COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 59A
1re chambre 2e section
ARRET N°
PAR DEFAUT
DU 21 JUIN 2022
N° RG 21/02186 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UNNW
AFFAIRE :
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
C/
M. [D] [F] [C]
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Janvier 2021 par le Tribunal de proximité de MANTES LA JOLIE
N° RG : 11-20-000344
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 21/06/22
à :
Me Jack BEAUJARD
Me Kazim KAYA
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE domicilié ès-qualités audit siège, venant aux droits de la société SOLFINEA, anciennement dénommée BANQUE SOLFEA.
N° SIRET : 542 .097.902 RCS [Localité 4]
Ayant son siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Jack BEAUJARD de la SELAS DLDA AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 543 – N° du dossier 20210262 –
Représentant : Maître Sébastien MENDES GIL de la SELARL CLOIX & MENDES-GIL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P173
APPELANTE
****************
Monsieur [D] [F] [C]
né le 31 Octobre 1953 à [Localité 5] ([Localité 5])
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentant : Maître Kazim KAYA, Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 574 –
Représentant : Maître Samuel HABIB, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1511
Madame [N] [T] [G] épouse [C]
née le 26 Juin 1960 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentant : Maître Kazim KAYA, Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 574 –
Représentant : Maître Samuel HABIB, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1511
INTIMES
S.E.L.A.F.A. MJA prise en la personne de Maître [J] [Z], ès-qualités de mandataire ad hoc de la société ARTYS CONFORT
Ayant son siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Assigné à tiers présent à domicile
INTIMEE DEFAILLANTE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 12 Mai 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Agnès PACCIONI, Vice-présidente placée chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,
Madame Agnès PACCIONI, Vice-présidente placée,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSE DU LITIGE
Le 10 décembre 2012, à la suite d’un démarchage à domicile, M. [D] [C] a acquis de la société Artys Confort une installation photovoltaïque financée par un crédit de 21 500 euros au taux nominal de 5,79 % l’an remboursable en 169 mensualités de 197 euros hors assurance, souscrit avec son épouse, Mme [N] [G], auprès de la société Banque Solfea, aux droits de laquelle se trouve la société BNP Paribas Personal Finance.
Par jugement du 31 juillet 2013, le tribunal de commerce de Paris a ouvert à l’encontre de la société Artys Confort une procédure de liquidation judiciaire qui a été clôturée pour insuffisance d’actif par jugement du 7 décembre 2017.
Par acte d’huissier de justice délivré le 8 décembre 2017, M. et Mme [C] ont assigné la société MJA représentée par maître [J] [Z] ès qualités de mandataire ad hoc représentant la société Artys Confort et la société BNP Paribas Personal Finance devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Mantes-la-Jolie aux fins d’obtenir :
– l’annulation du contrat principal et du crédit affecté,
– la restitution des sommes versées au titre du crédit,
– le paiement de dommages et intérêts.
Par jugement réputé contradictoire du 27 janvier 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Mantes-la-Jolie a :
– ordonné la jonction de l’instance enregistrée sous le numéro 20/720 avec celle enregistrée sous le numéro 20/344,
– annulé le contrat d’acquisition d’une installation photovoltaïque conclu le 10 décembre 2012 entre la société Artys Confort et M. [C], et le contrat de crédit affecté à cette acquisition conclu le même jour entre les époux [C] et la société Banque Solfea, aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance,
– condamné la société BNP Paribas Personal Finance à restituer à M. et Mme [C] toutes les sommes qu’ils ont payées en exécution du contrat de crédit annulé,
– rejeté les demandes de M. et Mme [C] et toutes celles de la société BNP Paribas Personal Finance,
– condamné la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens,
– condamné la société BNP Paribas Personal Finance à payer à M. et Mme [C] la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire du jugement.
Par déclaration reçue au greffe le 2 avril 2021, la société BNP Paribas Personal Finance a relevé appel de ce jugement. Aux termes de ses conclusions signifiées le 20 décembre 2021, elle demande à la cour de :
– infirmer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Mantes-la-Jolie en ce qu’il :
– a annulé le contrat d’acquisition d’une installation photovoltaïque conclu le 10 décembre 2012 entre la société Artys Confort et M. [C], et le contrat de crédit affecté à cette acquisition conclu le même jour entre les époux [C] et la société Banque Solfea, aux droits de laquelle elle se trouve,
– l’a condamnée à restituer à M. et Mme [C] toutes les sommes qu’ils ont payées en exécution du contrat de crédit annulé,
– l’a déboutée de l’intégralité de ses demandes et prétentions en ce compris sa demande subsidiaire en cas de résolution des contrats, de condamnation in solidum de M. et Mme [C] à lui payer la somme de 21 500 euros en restitution du capital prêté, sa demande plus subsidiaire de condamnation in solidum de M. et Mme [C] à lui payer la somme de 21 500 euros à titre de dommages et intérêts, sa demande subsidiaire de condamnation de M. et Mme [C] à restituer à leurs frais l’installation au mandataire de la société Artys Confort, sa demande subsidiaire de compensation des créances réciproques à due concurrence, sa demande de condamnation in solidum de M. et Mme [C] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
– l’a condamnée à payer à M. et Mme [C] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
Statuant à nouveau,
– à titre principal :
– déclarer irrecevables l’action et l’ensemble des demandes formées par M. et Mme [C] au vu de l’accord transactionnel,
– à défaut, débouter M. et Mme [C] de leur action et de toutes leurs demandes au vu de cet accord transactionnel,
– à tout le moins :
– déclarer irrecevable la demande de M. et Mme [C] en nullité du contrat conclu avec la société Artys Confort,
– déclarer, par voie de conséquence, irrecevable la demande de M. et Mme [C] en nullité du contrat de crédit souscrit auprès de la société Banque Solfea,
– dire et juger à défaut que les demandes de nullité des contrats ne sont pas fondées,
– débouter M. et Mme [C] de leur demande en nullité du contrat conclu avec la société Artys Confort, ainsi que de leur demande en nullité du contrat de crédit souscrit auprès de la société Banque Solfea et de leur demande en restitution des mensualités réglées,
– constater que M. et Mme [C] sont défaillants dans le remboursement du crédit,
– prononcer la résiliation judiciaire du contrat de crédit du fait des impayés avec effet au 4 février 2021,
– condamner en conséquence, solidairement M. et Mme [C] à lui payer la somme de 14 709,72 euros avec les intérêts au taux contractuel de 5,79 % l’an à compter du 4 février 2021 sur la somme de 13 620,11 euros et au taux légal pour le surplus, outre la restitution des sommes versées à M. et Mme [C] en exécution du jugement au titre des mensualités précédemment réglées, soit la somme de 18 534,60 euros,
– les condamner, en tant que de besoin, solidairement à lui restituer cette somme de 18 534,60 euros,
– subsidiairement, les condamner à lui régler les mensualités échues impayées au jour où la cour statue et leur enjoindre de reprendre le remboursement des mensualités à peine de déchéance du terme,
Subsidiairement, en cas de nullité des contrats :
– déclarer irrecevable la demande de M. et Mme [C] visant à leur décharge de l’obligation de restituer le capital prêté, à tout le moins les en débouter,
– condamner, en conséquence, in solidum M. et Mme [C] à lui régler la somme de 21 500 euros en restitution du capital prêté,
– les condamner in solidum à lui payer la somme de 2 321,11 euros en remboursement de la somme réglée au titre de l’accord transactionnel,
– en tout état de cause, déclarer irrecevables la demande de M. et Mme [C] visant à la privation de sa créance ainsi que leur demande en dommages et intérêts,
– à tout le moins, les débouter de leurs demandes,
Très subsidiairement :
– limiter la réparation qui serait due eu égard au préjudice effectivement subi par l’emprunteur à charge pour lui de l’établir et eu égard à la faute de l’emprunteur ayant concouru à son propre préjudice,
– limiter en conséquence, la décharge à concurrence du préjudice subi à charge pour M. et Mme [C] d’en justifier,
A titre infiniment subsidiaire, en cas de décharge de l’obligation de l’emprunteur :
– condamner M. et Mme [C] à lui payer la somme de 21 500 euros correspondant au capital perdu à titre de dommages et intérêts en réparation de leur légèreté blâmable,
– enjoindre à M. et Mme [C] de restituer, à leurs frais, le matériel installé chez eux à la société MJA ès qualités de mandataire ad hoc de la société Artys Confort dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l’arrêt,
– dire et juger qu’à défaut de restitution, ils resteront tenus du remboursement du capital prêté,
– subsidiairement, priver M. et Mme [C] de leur créance en restitution des mensualités réglées du fait de leur légèreté blâmable,
– débouter M. et Mme [C] de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,
– débouter M. et Mme [C] de toutes autres demandes, fins et conclusions,
– ordonner le cas échéant la compensation des créances réciproques à due concurrence,
En tout état de cause :
– condamner M. et Mme [C] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance avec distraction au profit de la SELAS DLDA Avocats,
Aux termes de leurs conclusions signifiées le 4 avril 2022, M. et Mme [C] demandent à la cour de :
– confirmer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Mantes-la-Jolie du 27 janvier 2021 en ce qu’il :
– a annulé le contrat d’acquisition d’une installation photovoltaïque conclu le 10 décembre 2012 avec la société Artys Confort et le contrat de crédit affecté à cette acquisition conclu le même jour avec la société Banque Solfea,
– a condamné la société BNP Paribas Personal Finance à leur restituer toutes les sommes qu’ils ont payées en exécution du contrat de crédit annulé,
– a condamné la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens,
– a condamné la société BNP Paribas Personal Finance à leur payer la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau :
– dire leurs demandes recevables et bien fondées,
– débouter la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Banque Solfea de l’intégralité de ses demandes,
– à titre liminaire, au principal, déclarer la demande de la société BNP Paribas Personal Finance fondée sur la prétendue autorité de la chose jugée irrecevable en ce qu’il s’agit d’une demande nouvelle,
– si par extraordinaire la cour retenait que l’appelante était bien fondée à former cette demande en appel, prononcer la nullité de l’accord régularisé le 23 mars 2015 entre la société Aquasol et eux,
– sur le fond, ordonner le remboursement par la société BNP Paribas Personal Finance de l’intégralité des sommes qu’ils lui ont versées et ce jusqu’au jour de l’arrêt à intervenir, outre les mensualités postérieures acquittées, avec intérêts au taux légal à compter de la décision,
– à titre subsidiaire, condamner la société BNP Paribas Personal Finance à leur verser la somme de 18 000 euros, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts, au titre de leur préjudice de perte de chance de ne pas contracter,
– à titre infiniment subsidiaire, prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la société BNP Paribas Personal Finance,
En tout état de cause :
– condamner la société BNP Paribas Personal Finance à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de leur préjudice financier et du trouble de jouissance, la somme de 3 000 euros au titre de leur préjudice moral,
– condamner la société BNP Paribas Personal Finance au paiement de la somme de 4 554 euros, sauf à parfaire, au titre du devis de désinstallation,
– condamner la société BNP Paribas Personal Finance à payer à M. [C] et Mme [I] [E], épouse [C], la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société BNP Paribas Personal Finance au paiement des entiers dépens d’appel,
– à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour venait à infirmer le jugement de première instance et les déboutait de l’ensemble de leurs demandes, leur ordonner de reprendre le paiement mensuel des échéances du prêt, dans des circonstances identiques à celles fixées par le tableau d’amortissement, soit à hauteur de 220,65 euros par mois, jusqu’à apurement de la dette et sans préjudice tiré de l’exécution provisoire de la décision de première instance.
La société MJA, prise en la personne de Maître [J] [Z] n’a pas constitué avocat. Par acte d’huissier de justice délivré le 21 mai 2021, la déclaration d’appel lui a été signifiée par remise à tiers présent à domicile. Par acte d’huissier de justice délivré le 23 décembre 2021, les conclusions de l’appelant lui ont été signifiées par remise à tiers présent à domicile.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 21 avril 2022.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
Le présent arrêt, rendu en présence de plusieurs intimés cités pour le même objet, dont celui qui ne comparaît pas – la société MJA – prise en la personne de Maître [J] [Z], a été cité à tiers présent à domicile, sera rendu par défaut en application des dispositions de l’article 474, alinéa 2, du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité des demandes
* sur la recevabilité de la demande des époux [C] à l’égard de la société Artys Confort
A titre liminaire, il sera juste rappelé que l’action de M. et Mme [C] tend uniquement à l’annulation d’un contrat, en sorte qu’elle est recevable et n’entre pas sous le coup de l’article L. 622-21 du code de commerce, sans qu’il y ait lieu de suivre plus amplement le développement de M. et Mme [C] sur ce point, la banque ne soulevant pas ce moyen.
* sur la recevabilité de la demande de la BNP Paribas Personal Finance
M. et Mme [C] soutiennent que la demande de la banque qui soulève l’irrecevabilité de leurs demandes en raison de l’existence d’un accord transactionnel serait irrecevable au motif que cette argumentation n’ayant jamais été soulevée en première instance, elle est irrecevable en cause d’appel comme étant nouvelle.
La banque soutient qu’il s’agit là seulement d’un moyen nouveau qu’il n’y a pas lieu d’écarter.
Sur ce,
L’article 564 du code de procédure civile prévoit que « A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait ».
En l’espèce, il convient d’écarter la prétention des époux [C] qui soutiennent que la BNP Paribas Personal Finance ne pourrait invoquer le protocole d’accord en cause d’appel qui serait une prétention nouvelle. En effet, une telle demande ne peut être considérée comme nouvelle alors qu’elle tend seulement à faire écarter les prétentions adverses.
* sur la recevabilité de la demande des époux [C] à l’égard de la société BNP Paribas Personal Finance
La banque soutient que les emprunteurs ont régularisé les 21 août 2014 et 28 mars 2015 un accord transactionnel, que cette transaction a autorité de chose jugée en application de l’article 2052 ancien du code civil et que partant, l’action des époux [C] est irrecevable eu égard à l’autorité de chose jugée.
Les intimés rétorquent que le protocole n’a aucune valeur juridique, qu’ils n’avaient pas connaissance de l’objet de la contestation puisqu’ils ne connaissaient pas les causes de nullité affectant le contrat principal, que le protocole est nul en raison de cette erreur et parce qu’il est accessoire d’une convention entachée de nullité, qu’en outre le protocole a été conclu en l’absence de concessions réciproques, qu’eux seuls ont fait des concessions au titre du protocole, qu’il a au surplus été signé dans un contexte de violence économique puisqu’ils n’ont eu d’autre choix que d’accepter la proposition de la banque, aucun autre installateur ne pouvant prendre le risque d’attester d’une conformité de matériel qu’il n’a pas lui-même posé ou supervisé, qu’enfin la banque n’est même pas partie au protocole.
Sur ce,
Aux termes de l’article 2044 du code civil, dans sa version applicable, la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.
Une transaction implique l’existence de concessions réciproques des parties, quelle que soit leur importance relative. L’exigence de concessions réciproques ne signifie pas l’équivalence proportionnelle entre les concessions consenties du moment qu’elles existent réellement et qu’elles sont réciproques. Néanmoins, la contrepartie ne doit pas être dérisoire.
En l’espèce, la société BNP Paribas Personal Finance verse aux débats une autorisation de réalisation de travaux signée par M. [C] le 21 août 2014 afin de réalisation des travaux selon deux devis acceptés par la banque Solféa, devis annexés à l’accord et contresignés par la banque et par M. [C], prévoyant des travaux de raccordement, tous travaux pris en charge par la banque Solfea.
Ce document mentionne que M. et Mme [C] s’engagent » lorsque les travaux seront réalisés et compte tenu des diligences accomplies et prises en charge financièrement par la banque Solfea, à régulariser un certificat de fin de travaux et à exécuter sans défaut le contrat de crédit souscrit auprès de la banque Solfea, sans pouvoir élever aucune contestation ni réserve au titre dudit contrat de crédit, dans les conditions des articles 2044 et suivants du Code civil « .
M. [C] a ensuite attesté le 28 mars 2015 « de l’achèvement et de la conformité des travaux et démarches de la société Aquasol » et « de la mise en service effective de notre installation photovoltaïque », s’engageant « en conséquence par la présente en contrepartie des diligences accomplies et prises en charge par la banque Solfea à exécuter sans défaut le contrat de crédit souscrit auprès de la banque Solfea sans pouvoir élever aucune contestation ni réserve au titre dudit contrat de crédit, dans les conditions des articles 2044 et suivants du Code civil ».
Ainsi, il ressort de ces éléments qu’en contrepartie de la prise en charge financière par la banque des frais de raccordement, les époux [C] s’engageaient à ne pas élever de contestations au titre du crédit, en sorte qu’il existe des concessions réciproques, qui ne sont pas dérisoires puisque la banque a pris en charge les travaux, qui ne lui incombaient pas, à hauteur de la somme de 2 321,11 euros, permettant ainsi une mise en service, impossible par la société venderesse, en raison de la procédure de liquidation judiciaire.
Dès lors, le protocole a eu pour objet de permettre le raccordement de l’installation qui est, grâce à ce raccordement, fonctionnelle et productrice d’électricité.
Par ailleurs, les époux [C] échouent à démontrer qu’ils se seraient trouvés en situation de violence économique, puisqu’ils avaient la possibilité de ne pas signer le protocole et qu’ils ne démontrent pas avoir démarché d’autres sociétés qui auraient refusé de finaliser leur installation.
Enfin, si la banque n’est pas expressément signataire du protocole, elle y est visée, elle a signé les devis et c’est elle qui a exécuté l’accord en réglant les travaux, en sorte que M. et Mme [C] ne sont pas fondés à contester la validité du protocole à ce titre.
Aussi, il y a lieu de constater qu’en application des accords transactionnels signés les 21 août 2014 et 28 mars 2015, qui ont autorité de chose jugée, M. et Mme [C] ont définitivement renoncé à toute action judiciaire à l’encontre de la banque. Ils sont en conséquence déboutés de leur demande de nullité du protocole transactionnel et irrecevables en leur demande de déchéance du droit de la banque aux intérêts.
En revanche, M. et Mme [C] ne se sont pas engagés à renoncer à solliciter l’annulation du contrat de vente initialement conclu avec la société Artys Confort, étant observé que si la nullité du crédit est sollicitée en conséquence de la nullité du contrat de vente, l’accord transactionnel précité ne peut y faire obstacle, s’agissant d’une nullité prévue de plein droit en application de l’article L. 311-32 du code de la consommation dans sa rédaction applicable.
Sur la validité du contrat de vente
* Sur la nullité du bon de commande
La banque reproche au premier juge d’avoir prononcé la nullité du contrat de vente au motif que les mentions figurant sur le bon de commande n’étaient pas conformes alors même que les dispositions prévoyant la nullité du bon de commande doivent s’interpréter restrictivement et que les seules imprécisions relevées ne peuvent aboutir à la nullité.
Les intimés rétorquent que leur demande de nullité du contrat de vente est fondée, d’une part, sur le non-respect des dispositions impératives du code de la consommation et, d’autre part, sur le dol qui a vicié leur consentement. Ils sollicitent la nullité subséquente du contrat de crédit en application de l’article L. 311-32 du code de la consommation.
Sur ce,
L’article L.121-23 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que « les opérations visées à l’article L.121-21 doivent faire l’objet d’un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :
1° Noms du fournisseur et du démarcheur ;
2° Adresse du fournisseur ;
3° Adresse du lieu de conclusion du contrat ;
4° Désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés;
5° Conditions d’exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d’exécution de la prestation de services ;
6° Prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l’intérêt et le taux effectif global de l’intérêt déterminé dans les conditions prévues à l’article L.313-1 ;
7° Faculté de renonciation prévue à l’article L.121-25, ainsi que les conditions d’exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L.121-23, L.121-24, L.121-25 et L.121-26 ».
En l’espèce, le prix global à payer figure sur le bon de commande, puisqu’il est précisé le prix du matériel HT, 20 093,45 euros, le taux de TVA appliqué, 7% et le coût total TTC de l’installation, 21 500 euros, étant souligné que les dispositions précitées n’exigent pas l’indication du détail du coût de l’installation, seul le prix global devant être mentionné. Par ailleurs, les modalités de financement sont indiquées de façon précise dans le contrat de crédit affecté conclu simultanément par M. et Mme [C].
En revanche, si le délai de livraison des biens figure sur le bon de commande qui mentionne en première page : Date de livraison « décembre 2012 », les modalités de livraison des biens n’y figurent pas.
De la même manière, la désignation de la nature et des caractéristiques des biens offerts qui figure au bon de commande en mentionnant seulement « installation d’une centrale photovoltaïque Ultimate Solar d’une puissance de 3 000 Wc » et « onduleur ‘ Coffret de protection » sans mentionner le nombre de panneaux composant le kit n’est pas suffisamment précise pour permettre aux acheteurs de connaître les caractéristiques du bien et de comparer éventuellement l’offre de la société Artys Confort avec d’autres offres concurrentes notamment pendant le délai de rétractation.
En conséquence, le contrat de vente, en ne mentionnant pas précisément les caractéristiques des biens offerts et des services proposés ni les modalités de livraison, méconnaît les dispositions précitées (4° et 5°), et encourt donc l’annulation.
* Sur la confirmation de la nullité relative
La société BNP Paribas Personal Finance affirme que M. et Mme [C] ont renoncé à se prévaloir des irrégularités du bon de commande et que l’exécution volontaire du contrat a couvert sa nullité.
A l’inverse, M. et Mme [C] soutiennent qu’aucune confirmation ne peut avoir lieu, faute pour eux d’avoir eu connaissance préalablement des motifs de nullité, qui ne peut se déduire de la simple exécution du contrat.
Sur ce,
L’article 1338, devenu l’article 1182 du code civil alinéa 2 et 3 prévoit qu’: « à défaut d’acte de confirmation ou ratification, il suffit que l’obligation soit exécutée volontairement après l’époque à laquelle l’obligation pourrait être valablement confirmée ou ratifiée. La confirmation, ratification, ou exécution volontaire dans les formes et à l’époque déterminées par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l’on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers ».
Il est admis que la nullité sanctionnant le non-respect des obligations prescrites au vendeur par les articles précités, est une nullité relative qui peut être couverte par le consommateur qui, en toute connaissance des irrégularités affectant le contrat, entend néanmoins en poursuivre l’exécution et s’en prévaloir. Il incombe à celui qui s’oppose à l’annulation du contrat d’établir que le consommateur avait connaissance des irrégularités du contrat et qu’il a renoncé à s’en prévaloir par des actes non équivoques.
En l’espèce, sont reproduites au verso du bon de commande les dispositions des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26 du code de la consommation, dans des caractères certes de petite taille mais parfaitement lisibles, les titres étant au demeurant en gras et soulignés pour attirer l’attention du consommateur, outre que si une taille précise de police est imposée en matière de contrat de crédit, ce n’est pas le cas en matière de contrat de vente. Au surplus, M. [C] a apposé sa signature sous la mention selon laquelle il reconnaît avoir pris connaissance et accepté les termes et conditions figurant au verso, en sorte que ce dernier était suffisamment informé des mentions nécessaires à la régularité du bon de commande et a pu en tirer toutes les conséquences sur la poursuite ou non du contrat. Au demeurant, M. [C] a poursuivi le contrat sans formuler la moindre réserve à la livraison des biens, ni après les travaux et la mise en service de l’installation laquelle est fonctionnelle et produit de l’électricité, et ce d’autant plus que M. [C] a signé un accord transactionnel pour la poursuite de l’exécution du contrat. Enfin, même après l’introduction de l’instance, M. et Mme [C] ont poursuivi l’exécution du contrat en continuant à vendre l’électricité qu’ils produisent à Edf.
Ces actes volontaires caractérisent suffisamment la volonté des intéressés de retirer les bénéfices du contrat de vente, nonobstant ses irrégularités formelles, ce qui vaut confirmation du contrat et privent M. et Mme [C] de la possibilité de se prévaloir des nullités formelles invoquées.
* Sur le dol
Pour rappel, en application de l’article 1116 du code civil dans sa rédaction applicable à l’espèce, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man’uvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces man’uvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.
Si M. et Mme [C] soutiennent avoir été trompés par la société Artys Confort, ils ne démontrent ni l’existence de man’uvres ni que la rentabilité du projet serait rentrée dans le champ contractuel. En effet, la simple production d’une brochure publicitaire dont la date est masquée, intitulée « convention au programme « maison verte » demande de candidature», dont il n’est pas démontré au surplus qu’elle a été remise à M. et Mme [C] par le technicien de la société Artys Confort, le logo de la société y figurant simplement, au même titre que Domofinance, Crédit Foncier ou Edf Bleu ciel et qui évoque au demeurant un système de chauffage photovoltaïque et non une centrale photovoltaïque, ne permet pas d’établir les man’uvres qu’ils invoquent. Au surplus, le bon de commande ne mentionne aucun critère de rentabilité du bien acheté et l’autofinancement du projet évoqué par le service administratif de la société Artys Confort dans un courrier du 28 décembre 2012 qui informe M. et Mme [C] que le projet a été retenu et que la déclaration de travaux a été adressée à la mairie ne peut à lui seul établir ces man’uvres ou que l’autofinancement serait rentré dans le champ contractuel. Il apparaît en réalité que M. et Mme [C] estiment seulement que leur investissement n’est pas aussi rentable que ce qu’ils escomptaient. Toutefois, la simple déception ne peut être cause de nullité, étant observé à cet égard que les éléments très parcellaires et tronqués qu’ils communiquent sont particulièrement biaisés puisqu’ils ne communiquent que la facture de vente à Edf pour l’année 2017 pour prétendre que leur installation photovoltaïque ne serait pas rentable, sans produire les factures ultérieures, ni même préciser si l’installation leur permet aussi une autoconsommation et sans inclure non plus les aides gouvernementales dont ils ont nécessairement bénéficié grâce à l’installation photovoltaïque.
En conclusion, M. et Mme [C], qui détiennent une installation productrice d’électricité qui fonctionne, ne rapportent pas la preuve des causes de nullité qu’ils invoquent ni même d’un préjudice.
Dès lors, aucune nullité n’étant encourue, le jugement est infirmé en toutes ses dispositions, les intimés seront déboutés de leur demande de nullité du contrat de vente et de crédit affecté.
Sur la responsabilité de la société BNP Paribas Personal Finance
Au vu des développements qui précèdent, les demandes corrélatives à la nullité des contrats de vente et de crédit sont toutes sans objet, sans qu’il soit nécessaire de rentrer dans le détail de chaque demande.
Il s’ensuit aussi que le jugement doit être infirmé en ce qu’il a condamné la société BNP Paribas Personal Finance au paiement des versements effectués dans le cadre de l’exécution du contrat annulé.
Pour rappel, il est mentionné que l’arrêt infirmatif vaut titre de restitution et que les parties sont redevables de plein droit du remboursement des sommes qu’elles ont perçues en exécution du jugement. Ainsi M. et Mme [C] sont redevables de la somme de 18 534,60 euros versée en application du jugement exécutoire de plein droit.
Pour rappel également, la demande de M. et Mme [C] relative à la déchéance du droit de la banque aux intérêts n’est pas recevable au regard de l’accord transactionnel valide, ainsi qu’il a été vu ci-avant.
Sur la demande en paiement de la société BNP Paribas Personal Finance
La société BNP Paribas sollicite la résiliation du contrat de crédit, les échéances dues ayant été, de fait, arrêtées d’être réglées à la suite du jugement, et réclame le règlement des sommes dues outre l’indemnité d’exigibilité anticipée. A titre subsidiaire, elle sollicite que la cour condamne l’emprunteur à régler les échéances échues impayées au titre du crédit jusqu’à la date de l’arrêt et qu’elle fasse ensuite injonction à M. et Mme [C] d’avoir à reprendre le remboursement du crédit sous peine de déchéance du terme.
M. et Mme [C] sollicitent de leur côté de pouvoir reprendre le règlement des échéances du prêt telles que fixées dans le tableau d’amortissement si le jugement est infirmé.
Sur ce,
Outre que la banque produit l’ensemble des documents justifiant sa créance, il est constant que M. et Mme [C] ont cessé d’exécuter leur obligation de remboursement du crédit après que le premier juge a, par jugement rendu le 27 janvier 2021, prononcé l’exécution provisoire de la nullité du contrat principal et constaté par voie de conséquence la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre la société BNP Paribas Personal Finance d’une part et M. et Mme [C] d’autre part.
En réalité, il ne peut être affirmé que M. et Mme [C] ont volontairement manqué à leur obligation de paiement puisqu’ils n’ont fait que poursuivre l’exécution d’une décision judiciaire. Cette situation ne peut justifier la résiliation judiciaire sollicitée par la société BNP Paribas Personal Finance et sa demande à ce titre sera rejetée. Toutefois, les mensualités échues jusqu’à la date de signification du présent arrêt sont exigibles.
C’est donc à bon droit que la société BNP Paribas Personal Finance sollicite la condamnation de M. et Mme [C] à lui payer les mensualités échues impayées et la reprise du remboursement des mensualités.
En conséquence, M. et Mme [C] sont condamnés à payer à la société BNP Paribas Personal Finance les mensualités échues impayées et devront reprendre le remboursement du crédit.
Sur les autres demandes
M. et Mme [C], qui succombent principalement, seront condamnés in solidum aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d’appel en application de l’article 696 du code de procédure civile.
Le jugement déféré est infirmé en ce qui concerne l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner M. et Mme [C] in solidum à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, par arrêt rendu par défaut et mis à disposition au greffe,
Dit la société BNP Paribas Personal Finance recevable en sa demande au titre du protocole transactionnel,
Déboute M. [D] [C] et Mme [N] [G] épouse [C] de leur demande en annulation du protocole transactionnel,
Dit M. [D] [C] et Mme [N] [G] épouse [C] irrecevables à agir au titre de leur demande de déchéance du droit de la banque aux intérêts,
Infirme pour le surplus le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déboute M. [D] [C] et Mme [N] [G] épouse [C] de leurs demandes de confirmation du jugement et d’annulation du contrat de vente et du contrat de crédit affecté et de toutes leurs demandes subséquentes,
Y ajoutant,
Déboute la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de crédit,
Condamne M. [D] [C] et Mme [N] [G] épouse [C] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance les mensualités échues impayées à la date de signification de l’arrêt,
Dit que M. [D] [C] et Mme [N] [G] épouse [C] devront reprendre le remboursement du crédit à compter de la date de signification de l’arrêt,
Rappelle que le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, et que les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la date de signification de l’arrêt,
Condamne in solidum M. [D] [C] et Mme [N] [G] épouse [C] aux dépens de première instance et d’appel, ces derniers pouvant être recouvrés directement par la Selas DLDA, avocats, conformément à l’article 699 du code de procédure civile,
Condamne in solidum M. [D] [C] et Mme [N] [G] épouse [C] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,