22 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/19439

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22 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/19439
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT AU FOND

DU 22 JUIN 2023

N° 2023/

FB/FP-D

Rôle N° RG 19/19439 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFKPZ

[O] [WM]

C/

SA VERSACE FRANCE

Copie exécutoire délivrée

le :

22 JUIN 2023

à :

Me Olivier FAUCHEUR, avocat au barreau de NICE

Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d’AIX-EN-

PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NICE en date du 18 Novembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F19/00424.

APPELANTE

Madame [O] [WM], demeurant [Adresse 1] – [Localité 5]

représentée par Me Olivier FAUCHEUR, avocat au barreau de NICE substitué par Me Hélène CHATRENET, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

SA VERSACE FRANCE prise en la personne de son représentant légal, demeurant [Adresse 2] – [Localité 6]

représentée par Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

et par Me Sabrina CHEKROUN, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023 prorogé au 22 juin 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Juin 2023

Signé par Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller, pour le Président empêché, et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [WM] (la salariée) a été engagée le 29 juillet 2008 par la société Veze France par contrat à durée indéterminée en qualité de vendeuse qualifiée, catégorie V, avec un lieu de travail fixé principalement sur le corner Versace des Galeries Lafayettes de [Localité 5] Cap 3000 à [Localité 7], moyennant une rémunération brute mensuelle de 2000 euros, une prime de 13ème mois et une prime de 1 % du chiffre d’affaires, pour 35 heures hebdomadaires.

Par avenant du 1er avril 2009 elle a été nommée responsable des corners de [Localité 5] Massena et de [Localité 5] Cap 3000, son lieu de travail étant étendu au Magasin Galeries Lafayette de [Localité 5], moyennant une rémunération brute mensuelle de 2000 euros, une prime de 13ème mois et une prime de 1 % du chiffre d’affaires des deux magasins, pour 35 heures réparties par moitié entre chacun des magasins.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective du commerce de détail et des articles textiles.

La salariée a fait l’objet d’avertissements le 27 février 2013, le 6 mai 2013 et le 14 octobre 2015.

Par ailleurs elle a reçu le 19 mai 2015 une lettre de rappel sur l’exercice de ses fonctions manageriales.

Le 18 décembre 2015 la salariée a été convoquée par la société Veze France à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 28 décembre 2015, maintenue à cette date en dépit de la demande de report.

La société Veze France a fait l’objet d’une fusion-absorption par la société Versace France (la société) le 1er janvier 2016 et le contrat de travail de la salariée a été transférée à la société en application de l’article L.1224-1 du code du travail.

Par lettre du 15 janvier 2016 la société lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse en ces termes :

‘Vous avez été embauchée le 29 juillet 2008 en qualité de vendeuse qualifiée catégorie V selon la classification de la convention collective ‘Commerce de détail de 1’habillement et des articles textiles ». Vous occupez depuis le 1er avril 2009 le poste de «Responsable des corners» de [Localité 5] Massena et [Localité 5] Cap 3000.

En votre cette qualité vous aviez pour missions de:

– Accueillir, accompagner et conseiller notre clientèle en lui apportant un service personnalisé et soigné sur les corners dont vous avez la responsabilité;

– Présenter et mettre en valeur l’excellence des produits, ainsi que le savoir-faire de notre marque;

– Faciliter le travail en équipe de manière à optimiser les résultats de l’équipe de vente selon les standards et procédures du groupe Versace;

– Travailler en étroite collaboration avec chacun des membres du personnel pour assurer la bonne exécution de leurs missions et le respect des procédures internes par chacun des collaborateurs;

– Superviser les vendeurs sur les corners dont vous avez la charge.

– Plus précisément, vous aviez, en moyenne, sous votre responsabilité la supervision de 4 collaborateurs.

Malheureusement, nous avons eu a déplorer un certain nombre de manquements dans l’exécution de vos fonctions aux conséquences fortement préjudiciables pour notre société.

Nous avons en effet découvert que vous avez, à de nombreuses reprises, adopté une attitude particulièrement brutale et cavalière, et ce tant à l’égard de vos subordonnés que de plusieurs de nos clients plus récemment et que vous refusez de vous conformer aux directives qui vous sont confiées par votre supérieur hiérarchique

En effet:

1. Vous avez d’une part, adopté un comportement totalement inapproprié à l’égard de plusieurs de nos clients à l’origine d’un important préjudice commercial et d’image.

L’un de nos clients nous a, en effet, adressé un courrier en date du 15 décembre 2015 afin de nous faire part des difficultés qu’il avait rencontrées avec vous à l’occasion d’une procédure d’échange d’articles.

Plus précisément, ce client nous a indiqué s’être fait offrir une paire de chaussures d’une valeur de 395 € achetée auprès du corner des Galeries Lafayette de [Localité 5] par un membre de sa famille, salarié des Galeries Lafayette. Le 23 novembre 2015, après s’être aperçu de la présence d’un défaut de fabrication, il a rapporté ladite paire de chaussures et sollicité un échange auprès de notre corner.

Celui-ci a alors été reçu par l’un de nos vendeurs qui a alors naturellement entamé la procédure d’échange et proposé de vérifier s’il était possible d’appliquer au client la remise en vigueur en cette période de vente privée.

A cette occasion, il a été demandé au client de se présenter en présence du salarié des Galeries Lafayette lui ayant offert la paire de chaussures, afin de finaliser le processus d’échange le lendemain.

La paire de chaussures présentée comme défectueuse a été laissée, à la demande du vendeur, au corner dès cette date.

Le 24 novembre 2015, le client se présente, comme convenu, à nouveau pour faire l’échange.

Vous lui avez alors indiqué que la procédure entamée la veille n’était pas la bonne mais que vous vous en chargeriez dans les 24 heures et avez précisé l’impossibilité de lui appliquer la remise discutée la veille au titre de la vente privée.

Malgré l’engagement expressément pris à son égard de procéder à l’échange sous 24 heures, vous n’avez pas procédé à l’échange escompté par le salarié.

Devant votre immobilisme, le client a ainsi été contraint de vous relancer à plusieurs reprises

en vain sur cet échange.

Vous avez attendu le 2 décembre 2015, soit près de 10 jours, avant de daigner revenir vers le client, et ce pour lui indiquer finalement que vous ne pourriez pas traiter sa demande dans l’immédiat en raison de l’inventaire qui était en cours de réalisation.

A sa grande surprise, le 5 décembre 2015, une vendeuse l’a finalement contacté pour l’informer que selon votre appréciation, la paire de chaussures ne présenterait pas de défaut et que le but de sa démarche aurait simplement été de bénéficier de la remise appliquée durant la période de vente privée.

Le client a alors maintenu sa demande visant à obtenir un échange. Vous deviez alors revenir vers lui. Le mécontentement du client était d’autant plus important que celui-ci avait laissé la paire de chaussures depuis le 23 novembre 2015, sans que le défaut n’ait été contesté durant cet intervalle de temps de près de 3 semaines.

Le 8 décembre 2015 faute de réponse officielle, le client a rappelé le corner et a été contraint de justifier que contrairement à vos allégations, sa démarche n’avait jamais eu d’autre but que d’échanger la paire de chaussures et non pas de chercher à se faire appliquer une quelconque remise.

Restant dans l’attente de l’échange, le 15 décembre 2015, le client a cherché à vous contacter afin de s’entretenir avec vous. Vous lui avez alors indiqué que vous refusiez de faire l’échange car la qualité du produit était selon vous conforme.

Vous avez, ce faisant, été à l’origine d’un important mécontentement pour ce client qui après qu’on lui ait annoncé que son problème serait résolu sous 24 heures, s’est finalement vu au bout de 24 jours notifier un refus de procéder à l’échange, tout en se voyant, au passage, accusé de chercher à profiter injustement du rabais appliqué durant la période de vente privée.

Le manque de diligence et de considération et le comportement particulièrement cavalier dont vous avez fait preuve à l’égard de ce client est absolument intolérable. Le secteur du luxe dans lequel nous évoluons exige, au tout premier plan, de délivrer à nos clients des produits de la plus grande qualité, mais également de leur fournir une assistance et un service après-vente irréprochables et soignés à la hauteur de l’image luxueuse que nous nous devons de promouvoir à tout instant.

La bonne conduite de notre processus de vente ne peut, bien évidemment, se limiter au seul acte de vente mais implique d’assurer un véritable suivi après-vente – assorti du même degré de qualité – afin de parvenir à fidéliser notre clientèle.

En votre qualité de responsable de Corner et présente au sein de notre entreprise depuis plus de 7 années, ce sont des valeurs et des exigences que vous deviez parfaitement maîtriser et promouvoir auprès de vos équipes et au bénéfice de nos clients.

En portant de graves allégations sur les intentions de notre client et en ne répondant pas avec toute la célérité et la diligence requises à sa demande d’échange, vous avez adopté une attitude totalement inappropriée caractérisant une violation manifeste de vos obligations professionnelles les plus élémentaires.

En tout état de cause, si vous jugiez que le produit était conforme contre l’opinion du client vous auriez dû en discuter avec votre responsable, M. [BX] [H], Corners Supervisor [Localité 5] et [Localité 4], afin de déterminer comment répondre au client de façon satisfaisante, sans le braquer et afin de préserver notre relation clientèle.

Par votre comportement, vous nous avez placés dans une situation particulièrement délicate puisque suite au traitement particulièrement cavalier qu’il a subi, le client nous a informé de son intention de saisir les juridictions afin de faire valoir ses droits.

De même, vous avez gravement porté préjudice à notre marque. Notre préjudice est important tant d’un point de vue financier mais également d’un point de vue image car ce client nous a indiqué qu’il n’hésiterait pas à faire connaître son mécontentement à son entourage et plus largement publiquement.

Votre comportement nous apparaît d’autant plus incompréhensible qu’après vérification, il s’avère que la paire de chaussures vendue à ce client était manifestement défectueuse et que la réclamation était bien fondée, sans contestation possible- ce qui avait d’ailleurs justifié que le vendeur ayant initié la demande n’ait soulevé aucune contestation après avoir constaté le défaut concerné. En effet, la paire de chaussures présentait un défaut visible au niveau de la semelle qui n’était pas bien collée. Ce constat nous a ainsi conduit à procéder à l’échange de la paire de chaussures concernée auprès du client qui nous a fait part de sa colère au vu du traitement irrespectueux qui lui a été servi.

Votre manque de réactivité et de diligence pour répondre aux attentes de nos clients et pour parvenir à effectuer un suivi efficace vous avez d’ores et déjà été reproché.

2. Outre les difficultés rencontrées avec les clients, vous avez également adopté des méthodes managériales totalement inappropriées ayant occasionné une souffrance au travail chez plusieurs de nos collaborateurs et des difficultés organisationnelles,

A titre d’exemple, une salariée s’est ainsi plainte de votre comportement à son égard, brimades, humiliation dont d’autres salariés des Galeries Lafayette ont été témoins et ayant rejailli sur sa santé.

Certains salariés ont même informé la Société de ce que votre comportement avait motivé leur départ de la Société.

De même, un salarié a écrit à la Société le 7 mars 2015 pour se plaindre de votre comportement et dénoncer les pressions que vous lui avez fait subir dans l’exécution de ses tâches au quotidien, à tel point qu’il a eu un malaise sur le lieu de travail pour lequel il a entrepris des démarches auprès de la CPAM pour en faire reconnaître le caractère professionnel. A cet égard, la CPAM nous a adressé un rapport accablant en date du 1er juin 2015, suite aux pressions subies par ce dernier.

Nous vous avions, à ces occasions, rappelé l’importance de parvenir à adapter votre comportement tant à l’égard des clients, qu’à l’égard de vos subordonnés, malheureusement en vain.

Malgré les demandes répétées de votre supérieur hiérarchique, vous avez conservé une attitude particulièrement brusque à l’égard de vos collaborateurs.

3. Enfin, vous avez, de manière répétée violé les directives de votre supérieur hiérarchique, au mépris des procédures et délais s’imposant à vous.

En dépit de relances multiples et répétées de votre supérieur hiérarchique, Monsieur [BX] [H], vous avez délibérément refusé, de manière répétée et persistante, d’exécuter les tâches que celui-ci entendait vous confier dans les délais impartis et vous êtes placée dans une attitude d’opposition systématique.

A titre d’ illustrations:

– Vous vous êtes opposé, au cours du mois de août 2015, à la directive qui vous était donnée par votre supérieur hiérarchique et qui visait à améliorer l’organisation du travail au sein de votre équipe afin de parvenir à limiter le recours aux heures supplémentaires pour vos collaborateurs.

– Au lieu de chercher à identifier les moyens pour améliorer et optimiser l’organisation au sein de votre équipe, vous avez préféré vous braquer et remettre en question le bien-fondé de la demande de votre supérieur hiérarchique. Vous avez, à cette occasion, haussé le ton afin de marquer votre opposition.

– Vous n’avez pas procédé aux évaluations des vendeurs que vous étiez chargée de superviser dans les délais impartis;

Plus précisément, votre supérieur hiérarchique vous avait demandé d’organiser ces entretiens au cours du mois d’août et vous n’aviez toujours rien fait à la fin du mois de septembre 2015. Cela a conduit votre supérieur hiérarchique à vous relancer.

Alors que vous vous étiez, à cette occasion, engagée à procéder aux dites évaluations pour le 2 novembre 2015 au plus tard, vous ne les avait jamais effectué.

Votre refus de vous plier à la demande et aux relances qui vous étaient faites à cet égard a occasionné des difficultés car cela a empêché la Société de se positionner sur les demandes d’augmentation de salaire adressées par certains des salariés placés sous votre supervision.

– Alors que votre supérieur hiérarchique vous a demandé de procéder à la fin du mois de septembre 2015 à une vérification des stocks afin de prendre connaissance de l’état desdits stocks sans attendre l’inventaire prévu pour le début du mois de décembre, vous avez, à cette occasion, procédé à des déclarations de vols de marchandise que vous estimiez pourtant avoir pu intervenir dès le mois de juillet dernier et avez, en parallèle, demandé à notre service informatique de vous donner les accès pour modifier l’état de la marchandise et faire état du vol au lieu et place de la simple mention afférente à la marchandise manquante.

Or, comme vous le savez, les vols de marchandise doivent, selon les procédures en vigueur au sein de notre société, faire l’objet d’une déclaration sous 48 heures. Vous n’avez donné aucune justification à votre supérieur hiérarchique afin d’expliquer les raisons de cette déclaration de vols intervenant de manière concomitante à une période de vérification des stocks.

A l’évidence, vous avez procédé à cette déclaration de vols afin de diminuer le nombre d’articles figurant comme manquants dans l’état des stocks de manière à éviter d’en justifier.

Or,vous savez parfaitement l’importance que revête ce travail d’inventaire puisque l’appréciation de nos résultats commerciaux dépend également de nos résultats d’inventaires et de l’existence et du montant des éventuelles pertes en découlant. Nous ne pouvons tolérer les contournements de procédures auxquelles vous avez procédé afm de couvrir vos carences dans la gestion des stocks.

Dans ce contexte, nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute’.

La salariée a saisi le 19 avril 2016 le conseil de Prud’hommes de Nice de demandes de rappel d’heures supplémentaires, de rappel de salaire sur classification, d’indemnité pour travail dissimulé, d’une demande en licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à défaut pour procédure irrégulière, de dommages et intérêts pour procédure vexatoire, de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, outre une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 18 novembre 2019 le conseil de prud’hommes de Marseille a :

– dit et jugé que la procédure de licenciement diligenté par la société Versace France à l’encontre de Madame [O] [WM] a été respectée,

– dit et jugé que le licenciement prononcé par la société Versace France à I’encontre de Madame [O] [WM] est parfaitement justifié.

– qu’il n’a pas été vexatoire,

– dit et jugé qu’il n’y a pas lieu à requalifier la catégorie de la salariée,

– dit et jugé que la société n’a pas manqué à ses obligations en matière d’hygiène et de sécurité,

– dit et jugé qu’il n’y a pas d’heures supplémentaires par manque de preuves,

– dit et jugé qu’il n’y a pas lieu à dommages-intérêts pour travail dissimulé,

– en conséquence débouté Madame [O] [WM] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions.

– débouté les parties du surplus des demandes ainsi que des demandes reconventionnelles,

– débouté la SA Versace France de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamné Madame [O] [WM] aux entiers dépens.

La salariée a interjeté appel du jugement par acte du 20 décembre 2019 énonçant :

‘Objet/Portée de l’appel: L’objet du présent appel est de faire droit à toutes exceptions de procédure, d’annuler, sinon d’infirmer et à tout le moins de réformer la décision déférée. Conformément à l’article 901 du CPC, il est précisé que le présent appel est relatif aux chefs du jugement ayant:

Dit et jugé que la procédure de licenciement a été respectée et est régulière,

Débouté Mme [WM] de sa demande de constatation de la collusion frauduleuse entre Versace France et Veze France,

Débouté Mme [WM] de sa demande de voir constaté le préjudice et la violation des règles suite au refus du report de l’entretien préalable, de ne pas avoir été assistée, du caractère vexatoire de l’entretien, et l’octroi de la somme de 3.292,47 € au titre du non respect de la procédure,

Dit et jugé le licenciement justifié, qu’il n’est pas vexatoire et débouté la salariée de sa demande de ce chef et son indemnisation à hauteur de 39.509,64 €,

Débouté la salariée en ne constatant pas que celle-ci n’avait commis aucune faute, qu’en tout état de cause elle avait été provoquée par l’employeur,

Débouté Mme [WM] de sa demande qu’il soit dit et jugé prescrits les faits reprochés et que l’employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire suite à l’avertissement du 14 octobre 2015,

Débouté Mme [WM] de sa demande de voir dire et jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit et jugé qu’il n’y a pas lieu de requalifier la catégorie de la salarié et débouté celle-ci de sa demande de condamnation aux rappels de salaires d’un montant de 16.200€,

Débouté Mme [WM] de sa demande de voir dire et jugé que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité résultat et de sa demande de condamnation de l’employeur à hauteur de 39.509,64 €,

Dit et jugé qu’il n’y a pas d’heures supplémentaires par manque de preuve et débouté la salariée de sa demande d’octroi des rappels de salaires à hauteur de 19.964,93 €,

Dit et jugé qu’il n’y a pas lieu à dommages et intérêts pour travail dissimulé et débouté Mme [WM] de sa demande de ce chef et de l’octroi d’une indemnité de 13.674 €,

Pas retenu que l’ancienneté de Mme [WM] était de 13 ans et 10 mois,

Débouté Mme [WM] de sa demande d’indemnisation à hauteur de 59.264,46 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Débouté Mme [WM] de sa demande de condamnation de l’employeur à la somme de 500 € au titre de l’article 700 du CPC outre les dépens’.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 21 septembre 2020 Mme [WM] demande de :

En la forme ,

RECEVOIR Madame [O] [WM] en son appel,

Au fond ,

LE DIRE bien fondé,

INFIRMER le jugement rendu par le Conseil des Prud’hommes de Nice en date du 18 Novembre 2019 en ce qu’il a :

– dit et jugé que la procédure de licenciement a été respectée et est régulière,

– débouté Mme [WM] de sa demande de constatation de la collusion frauduleuse entre Versace France et Veze France,

– débouté Mme [WM] de sa demande de voir constaté le préjudice et la violation des régies suite au refus du report de l’entretien préalable, de ne pas avoir été assistée, du caractère vexatoire de l’entretien, et l’octroi de la somme de 3.292,47 € au titre du non-respect de la procédure,

– dit et jugé le licenciement justifié, qu’il n’est pas vexatoire et débouté la salariée de sa demande de ce chef et son indemnisation à hauteur de 39.509,64 €,

– débouté la salariée en ne constatant pas que celle-ci n’avait commis aucune faute, qu’en tout état de cause elle avait été provoquée par l’employeur,

– débouté Mme [WM] de sa demande qu’il soit dit et jugé prescrits les faits reprochés et que l’employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire suite à l’avertissement du 14 octobre 2015,

– débouté Mme [WM] de sa demande de voir dire et jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– dit et jugé qu’il n’y a pas lieu de requalifier la catégorie de la salarié et débouté celle-ci de sa demande de condamnation aux rappels de salaires d’un montant de 16.200€,

– débouté Mme [WM] de sa demande de voir dire et jugé que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité résultat et de sa demande de condamnation de l’employeur à hauteur de 39.509,64€,

– dit et jugé qu’il n’y a pas d’heures supplémentaires par manque de preuve et débouté

la salariée de sa demande d’octroi des rappels de salaires à hauteur de 19.964,93€,

– dit et jugé qu’il n’y a pas lieu à dommages et intérêtspour travail dissimulé et débouté

Mme [WM] de sa demande de ce chef et de l’octroi d’une indemnité de 13.674€,

– pas retenu que l’ancienneté de Mme [WM] était de 13 ans et 10 mois,

– débouté Mme [WM] de sa demande d’indemnisation à hauteur de 59.264,46€ pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– débouté Mme [WM] de sa demande de condamnation de l’employeur à la somme de 500 € au titre de l’article 700 du CPC outre les dépens.

Et statuant à nouveau ,

CONSTATER, au besoin DIRE ET JUGER qu’il y a eu collusion frauduleuse entre la société Veze France et la Société Versace France;

DIRE ET JUGER, en conséquence, que les règles de procédure de licenciement en cas de fusion-acquisition n’ont pas été respectées;

DIRE ET JUGER que les règles relatives à l’entretien préalable n’ont pas été respectées;

DIRE ET JUGER qu’il en est résulté un préjudice eu égard au caractère vexatoire du choix du lieu de l’entretien préalable;

DIRE ET JUGER, en conséquence, que la procédure de licenciement de Madame [O] [WM] est irrégulière;

DIRE ET JUGER que Madame [O] [WM] n’a pas commis de faute justifiant un licenciement, ladite faute ayant été provoquée par l’employeur;

DIRE ET JUGER que la Société Versace France a épuisé son pouvoir disciplinaire par l’avertissement du 14 Octobre 2015 et que les faits reprochés à Madame [O] [WM] sont, en tout état de cause, prescrits;

DIRE ET JUGER que le griefs invoqués par la Société Versace France sont inconsistants et insuffisants pour justifier un licenciement;

DIRE ET JUGER, en conséquence, que le licenciement de Madame [O] [WM] est sans cause réelle et sérieuse;

DIRE ET JUGER que les fonctions exercées par Madame [O] [WM] relèvent de la catégorie B des agents de maîtrise ;

ORDONNER, en conséquence, sa requalification et le rappel des salaires afférents;

DIRE ET JUGER que l’employeur n’a pas respecté ses obligations en matière de contrepartie obligatoire de repos due à Madame [O] [WM] pour les heures supplémentaires réalisées au-delà du contingent annuel;

DIRE ET JUGER, en conséquence, que le caractère intentionnel de travail dissimulé est établi;

CONSTATER, au besoin DIRE ET JUGER, que Madame [O] [WM] a subi un préjudice important du fait de son licenciement;

DIRE ET JUGER que la procédure de licenciement est entourée de circonstances vexatoires;

DIRE ET JUGER que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat ;

En conséquence,

CONDAMNER la Société Versace France au paiement au profit de Madame [O] [WM] des sommes suivantes:

– 16.200,00 euros au titre du rappel des salaires;

– 19.964,93euros au titre de l’indemnité due pour non-respect de la contrepartie obligatoire liée aux heures supplémentaires réalisées au-delà du contingent annuel;

– 5.000 euros au titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’information du salarié à son droit à un repos compensateur;

– 13.674,00 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé;

– 59.264,46 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

A titre subsidiaire, s’il n’est pas fait droit à la demande pour licenciements ans cause réelle et

sérieuse, 3.292,47euros au titre de l’indemnité pour procédure irrégulière;

– 39.509,64 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure vexatoire;

– 39.509,64 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat;

CONDAMNER la Société Versace France au paiement de la somme de 5.000,00 € au profit de Madame [O] [WM] sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure civile;

ASSORTIR toute condamnation d’une astreinte de 50 euros par jour de retard à défaut d’exécution spontané des condamnations à compter du prononcé du jugement;

LA CONDAMNER aux entiers dépens;

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 21 juillet 2020 la SA Versace France demande de :

A titre principal:

CONFIRMER le jugement du Conseil de prud’hommes de Nice en date du 18 novembre 2019 en ce qu’il a débouté Madame [WM] de l’ensemble de ses demandes;

A titre subsidiaire:

LIMITER la condamnation à 20 282, 81 Euros au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

LIMITER la condamnation à 1 Euro au titre des dommages-intérêts au titre de l’obligation de sécurité.

En tout état de cause:

CONDAMNER la Salariée à verser à la Société 5.000 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens, ceux d’appel distraits au profit de la SELARL Lexavoue Aix-en-Provence, avocats aux offres de droit.

Vu l’article 455 du code de procédure civile,

L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 février 2023.

SUR CE

Sur le rappel de salaire au titre de la classification

La qualification du salarié s’apprécie au regard des fonctions effectivement exercées.

Il appartient au salarié qui revendique une autre classification que celle qui lui a été appliquée d’en rapporter la preuve.

Aux termes de l’accord du 12 octobre 2006 relatif aux classifications dans les entreprises relevant de la convention collective nationale du commerce de détail de l’habillement et des articles textiles, portant nouvelles classifications, l’employé catégorie 5 dans la filière vente/ étalagisme est défini comme suit :

‘ Vendeur qualifié à partir de 5 ans de pratique professionnelle:

– fait preuve d’autonomie et prend des initiatives dans le cadre qui lui est fixé;

– signale les besoins en réassort et assure les mouvements de stock:

– gère plusieurs clients à la fois et aide ses collègues en cas de nécessité’.

Aux termes de ce même accord portant sur les emplois du personnel d’encadrement, l’agent de maîtrise catégorie B de la filière vente/achat est défini comme suit :

‘ Responsable de magasin/responsable de rayon : en plus d’assurer de manière permanente la gestion courante du magasin ou du rayon (A1), assure la bonne marche commerciale du rayon ou du magasin, suit l’état des stocks et procède au réapprovisionnement et à l’achat de nouveaux articles’.

L’agent de maîtrise de catégorie A1 dans la filière vente est ainsi défini:

‘ Chef de magasin/chef de rayon

Assure de manière permanente la gestion courante du magasin ou du rayon tant à l’égard de la clientèle que du personnel de vente mais ne bénéficie à ce titre aucune délégation de responsabilité de la part de l’employeur

– anime, coordonne et contrôle une équipe de vendeurs;

– contribue à effectuer des ventes;

– dynamise les ventes de son équipe;

– applique et fait appliquer les consignes et décisions de la direction relatives notamment aux procédures de vente et à la politique commerciale, aux règles d’implantation des produits dans le magasin et en vitrine, au réassort, au suivi de l’état du stock;

– apte à régler toutes les difficultés qui peuvent se présenter à l’occasion des ventes en fonction des directives reçues’

En l’espèce la salariée sollicite la somme de 16 200 euros de rappel de salaire et les congés payés afférents en revendiquant l’application de la classification d’agent de maîtrise catégorie B et ce, pour la période du 15 janvier 2011 au 15 janvier 2016, en tenant compte de la revalorisation des minima conventionnels tous les trois ans, à compter du 16 août 2001 correspondant au contrat souscrit avec son précédent employeur.

Elle expose avoir été engagée le 29 juillet 2008 en qualité de vendeuse qualifiée catégorie V puis nommée par avenant du 30 mars 2009 responsable corners de [Localité 5] Massena et Cap 3000 sans modification de sa classification ni de sa rémunération et soutient qu’au vu des fonctions et responsabilités exercées, elle relève de la classification d’agent de maîtrise – catégorie B.

Elle souligne que c’est à dessein que ses bulletins de paie ne mentionnent aucune classification, ce qui est contraire aux obligations légales, puisqu’elle ne relevait plus de la classification de vendeuse qualifié catégorie V depuis l’avenant du 30 mars 2009.

A l’appui de sa prétention, elle dresse dans ses écritures une liste de ses attributions sans viser aucune pièce et produit les éléments suivants:

– un échange de mails avec M. [H] et M. [Y], à savoir :

* le mail de M. [H] du 23 septembre 2015 à la salariée avec copie notamment à M. [Y] :

‘Voici les différents points que vous deviez traiter et dont je reste à ce jour en attente :

1- La grille de salaire (cf.mail du 25.08.2015)

2- Votre feedback de mon compte-rendu de la réunion du 29.08.2015

3- Votre feedback concernant les évaluations de [D] et d'[C], du 25 et 26 août dernier, car cela va faire un mois que je suis en attente de votre retour …

Pour votre information, [D] nous a fait ce jour “une demande Officielle” concernant une éventuelle augmentation de salaire.

4- Suite à notre discussion au sujet des axes d’amélioration, j’attends vos plans d’actions pour la définition des objectifs à court et long terme de chaque vendeur. Nous avions entre-autre évoqué que [D] devait améliorer sa gestion des stocks, du merch, des inventaires, d’où sa visite sur [Localité 4] avec moi la semaine dernière (mon compte-rendu vous a été envoyé ce jour).

5- Vous deviez apporter un complément d’information à [C] sur le sell Through report, qu’en est-il ‘

6- Avez-vous envoyé l’email au stock contrôler dont nous avions parlé pour l’avertir du retard de notre communication des résultats’ Je n’ai pas eu de retour à ce sujet.

7- Nous avions évoqué une finalisation des inventaires pour cette semaine: Quand avez-vous donc prévu de me communiquer les résultats’

Pour se faire, nous avions décidé conjointement de décaler à la semaine prochaine les vacances d'[C], je vous remercie donc de bien vouloir me les communiquer au plus prochainement.

8- Par ailleurs, comme vous le savez, il y’a une déclaration de vol à faire: Quand l’avez vous programmée’

9- Enfin, je vous rappelle la nécessité de réaliser les rotas pour les semaines à venir et d’envoyer vos arrêts maladie par courrier au Cabinet Gefex’;

– le mail de M. [Y] du 24 septembre 2015 à la salariée avec notamment copie à M. [H] :

‘ Beaucoup de points semblent en attente depuis presque un mois, ce qui est évidemment inacceptable d’un point de vue managerial.

Merci de bien vouloir confirmer et/ou actionner immédiatement les point ci dessous et nous confirmer par retour les résultats’;

– le mail en réponse de la salariée à M. [Y] du 24 septembre 2015 :

‘tous les points sont actionnés, il n’est cependant pas évident de passer autant de temps sur le back office alors que je me trouve avec deux nouveaux vendeurs et deux vendeurs sur lesquels je dois travailler les points faibles, sachant que je me trouve seule la moitié du temps et que je tiens les corner.

Depuis mon retour d’accident de travail, le 17/08, je ne passe plus de temps sur la vente comme il nous a été demandé de faire récemment, je suis sur la gestion, la formation, les analyses, les contrôles.

Je traite donc tous les points énumérés par ordre d’importance avec, en tout premier lieu, la formation de mon équipe, qui n’apparaît dans aucun point’;

– le mail en réplique de M. [Y] à la salariée du 27 septembre 2015 :

‘Il est bien évident que le travail de manager demande de l’organisation et la capacité à gérer les différentes tâches (vente ou gestion) dans le temps imparti et ce avec efficacité … Cela en est, non seulement la définition même, mais aussi le mètre-mesure.

Je réalise cependant qu’en raison de diverses absences cela ait pu représenter un challenge, et ce autant pour vous que pour la société. J’espère maintenant qu’avec votre retour et le support de [BX] (qui a été très présent en votre absence pour pouvoir supporter l’équipe), la situation va pouvoir nettement s’améliorer et se refléter que les résultats commerciaux’.

Par ailleurs elle se réfère à la lettre de licenciement en ce qu’elle vise les missions suivantes :

– accueillir, accompagner et conseiller la clientèle en lui apportant un service personnalisé et

soigné sur les corners dont elle avait la responsabilité;

– présenter et mettre en valeur l’excellence des produits ainsi que le savoir-faire de la marque;

– faciliter le travail en équipe de manière à optimiser les résultats de l’équipe de vente selon les standards et procédure du groupe Versace;

– travailler en étroite collaboration avec chacun des membres du personnel pour assurer la bonne exécution de leurs missions et le respect des procédures internes par chacun des collaborateurs;

– superviser les vendeurs sur les corners dont elle avait la charge.

La société conclut au rejet de la demande aux motifs que :

– la salariée fait une confusion entre les anciennes grilles de classifications et celles issue de l’accord du 12 octobre 2006 et elle ne peut revendiquer un statut de niveau cadre A.

– elle ne peut pas davantage revendiquer la classification d’agent de maîtrise A1 en ce que :

* la modification de l’intitulé de son poste par l’avenant du 30 mars 2009 correspond simplement à l’extension de ses fonctions à un second corner sans modification de ses attributions;

* quand bien même elle était classée en catégorie employée catégorie 5, le montant de sa rémunération est supérieur au minimum de la catégorie agent de maîtrise A1 revendiquée;

* elle ne peut revendiquer la même classification que son supérieur hiérarchique M. [H] en charge de superviseur l’ensemble des corners en France, lui-même agent de maîtrise A1, sous l’autorité duquel elle est placée, sans disposer de la même autonomie et du même degré de responsabilité, ce que ce dernier confirme d’ailleurs en décrivant la salariée comme n’ayant pas le niveau d’un responsable.

La cour dit d’abord qu’elle n’observe aucune erreur dans la prétention de la salariée clairement identifiée comme reposant sur la revendication de la classification d’agent de maîtrise catégorie B, intégrée au titre II de l’accord du 12 octobre 2006 relatif aux emplois du personnel d’encadrement composé des agents de maîtrise et des cadres de sorte que les développements de la société à ce titre sont inopérants.

La cour dit ensuite que la classification appliquée au supérieur hiérarchique de la salariée est indifférente, la comparaison entre les situations des salariés n’ayant d’intérêt qu’en cas de litige reposant sur une inégalité de traitement. Tel n’étant pas le cas, seul compte la corrélation entre les fonctions effectivement exercées par la salariée et la définition conventionnelle de l’emploi.

Ainsi il ressort des dispositions conventionnelles ci-dessus exposées que l’emploi d’agent de maîtrise catégorie B suppose la réunion de:

– la gestion permanente et courante d’un magasin ou d’un rayon tant à l’égard de la clientèle que du personnel, caractéristiques ressortant de l’emploi d’agent de maîtrise de catégorie A1 ;

– la charge de la bonne marche commerciale du magasin ou du rayon, du réapprovisionnement, de l’achat de nouveaux articles et du suivi de l’état des stocks.

Il apparaît donc que cette classification repose sur des attributions élargies à la responsabilité commerciale, des achats et des stocks, en plus du management d’une équipe de vendeurs, de la gestion courante et de la mise en oeuvre des directives de l’employeur sur les modalités de fonctionnement de l’unité de vente.

L’employé de catégorie 5 n’a pas la responsabilité d’une équipe et reste cantonné aux fonctions de vente et accessoires.

Il résulte des documents contractuels qu’a été appliquée à la salariée la classification d’employé de catégorie 5 tout au long de la relation de travail, y compris avec l’avenant du 30 mars 2009 lui attribuant la qualification de ‘responsable des corners’ de [Localité 5] Massena et [Localité 5] Cap 3000, la structure de sa rémunération demeurant inchangée, à savoir un fixe de 2000 euros, un 13ème mois et une prime de 1% du chiffre d’affaires, seule l’assiette de cette prime était étendue aux chiffres d’affaires des deux unités.

A l’analyse des pièces du dossier, la cour relève que la salariée avait indéniablement un rôle de direction de deux équipes de vendeurs, en organisant et supervisant leur travail, en assurant leur tutorat, en participant à leur évaluation, à la définition de leurs objectifs.

Il en résulte également qu’elle assurait les tâches d’administration courantes des corners en étant l’interlocuteur direct de ses supérieurs hiérarchiques.

Il apparaît donc que les attributions de la salariée excédaient le cadre de la classification qui lui était appliquée.

Toutefois s’agissant de la classification qu’elle revendique d’agent de maîtrise catégorie B, la cour relève que si l’intitulé du poste était celui de responsable de corner, les éléments produits ne font pas ressortir que la salariée exerçait effectivement des attributions dans l’élaboration, l’analyse ou le suivi de la stratégie commerciale et de ses outils.

Quant à la responsabilité de la gestion des achats et du stock, il ne ressort des éléments du dossier que des tâches d’administration, à savoir l’envoi d’un mail au stock contrôleur sur le retard de communication des résultats, la clôture de l’inventaire, l’accomplissement d’une déclaration de vol.

Dans ces conditions et constat fait d’une demande portant exclusivement sur la classification d’agent de maîtrise catégorie B, sans subsidiaire reposant sur l’une des autres classifications existantes entre l’employé catégorie 5 et l’agent de maîtrise catégorie B, la cour dit que la demande n’est pas fondée.

En conséquence la cour confirme le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande de rappel de salaire au titre de la classification.

Sur l’indemnité au titre de la perte de la contrepartie obligatoire en repos

Les heures supplémentaires sont accomplies dans la limite d’un contingent d’heures

annuel.

L’article L. 3121-11 du code du travail, dans sa rédaction applicable issue de la loi n°2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, dispose :

‘Des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.

Une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche fixe l’ensemble des conditions d’accomplissement d’heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel, la majoration des heures supplémentaires étant fixée selon les modalités prévues à l’article L. 3121-22.

Cette convention ou cet accord collectif peut également prévoir qu’une contrepartie en repos est accordée au titre des heures supplémentaires accomplies dans la limite du contingent.

A défaut d’accord collectif, un décret détermine ce contingent annuel et les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel.

A défaut de détermination du contingent annuel d’heures supplémentaires par voie conventionnelle, les modalités de son utilisation et de son éventuel dépassement donnent lieu au moins une fois par an à une consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel, s’il en existe.’

L’article D. 3171-11 du code du travail prévoit :

‘A défaut de précision conventionnelle contraire, les salariés sont informés du nombre d’heures de repos compensateur de remplacement et de contrepartie obligatoire en repos portés à leur crédit par un document annexé au bulletin de paie. Dès que ce nombre atteint sept heures, ce document comporte une mention notifiant l’ouverture du droit à repos et l’obligation de le prendre dans un délai maximum de deux mois après son ouverture’.

L’article D.3121-9 du code du travail, dans sa version applicable, dispose :

‘La contrepartie obligatoire en repos peut être prise par journée entière ou par demi-journée à la convenance du salarié.

Elle est assimilée à une période de travail effectif pour le calcul des droits du salarié.

Elle donne lieu à une indemnisation qui n’entraîne aucune diminution de rémunération par rapport à celle que le salarié aurait perçue s’il avait accompli son travail.’

Ni la convention collective applicable, ni l’accord du 4 mai 1999 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail, ni l’avenant n°1 du 16 mars 2000 relatif à l’ARTT (heures supplémentaires et complémentaires) ne détermine les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos.

Le contingent à prendre en compte est conventionnel. A défaut, le contingent annuel

est de 220 heures en application de l’article D. 3121-14-1 du code du travail .

Aux termes de l’article 2 de l’avenant n° 3 du 26 novembre 2007 à l’accord du 4 mai 1999 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail c’est le contingent annuel réglementaire d’heures supplémentaires qui s’applique.

Le salarié qui n’a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos pour les heures supplémentaires effectuées au delà du contingent annuel, a droit à la réparation du préjudice subi, laquelle comporte à la fois le montant de l’indemnité calculée comme si le salarié avait pris son congé et le montant des congés payés afférents.

En l’espèce la salariée sollicite la somme de 19 964,93 euros à titre d’indemnité pour la contrepartie en repos dont elle n’a pas bénéficié au titre des heures supplémentaires qu’elle a effectuées au-delà du contingent annuel de 2011 à 2015.

Elle souligne qu’elle n’a pas à être soumise au régime probatoire des heures supplémentaires dès lors que sa demande repose uniquement sur les heures supplémentaires reportées sur ses bulletins de paie et réglées par l’employeur.

En se reportant dans ses écritures aux bulletins de paie qu’elle produit, elle indique avoir ainsi effectué 130,16 heures au delà du contingent en 2011, 207 heures en 2012, 263,66 heures en 2013, 233,16 heures en 2014 et 233 heures en 2015 dont elle demande paiement sur la base d’un taux horaire qu’elle calcule à partir d’un salaire mensuel de 2264 euros brut de 2011 à 2013 et de 2279 euros brut de 2014 à 2015, sans s’expliquer sur les montants qu’elle retient.

La société conclut au rejet de la demande en faisant valoir à titre liminaire que celle-ci est prescrite antérieurement à mars 2011, ensuite que la salariée ne rapporte aucun élément de nature à étayer sa demande d’heures supplémentaires, celle-ci ne présentant aucun décompte précis de ses heures de travail et ne pouvant utilement se référer aux seules heures d’ouverture/fermeture des magasins Galeries Lafayette. Enfin la société soutient que la salariée a été réglées de ses heures supplémentaires sans que le seuil déclenchant l’obligation d’une contrepartie obligatoire en repos n’ait été dépassé. Elle souligne que la salariée elle-même remplissait chaque mois un tableau transmis au service de paie précisant les heures supplémentaires accomplies par l’ensemble des salariés et produit en pièce 35 des exemplaires de grilles de salaires renseignées notamment sur le nombre d’heures supplémentaires effectuées par chaque salarié durant le mois.

La cour dit d’abord que la société oppose dans sa discussion la prescription d’une partie de la demande sans énoncer cette fin de non recevoir dans le dispositif de ses conclusions de sorte qu’il n’y a pas lieu de l’examiner conformément à l’article 954 du code de procédure civile.

La cour constate ensuite que la salariée fonde sa prétention au titre de la contrepartie obligatoire en repos, sur la base des heures supplémentaires figurant sur ses bulletins de paie, sans remettre en cause leur paiement ni invoquer l’accomplissement d’autres heures supplémentaires que celles déjà comptabilisées par l’employeur. Il s’ensuit qu’aucun litige n’est élevé au titre d’heures supplémentaires non rémunérées.

En cela, la demande de la salariée est distincte de celle présentée en première instance au seul titre des heures supplémentaires, celle-ci étant abandonnée au cause d’appel, même si le quantum sollicité est identique.

A l’analyse des pièces du dossier et après décompte des heures figurant sur les bulletins de paie établis par les deux établissements de [Localité 5] et de [Localité 7], la cour relève que la salariée a accompli au delà de la durée légale du travail, un nombre d’heures supplémentaires annuel s’établissant ainsi:

– 137 heures supplémentaires en 2011

– 138 heures supplémentaires en 2012

– 278,5 heures supplémentaires en 2013

– 249 heures supplémentaires en 2014

– 267 heures supplémentaires en 2015.

Ces éléments font ressortir un dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires fixé à 220 heures, pour les années 2013, 2014 et 2015, ouvrant droit pour la salariée à une contrepartie obligatoire en repos dont la perte justifie l’octroi d’une indemnisation.

Celle-ci devant être calculée sur la base de la rémunération qu’aurait perçue la salariée durant le repos compensateur outre les congés payés afférents, la cour fixe à la somme de 2 145,87 euros le montant de l’indemnité due à la salariée au titre de la perte de la contrepartie en repos.

En conséquence et en ajoutant au jugement déféré la cour condamne la société à verser à la salariée la somme de 2 145,87 euros à titre d’indemnité pour la perte de la contrepartie obligatoire en repos.

Sur les dommages et intérêts au titre du défaut d’information au droit à repos compensateur

La réparation d’un préjudice résultant d’un manquement de l’employeur suppose que le salarié qui s’en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d’une part la réalité du manquement et d’autre part l’existence et l’étendue du préjudice en résultant.

En l’espèce la salariée sollicite la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts en concluant dans ses écritures à l’issue de ses développements sur la perte de ses droits à contrepartie obligatoire en repos, qu’elle est également fondée à réclamer la réparation d’un préjudice distinct fondé sur le défaut d’information de son droit à repos pour dépassement du contingent d’heures.

Il est établi et au demeurant non contesté que l’employeur n’a pas informé la salariée des heures devant être portées à son crédit au titre de la contrepartie obligatoire en repos dans les conditions prescrites par l’article D. 3171-11 du code du travail, de sorte que comme il a été dit ci-dessus, cet employeur n’a pas, de son fait, mis la salariée en mesure de former une demande à ce titre.

Toutefois la salariée n’explicite ni ne produit aucun élément de nature à démontrer le préjudice occasionné par ce manquement, distinct de celui indemnisé au titre de la perte du droit à la contrepartie obligatoire en repos.

En conséquence, la cour dit que la demande n’est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il l’a rejetée.

Sur l’indemnité pour travail dissimulé

Il résulte de l’article L.8221-1 du code du travail qu’est prohibé le travail totalement ou partiellement dissimulé par dissimulation d’emploi salarié.

Aux termes de l’article L.8821-5 du code du travail dans sa rédaction applicable, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur:

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre II de la troisième partie;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Il résulte de l’article L.8223-1 du code du travail qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l’employeur a recours en commettant les faits prévus à l’article L.8821-5 a droit à une indemnité forfaire égale à six mois de salaire.

Toutefois le travail dissimulé n’est caractérisé que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle. Ce caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

Il revient au salarié de rapporter la preuve de l’élément intentionnel du travail dissimulé.

En l’espèce la salariée sollicite la somme de 13 674 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé.

A l’appui, elle fait valoir que le travail dissimulé ne se limite pas à sanctionner l’omission déclarative et de paiement des heures de travail effectuées mais comprend également la privation des ‘droits sociaux afférents’ de sorte qu’en omettant de l’informer de son droit à repos pour les heures effectuées au delà du contingent annuel, l’employeur qui l’a privée intentionnellement de ses droits sociaux, est redevable de l’indemnité de travail dissimulé .

La société conclut au rejet de la demande aux motifs qu’il n’est pas établi l’existence d’heures supplémentaires non rémunérées ni rapporté la preuve d’un élément intentionnel.

La cour constate d’une part que la demande ne repose pas sur une dissimulation de salaire ou d’élément de rémunération mais sur une privation de droits à congés dont la sanction est d’ailleurs une indemnité qui a le caractère de dommages et intérêts n’entrant pas à ce titre dans l’assiette des cotisations sociales, de sorte la demande invoquée n’entre pas dans le champ du travail dissimulé.

D’autre part la cour relève que la salariée n’explicite ni ne produit aucun élément à l’appui de l’intentionnalité.

En conséquence, la cour dit que la demande n’est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il l’a rejetée.

Sur le licenciement

Aux termes de l’article L.1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

En application de l’article L.1235-1 du code du travail, il revient à la cour d’apprécier, au vu des éléments apportés aux débats par l’une et l’autre parties, le caractère réel et sérieux de la cause du licenciement et ce telle qu’elle résulte des motifs énoncés dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.

Les motifs de faute doivent contenir des griefs précis, objectifs et matériellement vérifiables.

Aux termes de l’article L.1332-4 du code du travail aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance.

Le délai de prescription porte sur l’agissement fautif isolé de sorte que lorsque la faute s’inscrit dans un phénomène répétitif se poursuivant dans le délai de deux mois, aucune prescription n’est acquise.

Ce délai court du jour où celui-ci a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés.

Lorsque le déclenchement des poursuites disciplinaires a lieu plus de deux mois après les faits fautifs et que la prescription des faits fautifs est opposée par le salarié, il appartient à l’employeur de rapporter lui-même la preuve qu’il n’a eu connaissance de ceux-ci que dans les deux mois ayant précédé l’engagement de la procédure disciplinaire qui correspond à la date de convocation à l’entretien préalable.

La prescription n’est pas acquise lorsque le même comportement fautif se poursuit ou se répète dans le délai de deux mois.

Par ailleurs en application de l’article L.1331-1 et suivants du code du travail l’employeur qui a notifié un avertissement écrit ou une mise à pied disciplinaire au salarié a épuisé son pouvoir disciplinaire. Il peut cependant prononcer un licenciement fondé à la fois sur les griefs anciens déjà sanctionnés et sur un fait nouveau postérieur à la première sanction ou sur des faits antérieurs à celle-ci, à condition de rapporter la preuve de ce qu’il n’avait pas connaissance de ces derniers à la date de la première sanction.

Mais l’employeur qui, ayant connaissance de divers faits commis par le salarié et considérés par lui comme fautifs, choisit de n’en sanctionner que certains, ne peut plus ultérieurement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire pour sanctionner les autres faits antérieurs à la première sanction.

En l’espèce il ressort de la lettre de licenciement dont les termes ont été restitués ci-dessus que la société énonce les motifs suivants :

– un comportement inapproprié à l’égard de plusieurs clients, par un traitement négligent, cavalier et suspicieux d’une demande d’échange pour défectuosité d’une paire de chaussures, dénoncé par courrier du 15 décembre 2015;

– des méthodes managériales inappropriées ayant occasionné une souffrance au travail chez plusieurs salariés et des difficultés organisationnelles et ce, malgré les demandes de modération de son supérieur hiérarchiques;

– une violation répétée des directives de son supérieur hiérarchique au mépris des délais et des procédures, en s’opposant en août 2015 à la consigne visant à améliorer l’organisation du travail en limitant le recours aux heures supplémentaires, en ne procédant pas comme demandé à l’évaluation des vendeurs au mois d’août 2015 puis conformément à son propre engagement pour le 2 novembre 2015 et en procédant à des déclarations de vols de marchandises, anciens et en méconnaissance de l’obligation de les déclarer sous 48 heures, pour éviter d’avoir à justifier des marchandises manquantes lors de la vérification de l’état des stocks demandée par son supérieur fin septembre 2015.

A l’appui du grief reposant sur un comportement inapproprié à l’égard de la clientèle, la société produit :

– le mail de M. [GS] du 15 décembre 2015 à M. [H] par lequel il se dit en attente d’une réévaluation de sa situation dans les plus brefs délais pour un règlement amiable avant d’engager une procédure judiciaire, en joignant en pièce jointe un courrier dans lequel il dénonce le traitement de sa demande d’échange d’une paire de chaussure défectueuse par la salariée, ayant consisté à revenir d’abord sur l’annonce qui lui avait faite par un vendeur d’un échange assorti de l’application de la remise, pour le laisser ensuite dans l’attente et l’incertitude jusqu’au 15 décembre 2015, avant de remettre en cause le principe même de l’échange, estimant que le produit n’est pas défectueux, le client précisant avoir eu entre-temps une conversation avec une vendeuse lui ayant indiqué ‘à demi mot’ que selon la salariée son seul objectif était de bénéficier de la remise des ventes privées. Il conclut sa lettre en annonçant partager sa mauvaise expérience sur des sites de consommateurs et s’engager comme son entourage à ne plus faire d’achat, ‘Versace est désormais mort dans mon esprit’ tant que son préjudice ne sera pas réparé;

– l’avertissement notifié le 27 février 2013 au motif de négligences dans la tenue des corners, la présentation des vêtements, la gestion de la nouvelle collection et le port des vêtements professionnels.

La salariée souligne qu’un seul fait est énoncé, conteste toute faute dans le traitement de ce dossier et allègue une instrumentalisation des doléances du client par M. [H] à l’encontre de la salariée alors que ce dernier avait appuyé sa décision de ne pas procéder à l’échange et que l’employeur avait connaissance des informations postérieures apportées par le client mettant en cause M. [H].

Elle produit les éléments suivants :

– le mail de M. [GS] du 4 janvier 2016 par lequel il indique (étant précisé que [BX] est M. [H]) :

‘ Madame,

Suite à notre entrevue lors de mon passage sur le point de vente Versace de Cap 3000, nous avons eut une discussion au cours de laquelle de nouveaux éléments ont été porté à ma connaissance.

En effet, lorsque j’ai envoyé le mail envoyer à M [BX], je pensais que celui-ci allez être transmis à un supérieur hiérarchique comme il me l’avais assuré, hors je viens de comprendre que ce supérieur hiérarchique était M [BX] en personne.

Il me semble donc indispensable de présenter une précision sur la situation valable à cette période.

Suite à l’annonce de la décision défavorable prise par [O] à mon égard, je me suis immédiatement entretenu par téléphone avec M [BX], présent sur le point de vente Cap 3000 ce jour là.

A aucun moment ce dernier m’a signifié être en mesure de prendre une autre décision que celle prise par [O], au contraire, ce dernier a même approuvé cette décision car il m’a donné la garantie de me changer le produit si celui-ci se dégradé encore, que la décision finale ne lui revenait pas, et qu’il avait pour seul objectif de régler ce litige, et m’a donc garantie de faire remonter mon mail à son supérieur.

Il me semble évident aujourd’hui que M [BX] aurait dû ce jour là prendre la décision lui même de changer le produit, comme il en avais le droit, vu son statut et ayant connaissance de l’intégralité des faits.

Pourquoi me dire de rédiger un mail afin qu’il le fasse remonter’ Pourquoi ne pas avoir pris

cette décision suite à notre entretient téléphonique au cours duquel j’ai exposé les mêmes arguments que ceux présent dans mon mail et qui m’ont permis d’obtenir l’échange’

Pourquoi ne pas avoir pris une décision plus rapidement sachant qu’il était au courant du

litige dès les premiers jours’

Je lui reproche aujourd’hui de ne pas avoir pris ses responsabilités ainsi que son manque de transparence dans le fait de pouvoir prendre une décision plus juste et surtout plus rapide à mon égard .

Je ne souhaite pas être l’otage d’un conflit d’intérêts’;

– une attestation de Mme [CK], démonstratrice, (sans copie de pièce d’identité) qui affirme ‘avoir assisté à la conversation téléphonique du 8 décembre 2015 entre Mme (la salariée) et son client et par la suite de M. [H] et ce même client. La conversation concernait le retour d’une paire de chaussures Versace. Mme (la salariée) a expliqué à son client qu’elle était dans l’impossibilité de le rembourser tout en essayant de solutionner au mieux les demandes de ce dernier. Ce dernier a exposé son problème à M. [H] [BX] qui a appuyé la décision prise par sa collaboratrice Mme (la salariée)’;

– les attestations de M. [B], Mme [S], M. [E], M. [N], M. et Mme [V], Mme [X], M. [A], M. [W], M. [M], M. [AS], de M. [J], M. [AS], Mme [P], M. [IG], Mme [UY], anciens salariés, de Mme [U], vendeuse dans une autre enseigne, soulignant le professionnalisme et la qualité de service de la salariée à l’égard de la clientèle;

– un mail de la salariée à M. [H] du 5 janvier 2016 l’informant de deux litiges clients en cours dont elle explique les données en concluant : ‘ Afin de ne pas créer de litige important et considérant que ce sont deux bons clients, je vous demande l’autorisation de procéder à un échange de valeur égale ou supérieure. Dans l’attente d’une réponse’.

A l’analyse des pièces du dossier la cour relève d’abord que le grief repose sur les seuls faits relatifs aux doléances de M. [GS] sur le traitement de sa demande d’échange.

Or la cour relève d’une part que si la gestion du problème a indéniablement été longue et le client resté en attente d’une décision, aucun élément ne permet de vérifier la pertinence du refus de procéder à l’échange sollicité.

D’autre part, non seulement au contraire de l’énoncé de la lettre de licenciement, la salariée établit par le mail du client du 4 janvier 2016 et son mail du 5 janvier 2016, que son supérieur hiérarchique, auquel elle soumettait pour accord son positionnement pour le service après-vente, a été informé de la question mais que ce dernier était en accord avec la salariée avant de solliciter le client pour qu’il adresse un mail pour faire ‘remonter’, circonstance qui ne permet pas de conclure à la totale sincérité de tous les termes de son courrier de protestations, lequel omet au demeurant son échange avec M. [H] et ainsi d’écarter le caractère dirigé des dénonciations de ce client.

Dans ces conditions la cour dit que la faute de la salariée dans le traitement de la demande d’échange de M. [GS] n’est pas caractérisé et qu’en l’absence de tout autre élément sur le comportement inapproprié de la salariée à l’égard de la clientèle, contredit par les éléments fournis par la salariée, le grief n’est pas établi.

A l’appui du deuxième grief reposant des méthodes managériales inappropriées ayant occasionné une souffrance au travail chez plusieurs salariés ainsi que des difficultés organisationnelles, la société produit :

– des pièces concernant Mme [L], vendeuse, à savoir :

*un certificat médical du docteur [UK], psychiatre, dont il résulte que celle-ci a ‘présenté au début de l’année 2013 des symptômes anxieux, liés en grande partie à son travail. En effet elle sentait une pression importante qui la mettait dans une situation difficile. Progressivement, ces symptômes se sont aggravés avec un sentiment de dévalorisation, de ne pas être à la hauteur, et sont apparus des troubles du sommeil. avec cauchemars le plus souvent liés au travail. A plusieurs reprises elle a refusé des arrêts de travail arguant qu’elle devait “assurer”. Elle a présenté à plusieurs reprises des attaques de panique durant l’été 2013, refusant à chaque fois les arrêts de travail, de peur de ne plus être considérée.

Ces symptômes rentrent tout à fait dans le cadre d’un syndrome anxio-dépressif sévère secondaire à des conditions de harcèlement au travail. Ils peuvent être à l’origine, du fait de la grande tension nerveuse, de comportements désadaptés comme Madame [L] a eu le 5 septembre 2013″;

* un certificat médical établi par le docteur [Z] du 28 mars 2014 indiquant que ‘elle a présenté une décompensation psychologique durant l’été 2013 avec attaques de paniques. Elle n’a pas interrompu ses activités professionnelles pour ne pas être pénalisée sur le plan professionnel. Elle a présenté un état anxio-dépressif sévère lequel explique tout à fait le comportement inadapté qu’elle a présenté le 5 Septembre 2013. Elle impute les troubles du comportement et les troubles de l’humeur constatés à un harcèlement sur son lieu de travail’;

* l’attestation de Mme [I], vendeuse pour le compte de la société Féraud aux Galeries Lafayette de [Localité 5] Massena, qui déclare ‘avoir été témoin du harcèlement moral de [F] [L] par sa responsable Mme (la salariée). En effet : brimades verbales, humiliations, insultes étaient le quotidien de [F]. J’ai souvent entendu (la salariée) parler à [F] de façon très autoritaire, agressive : ‘tu es nulle, tu ne comprends rien’. [F] se confiait beaucoup à moi, elle était terrorisée et avait beaucoup perdu confiance en elle. Son état de santé et sa bonne humeur se sont détériorés en quelques mois, elle pleurait souvent et était épuisée. Il faut dire que (la salariée) n’est pas du tout du genre pédagogue et est un très mauvais manager’. Depuis le licenciement de [F], les vendeurs défilent. Aucun jeune vendeur ne peut et ne veut travailler avec elle’;

– des pièces concernant M. [R], à savoir :

* son mail du 9 mars 2015 adressant à la société, sur sa demande, un courrier du 7 mars 2015 expliquant ‘les principaux problèmes’ auxquels il a été confronté sur le corner de Cap 3000 du fait de la salariée, le dit courrier détaillant ses griefs à son encontre et notamment : l’enregistrement de ses propres ventes sous son nom, la demande de saisies informatiques sans formation préalable, le rejet brutal de ses conseils de rangement de la réserve, la pression et la surveillance de tous ses faits et gestes par l’intermédiaire d’une autre vendeuse, les reproches virulents sur les erreurs qu’il commet, son interpellation en hurlant après qu’il ait annoncé à M. [H] qu’il ne toucherait plus au logiciel tant qu’il n’aura pas été formé, en le traitant de ‘faux-cul’, en l’insultant,, un comportement délétère en lui parlant ‘comme si je suis un moins que rien’ après qu’il ait dressé auprès de M. [H] un liste de ses défaillances et dysfonctionnements, ce salarié précisant que ces faits sont à l’origine d’une crise d’asthme, d’un malaise puis du développement d’un zona et que M. [H] lui renvoyait ‘qu’il sait qui est (la salariée), ‘quelle lui fait aussi des sales coups’, que ses collègues, ses responsables et quelques clients lui disaient en avoir assez de cette ‘peste’, ‘qu’elle a déjà poussé des collègues au suicide’;

* le procès-verbal de constatations de l’agent enquêteur de la CPAM du 4 juin 2015 rapportant les doléances du salarié et le récit de son malaise sur son lieu de travail le 17 février 2015 à type de ‘vertiges’ alors qu’il était seul sur le stand, sa vaine demande de partir laissée sur la messagerie de M. [H] et son placement en arrêt maladie jusqu’au 7 mars 2015, date de fin de son contrat à durée déterminée;

* un certificat médical établi par le docteur [K] du 4 février 2015 selon lequel il ‘présente clairement un syndrome anxio-dépressif réactionnel, à priori en rapport à un harcèlement au travail, qui nécessite d’emblée un arrêt de travail de 2 semaines’;

– le courrier adressé par la société à la salariée le 19 mai 2015 dont l’objet est ‘lettre de rappel sur vos fonctions managériales’ énonçant :

‘Nous vous adressons la présente lettre afin de vous faire part de difficultés relationnelles qui nous ont été relatées par des salariés placés sous votre supervision, ceux-ci étant allés jusqu’à qualifier les faits de harcèlement moral.

Si les résultats des investigations menées nous ont conduits à écarter la qualification de harcèlement moral, au vu de la répétition des situations de mésententes nous étant rapportées par différents salariés, il nous semblait important de vous rappeler que si l’aspect de développement commercial de vos fonctions de Responsable des Corners de [Localité 5] Massena et Cap 3000, bien évidemment essentiel, votre capacité à gérer efficacement l’équipe placée sous votre supervision l’est tout autant.

En effet, en votre qualité de Responsable des Corners de Nice et de [Localité 7]’, vous êtes chargée de superviser les équipes de ventes au sein des corners Versace Collection Homme des Galeries Lafayette [Localité 5] Massena et Cap 3000, représentant environ de 4 à 6 salariés.

Il est donc de votre responsabilité de vous impliquer pleinement dans la mise en ‘uvre des stratégies opérationnelles pour optimiser les résultats de la Société et d’assurer le management de vos équipes dans les meilleures conditions.

Plus précisément, votre rôle implique que vous insuffliez un esprit d’équipe et de collaboration fort et également que vous sachiez résoudre les tensions qui sont inhérentes à une relation de travail en collectivité.

En cette qualité, vous vous devez d’adopter lin comportement exemplaire et d”uvrer, en toutes circonstances, au déblocage de toute situation de mésentente susceptible de surgir et à l’apaisement des éventuelles situations conflictuelles.

Dans ce contexte, il nous semblait important d’attirer votre attention sur l’importance de l’aspect managérial de vos fonctions. Nous comptons sur votre professionnalisme pour que vous fournissiez les meilleurs efforts et accordiez la plus grande attention au bon accomplissement du versant managérial de vos attributions.

Nous vous invitons donc à adopter un comportement à l’avenir plus approprié et notamment à revoir votre mode de communication’.

La salariée qui conteste le grief, oppose en premier lieu la prescription des faits en ce que d’une part les faits invoqués sont antérieurs de plus de deux mois à l’engagement de la procédure de licenciement, d’autre part l’employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire dès lors qu’il avait connaissance de ces faits lors du prononcé des avertissements et qu’il avait fait le choix de ne pas les sanctionner.

La société demande de rejeter le moyen en faisant valoir que de nombreux manquements sont antérieurs de moins de deux mois et qu’en outre leur réitération autorise à s’en prévaloir sans encourir de prescription, et ce en l’illustrant en visant des faits concernant uniquement le troisième grief.

Sur la prescription des faits, après analyse des pièces du dossier, la cour relève que la lettre de licenciement énonce d’abord sans identification ni précision de date, la plainte d’une salariée sur des agissements ayant altéré son état de santé, ensuite dans des termes vagues l’information reçue de départs de salariés motivés par son comportement, enfin le courrier de dénonciation d’un salarié le 7 mars 2015 dont le malaise a entraîné une demande en reconnaissance d’un accident du travail.

Au vu des pièces produites le premier élément repose sur des faits concernant Mme [L] en 2013-2014, correspondant indéniablement à des faits antérieurs de plus de deux mois à l’engagement de la procédure de licenciement le 18 décembre 2015, dont la société ne démontre par aucun élément qu’il n’en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l’engagement de la procédure disciplinaire.

Quant aux faits concernant la dénonciation du 7 mars 2015 se rapportant à M. [R], il s’évince des propres pièces de la société qu’elle a eu connaissance de la mise en cause du management de la salariée à minima à cette date.

Or elle ne justifie pas des diligences entreprises ou d’une enquête susceptible de reporter le point de départ de la prescription dans les deux mois de l’engagement de la procédure de licenciement.

Et il ressort même de son courrier du 15 mai 2015 portant rappel de l’exercice de ses fonctions managériales que les investigations menées étaient closes à cette date, ce dont il a résulté qu’elles écartaient la qualification de harcèlement moral, l’employeur choisissant la voie du seul rappel écrit des obligations et ayant prononcé ensuite un avertissement le 14 octobre 2015 pour un motif d’absence non autorisée.

Aucun fait nouveau postérieur n’est précisément invoqué de sorte que le grief repose sur des faits prescrits.

Sur le troisième et troisième grief reposant sur la violation répétée des directives de son supérieur hiérarchique au mépris des délais et des procédures, la société produit :

– un document intitulé ‘feedback’ de la salariée, constitué des commentaires de M. [H] à la direction par mail du 24 août 2015 indiquant notamment à la rubrique ‘Savoir-être avec le corps managérial’ que la salariée ‘est automatiquement sur la défensive concernant le management en général. Plus particulièrement, concernant notre collaboration, il est très difficile d’avoir une communication ouverte et constructive…Elle a une attitude fuyante et se met constamment dans une attitude ‘de concurrence négative’ avec les conseils que je peux lui donner (exemple le jour de sa reprise après son arrêt maladie, j’ai souhaité faire un point avec elle suite au mois qui s’était écoulé mais aussi d’une manière générale. Lorsque nous avons abordé la question des heures supplémentaires (que je voulais voir réduites au maximum) celle-ci semblait refuser d’écouter mes remarques ainsi que le plan d’action que je proposais de mettre en oeuvre jusqu’à ce qu’elle hausse le ton pour faire savoir son mécontentement et son opposition)’;

– le mail adressé à la salariée le 22 août 2015 lui communiquant le compte rendu d’une réunion du 19 août 2015 et l’invitant à ajouter ses commentaires et suggestions d’amélioration avant le 29 août 2015;

– le mail de M. [H] à la salariée du 23 septembre 2019, ci-dessus retranscrit au titre de la classification, lui rappelant les points non traités dont notamment ‘son feed-back’ concernant la réunion du 29 août 2015, ‘son feed-back’ concernant les évaluations de deux vendeurs les 25 et 26 août 2015 en attirant son attention sur l’existence d’une demande officielle d’augmentation de l’un d’eux et le résultat des inventaires;

– le mail de M. [H] à la salariée du 21 octobre 2015 lui indiquant notamment ‘durant la semaine du 2 au 8 novembre, vous organiserez les entretiens individuels pour l’ensemble de l’équipe et définirez également des plans d’action personnalisés’;

– la plainte pour des vols à l’étalage entre le 27 juillet le 19 septembre 2015 au corner Cap 3000 déposée par la salariée le 29 septembre 2015 et la plainte de la même date pour un vol du 23 septembre 2015.

La salariée soutient que le grief est inconsistant et expose que si elle n’a pas eu le temps matériel de satisfaire l’ensemble des demandes de ses supérieurs hiérarchiques, étant occupée à la vente et venant de reprendre son poste après un arrêt pour accident du travail durant plus d’un mois ayant occasionné un retard dans la gestion du back office, il ne s’agit nullement d’un refus de s’exécuter. Elle souligne ne pas avoir pu procéder plus tôt aux déclarations de vol étant justement en arrêt de travail mais que l’employeur en a néanmoins été régulièrement informé et réfute toute manoeuvre pour masquer des marchandises manquantes et éviter d’avoir à en justifier.

Elle verse aux débats:

– la déclaration d’accident du travail et les arrêts pour accident du travail du 8 juillet au 11 août 2015 pour une entorse à la cheville;

– trois mails du 29 juillet et du 22 août 2015 de [C] (salariée du corner Cap 3000) en langue anglaise signalant à la direction le vol le 27 juillet 2015 et le 21 août 2015 de plusieurs vêtements dont elle dresse la liste.

A l’analyse des pièces du dossier la cour relève que l’appréciation portée par M. [H] sur l’opposition alléguée de la salariée lors d’un point réalisé à son retour d’arrêt de travail n’est non seulement pas objectivée mais rapporte au plus la seule manifestation d’une opinion contraire sans que le compte rendu ne caractérise ni l’existence d’une consigne ni un refus de s’y conformer.

La cour relève également s’agissant de la déclaration de vols tardive, que la société ne justifie pas de consignes écrites sur la procédure à suivre en cas de constat de vols, qu’au demeurant la salariée démontre qu’elle était en arrêt maladie sur la période durant laquelle l’essentiel des vols a été commis de sorte qu’elle n’était pas susceptible de déposer plainte et qu’une collaboratrice en a cependant informé la direction.

La société qui ne produit ensuite aucun élément de nature à démontrer que les vols déclarés fin septembre 2015 étaient distincts de ceux ayant fait l’objet d’une remontée en juillet et août 2015, se limite à déduire de la coïncidence de dates entre l’inventaire du stock et le dépôt de plainte, l’existence de manoeuvres destinées à éviter de justifier de marchandises manquantes, de sorte que les faits ne sont ni objectivés ni vérifiables.

Dans ces conditions la cour dit qu’aucune faute n’est caractérisée à l’encontre de la salariée dans ses diligences relatives aux vols de marchandises.

La cour constate en revanche qu’est établi comme n’étant pas contesté le fait que la salariée s’est abstenue de procéder aux évaluations des vendeurs placés sous sa responsabilité pourtant demandée à deux reprises, ce qui caractérise une négligence dans l’exécution de ses obligations professionnelles.

Toutefois ce seul fait, dont aucun élément ne démontre le caractère délibéré et qui s’inscrit dans un contexte de retour d’arrêt pour accident du travail n’est pas de nature à constituer une faute susceptible de conférer une cause réelle et sérieuse au licenciement disciplinaire notifié à la salariée.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence et en infirmant le jugement déféré, la cour déclare le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par voie de conséquence la cour dit n’y avoir lieu à examiner la demande subsidiaire de la salariée au titre de la régularité de la procédure de licenciement, étant rappelé que les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail et les dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement ne se cumulent pas.

Sur les conséquences financières de la rupture

1° les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

La salariée qui présentait plus de deux ans d’ancienneté, employée dans une entreprise occupant plus de onze salariés, peut prétendre en application de l’article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire.

Eu égard au montant de la rémunération mensuelle brute perçue par la salariée (3 292,47 euros), de son ancienneté dans l’entreprise, de sa capacité à retrouver un emploi, des seules explications et pièces fournies sur son préjudice, il apparaît que le préjudice résultant pour la salariée de la rupture de son contrat de travail, doit être fixé à la somme de 25 000 euros.

En conséquence et en infirmant le jugement déféré, la cour condamne la société à verser à la salariée la somme de 25 000 euros de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2° les dommages et intérêts pour préjudice distinct

La réparation d’un préjudice résultant d’un manquement de l’employeur suppose que le salarié qui s’en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d’une part la réalité du manquement et d’autre part l’existence et l’étendue du préjudice en résultant.

En application de l’article 1147 du code civil, lorsque l’employeur commet une faute dans les circonstances entourant le licenciement occasionnant au salarié un préjudice distinct de celui indemnisé au titre de la perte de l’emploi, ce dernier peut prétendre à des dommages et intérêts.

En l’espèce la salariée sollicite la somme de 39 509,64 euros de dommages et intérêts au titre d’un préjudice résultant du caractère vexatoire de la procédure de licenciement.

A l’appui elle invoque:

– les conditions dans lesquelles elle a été convoquée et a été mené l’entretien préalable en ce que la société l’a délibérément convoquée à une date où elle la savait absente en refusant sa demande de report, à une période où les conseillers extérieurs risquaient d’être indisponibles, alors qu’un doute existait sur sa possibilité d’y recourir dans une procédure menée en pleine fusion absorption faisant peser une incertitude sur l’identité de l’employeur et dans un lieux ne préservant pas la discrétion et la confidentialité des propos puisque l’entretien s’est déroulé au bar-restaurant des Galeries Lafayette à [Localité 5];

– l’acharnement dont l’employeur a fait preuve pour lui imputer des faits qu’il avait lui-même provoqué, et qui sont prescrits ou encore inconsistants.

Elle produit:

– la lettre de convocation à un entretien préalable fixé au 28 décembre 2015 à 12h au [Adresse 3] à [Localité 5] Massena ;

– son mail du 23 décembre 2015 demandant le report de l’entretien au motif que l’employeur la savait en récupération le 28 décembre 2015 et que les conseillers extérieurs risquaient d’être indisponibles pendant les fêtes de fin d’année;

– le mail en réponse de la société du même jour l’informant de l’impossibilité de reporter l’entretien pour des raisons organisationnelles et de la possibilité de décaler son jour de récupération;

– ‘l’attestation de témoignage’ de M. [G], conseiller extérieur ayant assisté la salariée lors de l’entretien, indiquant en préliminaire que la responsable des ressources humaines les a reçu au bar-restaurant des Galeries Lafayette avec une heure de retard dans un lieu ne disposant d’aucune confidentialité au regard de l’ensemble des autres salariés.

Elle en conclut que l’ingratitude de la société l’a conduite à changer de profession, ne parvenant pas à continuer à exercer ce métier sans répercutions psychologiques.

La société affirme l’absence de toute irrégularité et de caractère vexatoire résultant de la phase de convocation et d’entretien préalable et fait valoir que la salariée ne démontre pas l’existence d’un préjudice distinct.

A l’analyse des pièces du dossier la cour relève que le seul fait de refuser une demande de report de l’entretien, qui n’est pas un droit, ne caractérise pas en soi une faute de l’employeur, que la salariée ne démontre pas en quoi le choix de la date procède d’un caractère intentionnel ou était de nature à la priver d’une assistance, ni que le choix du lieu, bien que peu propice, soit fautif alors qu’il est situé dans l’enceinte du lieu de travail, lui-même impropre à un entretien s’agissant d’un simple corner, ce qui correspond à un choix de proximité par rapport au siège social établi à [Localité 6].

Par ailleurs si les griefs s’avèrent infondés, ce constat n’établit pas à lui seul une faute dans la conduite du licenciement et la salariée qui se limite à affirmer que l’employeur a ainsi jeté le discrédit sur sa personne, ne produit aucun élément de nature à le démontrer.

Enfin sur le préjudice, la salariée ne verse aux débats aucun élément caractérisant l’existence d’un préjudice distinct de celui déjà indemnisé au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence, la cour dit que la demande n’est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il l’a rejetée.

Sur les dommages et intérêts pour non respect de l’obligation de sécurité

La réparation d’un préjudice résultant d’un manquement de l’employeur suppose que

le salarié qui s’en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d’une part la réalité du manquement et d’autre part l’existence et l’étendue du préjudice en résultant.

Aux termes de l’article L.4121-1 du code du travail, l’employeur est tenu, pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, de prendre les mesures nécessaires qui comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d’information et de formation et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés; que l’employeur doit veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

L’article L. 4121-2 du même code précise que l’employeur met en ‘uvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants:

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral, tel qu’il est défini à l’article L. 1152-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Ainsi l’employeur est tenu à l’égard des salariés d’une obligation légale de sécurité qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des salariés et lui interdit, dans l’exercice de son pouvoir de direction, de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre leur santé et leur sécurité, obligation dont il doit assurer l’effectivité et dont il doit justifier.

Mais l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ne méconnaît pas son obligation légale.

Par application des articles L.142-1 et L.142-2 du code de la sécurité sociale relève de la compétence exclusive du pôle social du tribunal judiciaire l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, y compris lorsqu’ils portent sur l’indemnisation complémentaire pour faute inexcusable et qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité

En revanche l’action du salarié contre son employeur sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile contractuelle est admise pour un dommage non pris en charge au titre de la législation sur les accidents du travail ou les maladies professionnelles.

L’article R.4624-10 du code du travail dans sa rédaction applicable, prévoit que le salarié doit bénéficier d’un examen médical par le médecin du travail avant l’embauche ou au plus tard avant l’expiration de la période d’essai, sauf si les conditions prévues à l’article R.4624-12 sont réunies.

L’article R.4624-16 dans sa version en vigueur jusqu’au 1er janvier 2017 dispose que le salarié bénéficie d’examens médicaux périodiques, au moins tous les vingt-quatre mois, par le médecin du travail. Ces examens médicaux ont pour finalité de s’assurer du maintien de l’aptitude médicale du salarié au poste de travail occupé et de l’informer sur les conséquences médicales des expositions au poste de travail et du suivi médical nécessaire.

C’est à l’employeur de justifier qu’il s’est conformé à ses obligations en matière de surveillance médicale.

En l’espèce la salarié sollicite la somme de 39 509,64 euros de dommages et intérêts en faisant valoir que :

– elle a été victime durant la relation de travail de six accidents de travail dont l’origine est la négligence de la société qu’il s’agisse de matériel inadapté, d’absence d’entretien ou de sous-effectif alors qu’il lui appartenait de prendre toute mesure pour éviter les risques professionnels, d’autant qu’il avait connaissance par cette succession d’accidents du travail de l’existence de risques, ce qui a occasionné des répercutions sur sa santé mentale et physique et nécessité au total 64 jours d’arrêt de travail et des soins encore plus long compte tenu des douleurs résiduelles;

– l’employeur n’a jamais organisé de visites médicales ;

– l’employeur n’a pas pris en compte le certificat médical du 12 octobre 2010 ni les restrictions figurant sur la fiche d’aptitude du 25 septembre 2014.

Elle verse aux débats:

– en pièces 45 à 47, 51 à 56 diverses pièces relatives aux accidents du travail, les lésions et les soins;

– un certificat médical établi par le docteur [T] le 12 octobre 2010 par lequel il certifie que la salariée ‘est dans l’incapacité totale pendant deux mois de porter des charges lourdes en attendant ses examens complémentaires qui confirmeront ou infirmeront l’incapacité de port de charges’.

La société conclut au rejet de la demande en faisant valoir que:

– la survenance de ces accidents n’implique pas la reconnaissance d’une faute inexcusable en ce que la salariée ne démontre pas que l’employeur aurait dû avoir conscience du danger et anticiper ces accidents, qui en réalité ont résulté pour l’essentiel de la propre gestuelle et maladresse de la salariée et une fois du comportement agressif d’un tiers;

– la salariée ne rapporte pas la preuve qu’elle a porté à la connaissance de son employeur les recommandations du médecin du travail du 25 septembre 2014 sur le port de charges lourdes ni l’avis en ce sens de son médecin traitant du 12 octobre 2010;

– la salariée ne justifie pas d’un préjudice.

Elle ne produit aucune pièce.

A l’analyse de ses écriture la cour relève d’abord que le moyen de la salariée reposant sur l’inaction et la négligence de l’employeur tend en réalité à imputer à l’employeur un manquement à son obligation de sécurité à l’origine des accidents du travail subi et à obtenir l’indemnisation des dommages en résultant.

Bien que la société conclut sur le terrain de la faute inexcusable sans en tirer les conséquences, la cour dit que le moyen ne peut être retenu au soutien d’une demande qui ne relève pas de sa compétence.

La cour relève ensuite que la salariée ne produit aucun élément à l’appui du manquement reposant sur le non respect par l’employeur des restrictions du médecin du travail, en l’absence même de tout justificatif de ces restrictions. Si elle verse un certificat médical de son médecin traitant, elle n’établit pas qu’elle l’a porté à la connaissance à son employeur.

En revanche la cour relève que la société ne justifie pas qu’elle s’est conformée à ses obligations en matière de surveillance médicale dès lors qu’elle ne produit aucune fiche de visite de la médecine du travail.

Le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité est établi en ce qu’il ne justifie pas avoir soumis la salariée aux visites médicales obligatoires.

Toutefois sur le préjudice, la cour relève que la salariée n’explicite ni ne justifie d’un préjudice directement occasionné par ce manquement.

En conséquence, la cour dit que la demande n’est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il l’a rejetée.

Sur le remboursement des indemnités chômage

En application de l’article L.1235-4 du code du travail dans sa rédaction applicable, il convient en ajoutant au jugement déféré, d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à la salariée licenciée du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d’indemnisation.

Sur l’astreinte

En l’espèce la salariée demande d’assortir le paiement des condamnations prononcées d’une astreinte de 50 euros par jour de retard à défaut d’exécution spontanée.

La cour dit que le présent arrêt constitue un titre exécutoire.

En conséquence, la cour dit que la demande n’est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il l’a rejetée.

Sur les dispositions accessoires

La cour infirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné la salariée aux dépens et a rejeté sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance.

La société qui succombe au principal est condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

En application de l’article 700 du code de procédure civile il est équitable que l’employeur contribue aux frais irrépétibles que la salariée a exposés en cause d’appel. La société est en conséquence condamnée à lui verser la somme de 1 500 euros pour les frais de première instance, de 2 000 euros pour les frais d’appel et est déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a :

– rejeté la demande en licenciement sans cause réelle et sérieuse de Mme [WM],

– rejeté la demande de dommages et intérêts de Mme [WM] au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné Mme [WM] aux dépens et rejeté sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Déclare le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SA Versace France à verser à Mme [WM] la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit que la somme allouée est exprimée en brut,

Condamne la SA Versace France à verser à Mme [WM] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance,

Condamne la SA Versace France aux dépens de première instance,

Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la SA Versace France à verser à Mme [WM] la somme de 2 145,87 euros à titre d’indemnité pour la perte de la contrepartie obligatoire en repos,

Dit que la somme allouée est exprimée en brut,

Ordonne d’office le remboursement par la SA Versace France aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à Mme [WM] du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d’indemnisation,

Condamne la SA Versace France à verser à Mme [WM] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais d’appel,

Condamne la SA Versace France aux dépens d’appel.

LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ

LE CONSEILLER

 


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