RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 21/02857 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FUDB
Minute n° 23/00174
[M], [M]
C/
S.A.S. ENVIRONNEMENT DE FRANCE
Jugement Au fond, origine Tribunal de proximité de SAINT AVOLD, décision attaquée en date du 30 Septembre 2021, enregistrée sous le n° 18/00862
COUR D’APPEL DE METZ
3ème CHAMBRE – TI
ARRÊT DU 25 MAI 2023
APPELANTS :
Monsieur [N] [M]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ
Madame [K] [M]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ
INTIMÉE :
S.A.S. ENVIRONNEMENT DE FRANCE, prise en la personne de son représentant légal,
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Hugues MONCHAMPS, avocat au barreau de METZ
DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 08 Décembre 2022 tenue par Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre, Magistrat rapporteur qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans leur délibéré pour l’arrêt être rendu le 17 février 2023, prorogé le 23 mars 2023 puis le 25 Mai 2023
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Madame GUIMARAES
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre
ASSESSEURS : Monsieur MICHEL, Conseiller
Monsieur KOEHL, Conseiller
ARRÊT :
Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Présidente de Chambre, et par Madame PELSER, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Suivant bon de commande signé le 8 décembre 2014, M. [N] [M] a conclu avec la SARL Habitat de France un contrat de vente et d’installation de 12 panneaux photovoltaïques pour un montant de 21.900 euros. Le même jour, il a contracté, avec son épouse Mme [K] [M], un crédit affecté de même montant auprès de la SA Sygma Banque. La SARL Habitat der France a fait réaliser l’installation par son sous-traitant, la société Eco Système Durable laquelle a délivré le 9 mars 2015 un certificat de conformité.
A la requête de M. [M], et en présence de la société Eco Système Durable appelée en la cause par la SARL Habitat de France, le président du tribunal de grande instance de Sarreguemines a ordonné en référé le 5 janvier 2016, une expertise de l’installation confiée à M. [R], lequel a fait appel à M. [X] en qualité de sapiteur pour examiner les travaux d’électricité réalisés lors de la pose du système photovoltaïque. Le rapport a été déposé le 30 décembre 2016.
Par actes d’huissier des 29 juin et 3 juillet 2017, M. [M] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Sarreguemines la SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la SA Sygma Banque et la SARL Habitat de France aux fins de voir dire et juger que la société Habitat de France devra l’indemniser de l’intégralité du préjudice résultant des malfaçons et non façons affectant l’installation des panneaux photovoltaïques et lui allouer une provision, ordonner une contre-expertise et la suspension de l’exécution du contrat de crédit affecté. Le juge de la mise en état a déclaré ce tribunal incompétent au profit du tribunal d’instance de Saint-Avold par ordonnance du 6 novembre 2018.
Par jugement mixte du 29 mai 2019, le tribunal d’instance a rejeté la demande tendant à voir écarter des débats le constat d’huissier dressé le 6 février 2017 et celle de suspension de l’exécution du contrat de crédit affecté, ordonné une contre-expertise de l’installation photovoltaïques confiée à M. [U] et rejeté la demande de provision. L’expert a déposé son rapport le 27 avril 2020.
Par jugement mixte du 17 décembre 2020, le tribunal de proximité de Saint-Avold a déclaré irrecevable l’exception d’incompétence matérielle soulevée par la SARL Habitat de France désormais dénommée Environnement de France, constaté que la demande de production de l’attestation d’assurance de la société Eco Système Durable est sans objet, condamné la SAS Environnement de France à produire à M. et Mme [M] l’attestation d’assurance responsabilité civile couvrant la période d’exécution des travaux dans le délai d’un mois à compter de la signification du jugement sous astreinte de 15 euros par jour de retard pendant deux mois, ordonné la réouverture des débats pour les conclusions au fond de la SAS Environnement de France après le dépôt du rapport d’expertise judiciaire et invité M. [M] à faire valoir ses observations sur les demandes de dommages et intérêts formée pour le compte de son épouse en l’absence d’intervention volontaire de celle-ci.
La SAS Environnement de France, venant aux droits de la société Habitat de France, a appelé en intervention forcée aux fins de garantie la société Eco Système Durable et son assureur la société de droit étranger Millenium Insurance représentée en France par son mandataire la SAS Leader Underwriting.
Par jugement du 12 mai 2021, le tribunal a rejeté la demande de jonction des appels en garantie formés par la SAS Environnement de France à l’encontre de la société Eco Système Durable et de son assureur la société Millenium Insurance à l’action principale opposant M. et Mme [M] à la SAS Environnement de France, ordonné la disjonction des appels en garantie formés par la SAS Environnement de France de l’action principale et rejeté la demande de jonction à l’action principale des appels en garantie formés par la société Millenium Insurance à l’encontre des souscripteurs du Lloyd’s de Londres et de la société Entoria.
Au dernier état de la procédure, M. [M] et son épouse, Mme [K] [M] intervenant volontairement, se sont désistés de leur action contre la SA BNP Paribas Personal Finance et ont sollicité la condamnation de la SAS Environnement de France à leur verser les sommes de 106.614 euros à titre de dommages et intérêts, de 5.500 euros au titre de la maîtrise d’oeuvre et 2.500 euros chacun au titre du préjudice moral, outre une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 30 septembre 2021, le tribunal de proximité de Saint-Avold a :
– constaté le désistement de M. et Mme [M] à l’égard de la SA BNP Paribas Personal Finance
– condamné la SAS Environnement de France à verser à M. et Mme [M] la somme de 41.440 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement
– débouté M. et Mme [M] du surplus de leurs demandes
– condamné la SAS Environnement de France à verser à M. et Mme [M] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens comprenant ceux relatifs à l’ordonnance de référé du 5 janvier 2016 et aux frais des deux expertises judiciaires, précisant que chaque partie conservera ses propres dépens relatifs à la procédure sur incident devant le tribunal de grande instance de Sarreguemines et que les dépens relatifs à l’action contre la SA BNP Paribas Personal Finance resteront à la charge de M. et Mme [M].
Suivant déclaration déposée au greffe de la cour le 3 décembre 2021, M. et Mme [M] ont interjeté appel du jugement en ce qu’il a condamné la SAS Environnement de France à leur verser la somme de 41.440 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et rejeté le surplus de leurs demandes.
Par déclaration d’appel déposée au greffe de la cour le 13 décembre 2021, la SAS Environnement de France a interjeté appel du jugement en ce qu’il l’a condamnée à verser M. et Mme [M] la somme de 41.440 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
La jonction des deux procédures a été ordonnée le conseiller de la mise en état le 8 septembre 2022.
Aux termes de leurs dernières conclusions du 5 décembre 2022, M. et Mme [M] demandent à la cour de confirmer le jugement en son principe, l’infirmer sur les montants et de :
– condamner la SAS Environnement de France à leur verser les sommes de :
‘ 138.852,65 euros à titre de dommages et intérêts du chef des travaux de réfection avec intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme de 41.440 euros et de l’arrêt pour le surplus
‘ 7.980 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de recette sur production électrique avec intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme de 1.140 euros et à compter de l’arrêt à intervenir pour le surplus
‘ 5.000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt
– subsidiairement condamner la SAS Environnement de France à leur verser les sommes de:
‘ 108.350 euros à titre de dommages et intérêts du chef des travaux de reprise valeur avril 2020 avec réévaluation au jour de l’arrêt en fonction des variations de l’indice du coût de la construction BT01 et intérêts au taux légal sur le montant réactualisé
‘ 7.980 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de recette sur production électrique avec intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme de 1.140 euros et à compter de l’arrêt pour le surplus
‘ 5.000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt
– condamner la SAS Environnement de France à leur verser la somme de 10.000 euros pour les frais irrépétibles de première instance et 6.000 euros en appel au titre de l’article 700 du code de procédure civile, confirmer le jugement sur les dépens et condamner l’intimée aux dépens d’appel.
Sur la responsabilité, les appelants exposent que selon le rapport d’expertise judiciaire de M. [U], l’installation photovoltaïque ne respecte pas les règles de l’art ni les recommandations du guide UTE C15-712, que diverses malfaçons ont été relevées par l’expert (déformation de la charpente, fissures, infiltrations) qui indique que la société Habitat de France n’a pas vérifié les éléments de la toiture avant d’installer les panneaux photovoltaïques, notamment au regard de la planéité et du poids de l’installation, ce qui a entraîné la dégradation de la charpente qui se poursuit et porte atteinte à la solidité de l’immeuble. Ils en déduisent que la responsabilité de la SAS Environnement de France est engagée pour manquement à son devoir de conseil et que les désordres doivent être réparés par la garantie décennale, le premier juge ayant exactement considéré que la faute de l’installateur qui a méconnu les règles de l’art et l’état préexistant ne constituent pas des causes étrangères exonératoires. Ils ajoutent que selon l’expert, le courant électrique produit n’est pas transformé en courant alternatif pouvant être réinjecté dans le réseau Enedis et que la mise à la terre de l’installation n’a pas été réalisée conformément aux règles de l’art.
Sur les montants, les appelants font valoir que l’expert [U] a réduit de moitié la somme estimée par 3 devis au titre des frais de réfection de la charpente, sans justification ni explication, et sollicitent une indemnisation de 55.000 euros correspondant à la moyenne des devis, outre 10% pour les frais de maîtrise d’oeuvre, n’ayant pas de compétence pour suivre les travaux qui doivent faire l’objet d’une surveillance particulière puisque contribuant au clos et au couvert de l’immeuble. Ils font les mêmes critiques concernant la réfection des panneaux photovoltaïques, sollicitant une indemnisation conforme aux devis soit 14.950 euros. Sur la réfection des combles et installations électriques, ils exposent que le premier juge a à tort réduit le montant figurant aux devis au motif qu’ils correspondaient à une totale remise à neuf des combles alors que l’indemnisation doit comprendre l’ensemble des coûts nécessaires pour les replacer dans l’état antérieur aux désordres, le principe de réparation intégrale conduisant à exclure tout abattement pour vétusté et toute théorie d’enrichissement sans cause, que la vétusté de la charpente est sans emport puisque c’est la réalisation des travaux sur le toit qui a provoqué, par la charge supplémentaire, la déformation de la charpente et l’affaissement de la toiture. Ils ajoutent que la réfection de l’installation électrique est justifiée par les infiltrations d’eau et celle des combles par la démolition de l’ancienne charpente et son remplacement. Sur le préjudice moral, ils font état de la longueur de la procédure et des tracas en résultant, ajoutant que les frais irrrépétibles ont été sous-évalués. Ils exposent que le montant total de l’indemnisation doit être fixé à 108.350 euros, réévaluée à 138.852,65 euros en raison de la crise sanitaire et économique qui a majoré les coûts dans le secteur du bâtiment, précisant produire de nouveaux devis. Ils sollicitent également 7.980 euros pour la perte de recette sur production électrique et 5.000 euros au titre du préjudice moral.
Aux termes de ses dernières conclusions du 21 novembre 2022, la SAS Environnement de France demande à la cour d’infirmer le jugement et de :
– débouter M. et Mme [M] de toute demande indemnitaire
– subsidiairement limiter sa condamnation à l’obligation de déposer et reposer l’installation photovoltaïque pour une somme de 7.500 euros
– plus subsidiairement limiter sa condamnation à la réfection des combles à la somme de 3.000 euros fixée par l’expertise [R]
– condamner M. et Mme [M] à lui verser une indemnité de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Elle expose que l’expert M. [R] contredit bon nombre des affirmations des appelants, qu’il relève que les connexions arrachées, à l’origine du dysfonctionnement de l’installation et résultant d’un sabotage, pouvaient être très simplement rétablies pour assurer son fonctionnement, qu’il n’attribue pas les désordres à l’installation photovoltaïque alors qu’il n’a décelé aucune atteinte à la charpente, écartant toute relation entre des attaques d’insectes xylophages, apparues antérieurement, et l’installation.
Elle rappelle que selon l’expertise [U], la charpente souffre de vétusté à l’origine de sa déformation, qu’elle était trop faible pour supporter les aménagements successifs des combles puis l’installation de production d’eau chaude sanitaire dont le poids est nettement plus important que celui des panneaux photovoltaïques et qui participe grandement à la dégradation de la charpente, fortement attaquée et affaiblie par les insectes xylophages, qu’il résulte des deux expertises que ces évènements ont préexisté à la pose de l’installation de panneaux photovoltaïques et sont à l’origine des traces d’infiltrations, dont la datation n’est toujours pas établie, et de la déformation de la charpente rendant l’installation non étanche. Elle ajoute que selon l’expert la pose d’un écran sous toiture est sans relation avec les désordres et que l’installation est sans danger pour l’utilisateur et ne fonctionne pas.
Sur la responsabilité contractuelle, l’intimée soutient au vu des expertises que l’installation n’est pas atteinte de vices, que le problème du sertissage des câbles provient d’un sabotage et n’induit aucun dysfonctionnement, que les propositions de réparation de l’onduleur ont été refusées alors que M. et Mme [M] renonçant à poursuivre l’annulation du contrat de vente ne pouvaient s’opposer à ce qu’elle intervienne au titre des garanties contractuelles qui ne peuvent dès lors se résoudre en indemnisation financière, que la perte de production électrique ne peut lui être opposée en raison de ce même refus et conclut à l’infirmation du jugement sur la somme de 1.140 euros.
Sur la responsabilité décennale, elle soutient qu’elle n’a pas à prendre en charge le coût de remise à neuf de la toiture alors que la nécessité de remplacer la charpente est due à sa vétusté et que la réfection à neuf est de nature à constituer une plus-value pour M. et Mme [M], étant rappelé que la première expertise n’a pas relevé de problèmes de charpente et que la seconde a mis en exergue le rôle prépondérant des phénomènes antérieurs (attaques d’insectes, aménagement des combles, installation d’une production d’eau chaude). Elle ajoute que ni l’expert, ni le tribunal n’ont démontré le lien de causalité entre l’installation photovoltaïque et la dégradation de la toiture, qu’il n’est pas plus démontré que la toiture était vétuste en 2015 au moment de son intervention de sorte qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir constaté l’incompatibilité de l’état de la charpente couverture avec la prestation qui lui était demandée.
A titre subsidiaire, elle soutient que la réfection de la toiture vétuste doit incomber au propriétaire au titre de son devoir d’entretien et qu’elle ne doit supporter que le coût de la dépose et repose de l’installation photovoltaïque et que doit être minoré le coût de réparation des combles au vu de la première expertise qui a chiffré les reprises de peinture à 3.000 euros. Elle ajoute que le principe de réparation intégrale ne vaut que si l’installation photovoltaïque avait causé la perte de la toiture, ce qui n’est pas le cas au vu de la préexistence de facteurs ayant dégradé la charpente et de sa vétusté, qu’au jour de la première expertise aucune atteinte par l’installation à la toiture n’a été constatée et que la seconde fait un simple constat de l’évolution certaine de la toiture du fait de sa vétusté en cas de maintien de l’installation, que les constatations de l’expert qui indique que la couverture était sûrement étanche lors de l’installation des panneaux photovoltaïques et que les déformations survenues après l’installation ont ouvert des espaces d’infiltrations d’eau dans la couverture établissent clairement l’absence de lien de causalité entre son installation et la dégradation de la charpente et que les demandes d’indemnisation doivent être rejetées, notamment celle du poste toiture pour 25.000 euros. Enfin elle conteste l’existence d’un préjudice moral alors que les experts se sont accordés sur l’absence de dangerosité de l’installation et constaté l’absence d’infiltrations.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 décembre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la responsabilité de la SAS Environnement de France
La garantie de la SAS Environnement de France, venant aux droits de la société Habitat de France, est recherchée sur le fondement de l’article 1792 du code civil, lequel fait peser sur tout constructeur d’un ouvrage une responsabilité de plein droit, pendant dix ans à compter de la réception des travaux, concernant les dommages même résultant d’un vice du sol qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination, le constructeur ne pouvant s’exonérer qu’en rapportant la preuve que le dommage provient d’une cause étrangère.
En l’espèce, la SARL Habitat de France a été chargée par M. [M], suivant bon de commande du 8 décembre 2014 et facture du 31 décembre 2014, de la fourniture et la pose d’un kit comprenant 12 panneaux photovoltaïques, un onduleur et un kit d’intégration GSE Air System avec système de chauffage intégré dont le manuel d’installation précise qu’il se pose en recouvrement partiel de la toiture, sur des charpentes en bois et se fixe sur un lattage adapté. La pose a été effectuée en sous-traitance par la société Eco Système Durable.
La mise en place, sur la charpente en bois de l’immeuble, de panneaux photovoltaïques fixés sur un lattage adapté et intégrés au bâti, nécessitant l’enlèvement d’une partie des tuiles, constitue une partie de l’ensemble du complexe de toiture et d’étanchéité et s’analyse en un ouvrage au sens des dispositions de l’article 1792 du code civil.
Aux termes de son rapport d’expertise déposé le 27 avril 2020, M. [U] relève, outre différents défauts imputables à un non respect des règles de l’art et des recommandations du guide UTEC C 15-72 (notamment l’absence de mise en ‘uvre d’un écran sous toiture sur l’ensemble de la toiture et d’un lattage renforcé pour fixer le système GSE et les panneaux photovoltaïques à la charpente existante), une forte déformation de la toiture dans la zone de pose des panneaux photovoltaïques, le système d’encastrement et les panneaux photovoltaïques n’étant pas correctement soutenus par la charpente, de sorte que les éléments formant le plateau support sont désassemblés et qu’un cavalier de fixation du panneau a déjà cédé. L’expert judiciaire explique, en réponse au dire de M. [M], qu’à l’origine la charpente supportait la seule couverture en tuiles mais qu’au fil des années ont été ajoutés le poids de l’aménagement des combles puis celui du système de production solaire d’eau chaude, nettement plus important que celui des panneaux photovoltaïques et qui participe grandement à la déformation et la dégradation de la charpente. Il constate également des traces d’infiltrations d’eau sur le revêtement du plafond de la pièce sous combles provenant de fuites depuis la couverture dans la zone basse des panneaux photovoltaïques ainsi qu’une fissure dans l’habillage de la poutre principale qui coïncide avec l’emplacement d’un poteau de charpente, désordres qu’il attribue à la déformation de la couverture suite à la pose des panneaux photovoltaïques (et des panneaux de production d’eau chaude sanitaire) sur une structure fragilisée. L’expert relève, s’agissant de la production d’électricité, que si les indications relevées sur l’écran de contrôle de l’onduleur démontrent que les panneaux produisent du courant électrique, l’installation ne fonctionne pas du fait de la défectuosité de l’onduleur, le courant continu produit n’étant pas transformé en courant alternatif pour être réinjecté dans le réseau Enedis.
Il résulte de l’ensemble des constatations et conclusions du rapport d’expertise que les panneaux photovoltaïques ont été installés sur un support ne permettant pas de réceptionner les efforts transmis, M. [U] qui indique que la charpente, même en bon état, n’était pas dimensionnée pour supporter ces surcharges successives, faisant également état de sa dégradation du fait des attaques d’insectes xylophages, compromettant fortement sa solidité, en précisant, en réponse au dire de la société Environnement de France, que la vétusté et la dégradation de la charpente n’ont fait qu’aggraver la situation créée par le poids des aménagements successifs.
Au vu de ces éléments, le lien d’imputabilité est établi entre la déformation de la charpente et l’affaissement de la couverture, désordres qui portent atteinte à la solidité de l’immeuble, et la pose des panneaux photovoltaïques sur une structure en surcharge du fait de la présence d’un système de production solaire d’eau chaude sanitaire et fragilisée par des attaques d’insectes xylophages.
Etant rappelé que ni la faute du sous-traitant ni l’état de l’existant ne constituent une cause étrangère exonératoire de la responsabilité de plein droit encourue par l’entreprise, la SARL Habitat de France, aux droits de laquelle vient la SAS Environnement de France, qui s’est abstenue avant d’entreprendre les travaux d’effectuer un diagnostic de la solidité de la structure porteuse et vérifier sa capacité à supporter des charges supplémentaires, a engagé sa responsabilité sur le fondement de l’article 1792 du code civil et doit indemniser M. et Mme [M] des conséquences dommageables de la pose de l’installation photovoltaïque sur la charpente couverture de leur immeuble d’habitation. Le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point.
Sur les réparations
Le principe de la réparation intégrale impose de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si le fait dommageable n’avait pas eu lieu. La réparation intégrale du dommage n’étant ainsi assurée que par le remboursement des frais de remise en état de la chose, il ne peut être retenu un abattement pour vétusté. De même, la charge des améliorations apportées par les travaux de réfection pèse sur le constructeur responsable si elles sont indispensables à la réparation des désordres, les dommages-intérêts pouvant ainsi, sans enrichissement sans cause, intégrer le montant de dispositifs complémentaires quand bien même ceux-ci auraient dû être prévus dans le devis initial et à ce titre payés par le maître de l’ouvrage.
Etant rappelé que la garantie décennale est étendue aux dommages aux existants de nature à compromettre la solidité ou la destination de l’ouvrage pourvu qu’ils trouvent leur cause dans les travaux réalisés par le constructeur dont la responsabilité est recherchée, il incombe ainsi à la SAS Environnement de France de prendre en charge le coût de remplacement de la charpente et de la couverture, dès lors que les désordres les affectant sont consécutifs à la pose de l’installation photovoltaïque.
En l’espèce, M. [U] indique que la déformation de la charpente se poursuivant et ne pouvant que s’aggraver pour finalement céder, il est quasiment impossible de maîtriser les déformations de la couverture ainsi que les points d’infiltrations qui se forment, et qu’il convient pour remédier aux désordres de remplacer la charpente par une charpente dimensionnée pour supporter la charge supplémentaire occasionnée par l’installation de production d’eau chaude sanitaire et la pose des panneaux photovoltaïques. Il préconise les travaux suivants qu’il chiffre à la somme TTC de 34.300 euros suivant devis transmis, soit :
– dépose panneaux photovoltaïques’: 1.000 euros
– déposé élément de toiture production eau chaude sanitaire’: 800 euros
– remplacement charpente et couverture’: 25.000 euros
– repose panneaux photovoltaïques’: 4.000 euros
– repose élément de toiture production eau chaude sanitaire’: 1.000 euros
– remplacement onduleur et rétablissement câblage’: 2.500 euros.
Or, il annexe à son rapport, concernant le remplacement de la charpente et de la couverture, les devis produits par M. [M], établis par :
– l’entreprise Kleinclaus d’un montant de 16.830 euros qui ne comprend que le remplacement de la charpente et non le remplacement de la couverture
– l’entreprise Toitures François d’un montant de 56.560 euros comprenant la dépose de l’isolation, la dépose de l’ancienne toiture et de la charpente, la pose d’une charpente, la pose de tuiles terre cuite, la pose d’un écran sous toiture, la pose de deux velux et de deux volets solaires ainsi que des travaux de zinguerie
– la société LT d’un montant de 54.117 euros comprenant la préparation du chantier, la fourniture et la pose d’une charpente, la fourniture et la pose d’un écran sous-toiture, les travaux de couverture et de zinguerie
– la société Weiler d’un montant de 55.111 euros comprenant la dépose de l’ancienne charpente, la dépose des velux, la fourniture et la pose d’une charpente bois, la fourniture et la pose de tuiles, la fourniture et la pose de velux et d’un volet et la mise en place d’un regard béton pour écoulement.
Au vu de ces devis documentés et précis, l’expert judiciaire ne fournissant pour sa part aucune explication ou justification concernant le montant minoré retenu, il convient d’allouer à M. et Mme [M] une somme de 50.000 euros au titre du remplacement de la charpente et de la couverture, avec indexation sur l’indice BT 01 valeur avril 2020. En revanche, ne ressortant pas des éléments du dossier qu’une maîtrise d’oeuvre soit requise pour le suivi des travaux de reprise des désordres, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande d’indemnisation de ce chef.
S’agissant des frais liés à l’installation photovoltaïques, il convient de retenir le montant de 7.500 euros évalué par M. [U] (dépose et repose des panneaux, remplacement onduleur et rétablissement câblage), étant observé que le devis produit par M. et Mme [M], établi le 13 février 2020 par l’entreprise K2 Solaire et chiffrant à la somme de 14.950 euros le coût de reprise de l’installation photovoltaïque, prend en compte la mise en place d’un échafaudage et la mise en place d’un écran sous-toiture déjà compris dans les travaux de couverture ainsi que le remplacement du système d’intégration GSE alors qu’il ne résulte pas des éléments du dossier que l’ancien ne soit plus en état. La production d’un seul devis à hauteur d’appel, d’un montant de 19.700 euros pour la dépose de l’installation et la pose des modules en sur-imposition, ne suffit pas à remettre en cause l’évaluation de l’expert judiciaire, étant précisé que le montant de 7.500 euros sera indexé sur l’indice BT 01 pour tenir compte de l’augmentation du prix des matériaux.
De même, les frais de dépose et repose de l’élément de toiture production d’eau chaude sanitaire seront retenus pour la somme de 1.800 euros selon l’estimation de l’expert judiciaire, revalorisée en fonction de l’évolution de l’indice BT 01, sans qu’il y ait lieu de retenir le montant de 5.428,50 euros sollicité par les appelants qui résulte du seul devis de l’entreprise B&T.
Sur la réfection des combles aménagés dont l’expert judiciaire a indiqué que leur aménagement devait être repris sans toutefois en fixer le coût, il sera observé que M. et Mme [M] chiffraient leur préjudice en première instance à la somme de 17.000 euros en se référant aux devis de l’entreprise de plâtrerie Schwartz d’un montant de 16.390 euros (dépose plafond, fourniture et pose faux-plafond, fourniture et pose d’un demistyl sur ossature métallique avec laine de roche), de l’entreprise Cali & Co d’un montant de 17.228,11 euros (isolation des planchers des combles, isolation des rampants, fourniture et pose fenêtre de toit) et de l’entreprise Bat Est d’un montant de 17.425 euros, outre la somme de 3.600 euros au titre des travaux de peinture suivant les devis des entreprises LPR, Tom Peinture et Ferrazzano. A hauteur d’appel, ils produisent les devis de l’entreprise MGP Construction d’un montant de 21.143 euros (fourniture et pose plafond et doublage BA 13 sur ossature métallique, habillage velux et protection), de l’entreprise Cali & Co d’un montant de 19.346,14 euros (isolation du plancher et des rampants des combles, fourniture et pose de fenêtre de toit). Au vu de l’ensemble de ces éléments, les prestations figurant aux devis excédant une reprise des aménagements telle que prévue par l’expert, il y a lieu d’indemniser M. et Mme [M] de leur préjudice par la somme de 10.000 euros. En outre, ainsi que l’a exactement relevé le premier juge, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande d’indemnisation au titre des travaux électriques des combles, le rapport d’expertise ne caractérisant aucun désordre à ce niveau.
Sur la perte de vente d’électricité, il ressort du rapport d’expertise de M. [R] que la société Eco Système Durable, à laquelle la société Habitat de France avait sous-traité la mise en ‘uvre de l’installation photovoltaïque, a proposé à M. [M] de reprendre les travaux mais que celui-ci a refusé. M. [U], indiquant qu’à partir du mois d’octobre 2015 l’installation photovoltaïque n’a plus transmis d’énergie électrique au réseau, a préconisé le remplacement de l’onduleur défectueux et évalué la perte subie de ce fait par les appelants à 1.140 euros par an, en confirmant que l’intervention de l’entreprise telle que proposée (remplacement du disjoncteur parafoudre et remplacement de l’onduleur) aurait permis la remise en service de l’installation. Au vu de ces éléments, le premier juge a justement indemnisé M. et Mme [M] du préjudice résultant de la perte de la vente d’électricité pour la seule période d’une année comprise entre l’achèvement des travaux et les premières opérations d’expertise, soit la somme de 1.140 euros.
Enfin, M. et Mme [M] ne rapportant pas la preuve d’un préjudice moral particulier lié aux difficultés de procédure et tracasseries, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de ce chef.
En conséquence, il convient de condamner la SAS Environnement de France à verser à M. et Mme [M] les sommes de :
– 50.000 euros au titre du remplacement de la charpente et de la couverture, indexée sur l’indice BT 01 valeur avril 2020, avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt
– 7.500 euros et 1.800 euros au titre de la dépose et de la repose des panneaux photovoltaïques et de l’élément de toiture production eau chaude sanitaire, indexées sur l’indice BT 01 valeur avril 2020, avec intérêts au taux légal à compter de l’u présent arrêt
– 10.000 euros au titre de la réfection des combles majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement
– 1.140 euros au titre de la perte de vente d’électricité majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement
et de rejeter les surplus des demandes. Le jugement déféré est infirmé.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Le jugement est confirmé sur les frais irrépétibles et les dépens.
A hauteur d’appel, il y a lieu en équité d’allouer à M. et Mme [M], en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité de 3.000 euros. La SAS Environnement de France, partie perdante, sera déboutée de sa demande sur ce même fondement et supportera les dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [N] [M] et Mme [K] [M] du surplus de leurs demandes et a condamné la SAS Environnement de France à payer à M. [N] [M] et Mme [K] [M] la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance y compris ceux relatifs à l’ordonnance de référé du 5 janvier 2016, aux rapports d’expertise de M. [W] [R] et de M. [Z] [U], étant précisé que chaque partie conservera ses propres dépens relatifs à la procédure sur incident devant le tribunal de grande instance de Sarreguemines et que les dépens afférents à l’action intentée à l’encontre de la SA BNP Paribas Personal Finance seront supportés par M. et Mme [M] ;
L’INFIRME en ce qu’il a condamné la SARL Environnement de France à verser à M. [N] [M] et Mme [K] [M] la somme de 41.440 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement, et statuant à nouveau,
DIT que la SAS Environnement de France, venant aux droits de la SARL Environnement de France, est entièrement responsable des dommages subis par M. [N] [M] et Mme [K] [M] ;
CONDAMNE la SAS Environnement de France à payer à M. [N] [M] et Mme [K] [M] la somme globale de 69.300 euros à titre de dommages et intérêts du chef des travaux de défection se décomposant ainsi :
‘ 50.000 euros pour le remplacement de la charpente et de la couverture indexée sur l’indice BT 01 valeur avril 2020 et majorée des intérêts au taux légal à compter de la signification de l’arrêt
‘ 7.500 euros pour la réfection de l’installation photovoltaïque et 1.800 euros pour la dépose de l’élément de toiture production eau chaude sanitaire, indexées sur l’indice BT 01 valeur avril 2020 et majorées des intérêts au taux légal à compter de la signification de l’arrêt
‘ 10.000 euros pour la réfection des combles majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement;
CONDAMNE la SAS Environnement de France à payer à M. [N] [M] et Mme [K] [M] la somme de 1.140 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de recette sur la production électrique avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la SAS Environnement de France à verser à M. [N] [M] et Mme [K] [M] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la SAS Environnement de France de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SAS Environnement de France aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT