COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
N° RG 22/00467 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PTVS
O R D O N N A N C E N° 2022 – 472
du 23 Novembre 2022
SUR PROLONGATION DE RETENTION D’UN ETRANGER DANS UN ETABLISSEMENT NE RELEVANT PAS DE L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE
dans l’affaire entre,
D’UNE PART :
Monsieur X se disant [V] [T]
né le 05 Janvier 2004 à [Localité 7]
de nationalité Tunisienne
retenu au centre de rétention de [Localité 6] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire,
Comparant, assisté de Maître Laura FERRIER, avocat commis d’office.
Appelant,
et en présence de Madame [M] [H], interprète assermentée en langue arabe.
D’AUTRE PART :
1°) LE PREFET DU LOT-ET-GARONNE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
non représenté,
2°) MINISTERE PUBLIC :
Non représenté
Nous, Myriam BOUZAT conseillère à la cour d’appel de Montpellier, déléguée par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, assistée de Sophie SPINELLA, greffière,
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu l’arrêté du 18 novembre 2022 notifié à 19 heures , de Monsieur LE PREFET DU LOT-ET-GARONNE portant obligation de quitter le territoire national sans délai avec IRTF de 3 ans pris à l’encontre de Monsieur X se disant [V] [T].
Vu la décision de Monsieur LE PREFET DU LOT-ET-GARONNE de placement en rétention administrative du 18 novembre 2022 notifiée à 19 heures 15 à Monsieur X se disant [V] [T], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.
Vu l’ordonnance du 21 Novembre 2022 à 11 heures 33 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Montpellier qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de vingt-huit jours.
Vu la déclaration d’appel faite le 21 Novembre 2022, par Maître Laura FERRIER, avocat, agissant pour le compte de Monsieur X se disant [V] [T], transmise au greffe de la cour d’appel de Montpellier le même jour, à 15 heures39.
Vu les télécopies et courriels adressés le 21 Novembre 2022 à LE PREFET DU LOT ET GARONNE, à l’intéressé, à son conseil, et au Ministère Public les informant que l’audience sera tenue le 23 Novembre 2022 à 14 heures.
L’avocat et l’appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, dans le box dédié de l’accueil de la cour d’appel de Montpellier, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l’entretien, en la seule présence de l’interprète , et ce, sur le temps de l’audience fixée, avec l’accord du délégué du premier président de la cour d’appel de Montpellier.
L’audience publique initialement fixée à 14 heures a commencé à 14 heures 17.
PRETENTIONS DES PARTIES
Assisté de Madame [M] [H], interprète, Monsieur X se disant [V] [T] confirme son identité telle que mentionnée dans l’ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l’audience : ‘ Je suis [T] [V]. Je suis né le 5 janvier 2004 à Tenezith en Tunisie. Je ne suis pas marié. Je n’ai aps d’enfants. Toute ma famille est décédée en Tunisie. Je suis ouvrier dans le batiement. Je n’ai pas de problème de santé. Je suis arrivé en France en 2020. Je suis entré par l’Italie, la Sicile. Je suis entré clandestinement. Je n’ai pas déposé de demande d’asile. Je tente tout le temps de régulariser ma situation. Je suis parti à plusieurs reprises au foyer et on m’a dit que je n’étais pas accepté. Si je dois quitter le territoire, je partirai en Italie. ‘
L’avocat Me [O] [I] développe les moyens de l’appel formé contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l’étranger.
Monsieur le représentant de LE PREFET DU LOT ET GARONNE ne comparait pas mais a fait parvenir un mémoire tendant à voir confirmer l’ordonnance déférée.
Assisté de Madame [M] [H], interprète, Monsieur X se disant [V] [T] a eu la parole en dernier et a déclaré sur transcription du greffier à l’audience : ‘ Je suis prêt à quitter le territoire français. ‘
La conseillère indique que la décision et la voie de recours seront notifiées sur place, après délibéré.
SUR QUOI
Sur la recevabilité de l’appel :
Le 21 Novembre 2022, à 15 heures 39, Maître Laura FERRIER, avocat, agissant pour le compte de Monsieur X se disant [V] [T] a formalisé appel motivé de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention de Montpellier du 21 Novembre 2022 notifiée à 11 heures 33, soit dans les 24 heures de la notification de l’ordonnance querellée, qu’ainsi l’appel est recevable en application des articles R 743-10 et R 743-11 du CESEDA.
Sur l’appel :
L’avocate de l’appelant soutient le défaut de diligences de l’autorité administrative au visa de l’article L 743-1 du CESEDA.
Selon la directive dite « retour » n° 2008-115/CE du 16 décembre 2008, en son article 15 §1, ‘toute rétention est aussi brève que possible et n’est maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise’.
Ce même article, en son §4, précise : « Lorsqu’il apparaît qu’il n’existe plus de perspective raisonnable d’éloignement pour des considérations d’ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe 1 ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté ».
Il résulte de l’article L. 741-3 du CESEDA qu’un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l’administration étant tenue d’exercer toutes diligences à cet effet, dès le placement en rétention (1re Civ., 13 mai 2015, pourvoi n° 14-15.846, Bull. 2015, I, n° 109).
Pour accueillir une demande de première prolongation de 28 jours, sur le fondement de l’article L.742-1 du CESEDA , le juge doit contrôler le caractère suffisant des diligences de l’administration pour organiser le départ de l’étranger.
Parmi les diligences qui doivent être vérifiées figure la saisine rapide des autorités consulaires.
En l’espèce, l’autorité consulaire a saisi les autorités consulaires tunisiennes d’une demande de laissez passer consulaire le samedi 19 novembre 2022 à 10 heures 45 par courriel , soit le lendemain de son placement en rétention administrative. L’autorité administrative a été diligente.
Le juge est tenu de vérifier que les autorités étrangères ont été requises de manière effective. (1re Civ., 12 juillet 2017, pourvoi n° 16-23.458, Bull. 2017, I, n° 175). En l’espèce, le préfet du Lot et Garonne justifie avoir saisi de manière effective le consulat de Tunisie par courriel du 19 novembre 2022.
Dans le cadre d’une enquête de police pour usurpation d’identité, le consul de Tunisie avait identifié le 15 février 2022, l’intéressé qui usait d’alias après que les autorités italiennes ne l’aient pas reconnu comme demandeur d’asile.
Cependant, le préfet n’ayant aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires pour effectuer une relance après une saisine du consulat, il ne peut lui être reproché que la saisine soit restée sans réponse, et il n’ y a pas lieu de vérifier les diligences éventuelles postérieures à la saisine du consulat (1re Civ., 9 juin 2010, pourvoi n° 09-12.165, Bull. 2010, I, n° 129).
L’avocate de l’appelant conteste la recevabilité de la requête préfectorale du 20 novembre 2022 pour motivation erronée de trouble à l’ordre public dans la mesure où les faits de recel de vol et d’usurpation d’identité reprochés à son client sont sanctionnés d’une ordonnance pénale pour l’exécution de laquelle il est convoqué le 29 décembre 2022 devant le tribunal correctionnel d’Agen.
Selon les articles du CESEDA suivants:
-L742-1 : ‘Le maintien en rétention au-delà de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le juge des libertés et de la détention saisie à cette fin par l’autorité administrative.’
-R742-1 : ‘Le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l’autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l’expiration, selon le cas, de la période de quarante-huit heures mentionnée à l’article L. 742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L. 742-4, L. 742-5, L. 742-6 ou L. 742-7.
La requête est adressée par tout moyen au greffe du tribunal compétent conformément aux dispositions de l’article R. 743-1.’
-R743-2 : ‘A peine d’irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l’étranger ou son représentant ou par l’autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.
Lorsque la requête est formée par l’autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l’article L. 744-2.
Lorsque la requête est formée par l’étranger ou son représentant, la décision attaquée est produite par l’administration. Il en est de même, sur la demande du juge des libertés et de la détention, de la copie du registre.’
La requête préfectorale énonce que suite à l’arrêté du préfet de police du 11 avril 2021 portant OQTF , l’intéressé a été inscrit au fichier de personnes recherchées.
‘Les recherches effectuées dans la base de données du fichier de traitement des antécédentsjudiciaires (T.A.J) ont permis d’étabIir que l’intéressé a été signalisé en qualité d’auteur :
– 10 avril 2021 pour violence avec usage ou menace d’une arme sans incapacité et destruction d’un bien appartenant à autrui commis à [Localité 5] sous l’identité d'[R].[F]|,né le 25 janvier 1996 à [Localité 3] (Tunisie),
– 13 avril 2021 pour recel de bien provenant d’un vol, entrée irrégulière d’un étranger en France, entrave àla mise en marche ou à la circulation d’un véhicule de chemin de fer et violence avec usage ou menaced’une arme suivie d’incapacité n’excédant pas 8jours commis à [Localité 4] (77), sous l’identité d'[R][F], né le 25janvier1996 à [Localité 3] (Tunisie),
– 15 janvier 2022 pour conduite d’un véhicule en ayant fait usage de substances ou plantes classéescomme stupéfiants commis à Saint lsmier (38), sous l’identité d'[R] [F] né le 25 mars 1995 à [Localité 2] (Tunisie).’
La requête en prolongation du maintien de la mesure n’est pas motivée uniquement par le trouble à l’ordre public que représenterait la mise en liberté de l’intéressé puisqu’il est en situation irregulière sur le sol français depuis au moins 2019, qu’il est connu des services de police pour avoir commis plusieurs délits, qu’il n’est pas documenté, SDF, qu’il s’est soustrait à une OQTF du 11 avril 2021 prise par le préfet de police, et qu’il a déclaré lors de son audition du 17 novembre 2022 ne pas vouloir quitter la France.
Les poursuites pénales engagées contre l’appelant suffisent à caractériser un trouble à l’ordre public, d’autant qu’il a été placé en rétention administrative le 18 novembre 2022 après avoir été interpellé le 17 novembre 2022 pour recel de vol et infraction à la législatio sur les étrangers et placé en garde à vue.
La fin de non-recevoir sera donc rejetée.
SUR LE FOND
L’article L742-3 du ceseda : ‘Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court pour une période de vingt-huit jours à compter de l’expiration du délai de quarante-huit heures mentionné à l’article L. 741-1.’
En application des dispositions de l’article L612-2 du ceseda: ‘Par dérogation à l’article L. 612-1, l’autorité administrative peut refuser d’accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants :
1° Le comportement de l’étranger constitue une menace pour l’ordre public ;
2° L’étranger s’est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ;
3° Il existe un risque que l’étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l’objet.’
Et selon l’article L 612-3 du ceseda: ‘Le risque mentionné au 3° de l’article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :
1° L’étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;
2° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;
3° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français plus d’un mois après l’expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4° L’étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
5° L’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;
6° L’étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l’un des États avec lesquels s’applique l’acquis de Schengen, fait l’objet d’une décision d’éloignement exécutoire prise par l’un des États ou s’est maintenu sur le territoire d’un de ces États sans justifier d’un droit de séjour ;
7° L’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage ou a fait usage d’un tel titre ou document ;
8° L’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut présenter des documents d’identité ou de voyage en cours de validité, qu’il a refusé de communiquer les renseignements permettant d’établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu’il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d’empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l’article L. 142-1, qu’il ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu’il s’est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.’
En l’espèce, l’intéressé ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de soustraction à la mesure qui est considéré comme établi au visa de l’ article L 612-3, 1°, 4°, 5° et 8° du ceseda puisqu’il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour, a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français, s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement (OQTF 11.04.2021 du préfet de police) , ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut présenter des documents d’identité ou de voyage en cours de validité, qu’il a refusé de communiquer les renseignements permettant d’établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu’il ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale.
Il y a lieu en conséquence de confirmer l’ordonnance déférée.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement,
Vu l’article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile,
Déclarons l’appel recevable,
Rejetons la fin de non recevoir et moyen de nullité,
Confirmons la décision déférée,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l’article R743-19 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile,
Fait à Montpellier, au palais de justice, le 23 Novembre 2022 à 14 heures 30.
Le greffier, Le magistrat délégué,