COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-2
ARRÊT AU FOND
DU 24 FEVRIER 2023
N° 2023/064
Rôle N° RG 19/06913 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEFU2
[D] [A]
EARL SOCIETE D’ENTRAINEMENT JM CAPITTE
C/
[W] [Z]
Association UNEDIC-AGS CGEA DE MARSEILLE
Me [D] [A] – Mandataire judiciaire de [D] [A]
[D] [A]
Copie exécutoire délivrée
le : 24 février 2023
à :
Me Miloud CHAFI, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Yves ROLL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
(Vestiaire 149)
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AIX EN PROVENCE en date du 26 Mars 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00561.
APPELANTS
Maître Me [D] [A], es qualitès de mandataire judiciaire de l’EARL SOCIETE D’ENTRAINEMENT JM CAPITTE suivant jugement d’ouverture de redressement judiciaire rendu le 16 Juillet 2018, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Miloud CHAFI, avocat au barreau de MARSEILLE
EARL SOCIETE D’ENTRAINEMENT JM CAPITTE procédure de redressement judiciaire de la société SOCIETE D’ENTRAINEMENT JM CAPITTE ouverte suivant jugement du Tribunal de Grande Instance d’Aix en Provence en date du 16/07/2018 ayant désigné Me [D] [A] en qualité de mandataire judiciaire, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Miloud CHAFI, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEES
Mademoiselle [W] [Z], demeurant Foyer [3] – [Adresse 4]
représentée par Me Yves ROLL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Association UNEDIC-AGS CGEA DE MARSEILLE Représentée par sa directrice nationale Mme [R] [J] ;
AFF. AGS13 JM CAPITTE ME [A] / [Z] ;
JM CAPITTE ET ME [A] Appelants d’un JGT CPH AIX du 26/03/2019
, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre
Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Février 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Février 2023
Signé par Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Madame [W] [Z] a été embauchée par I’EARL Société d’Entraînement JM CAPITTE selon contrat durée indéterminée à temps plein en date du 21 mars 2013, en qualité de cavalier d’entraînement, coefficient 400 de la convention collective nationale des établissements d’entraînement des chevaux de course
Son salaire brut était fixé à 1506,47 euros pour un horaire mensuel de 152 heures.
Le 6 mai 2017, l’ EARL Société d ‘EntraînementJ M CAPITTE a notifié à Madame [W] [Z] un avertissement pour conduite irrespectueuse et brutalité envers les chevaux .
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 26 mars 2018, Madame [W] [Z] a pris acte de la rupture de son contrat de travail .
Suivant jugement du tribunal de Commerce d’Aix-en-Provence du 6 juillet 2018, I’EARL Société d’Entraînement JM CAPITTE a été placée en redressement judiciaire; Le jugement a désigné Maître [D] [A], és qualité de mandataire judiciaire de I’EARL Société d’Entraînement JM CAPITTE .
Madame [W] [Z] a saisi le Conseil de Prud’hommes d’Aix en Provence le 10 aout 2017 aux fins de voir prononcer l’annulation de l’avertissement notifié le 6 mai 2017
, de voir requalifier l’emploi occupé, et juger que sa prise d’acte de la rupture de son contrat de travail est imputable à son employeur.
Elle a sollicité la condamnation de I’EARL Société d’ Entraînement JM CAPITTE à lui payer des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse , des dommages et intérêts pour préjudice moral ainsi qu’une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité de licenciement, un rappel de salaire au titre de la requalification d ’emploi de cavalier d’entraînement en garçon de voyage, un rappel d’heures supplémentaires et le remboursement des frais de déplacement ;
Par jugement du 26 mars 2019 notifié le 9 avril 2019 à l’ EARL Société d ‘EntraînementJ M CAPITTE le conseil de prud’hommes d’Aix en Provence a
‘Fixé la moyenne des salaires de Madame [W] [Z] à la somme de
1.949,63 Euros Brut ;
‘Dit que Madame [W] [Z] occupait les fonctions de garçon de voyage à compter du mois d’août 2015 ;
‘Annulé l’avertissement notifié le 6 mai 2017 ;
‘Dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ,
‘Constaté et fixé la créance de Madame [W] [Z] sur le redressement judiciaire de la Société I’EARL Société d’Entraînement JM CAPITTE, représentée par son Mandataire Liquidateur, Maître [A] aux sommes de :
– dix mille sept cent cinquante cinq euros et soixante seize centimes (10.755,76 Euros).Brut à titre de rappel de salaire pour la période du1er août 2015 au 26 mars 2018,
-quatre mille quatre cent vingt cinq euros et quinze Centimes (4.425,15 Euros) Brut à titre de rappel d’heures supplémentaires,
-onze mille six cent ouatre vingt dix sept euros et soixante dix huit centimes (11.697,78 Euros.) à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
-trois mille huit cent ouatre vingt dix neuf euros et Vingt six centimes (3.899,26 Euros) Brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
-deux mille quatre cent soixante dix neuf euros et vingt quatre centimes (2.479,24 Euros) à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
-mille cent ouatre vingts euros (1.180 Euros) au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
‘Rappellé l’exécution provisoire de plein droit de l’article R.1454-28 et R.1454-14 du Code du Travail ;
‘Ordonné à l’ EARL Société d’Entraînement JM CAPITTE de remettre à Madame [W] [Z], dans un délai de un mois à compter de la notification du jugement, un bulletin de salaire récapitulatif, un certificat de travail, le solde tout compte et l’attestation Pôle Emploi rectifiée, conformément aux termes de la présente décision ;
Passé ce délai, fixe une astreinte de 50 Euros par document et jour de retard, le Bureau de Jugement se réservant le droit de liquider l’astreinte ;
‘Débouté Madame [W] [Z] du reste de ses chefs demande .
Débouté PEARL Société d’Entraînement JM CAPITTE de sa demande d’article 700 du Code de Procédure Civile ;
‘Déclaré le jugement opposable au CGEA ;
‘Dit que l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle est évalué le montant total des créances garanties aux articles L 3253-6 et suivants du Code du Travail, compte tenu du plafond applicable (articles L 3253-17 et D 3253-5 du Code du Travail), ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L. 3253-19 du Code du Travail ;
Dit que les dépens seront inscrits en frais de procédure collective
Par déclaration enregistrée au RPVA le 24 avril 2019 l’EARL Société d’entrainement JM Capitte a interjeté appel du jugement dans toutes ses dispositions à l’exception de celles ayant débouté Mme [Z] de ses demandes au titre du préjudice moral , des frais de déplacement et du complément prévoyance
Par conclusions déposées et notifiées par RPVA le 24 juillet 2019 l’appelant demande à la cour :
-d’infirmer le jugement sauf en ce qu’il a débouté Mme [Z] de sa demande de dommages intérêts pour préjudice moral , de sa demande au titre des frais de déplacement et de complément de salaire non réglé
statuer à nouveau pour le surplus
-débouter Mme [Z] de sa demande d’annulation de l’avertissement
-débouter Mme [Z] de sa demande de fixation d’une somme en paiement d’heures supplémentaires au passif de la société
-Débouter Mme [Z] de sa demande de requalification de ses fonctions en fonctions de garçons de voyage d’aout 2015 à mai 2017 et de sa demande accessoire de salaires
-Dire que la prise d’acte doit s’analyser en une démission
-Débouter Mme [Z] de ses demandes indemnitaires liées à un licenciement sans cause réelle et sérieuse
-Condamner Mme [Z] au paiement d’une somme de 3000 euros au titre de l’article 700 et la condamner aux dépens.
A l’appui de ses prétentions il fait valoir
‘Que Mme [Z] n’a pas démontré le caractère infondé de l’avertissement du 6 mai 2017 pour comportement inadapté et brutalité envers les chevaux le 4 mai 2017 alors que la réalité de ce comportement est établi par des témoins de la scène
‘Que Madame [Z] n’a jamais occupé les fonctions de garçon de voyage et n’a d’ailleurs jamais revendiqué une telle qualification durant l’execution de son contrat de travail , qu’elle n’avait ni la qualification ni l’expérience technique lui permettant d’encadrer et mener à bien les déplacements et courses alors que le poste de garçon de voayge implique d’accomplir les formalités sur les hyppodromes et d’encadrer le travail des autres membres du personnel ; qu’elle a d’ailleurs toujours été placée sous le contrôle de son patron ou des garçons de voyage qualifiés de l’écurie lorsqu’elle a participé à des déplacements.Qu’elle a d’ailleurs abandonné le cycle de qualification devant lui permettre d’occuper ce poste à terme.
‘Que Madame [Z] ne démontre pas avoir accompli les heures supplémentaires dont elle revendique le paiement et se contente de produire un décompte établi par elle même.
‘Qu’aucun des faits allégués n’a été reproché à l’employeur pendant l’éxécution du contrat de travail et ne présente donc un caractère de gravité suffisant pour justifier une prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par conclusions déposées et notifiées par RPVA le 16 octobre 2019 l’intimée formant appel incident demande à la cour de
Confirmer le jugement entrepris en qu’il requalifie la fonction qu’elle exerçait en cette qualité dans son contrat de travail.
Confirmer le jugement entrepris en qu’il annule l’avertissement donné par courrier du 6 mai 2017 et envoyé le 19 mai 2017.
Confirmer le jugement entrepris en qu’il considère la prise d’acte de la rupture du contrat de travail du 26 mars 2018 de Mlle [Z] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Condamner par conséquent le représentant de l’employeur à payer à lui payer les sommes suivantes :
– 16.654,08 euros au titre de la requalification d’emploi de cavalier
d’entraînement en garçon de voyage,
– 4.425,15 euros au titre des heures supplémentaires,
– 2.450,00 euros au titre des remboursements des frais de déplacements,
– 7.000 euros au titre du préjudice moral subi,
– Le condamner à lui remettre le document récapitulatif du complément de salaire pour la période à compterdu 1er janvier 2018 et de la somme correspondante, et ce sous astreinte de 50euros par jour de retard commençant à courir 8 jours après la notification de
la décision à intervenir,
– 11.697,78 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et
sérieuse suivant la prise d’acte de la rupture du contrat de travail,
– 3.899,26 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 2.740,27 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
– 3.600 euros au titre de la liquidation de l’astreinte
– 2.500 euros au titre de l’article 700 du CPC.
Déclarer l’arrêt à intervenir opposable au CGEA.
A l’appui de ses prétentions elle expose que
‘Qu’elle a été promue officieusement en garçon devoyage,étant envoyée seule par son employeur sur tous les hippordromes de France et défrayée en conséquence ainsi que l’établissent les attestations qu’elle verse aux débats mais sans qu’aucun changement ne soit réalisé tant sur la nature de ses fonctionsque sur sa rémunération,
‘Qu’elle a été victime d’insultes de son patron en public le 4 mai 2017, a déposé une main courante de ce chef et a du consulter son médecin en raison du choc psychologique subi ; qu’il s’agit d’un comportement habituel de l’employeur qui lui a adressé un avertissement daté du 6 mai ( mais posté le 19 ) ne permettant aucune vérification des allégations qui y sont portées.
‘Qu’elle n’a pas été rémunérée des heures supplémentaires accomplies , n’a pas été remboursée de la totalité de ses frais et n’a pas perçu le complément de salaire dû par la compagnie AG2R pendant son arrêt de travail pour la période du 1er janvier au 26 mars 2018 de sorte que l’employeur doit lui remettre le document récapitulatif
‘Que sa prise d’acte doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse
‘Que l’employeur n’a adressé les documents de fin de contrat en éxécution du jugement que le 28 mai 2019 de sorte que l’astreinte doit être liquidée à 3600 euros.
Par conclusions déposées et notifiées par RPVA LE 17 octobre 2019 l’Unedic AGS-AGEA de Marseille demande à la cour de
Infirmer le jugement du conseil des prud’hommes d’AIX du 26/03/2019 ;
Débouter MME N. [Z] de sa demande d’imputabilité de la rupture à l’employeur et de juger que la prise d’acte a les effets d’une démission
Débouter MME N. [Z] de toutes ses demandes ;
Subsidiairement,
Constater et fixer les créances de MME N. [Z] en fonction des justificatifs produits ; à défaut la débouter ;
Fixer en tant que de besoin l’indemnité compensatrice de préavis (L. 1234-1 et L.1234-5 C.TRAV.) l’indemnité compensatrice de congés payés (L. 3143-26 et suivants C.TRAV.) et l’indemnité de licenciement (L. 1234-9 C.TRAV.) ;
Ramener l’indemnisation au minimum des indemnités prévues par la loi ou en fonction de la stricte justification du préjudice subi (art. L. 1235-3 ou L. 1235-5 du Code du travail dans leur rédaction applicable aux faits de la cause) ;
Vu les articles L. 3253-6 et suivants du code du travail,
Dire et juger que l’AGS garantit les sommes qui sont dues au jour du jugement d’ouverture de la procédure collective de l’employeur (L. 3253-8, 1° C.TRAV.);
Dire et juger qu’en l’absence conversion du jugement redressement judiciaire en liquidation judiciaire, les créances de salaires postérieures au jugement d’ouverture de la procédure collective de l’employeur sont hors garantie (L. 3253-8, 1° et 5° C.TRAV.) .
Dire et juger qu’en application de l’article L. 3253-17 du code du travail, la garantie AGS est limitée, toutes sommes et créances avancées confondues, à un ou des montants déterminés par décret (art. l’article D. 3253-5 du Code du travail), en référence au plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions du régime d’assurance chômage, et inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d’origine légale, ou d’origine conventionnelle imposées par la loi .
Dire et juger que l’obligation de l’UNEDIC-AGS CGEA DE MARSEILLE de faire l’avance de montant total des créances définies aux articles L. 3253-6 et suivants du Code du travail, compte tenu du plafond applicable (articles L. 3253-17 et D. 3253-5), ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par ce celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L. 3253-19 du Code du travail .
Dire et juger que l’UNEDIC-AGS CGEA DE MARSEILLE ne doit pas sa garantie pour les demandes au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du CPC, des dépens, de l’astreinte, des cotisations patronales ou résultant d’une action en responsabilité .
Dire et juger que le jugement d’ouverture de la procédure collective opère arrêt des intérêts
légaux et conventionnels (art. L. 622-28 C.COM) ;
Débouter MME N. [Z] de toute demande contraire ;
Elle fait valoir que l’avertissement est légitime ainsi que le positionnementhiérarchique;Que l’intimée n’étaye pas sa demande au titre des heures supplémentaire ni ne justifie qu’elles ont été demandées par l’employeur; qu’en toute hypothèse les manquements allégués ne sont pas suffisament graves pour justifier une prise d’acte et ce d’autant qu’ils n’ont jamais été soulévés pendant l’éxécution du contrat de travail.
Le mandataire judicaire est intervenu à la procédure
L’ordonnace de clôture est en date du 5 décembre 2022.
Motifs de la décision .
Bien qu’ayant interjeté appel et conclu dans le délai de l’article 908 du CPC l’appelant n’a pas comparu ni déposé son dossier à l’audience privant ainsi la cour de l’examen de ses pièces .
I Sur la demande d’annulation de l’avertissement du 6 mai 2017 ( pièce 11 de l’intimée)
L’employeur a pris une sanction d’avertissement à l’encontre de la salariée selon courrier en date du 6 mai 2017 pour manque de respect et brutalité envers les chevaux confiés.
Aux termes de l’article L.1333-1 du code du travail en cas de litige relatif à une sanction disciplinaire l’employeur fournit les éléments retenus pour prendre la sanction et, au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction ; si, éventuellement après mesure d’instruction, un doute subsiste, il profite au salarié ;
il résulte de ce texte et de l’article L.1333-2 qui le suit que le juge peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
En l’espèce la cour ne peut que constater , ainsi que l’a justement fait le conseil de prud’hommes , que l’appelant ne verse aux débats aucune pièce de nature à justifier de manière circonstanciée les brutalités reprochées à sa salariée .Dans ces conditions le jugement doit être confirmé en ce qu’il a annulé l’avertissement prononcé.
II sur le comportement injurieux de l’employeur le 4 mai 2017 et ses conséquences.
L’intimée fait état d’injures en public proférées par son employeur le 4 mai 2017 , ayant entrainé une réaction dépressive dont elle sollicite l’indemnisation au titre d’un préjudice moral
En l’espère la cour constate que l’intimée a effectivement consulté son médecin le 5 mai 2017 et que ce dernier a constaté un état de choc et une dépression réactionnelle.
Toutefois La main courante déposée le 12 mai 2017 ne fait pas état d’injures le 4 mai 2017 mais d’un harcèlement que l’intimée n’nvoque pas à l’appui de sa demande de dommages intérêts. (Pièce 4 et 14 de l’intimée)
Les attestations produites ( pièce 8 attestation de M [X] faisant état d’injures en juillet 2014, pièce 15 attestation de M [N] faisant état de paroles et comportements inappropriés envers les salariés , pièce 16 attestations de Mme [M] mentionnant des injures , pièce 20 attestation de M [Y] mentionnant des cris en public , Pièce 23 attestation de M [I] mentionnant des injuresenvers le personnel ) bien qu’elles établissent le caractère emporté et habituellement peu respectueux de l’employeur ne permettent pas de caractériser les faits du 4 mai 2017 dénoncés par l’intimée et qui fondent exclusivement sa demande .
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté MME [Z] de sa demande .
III sur la demande requalification des fonctions exercées en fonctions de ‘garcon de voyage’ et ses conséquences
La qualification dépend des fonctions réellement exercées par le salarié;
lorsque le contrat de travail stipule une qualification précise, il appartient à la partie qui conteste cet élément du contrat de travail, de rapporter la preuve que la fonction réellement exercée ne correspond pas à la qualification énoncée au contrat. En l’espèce le contrat de travail mentionne la qualification de cavalier d’entrainement
L’article 4 de l’annexe II « Cavalier d’entraînement » de la convention collective nationale des établissements d’entraînement des chevaux de course du 20 décembre 1990 dispose qu ‘il entre dans les attributions normale des cavaliers d’entraînement, quel que soit leur échelon, d’exécuter tous les travaux courants de I ‘écurie et d’accompagner les chevaux aux courses »
A partir du niveau 3 le cavalier d’entrainement peut emmener seul les chevaux ( niveau immédiatement inférieur à celui de l’intimée qui en raison de son coefficient se classe au niveau 4 ).
Le garçon de voyage ou responsable de voyage 1er échelon est un cadre qui
suivant les ordres reçus de l’entraîneur, assure le bon déroulement des déplacements, au cours desquels il/elle remplit les formalités nécessaires sur les hippodromes, prodigue les soins aux chevaux et veille à leur bon état.
Il/elle anime le travail des autres membres du personnel éventuel qui l’accompagnent en déplacement. Lorsqu’il/elle n’est pas en déplacement, il/elle entretient la sellerie et participe normalement au travail de l’écurie, en montant les lots.
Pendant les meetings, il/elle fait le travail de responsable d’écurie. Ce poste n’est pas concevable dans les écuries de moins de vingt-cinq chevaux (coefficient 320).
L’aptitude du garçon de voyage à accomplir des formalités administratives sur l’hippodrome et à encadrer du personnel est donc le critère essentiel qui le distingue du cavalier d’entrainement .
En l’espèce il ressort des attestations concordantes de M [E] [K] ( pièce 27 de l’intimée) , de M [Y] ( pièce 20) et de Mme [S] (pièce 7 ) que l’intimée conduisait seules les chevaux sur les hippodromes , s’occupait du matériel et encadrait le personnel ( les meneurs) allant aux courses en l’absence de son employeur.
Mme [Z] ne démontre pas avoir exercé ses fonctions depuis janvier 2014 alors qu’à cette époque le jugement relève que les postes de Garçons de voyage étaient occupés par MM [T] et [L] , les agendas produits aux débats permettent néanmoins de considérer que les fonctions ont été exercées à compter de janvier 2015 postérieurement au départ de M [L] en octobre 2014 . Dans ces conditions le jugement doit être confirmé en ce qu’il a positionné l’intimée sur le poste de garçon de voyage mais infirmé en ce qu’il a fixé le point de départ de l’exercice des fonction en aout 2015 ; Le rappel de salaire est fixé à compter du 1er janvier 2015 jusqu’à la date de la rupture du contrat de travail soit (1949,63 euros – 1602,67) x 39 = 13 531,44 euros
IV sur la demande au titre des heures supplémentaires
Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce l’intimée présente en pièce 5 de son dossier un décompte des heures supplémentaires accomplies à partir de l’annee 2015 , établi et détaillé par semaine , qui permet à l’employeur de produire ses propres éléments ce qu’il ne fait pas.
S’agissant d’entretien de chevaux les heures supplémentaires sont nécéssairement justifiées par la mission confiée.
Le jugement est en conséquence confirmé sur ce point .
V sur les frais de déplacement
Il résulte des relevés de compte produits par l’intimée aux débats que l’employeur a régulièrement payé des frais de déplacement de montant variable . En l’absence de production de pièces justificatives et d’un décompte détaillé pour le reliquat de frais dont il est sollicité le paiement , la cour confirme le jugement en ce qu’il a débouté l’intimée de sa demande.
VI sur le complément de salaire au titre de la prévoyance
l’intimée ne verse aux débats aucun document ( contrat de prévoyance ) permettant à la cour de vérifier que des sommes lui restent dues pour la période du 1 janvier au 26 mars 2018 au titre de la prévoyance alors que des indemnités lui sont servies depuis le mois de mai 2017 ;
Elle ne justifie pas notamment s’être adressée à l’organisme de prévoyance afin d’obtenir le décompte des indemnités dues .Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande
V sur les effets de la prise d’acte du 26 mars 2018
Lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient. Dans ce cas le juge doit accorder au salarié qui le demande, l’indemnité de préavis et les congés payés afférents, l’indemnité de licenciement et les dommages-intérêts auxquels il aurait eu droit en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Pour que la prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les faits invoqués par le salarié doivent non seulement être établis mais constituer des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Il incombe au salarié de prouver la réalité des griefs qu’il invoque.
Dans le cas contraire la prise d’acte produit les effets d’une démission.
L’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige. Il y a donc lieu d’examiner les manquements de l’employeur invoqués par le salarié dans ses conclusions, même si ce dernier ne les a pas mentionnés dans cet écrit
En l’espèce la prise d’acte est postérieure à l’audience de conciliation au cours de laquelle Mme [Z] a demandé à son employeur de lui reconnaitre la qualification de responsable de voyage correspondant à l’emploi effectivement exercé ainsi que l’a retenu la cour ,et de lui payer les heures supplémentaires sur l’éxécution desquelles il n’a fourni aucun élément contraire .
Ces deux manquements d’une particulière gravité en ce qu’ils affectent des éléments essentiels du contrat de travail justifient la rupture aux torts de l’employeur
Le jugement est en conséquence confirmé sur le montant des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse , le montant de l’indemnité de préavis .
Par application des dispositions de l’article 14 de l’annexe III de la convention collective applicable et R, 1234-2 du Code du Travail, il y a lieu d’allouer à Madame [W] [Z] la somme de 2602,02 Euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, calculé comme il suit : [(1,5/5 x 1 949,63) /12] x 39 + [(1/4 x 1 602,67) /12] x 21 = 2.602,02 Euros ; Le jugement sera donc infirmé sur le montant de cette indemnité.
VI sur la liquidation de l’astreinte.
En l’espèce l’astreinte prononcée par le conseil de prud’hommes est nécéssairement une astreinte provisoire en application de l’article L 131-2 du code des procédures civiles d’éxécution ;
Il est constant que l’employeur auquel le jugement a été notifié le 9 avril n’a pas éxécuté l’obligation assortie de l’astreinte dans le délai d’un mois qui lui était imparti dès lors que la remise des documents visés par le jugement n’est intervenue qu le 28 mai 2019 (pièce 28 de l’intimée) soit avec 18 jours de retard
En vertu de l’article L. 131-4 du CPCE, ‘le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en
tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés
qu’il a rencontrées pour l’exécuter’.
En l’espèce le débiteur de l’astreinte ne fait valoir aucune difficulté rencontrée dans l’éxécution du jugement . La cour fait donc droit à la demande.
IL convient de condamner l’appelant qui succombe à payer à l’intimée la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 en cause d’appel et de le débouter de sa prétention sur ce fondement
L’arrêt sera déclaré opposable à l’UNEDIC-AGS CGEA DE MARSEILLE étant précisé que l’AGS garantit les sommes qui sont dues au jour du jugement d’ouverture de la procédure collective de l’employeur (L. 3253-8, 1° C.TRAV.)En l’espèce la prise d’acte étant antérieure à l’ouverture de la procédure de redressement il n’y a pas lieu de statuer sur le sort des sommes dues postérieurement au jugement d’ouverture.
Par ces motifs
la cour statuant publiquement et contradictoirement
Confirme le jugement sauf en ce qui concerne le montant du rappel de salaire au titre de la requalification de l’emploi de cavalier d’entrainement en garçon de voyage et le montant de l’indemnité de licenciement
Statuant à nouveau de ces chef
Fixe la créance de Mme [Z] sur le redressement judiciaire de l’EARL JM CAPITTE à :
– la somme 13 531,44 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1 janvier 2015 au 26 mars 2018
– la somme de 2.602,02 Euros à titre d’indemnité de licenciement
et y ajoutant
Fixe la créance de Mme [Z] sur le redressement judiciaire de l’EARL JM CAPITTE à la somme de 3600 euros au titre de la liquidation de l’astreinte fixée par le jugement dont appel
Fixe la créance à payer à Mme [Z] à la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du CPC
Déboute l’EARL JM CAPITTE de sa demande au titre de l’article 700 du CPC
Déclare le présent arrêt opposable à l’UNEDIC-AGS CGEA DE MARSEILLE qui garantit les sommes dues au jour du jugement d’ouverture de la procédure collective de l’employeur à l’exception des sommes fixée au titre de l’article 700 du CPC et au titre de l’astreinte (L. 3253-8, 1° C.TRAV.) dans la limite du plafond applicable (articles L. 3253-17 et D. 3253-5), et ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par ce celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L. 3253-19 du Code du travail
Dit que les dépens seront inscrit en frais de procédure collective.
Le Greffier Le Président