 19h, et de l’absence de pause hormis celle de midi ;

Attendu que la salariée produit ainsi des éléments suffisamment précis à l’appui de sa demande ;

Attendu que la SCEA [Adresse 6] admet ne pas avoir procédé au contrôle des horaires de Mme [M] ; que, tout en faisant valoir que, si les plages horaires étaient fixées de 8h à 12h et de 14h à 18h, la journée de travail ne dépassait pas 7 heures compte tenu des pauses prises par la salariée – à l’instar des autres salariés du haras – ou encore des absences, retards ou heures non travaillées pour des motifs personnels, elle accepte la condamnation prononcée par le conseil de prud’hommes à hauteur de 719,40 euros brut, outre les congés payés afférents, basée sur les plannings fournis sans autre pause supplémentaire que celle de midi ; qu’elle verse aux débats un tableau récapitulatif des plannings sur la base de 8 heures par jour ainsi que les attestations de salariés, stagiaires et intervants du haras qui tous confirment que les plages horaires planifiées étaient respectées, que ce n’est que lorsque Mme [M] arrivait en retard qu’elle partait plus tard le soir et qu’au contraire les plannings étaient adaptables en fonction des besoins ;

Attendu que la SCEA [Adresse 6] ne produit aucun décompte des heures de travail de Mme [M] ; que toutefois, au vu des plannings et des attestations qu’elle fournit – et alors même que le seul témoignage vraiment précis produit par Mme [M] ne peut être pris en compte puisqu’il s’agit celui de Mme [L] [D], mineure, la cour a la conviction au sens du texte susvisé que la salariée n’a accompli que les seules heures supplémentaires retenues par le conseil de prud’hommes, sur la base de ses plannings ; que le jugement est donc confirmé sur ce point, sauf à dire que le montant alloué produira intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2018 – date de la réception de la convocation de l’empoyeur devant le bureau de conciliation ;

– Sur le travail dissimulé :

Attendu qu’aux termes de l’article L. 8221-5 du code du travail : ‘Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur : (…) 2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;(…)’ ; qu’aux termes de l’article L. 8223-1 du même code : ‘ En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l’employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.’ ;

Attendu qu’en l’espèce la volonté délibérée de Mme [M] de dissimuler des heures de travail accomplies par sa salariée n’est pas démontrée ; que la demande d’indemnité pour travail dissimulé est donc rejetée ;

– Sur la perte de chance d’obtenir le diplôme :

Attendu que Mme [M] invoque à ce titre une exécution fautive du contrat de travail ayant eu pour conséquence une perte de chance pour elle d’obtenir son diplôme du DEJEPS en 2018 : non-respect de l’obligation de formation, détérioration de ses conditions de travail ayant conduit à son arrêt de travail, dégradation des relations avec l’employeur pendant son arrêt de travail ;

Attendu, sur le premier point, que la SCEA [Adresse 6] verse aux débats plusieurs témoignages attestant de la formation dont a pu bénéficier Mme [M] au sein du haras de la part de Mme [U] [Z], gérante, et de M. [E], enseignant au haras ; que tous deux lui ont dispensé des cours théoriques et pratiques, ce qu’au demeurant la salariée ne conteste pas expressément, M. [E] soulignant pour sa part que la jeune femme paraissait peu intéressée ; que, si cette dernière argue principalement de l’absence de mise en situation d’enseignement, la cour relève que d’une part elle ne s’en est jamais plainte avant le 14 mai 2018 – soit un mois après le début de son arrêt de travail pour maladie (lequel a perduré juqu’au terme du contrat de professionnalisation), d’autre part que Mme [Z] et M. [E] attestent qu’il lui a été proposé une évolution sur un couple cheval/cavalier mais qu’elle n’y a jamais donné suite et n’a formulé à cet égard aucune demande ni pris d’initiative ; que Mme [K] [Z] confirme qu’elle était disponible à partir de février 2018 pour travailler en tant qu’élève avec Mme [M] et qu’elle a effectivement effectué quelques séances avec l’intéressée mais qu’ensuite cette dernière a été placée en arrêt de travail pour maladie ; qu’enfin le centre d’enseignement atteste qu’il lui a été assuré par la SCEA [Adresse 6] qu’un couple cheval/cavalier pouvait être mis à la disposition de Mme [M] à son retour de congé maladie et qu’au surplus cette dernière a décliné la proposition de changement de structure puis n’a plus donné aucun nouvelle ; que la cour retient que la SCEA [Adresse 6] n’a pas failli à son obligation de formation telle que prévue à l’article L. 6325-3 du code du travail ;

Attendu que, sur le deuxième point, que les seuls griefs formulés à ce titre portent sur la facturation des frais du logement mis à sa disposition et à la réalisation d’heures supplémentaires ;

Attendu toutefois qu’il résulte de l’échange de mail intervenu entre la SCEA [Adresse 6] et Mme [M] les 14 et 15 octobre 2017 que cette dernière avait été informée de la mise à disposition d’un logement, non à titre gratuit, mais à titre onéreux moyennant un loyer mensuel de 200 euros – ce que confirme au demeurant l’annonce de recrutement passsée le 12 octobre 2017 ; qu’en tout état de cause aucun élément ne permet de faire un lien entre la facturation du logement et une dégradation des conditions de travail ou encore la non-obtention du diplôme ;

Que par ailleurs la seule réalisation des heures supplémentaires dont le paiement a été ordonné ci-dessus ne suffit pas à constituer la dégradation des conditions de travail invoquées, alors même que de nombreux témoins font état de la bonne ambiance de travail régnant au sein du haras – ce que Mme [M] ne conteste pas expressément et que les SMS produits par la SCEA [Adresse 6] confirment ; que la salariée ne justifie pas de l’épuisement professionnel dont elle se prévaut, de même qu’elle ne prouve pas le lien entre son arrêt de travail et l’accomplissement d’heures supplémentaires ;

Attendu, sur le troisième point, que la seule circonstance que la SCEA [Adresse 6] a entendu, au cours de l’arrêt de travail de la salariée, recouvrer les loyers du logement mis à sa disposition ne peut être reliée à la non-obtention de son diplôme ; qu’au surplus cette exigence n’était pas fautive dans la mesure où la jouissance du logement n’était pas gratuite ;

Attendu que, aucun manquement de l’employeur n’étant caractérisé, la demande de dommages et intérêts pour non-obtention du diplôme préparé dans le cadre de son contrat de professionnalisation ne peut prospérer ; que la cour observe au surplus que Mme [M] n’était pas investie et impliquée dans sa formation, ce qui peut être de nature à expliquer la non-obtention de son diplôme ;

– Sur la détérioration du matériel :

Attendu que, ainsi que l’a justement indiqué le conseil de prud’hommes, aucun élément ne permet d’imputer le mauvais état de la selle et des bottes de Mme [M] à la SCEA [Adresse 6] ; qu’il n’est en effet justifié de l’état de ces effets ni au moment où Mme [M] a quitté le haras en laissant ses affaires, ni au moment où elle les a récupérés ; que la demande indemnitaire présentée à ce titre est donc rejetée ;

– Sur la demande reconventionnelle :

Attendu que, si Mme [M] avait bien été informée de ce que le logement mis à sa disposition ne l’était pas à titre gratuit et ne peut donc invoquer la facturation de ce logement au titre de la dégradation de ses conditions de travail, il ne ressort d’aucune pièce du dossier qu’elle avait avait accepté le montant du loyer fixé par son employeur – à savoir 200 euros par mois ; que, faute pour la SCEA [Adresse 6] de prouver l’accord des parties sur la conclusion du contrat de bail invoqué, sa demande en paiement des loyers doit être rejetée ;

– Sur les frais irrépétibles :

Attendu qu’il convient pour des raisons tenant à l’équité de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d’appel, les dispositions du jugement relatives aux frais exposés en première instance étant quant à elles confirmées ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en ses dispositions attaquées, sauf à dire que les montants alloués au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents produiront intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2018,

Ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel,

Dit que chaque partie supportera ses propres dépens d’appel,

Le Greffier La Présidente

 


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