23 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 17/05767

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23 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 17/05767

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 23 JUIN 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/05767 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B3EHH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Février 2017 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 16/01720

APPELANT

Monsieur [U] [I]

C/o [D] [I] [Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Cécile AUBRY, avocat au barreau de PARIS, toque : C1731

INTIMEE

SARL VERSION CLAIRE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Maud CHAMOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : D0302

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat, entendu en son rapport, a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre,

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de Chambre,

Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller.

Greffière, lors des débats : Madame Lucile MOEGLIN

ARRET :

– CONTRADICTOIRE,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– signé par Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre et par Madame Lucile MOEGLIN, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

            

Par contrat à durée indéterminée du 5 mars 2013, M. [I] s’est fait engager par la société Version claire sous l’identité de [P] [N] en qualité d’agent de service, la relation contractuelle étant soumise à la convention collective nationale de la propreté.

 

M. [I] a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel  licenciement qui lui a été notifié le 8 décembre 2015 pour faute grave au motif d’une usurpation d’identité laissant présumer un défaut de titre de séjour dans les termes suivants:

‘Après avoir constaté récemment que la photo présente sur votre nouvelle carte de séjour temporaire diffère complètement de votre visage, vous nous avez confirmé que les papiers d’identité que vous nous avez fournis au moment de la conclusion de votre contrat de travail ne sont pas les vôtres.

Cette situation laisse présumer que vous ne disposez pas de titre vous autorisant à exercer en nous communiquant de faux papier.’

           

Contestant le bien-fondé de son licenciement, M. [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 16 février 2016 pour obtenir paiement de diverses sommes.

 

Par jugement en date du 27 février 2017, le conseil de prud’hommes a débouté M. [I] de l’ensemble de ses prétentions et laissé les dépens à sa charge.

Pour statuer ainsi, le conseil a jugé que la société Version claire n’avait eu connaissance de l’identité réelle de M. [I] qu’en novembre 2015 lors de la communication de l’intéressé de sa nouvelle carte de séjour temporaire et que le licenciement fondé sur l’usurpation d’identité était bien fondé.

 

Le 12 avril 2017, M. [I]  a interjeté appel de ce jugement.

 

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

 

Selon ses écritures notifiées le 11 avril 2022, M. [I] conclut à l’infirmation de la décision déférée et sollicite la condamnation de la société Version claire au paiement des sommes suivantes outre les dépens :

– 14.000 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 2.990,94 euros bruts au titre du préavis légal de licenciement et 299,09 euros bruts au titre des congés payés sur préavis ;

– 870,36 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;

– 4.486,41 euros au titre de l’indemnité forfaitaire à titre subsidiaire ;

– 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Selon ses écritures notifiées le 7 avril 2022, la société Version claire demande à la cour :

A titre liminaire,

– juger que M. [I] est irrecevable en son action à son encontre faute de qualité et par suite d’intérêt à agir et réformer le jugement en ce que ses demandes ont été déclarées recevables ;

– mettre la concluante purement et simplement hors de cause,

A titre subsidiaire :

– juger que le licenciement pour faute grave présente un motif réel et sérieux et est parfaitement justifié, fondé et régulier,

– en conséquence, confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [I] de toutes ses demandes ;

– mettre la concluante hors de cause ;

En toute hypothèse :

– condamner M. [I] à lui payer une indemnité de 5.500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile outre les dépens avec distraction au profit de Me Maud Chamoux.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions notifiées par RPVA.

 

L’instruction a été déclarée close le 13 avril 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

 

Sur la recevabilité des demandes de M. [I]

La société Version claire soutient que M. [I] ne présente aucun intérêt à agir dans la mesure où elle a contracté avec M. [N] et non avec l’appelant, ce qu’elle précise avoir ignoré jusqu’en novembre 2015, date à laquelle il a communiqué sa nouvelle carte de séjour temporaire dont la photographie différait de celle de l’intéressé. Elle conteste la valeur des attestations produites par M. [I].

M. [I] rétorque que la société n’a jamais ignoré son identité et qu’il présente en conséquence un intérêt à agir, qu’en conséquence, ses demandes sont recevables.

 

La cour relève que s’il est effectivement reproché à M. [I] d’avoir usurpé l’identité d’une autre personne, il n’en demeure pas moins qu’il a de fait été engagé par la société Version claire, qu’il a fourni une prestation de travail et qu’il a été licencié par cette dernière pour ce motif de sorte qu’il présente un intérêt à agir. Dès lors, les demandes de l’appelant sont recevables.

Sur le licenciement pour faute grave

La société Version claire fait valoir qu’elle a eu connaissance de l’identité réelle de M. [I] en novembre 2015 et que lorsqu’elle l’a convoqué pour obtenir des explications, celui-ci ne s’est pas présenté. 

M. [I] rétorque que la société Version claire avait connaissance depuis le début de la relation contractuelle qu’il n’était pas M. [N] compte tenu des différences physiques entre lui et la photographie apposée sur le document d’identité, que dès son embauche, les salariés de même que son responsable étaient informés de l’irrégulatité de sa situation, que le grief tiré de l’usurpation d’identité est donc prescrit et qu’au surplus, l’employeur connaissant son identité réelle, ce motif ne peut pas justifier son licenciement qui est dès lors dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

La faute grave qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il appartient à l’employeur qui l’invoque, de rapporter la preuve de l’existence d’une faute grave.

Aux termes de la lettre de licenciement, il est reproché à M. [I] d’avoir usurpé l’identité d’une autre personne, ce qui laisse supposer qu’il ne dispose pas de titre de séjour.

Si M. [I] verse aux débats plusieurs attestations de salariés précisant que ‘tout le monde’ était informé de sa situation, M. [V], inspecteur d’activité au sein de la société Version claire, précise qu’il a commencé à avoir des doutes sur l’identité de l’appelant lors de son départ en congés au mois de juillet 2015, congés pris de juillet à octobre 2015, motif pour lequel il a sollicité du siège de la société qu’elle procède à des vérifications sur l’identité réelle de ce salarié. Or, le salarié, convoqué à un entretien le 3 décembre 2015 afin de pouvoir recueillir ses explications, ne s’est pas présenté et ne justifie pas avoir produit de titre de séjour, celui-ci reconnaissant dans ses écritures que sa situation n’était pas régulière.

La société Version claire invoque à juste titre l’article L. 8251-1 du code du travail en application duquel nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France.

L’irrégularité de la situation du travailleur étranger étant constitutive d’une cause objective justifiant la rupture du contrat de travail, la société Version claire, au regard de la dissimulation par M. [I] de l’irrégularité de sa situation et de son refus de justifier de celle-ci, était bien fondée à procéder à son licenciement pour faute grave. En effet, les manquements commis par le salarié constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Le jugement sera donc confirmé.

PAR CES MOTIFS

                       

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

           

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

           

CONDAMNE M. [I] à payer à la société Version claire la somme de 200 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ; 

           

CONDAMNE M. [I] au paiement des dépens d’appel.

 

LA GREFFI’RE LA PR »SIDENTE

 


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