Ce point juridique est utile ?
L’utilisation d’icônes ou de liens “plus d’informations” par les opérateurs de plateforme en ligne n’est pas, dans certaines circonstances, à même de répondre aux exigences légales du Code de la consommation.
Amende confirmée
La sanction infligée par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) à TripAdvisor (amende de 230 000 euros) a été confirmée par les juges administratifs.
Notion d’opérateur de plateforme en ligne
Aux termes de l’article L. 111-7 du code de la consommation :
” I.- Est qualifiée d’opérateur de plateforme en ligne toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur : / 1° Le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ; / 2° Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service.
II.- Tout opérateur de plateforme en ligne est tenu de délivrer au consommateur une information loyale, claire et transparente sur : / 1° Les conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation qu’il propose et sur les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des contenus, des biens ou des services auxquels ce service permet d’accéder ; / 2° L’existence d’une relation contractuelle, d’un lien capitalistique ou d’une rémunération à son profit, dès lors qu’ils influencent le classement ou le référencement des contenus, des biens ou des services proposés ou mis en ligne ; / 3° La qualité de l’annonceur et les droits et obligations des parties en matière civile et fiscale, lorsque des consommateurs sont mis en relation avec des professionnels ou des non-professionnels.
L’affichage conforme des prix
En premier lieu, compte tenu des termes clairs des dispositions du 2° de l’article D. 111-13 du code de la consommation et de l’objet de l’obligation qu’elles instaurent, qui vise à garantir une information complète et accessible des consommateurs et à les protéger contre les manœuvres commerciales déloyales, l’expression « prix total par consommateur » apparaissait à l’époque des faits litigieux suffisamment précise pour permettre à un opérateur de raisonnablement prévoir qu’elles empêchaient de faire d’abord apparaître à proximité des offres, s’agissant des hôtels, le prix moyen par nuitée, s’agissant des vols, le prix moyen par passager.
Affichage des critères de référencement
Aux termes de l’article D. 111-12 du code de la consommation, toute personne exerçant une activité d’opérateur de plateforme doit faire apparaître, de manière lisible et compréhensible, en haut de chaque page de résultats de comparaison et avant le classement des offres, le caractère exhaustif ou non des offres de biens ou de services comparées et du nombre de sites ou d’entreprises référencés et le caractère payant ou non du référencement.
Ces dispositions s’opposent à ce que les informations concernées soient seulement mises à dispositions des utilisateurs par le biais d’une icône « ’ » située en haut de la page des résultats.
Ces dispositions sont en elles-mêmes suffisamment claires pour qu’un opérateur comprenne que le recours à une telle icône, qui ne permet pas à l’utilisateur, avant qu’il clique dessus, de connaître les informations vers lesquelles elle renvoie, et qui lui impose en toute hypothèse un détour hasardeux afin d’y accéder, ne pouvait être regardé comme les faisant apparaître « de manière lisible et compréhensible .
Création d’une rubrique spécifique
Par ailleurs, aux termes de l’article D. 111-7 du code de la consommation :
” I.- Tout opérateur de plateforme en ligne mentionné au I de l’article L. 111-7 précise dans une rubrique spécifique les modalités de référencement, déréférencement et de classement. Cette rubrique est directement et aisément accessible à partir de toutes les pages du site. Elle comporte les informations suivantes :
1° Les conditions de référencement et de déréférencement des contenus et des offres de biens et services, notamment les règles applicables pour être référencé et les obligations dont le non-respect conduit à être déréférencé ;
2° Les critères de classement par défaut des contenus et des offres de biens et services, ainsi que leur principaux paramètres ;
3° Le cas échéant, l’existence d’un lien capitalistique ou d’une rémunération entre l’opérateur de plateforme et les offreurs référencés dès lors que ce lien ou que cette rémunération exercent une influence sur le référencement ou le classement des contenus, des biens ou des services proposés ou mis en ligne.
II.- Pour chaque résultat de classement, à proximité de l’offre ou du contenu classé, tout opérateur de plateforme en ligne fait apparaître, par tout moyen distinguant ce résultat, l’information selon laquelle son classement a été influencé par l’existence d’une relation contractuelle, d’un lien capitalistique ou d’une rémunération entre l’opérateur de plateforme et l’offreur référencé, y compris sur ce qui relève de la publicité au sens de l’article 20 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance en l’économie numérique.
Tout opérateur de plateforme en ligne fait apparaître, de manière lisible et aisément accessible, sur chaque page de résultats, le critère de classement utilisé ainsi que la définition de ce critère, y compris par renvoi à la rubrique mentionnée au I. “.
La présence de liens intitulés « Plus d’infos » ou « Informations sur votre service » menant à la rubrique présentant les informations relatives aux modalités de référencement, déréférencement et de classement des offres ne suffit pas à satisfaire à l’obligation posée par les dispositions de l’article D. 111-7 du code de la consommation.
De tels intitulés ne sont pas suffisamment explicites pour rendre la rubrique vers laquelle ils renvoient « directement et aisément accessible » aux utilisateurs de la plateforme comme l’imposent les dispositions précitées.
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Tribunal administratif de Paris, 2e section – 1re chambre, 7 février 2023, n° 2107404Tribunal administratif de Paris, 2e section – 1re chambre, 7 février 2023, n° 2107404
Vu la procédure suivante :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 7 avril 2021, 10 mai 2021 et 5 septembre 2022, la société TripAdvisor, représentée par Mes Lazerges et Ninane, demande au tribunal :
1°) d’annuler la décision du 18 novembre 2020 par laquelle la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) lui a infligé une amende de 230 000 euros, en application de l’article L. 522-1 du code de la consommation, et a ordonné la publication de cette décision sur le site internet du service pendant une durée de 30 jours ;
2°) à titre subsidiaire, de réduire le montant de cette sanction pécuniaire ;
3°) d’enjoindre à la DGCCRF de publier sur son site internet le présent jugement dans les mêmes conditions que celles fixées par la décision attaquée ;
4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
— la décision attaquée a été prise en méconnaissance des droits de la défense ;
— elle est entachée d’insuffisance de motivation ;
— elle est fondée, à plusieurs titres, sur des articles de la partie règlementaire du code de la consommation qui sont contraires à la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs ;
— elle est fondée sur des dispositions règlementaires – les 1° et 2° de l’article L. 111-13, 1° du I. de l’article D. 111-8 et 2° et 3° de l’article D. 111-12 du code de la consommation – qui méconnaissent le principe de légalité des délits et des peines ;
— elle est entachée d’erreur de fait en ce qui concerne le manquement tiré de ce que l’inclusion ou non du petit-déjeuner n’était pas affichée à proximité des offres d’hébergement, en méconnaissance des dispositions de l’article D. 111-13 du code de la consommation ;
— la partie de la sanction fondée sur le manquement à l’article D. 111-7 du code de la consommation tenant au caractère non-explicite du lien menant à la rubrique spécifique sur les modalités de fonctionnement de la plateforme est entachée d’erreur d’appréciation et d’erreur de fait ;
— la partie de la sanction fondée sur le manquement à l’article D. 111-13 du code de la consommation tenant à ce qu’elle ne fournirait pas d’informations sur la politique en matière de bagages pour les offres de vols est entachée d’erreur de fait ;
— le montant de la sanction pécuniaire est disproportionné ;
— la publication de la décision sur le site de la DGCCRF est disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2022, le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 16 septembre 2022, la clôture de l’instruction a été fixée au 17 octobre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
— la directive (CE) n° 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 ;
— le code de la consommation ;
— le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus, au cours de l’audience publique :
— le rapport de M. A,
— les conclusions de M. Mazeau, rapporteur public,
— et les observations de Me Lazerges, pour la société TripAdvisor.
Une note en délibéré a été produite pour la société TripAdvisor, enregistrée le 26 janvier 2023.
Considérant ce qui suit :
- La société de droit américain TripAdvisor LLC édite une plateforme de voyage proposant, sur le site internet www.tripadvisor.fr, des services d’hébergement, restauration, réservation de billets d’avion, location de vacances et activité touristiques. Elle a fait l’objet de contrôles diligentés par la DGCCRF en août 2018, au terme desquels le service a décidé, par une décision du 18 novembre 2020, de lui infliger une amende de 230 000 euros et de publier un communiqué résumant cette décision sur son site internet pendant une durée de 30 jours. La société TripAdvisordemande l’annulation ou, à défaut, la réduction de ces sanctions.
Sur les conclusions aux fins d’annulation et de réformation :
- Aux termes de l’article L. 111-7 du code de la consommation : ” I.- Est qualifiée d’opérateur de plateforme en ligne toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur : / 1° Le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ; / 2° Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service. / II.- Tout opérateur de plateforme en ligne est tenu de délivrer au consommateur une information loyale, claire et transparente sur : / 1° Les conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation qu’il propose et sur les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des contenus, des biens ou des services auxquels ce service permet d’accéder ; / 2° L’existence d’une relation contractuelle, d’un lien capitalistique ou d’une rémunération à son profit, dès lors qu’ils influencent le classement ou le référencement des contenus, des biens ou des services proposés ou mis en ligne ; / 3° La qualité de l’annonceur et les droits et obligations des parties en matière civile et fiscale, lorsque des consommateurs sont mis en relation avec des professionnels ou des non-professionnels. / Un décret précise les conditions d’application du présent article en tenant compte de la nature de l’activité des opérateurs de plateforme en ligne. / Ce décret précise, par ailleurs, pour tout opérateur de plateforme en ligne dont l’activité consiste en la fourniture d’informations permettant la comparaison des prix et des caractéristiques de biens et de services proposés par des professionnels, les informations communiquées aux consommateurs portant sur les éléments de cette comparaison et ce qui relève de la publicité au sens de l’article 20 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. / Ce décret fixe également les modalités selon lesquelles, lorsque des professionnels, vendeurs ou prestataires de services sont mis en relation avec des consommateurs, l’opérateur de plateforme en ligne met à leur disposition un espace leur permettant de communiquer aux consommateurs les informations prévues aux articles L. 221-5 et L. 221-6. “.
En ce qui concerne la légalité externe :
- En premier lieu, aux termes de l’article L. 522-4 du code de la consommation : « Une copie du procès-verbal constatant les manquements passibles d’une amende administrative en est transmise à la personne mise en cause. » Aux termes de l’article L. 522-5 du même code : « Avant toute décision, l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation informe par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée à son encontre, en lui indiquant qu’elle peut se faire assister par le conseil de son choix et en l’invitant à présenter, dans un délai précisé par le décret mentionné à l’article L. 522-10, ses observations écrites et, le cas échéant, ses observations orales. / Passé ce délai, elle peut, par décision motivée, prononcer l’amende. ».
- Tout d’abord, il résulte de l’instruction que la DGCCRF a communiqué à la société requérante le procès-verbal constatant les manquements qui lui sont reprochés, clos le 5 septembre 2019, en pièce jointe à la lettre de contradictoire avant sanction administrative notifiée le 17 février 2020. Toutefois, ni les dispositions de l’article L. 522-4 du code de la consommation, ni aucun autre texte ou principe n’imposait au service de communiquer ce procès-verbal immédiatement après sa clôture.
- Ensuite, la société requérante soutient que le délai de près de dix-neuf mois qui s’est écoulé entre la clôture du procès-verbal de manquements et sa communication à la société est excessif et l’a placée dans une situation de désavantage par rapport à l’administration en l’empêchant de prendre connaissance des griefs formulés à son encontre, d’adopter d’éventuelles mesures correctives nécessaires pour y remédier, voire, en cas de désaccord, de contester les constatations du service. Il résulte toutefois de l’instruction qu’à la suite des contrôles diligentés en août 2018, une réunion s’est tenue le 9 novembre suivant entre les parties prenantes, au cours de laquelle la DGCCRF a fait état d’une série d’éléments qu’elle considérait comme non-conformes aux dispositions du code de la consommation. A cet égard, si la société soutient que des informations seulement partielles ou trop imprécises lui ont alors été communiquées, elle n’apporte aucune précision à l’appui de ses allégations permettant de l’établir. D’ailleurs, il résulte également de l’instruction que le 4 décembre 2018, réagissant aux observations ainsi faites au cours de cette réunion du 9 novembre 2018, la société a informé la DGCCRF des nombreux changements qu’elle avait opérés sur son site internet ou qui étaient sur le point de l’être afin d’en tenir compte, ainsi que de certaines difficultés qu’elle rencontrait à cette fin, ce qui atteste des informations précises qui ont pu lui être communiquées lors de cette rencontre. Par ailleurs, il ne résulte d’aucun texte ou principe que la DGCCRF avait l’obligation de répondre à son courrier du 4 décembre 2018.
- Enfin, dans sa lettre de contradictoire avant sanction, ainsi qu’il a été dit, le service a communiqué à la société le procès-verbal de constatations des manquements sur lequel est appuyée sa décision et l’a informée de ce qu’elle disposait d’un mois à compter de la notification de ce courrier pour faire valoir ses observations, ce qu’elle a fait par lettre du 24 juillet 2020, disposant en tout état de cause d’un délai suffisant pour se défendre jusqu’à la décision attaquée en date du 18 novembre 2020.
- Il résulte de ce qui précède que la société requérante n’est fondée à soutenir ni qu’un délai excessif s’est écoulé entre la date à laquelle les manquements qui lui sont reprochés ont été constatés et la date à laquelle les griefs retenus par l’administration lui ont été communiqués, ni qu’elle s’est trouvée placée dans une situation de net désavantage par rapport au service et privée de la possibilité raisonnable de défendre sa cause, ni, ainsi, que les dispositions précitées du code de la consommation et le principe des droits de la défense ont été méconnus.
- En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : () 2° Infligent une sanction () ». L’article L. 211-5 du même code dispose : « La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. »
- Il ressort des termes de la décision attaquée que celle-ci liste les manquements retenus, dont la teneur exacte est explicitée dans le procès-verbal de constatations communiqué le 17 février 2020, ainsi que les dispositions du code de la consommation en application desquelles elle les a sanctionnés. La décision précise ensuite les éléments dont le service a tenu compte pour apprécier le montant de la sanction, à savoir l’importance de la réglementation appliquée, l’ampleur des manquements constatés, compte tenu du nombre d’informations omises dans le cadre des obligations résultant de l’article L. 111-7 du code de la consommation, le chiffre d’affaires dégagé par la version française de la plateforme en 2017 pour les services liés à la comparaison de vols et d’hôtels et le chiffre d’affaires mondial pour l’année 2017, ainsi que le nombre de visites du sites internet comptabilisées au mois d’août 2018 et au premier semestre 2018. Elle détaille enfin, manquement par manquement, les éléments de calcul sur lesquels elle se fonde pour fixer le montant de la sanction litigieuse. Contrairement à ce que soutient la société requérante, ces éléments de calcul, éclairés par les considérations qui précèdent, sont suffisamment précis pour lui permettre de comprendre la sanction qui lui a été infligée. Par ailleurs, s’il est vrai que l’administration a reproduit, dans la décision litigieuse, les appréciations qui figuraient déjà dans sa lettre de contradictoire avant sanction, elle y indique toutefois expressément avoir tenu compte des observations formulées par la société et mentionne, dans la partie consacrée au calcul, les manquements pour lesquels elle a décidé de réduire le montant des sanctions initialement prévues. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
S’agissant de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 :
- Les dispositions des articles L. 111-7 et L. 111-7-2 du code de la consommation, dont les conditions d’application ont été précisées par les décrets n° 2017-1434, n° 2017-1435 et n° 17-1436 du 27 septembre 2017 modifiant les dispositions des articles D. 111-6 à D. 111-10 et créant les articles D. 111-10 à D. 111-19 du code de la consommation, visent seulement à renforcer les obligations d’information des opérateurs de plateformes numériques et n’ont pas pour objet d’interdire de manière générale des pratiques commerciales déloyales au sens de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cette directive doit en tout état de cause être écarté.
S’agissant du principe de légalité des délits et des peines :
- Le principe de légalité des délits et des peines, qui s’étend à toute sanction ayant le caractère d’une punition, fait obstacle à ce que l’administration inflige une sanction si, à la date des faits litigieux, la règle en cause n’est pas suffisamment claire, de sorte qu’il n’apparaît pas de façon raisonnablement prévisible par les professionnels concernés que le comportement litigieux est susceptible d’être sanctionné.
- En premier lieu, aux termes de l’article D. 111-13 du code de la consommation : ” Sans préjudice des obligations d’information prévues aux articles L. 221-5 et L. 222-5 applicables aux vendeurs à distance de produits et de services, toute personne exerçant l’activité mentionnée au neuvième alinéa de l’article L. 111-7 fait apparaître, de manière lisible et compréhensible, à proximité de chaque offre de produit ou de services dont elle propose la comparaison, les informations suivantes : / 1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service ; / 2° Le prix total à payer par le consommateur () “.
- D’une part, compte tenu de l’importance objective d’une telle prestation dans une offre hôtelière, de la part non-négligeable qu’elle est susceptible de représenter dans son prix total et de ce qu’elle est très fréquemment un critère du choix des voyageurs, la société requérante n’est pas fondée à soutenir qu’elle ne pouvait raisonnablement prévoir que l’inclusion ou non du petit déjeuner constituait l’une des caractéristiques essentielles d’une prestation hôtelière au sens des dispositions précitées du 1° de l’article D. 111-13 du code de la consommation.
- D’autre part, compte tenu des termes clairs des dispositions du 2° de l’article D. 111-13 du code de la consommation et de l’objet de l’obligation qu’elles instaurent, qui vise à garantir une information complète et accessible des consommateurs et à les protéger contre les manœuvres commerciales déloyales, l’expression « prix total par consommateur » apparaissait à l’époque des faits litigieux suffisamment précise pour permettre à un opérateur de raisonnablement prévoir qu’elles empêchaient de faire d’abord apparaître à proximité des offres, s’agissant des hôtels, le prix moyen par nuitée, s’agissant des vols, le prix moyen par passager. Le moyen tiré de la méconnaissance par ces dispositions du principe de délit et des peines doit par suite être écarté.
- En deuxième lieu, aux termes de l’article D. 111-8 du code de la consommation : « I.- Tout opérateur de plateforme en ligne, dont l’activité relève du 2° du I de l’article L. 111-7, précise, dans une rubrique directement et aisément accessible à partir de toutes les pages du site, sans que l’utilisateur ait besoin de s’identifier, les informations suivantes : / 1° La qualité des personnes autorisées à déposer une offre de biens et de services, et notamment leur statut de professionnel ou de consommateur () ».
- La société soutient que les notions de « professionnel » et « consommateur » n’étaient pas suffisamment claires pour l’application des dispositions précitées de l’article D. 111-8 du code de la consommation, en méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines. Elle se prévaut, en particulier, de ce que l’obligation figurant à cet article fait l’objet d’applications différentes parmi les Etats membres. Elle ajoute avec raison, contrairement à ce que soutient l’administration en défense, que ces dispositions n’imposent pas, comme le fait le 1° du II de ce même article, de se fonder sur le seul statut déclaré par l’offreur. Toutefois, alors que la société n’avait pas même tenté de se conformer à l’obligation fixée par ces dispositions, en reprenant le cas échéant les définitions, même imprécises, des notions de « consommateur », « professionnel » et « non-professionnel » figurant à l’article liminaire du code de la consommation, elle ne peut utilement soutenir que les dispositions du 1° du I. de l’article D. 111-8 du code de la consommation, qui n’ont pas été adoptées pour l’application de textes européens, méconnaissent le principe de légalité des délits et des peines.
- En dernier lieu, aux termes de l’article D. 111-12 du code de la consommation : ” Toute personne exerçant l’activité mentionnée au neuvième alinéa de l’article L. 111-7 fait apparaître, de manière lisible et compréhensible, en haut de chaque page de résultats de comparaison et avant le classement des offres, les informations suivantes : () 2° Le caractère exhaustif ou non des offres de biens ou de services comparées et du nombre de sites ou d’entreprises référencés ; / 3° Le caractère payant ou non du référencement. “.
- La société soutient qu’il n’était pas possible de raisonnablement prévoir que les dispositions qui viennent d’être citées s’opposaient à ce que les informations concernées soient seulement mises à dispositions des utilisateurs par le biais d’une icône « ’ » située en haut de la page des résultats. Toutefois, ces dispositions sont en elles-mêmes suffisamment claires pour qu’un opérateur comprenne que le recours à une telle icône, qui ne permet pas à l’utilisateur, avant qu’il clique dessus, de connaître les informations vers lesquelles elle renvoie, et qui lui impose en toute hypothèse un détour hasardeux afin d’y accéder, ne pouvait être regardé comme les faisant apparaître « de manière lisible et compréhensible ». Le moyen tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines doit par suite être écarté.
S’agissant des moyens d’erreurs de fait et d’appréciation :
- En premier lieu, aux termes de l’article D. 111-7 du code de la consommation : ” I.- Tout opérateur de plateforme en ligne mentionné au I de l’article L. 111-7 précise dans une rubrique spécifique les modalités de référencement, déréférencement et de classement. / Cette rubrique est directement et aisément accessible à partir de toutes les pages du site. Elle comporte les informations suivantes : / 1° Les conditions de référencement et de déréférencement des contenus et des offres de biens et services, notamment les règles applicables pour être référencé et les obligations dont le non-respect conduit à être déréférencé ; / 2° Les critères de classement par défaut des contenus et des offres de biens et services, ainsi que leur principaux paramètres ; / 3° Le cas échéant, l’existence d’un lien capitalistique ou d’une rémunération entre l’opérateur de plateforme et les offreurs référencés dès lors que ce lien ou que cette rémunération exercent une influence sur le référencement ou le classement des contenus, des biens ou des services proposés ou mis en ligne. / II.- Pour chaque résultat de classement, à proximité de l’offre ou du contenu classé, tout opérateur de plateforme en ligne fait apparaître, par tout moyen distinguant ce résultat, l’information selon laquelle son classement a été influencé par l’existence d’une relation contractuelle, d’un lien capitalistique ou d’une rémunération entre l’opérateur de plateforme et l’offreur référencé, y compris sur ce qui relève de la publicité au sens de l’article 20 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance en l’économie numérique. / Tout opérateur de plateforme en ligne fait apparaître, de manière lisible et aisément accessible, sur chaque page de résultats, le critère de classement utilisé ainsi que la définition de ce critère, y compris par renvoi à la rubrique mentionnée au I. “.
- La société requérante soutient que la présence sur son site de liens intitulés « Plus d’infos » ou « Informations sur votre service » menant à la rubrique présentant les informations relatives aux modalités de référencement, déréférencement et de classement des offres suffisait à satisfaire à l’obligation posée par les dispositions de l’article D. 111-7 du code de la consommation. Toutefois, ainsi que le fait valoir l’administration en défense, de tels intitulés ne sont pas suffisamment explicites pour rendre la rubrique vers laquelle ils renvoient « directement et aisément accessible » aux utilisateurs de la plateforme comme l’imposent les dispositions précitées. Le moyen doit par suite être écarté.
- En second lieu, il résulte de l’instruction, notamment du procès-verbal de constatation des manquements, que les frais supplémentaires de bagages n’apparaissaient pas immédiatement sur les pages de résultats de comparaison des vols, ni immédiatement sur les pages des offres. Si la société soutient que ces pages comportaient une mention indiquant que « les prix incluent les taxes, mais des frais de bagages ou autres peuvent aussi s’appliquer », et qu’une icône « frais de bagages » renvoyait à une page intitulée « frais de bagages des compagnies aériennes » sur laquelle figurait une liste de sociétés aériennes et de leurs politiques en matière de frais de bagages, un tel détour par des pages successives, qui, au demeurant, ne permettait pas toujours, ainsi que l’a constaté le service, d’accéder aux informations recherchées, ne permet pas de considérer que celles-ci figuraient de manière lisible et compréhensible, à proximité de chaque offre, conformément aux dispositions de l’article D. 111-13 du code de la consommation. Le moyen tiré de l’erreur de fait doit par suite être écarté.
S’agissant de la proportionnalité de la sanction pécuniaire :
- Aux termes de l’article L. 131-4 du code de la consommation : « Tout manquement aux obligations d’information mentionnées à l’article L. 111-7 et à l’article L. 111-7-2 du présent code () est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale () ».
- En conséquence des manquements qu’elle a constatés, la DGCCRF a infligé à la société requérante une amende de 230 000 euros, décomposée comme suit : 45 000 euros pour le manquement à l’article D. 111-7 du code de la consommation, 40 000 euros pour le manquement à son article D. 111-8, 30 000 euros pour le manquement à son article D. 111-11, 35 000 euros pour le manquement à son article D. 111-12, 60 000 euros pour le manquement à son article D. 111-13 et 20 000 euros pour le manquement à son article D. 111-17. Elle a pris en considération, pour fixer ces montants, l’importance de la réglementation appliquée pour la protection économique du consommateur, l’ampleur des manquements constatés, le chiffre d’affaires dégagé par la version française de la plateforme TripAdvisor en 2017 (35 millions de dollars) pour les services liés à la comparaison de vols et d’hôtels, le chiffre d’affaires mondial pour l’année 2017 (1,05 milliard de dollars) et le nombre de visites du site internet comptabilisées au mois d’août (plus de 90 millions) et au premier semestre 2018 (plus de 322 millions).
- En premier lieu, tout d’abord, il résulte de l’instruction, contrairement à ce que soutient la société requérante, que l’administration a tenu compte de ses observations formulées dans son courrier du 24 juillet 2020 et des actions entreprises pour répondre aux manquements qui lui étaient reprochés, qui l’ont conduite à réduire significativement la sanction de 400 000 euros qu’elle envisageait initialement de lui infliger.
- Ensuite, si la société se prévaut des difficultés rencontrées pour mettre en œuvre l’obligation d’information relative à la qualité des personnes autorisées à déposer une offre de biens et de services découlant de l’article D. 111-8 du code de la consommation, dont elle a informé l’administration à plusieurs reprises sans obtenir de réponse, il résulte de l’instruction, ainsi qu’il a été dit au point 16, d’une part, que cette obligation pouvait être mise en œuvre en se référant, faute de mieux, à l’article préliminaire du code de la consommation, d’autre part, que la société n’avait pas même tenté, à l’époque du contrôle, de s’y conformer.
- Enfin, au regard de ce qui a été dit aux points 13, 14, 16 et 18, la société n’est pas fondée à soutenir que la sanction doit être réduite pour tenir compte de ce que les manquements constatés au titre du 2° de l’article D. 111-13 et des articles D. 111-8 et D. 111-12 auraient été sanctionnés en méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines.
- Au vu de l’ensemble de ces éléments, la société n’est pas fondée à soutenir que la sanction pécuniaire qui lui a été infligée est disproportionnée.
S’agissant de la publication de la sanction :
- Aux termes de l’article L. 522-6 du code de la consommation : « La décision prononcée par l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut être publiée aux frais de la personne sanctionnée. / L’autorité administrative informe préalablement cette dernière, lors de la procédure contradictoire fixée à l’article L. 522-5 de la nature et des modalités de la publicité envisagée. ».
- La DGCCRF a décidé d’assortir la sanction pécuniaire infligée à la société de la publication, à ses frais, sur le site internet du service et pendant une durée de 30 jours, d’un communiqué faisant état, en substance, des manquements constatés et de la sanction prononcée. Outre sa portée punitive, l’objet de cette publication est de porter à la connaissance de toutes les personnes intéressées, en particulier les utilisateurs de la plateforme TripAdvisor et les autres opérateurs de plateforme en ligne, tant les irrégularités qui ont été commises que les sanctions que celles-ci ont appelé, afin de satisfaire aux exigences d’intérêt général relative à l’information claire et loyale des consommateurs et au bon fonctionnement du secteur.
- Il appartient toutefois à l’administration, sous le contrôle du juge, de vérifier que la décision de publication et ses modalités respectent un équilibre entre les exigences d’intérêt général citées au point précédent et les intérêts de la société.
- A cet égard, la société soutient, tout d’abord, que le fait que le communiqué publié indique que l’administration a relevé des manquements résultant, notamment, de l’absence de communication au consommateur de certaines informations relatives « à la nature publicitaire des offres » est erroné et de nature à induire les tiers en erreur. Il résulte toutefois de l’instruction que la société a méconnu ses obligations résultant de l’article D. 111-12 du code de la consommation en n’informant pas de manière lisible et compréhensible ses utilisateurs sur le caractère payant des offres référencées et classées sur les pages affichant les résultats de comparaisons, c’est-à-dire, précisément, sur leur nature éventuellement publicitaire. La formule utilisée par l’administration pour résumer ces manquements n’apparaît ainsi pas fallacieuse.
- Ensuite, si la société fait valoir qu’elle a immédiatement remédié à ce que la DGCCRF considérait, même avant le prononcé de la sanction, comme des manquements au droit de la consommation, elle ne l’établit pas, le tableau d’observations qu’elle a adressé à l’administration le 4 décembre 2018 mentionnant à cet égard, s’agissant de la plupart des manquements, des actions à ce stade seulement envisagées. En outre, même à la supposer établie, la circonstance que la société aurait remédié sans délai à toutes les irrégularités identifiées par l’administration ne serait pas de nature à remettre en cause leur matérialité et, le cas échéant, leur gravité au moment du contrôle.
- Enfin, la société soutient que la publication du communiqué avait perdu son utilité deux ans après les faits constatés et que sa durée s’est en réalité prolongée, puisque plusieurs médias en ligne spécialisés s’en sont fait l’écho, ce qui lui a causé un préjudice d’image significatif, alors que sa relation avec ses utilisateurs est entièrement basée sur la confiance. S’il est vrai que la décision de publier une décision de sanction porte en principe toujours une atteinte à l’image de la personne sanctionnée, il n’en demeure pas moins, d’une part, que la décision litigieuse est avant tout justifiée par le nombre et l’ampleur des manquements dont s’est rendue coupable la société, d’autre part, qu’elle n’établit pas que le préjudice qu’elle allègue avoir subi serait excessif.
- Il résulte de ce qui précède que la société TripAdvisor n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision par laquelle la DGCCRF a décidé la publication du communiqué litigieux.
- Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les conclusions aux fins d’annulation et de réformation présentées par la requérante doivent être rejetées.
Sur les conclusions aux fins d’injonction :
- Le présent jugement n’appelle, par lui-même, aucune mesure d’exécution. Les conclusions aux fins d’injonction présentées par la société requérante doivent par suite être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
- Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’a pas la qualité de partie perdante, la somme demandée par la société TripAdvisor au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par la société TripAdvisor est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société TripAdvisor LLC et au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l’audience du 24 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Evgénas, présidente,
Mme Laforêt, première conseillère,
M. Halard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2023.
Le rapporteur,
G. A
La présidente,
J. EVGENASLa greffière
M-C. POCHOT,
La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.