CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 23 juin 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 682 F-D
Pourvoi n° R 20-21.737
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 JUIN 2022
La société des [4], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° R 20-21.737 contre l’arrêt rendu le 10 septembre 2020 par la cour d’appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l’opposant à l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) de Provence-Alpes-Côte d’Azur, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société des [4], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l’URSSAF de Provence-Alpes-Côte d’Azur, et l’avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 10 septembre 2020), après vérification de l’assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés et de la contribution additionnelle dues par la société des [4] (la société) au titre de l’exercice 2015 puis des exercices 2013, 2014 et 2016, la Caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des indépendants, aux droits de laquelle vient l’Urssaf de Provence-Alpes-Côte d’Azur (l’Urssaf), lui a adressé deux mises en demeure, les 17 juin 2016 et 12 avril 2017, pour paiement des contributions et majorations de retard. La société a saisi une juridiction de sécurité sociale de deux recours qui ont été joints.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. La société fait grief à l’arrêt de la débouter de ses demandes, alors :
« 1°/ que la minoration de l’assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés dont le bénéfice est octroyé aux commissionnaires est notamment subordonnée à une rémunération de l’opération d’entremise exclusivement par une commission dont le taux est fixé au préalable d’après le prix, la quantité ou la nature des biens ou des services ; que le fait, pour l’intermédiaire, d’être chargé d’activités connexes de gestion ou de commercialisation des prestations assurées par le mandant ne modifie pas la nature du contrat le liant à ce mandant, ni le rôle d’intermédiaire opaque exercé à l’occasion des transactions correspondantes ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a dénié à la société la qualité d’intermédiaire opaque après avoir considéré que le contrat conclu avec les sociétés d’autoroute ne lui confiait pas une simple activité d’entremise, mais lui confiait également la gestion des factures, leur paiement effectif, la gestion de l’aspect commercial et publicitaire du mode de paiement du péage par le biais de la carte Euroshell, tout en lui transférant le risque financier lié à d’éventuels impayés ; qu’en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les prestations en cause étaient seulement connexes à la prestation proposée par l’intermédiaire de la société, à savoir le droit d’accéder aux infrastructures autoroutières, et ne remettaient pas en cause la qualification d’intermédiaire opaque de cette dernière, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 651-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable en la cause ;
2°/ que la minoration de l’assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés dont le bénéfice est octroyé aux commissionnaires est notamment subordonnée à une rémunération de l’opération d’entremise exclusivement par une commission dont le taux est fixé au préalable d’après le prix, la quantité ou la nature des biens ou des services ; qu’il importe peu que la commission perçue par l’intermédiaire intègre, le cas échéant, des prestations annexes à la prestation offerte par le mandant, telles que des activités de gestion ou de commercialisation ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a jugé que la commission prévue au profit de la société des [4] dans la convention conclue avec la société [2] s’élevait à un taux de 0,4 % hors taxes du montant hors taxes des prestations de péage facturées par le mandant au commissionnaire, et que cette commission ne déterminait ni le prix ni la quantité des services proposés, dont la nature n’était pas précisée ; qu’en se prononçant ainsi, tout en constatant que la commission due à la société des [4] était exprimée sous la forme d’un taux fixé d’après le prix des prestations de péage pratiqué par les sociétés d’autoroute partenaires, permettant l’accès des voyageurs routiers à leurs infrastructures, de sorte que la rémunération de l’opération d’entremise résultait bien exclusivement d’une « commission dont le taux est fixé au préalable d’après le prix, la quantité ou la nature des biens et des services » offerts par le mandant, à savoir l’accès à leurs infrastructures autoroutières, la cour d’appel a violé l’article L. 651-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable en la cause ;
3°/ que la cour d’appel a jugé que la commission prévue au profit de la société des [4] dans la convention conclue avec la société [2] ne déterminait ni le prix ni la quantité des services proposés, dont la nature n’était pas précisée ; qu’en se prononçant ainsi, tandis que l’article 8.1 de la convention [2] prévoyait que la commission versée à la société des [4] rémunérait les « facilités offertes par le passage aux gares de péage d'[2] à la clientèle, [ ] la garantie de paiement des prestations de péages fournies par Shell et [le] risque financier y afférent », ce dont il résultait que les services annexes à la prestation d’accès aux infrastructures autoroutières, fournis par la société des [4], étaient précisément déterminés dans leur nature, ce qui suffisait à satisfaire aux dispositions de l’article L. 651-5 du code de la sécurité sociale, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette convention et méconnu le principe interdisant au juge de dénaturer les documents de la cause ;
4°/ que la minoration de l’assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés dont le bénéfice est octroyé aux commissionnaires est notamment subordonnée à l’établissement d’un mandat préalable, sans permettre au commissionnaire de devenir propriétaire des biens proposés par son entremise ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a dénié à la société des [4] la qualité de commissionnaire opaque s’agissant de l’accès aux infrastructures autoroutières des sociétés partenaires par le biais de la carte Euroshell proposée aux voyageurs routiers, en considérant que les conventions signées avec les sociétés d’autoroute prévoyaient que la seule possibilité pour la société des [4] de mettre en oeuvre ces conventions était de proposer à ses propres clients une carte s’apparentant à une carte bancaire dont elle conservait la propriété, et dont elle assurait la conception et leur acquisition, leur émission ou leur vente, leur mise à disposition et leur échange éventuel ; que la cour d’appel a également considéré que la société des [4] était subrogée dans les droits des sociétés d’autoroute et devait supporter les conséquences de la défaillance du titulaire de la carte ; qu’en se prononçant ainsi, par des motifs impropres à caractériser en quoi la société des [4] pourrait devenir propriétaire d’un bien proposé par les sociétés d’autoroute partenaires, en l’occurrence l’accès à leurs infrastructures, et sans rechercher, comme elle y était invitée, si la circonstance que la société des [4] reste propriétaire de la carte Euroshell était insuffisante pour exclure la qualification de commissionnaire, la société des [4] ne participant pas à l’exploitation des infrastructures autoroutières, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 651-5 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
3. Il résulte de l’article L. 651-5, alinéa 5, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date d’exigibilité des contributions litigieuses, que seules les opérations d’entremise des commissionnaires au sens de l’article L.132-1 du code de commerce rémunérées exclusivement par une commission dont le taux est fixé au préalable d’après le prix, la quantité ou la nature des biens ou des services, ouvrent droit au bénéfice de la diminution d’assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés prévue par le premier de ces textes.
4. L’arrêt retient que la société met en uvre les conventions signées avec les sociétés d’autoroute en remettant à ses propres clients une carte s’apparentant à une carte bancaire qui, permettant le passage aux péages des autoroutes, constitue un moyen de paiement, qu’elle demeure propriétaire de ces cartes, pourvoit elle-même à leur conception, en tout cas à leur acquisition, leur émission ou leur vente, leur mise à disposition, leur échange éventuel, et qu’elle se trouve subrogée dans les droits des sociétés d’autoroute et supporte les conséquences de la défaillance du titulaire de la carte. L’arrêt ajoute que la société est chargée de la gestion des factures ainsi que de leur paiement effectif, qu’elle assure tout l’aspect publicitaire et commercial de ce mode de paiement des péages et que c’est elle et non la société d’autoroutes qui supporte le risque financier. Après avoir relevé, enfin, que la convention prévoit expressément que la commission rémunère la garantie de paiement des prestations fournies par la société et du risque financier y afférent et se trouve qualifiée de globale et forfaitaire, il ajoute que ni le prix ni la quantité ne sont déterminés, et que la nature des services fournis est en réalité indéterminée ou insuffisamment déterminée.
5. De ces constatations et énonciations procédant de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve soumis aux débats, faisant ressortir que la société n’agissait pas en qualité d’intermédiaire au sens des dispositions susvisées, la cour d’appel, qui n’avait pas à se livrer à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a, hors de toute dénaturation, exactement déduit qu’elle ne pouvait pas bénéficier de l’assiette réduite de la contribution sociale de solidarité des sociétés et de la contribution additionnelle.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société des [4] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société des [4] et la condamne à payer à l’URSSAF de Provence-Alpes-Côte d’Azur la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille vingt-deux.