CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 22 juin 2022
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 522 F-D
Pourvoi n° F 21-13.153
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [B].
Admission du bureau d’aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 11 janvier 2021.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2022
M. [T] [B], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 21-13.153 contre l’arrêt rendu le 4 décembre 2019 par la cour d’appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige l’opposant :
1°/ à M. [R] [X],
2°/ à Mme [Z] [K],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Gallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [B], après débats en l’audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Gallet, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Colmar, 4 décembre 2019), le 1er avril 1998, M. [M], aux droits duquel viennent M. [X] et Mme [K] (les bailleurs), a donné à bail commercial à M. [B] (le locataire) des locaux à usage d’atelier de photographie publicitaire, situés au dernier étage d’un immeuble à [Localité 3].
2. Le 29 septembre 2006, les bailleurs ont signifié un congé avec refus de renouvellement au locataire pour le 30 mars 2007.
3. Ils l’ont assigné le 29 juin 2011 en validation du congé, fixation d’une indemnité d’occupation et expulsion sans indemnité d’éviction.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le locataire fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes de nullité du rapport d’expertise ordonné afin d’évaluer le montant de l’indemnité d’éviction et de condamnation au paiement de celle-ci, alors « que le bailleur est tenu d’indemniser le preneur évincé des frais de recherche, de réinstallation et de mutation à exposer pour l’acquisition d’un nouveau bail, sauf s’il est établi que le preneur ne se réinstallera pas dans un autre fonds ; qu’à cet égard, M. [B] faisait valoir que l’indemnité d’éviction était prévue pour permettre un déménagement et un relogement dans des conditions identiques ou à tout le moins satisfaisantes pour le preneur ; qu’en déboutant M. [B] de sa demande d’indemnité d’éviction, sans rechercher si le bailleur rapportait la preuve que M. [B] ne se réinstallerait pas dans un autre fonds, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 145-14 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l’article L. 145-14 du code de commerce :
5. Le bailleur qui refuse le renouvellement du bail commercial doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants du code précité, payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.
6. Pour rejeter la demande en paiement d’une indemnité d’éviction, l’arrêt rappelle les conclusions du rapport d’expertise selon lesquelles il était impossible de constater la réalité de l’existence et de l’exploitation d’un fonds de commerce en l’absence de chiffre d’affaires réalisé, et, de ce fait, d’évaluer tant la valeur du fonds que du droit au bail, et relève qu’aucun élément n’est produit par le locataire permettant d’évaluer son préjudice.
7. En se déterminant ainsi, sans rechercher si le bailleur rapportait la preuve que le locataire ne se réinstallerait pas dans un autre fonds, et alors qu’il est tenu d’indemniser le preneur évincé des frais de recherche d’un nouveau droit au bail, de réinstallation et de mutation à exposer pour l’acquisition d’un fonds de même valeur, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
8. Le moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l’arrêt fondant la décision de rejeter la demande de nullité du rapport d’expertise, la cassation ne peut s’étendre à cette disposition qui n’est pas dans un lien de dépendance avec les dispositions de l’arrêt critiquées par ce moyen.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il confirme le jugement ayant rejeté les prétentions de M. [B] en condamnation de M. [X] et Mme [K] au paiement d’une indemnité d’éviction, l’arrêt rendu le 4 décembre 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Colmar ;
Remet, sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Colmar autrement composée ;
Condamne M. [X] et Mme [K] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-deux.