2 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/07332

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2 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/07332

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 13

ARRÊT DU 02 Septembre 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 19/07332 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAHKP

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Juin 2019 par le Tribunal de Grande Instance d’EVRY RG n° 18/00275

APPELANTE

SARL [4]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Anthony CREAC’H, avocat au barreau de PARIS, toque : C1937

INTIMEE

URSSAF PARIS – ILE DE FRANCE

Division des recours amiables et judiciaires

[Adresse 6]

[Localité 3]

représentée par M. [C] [F] en vertu d’un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre

Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre et par Madame Alice BLOYET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel interjeté par la société [4] d’un jugement rendu le 28 juin 2019 par le tribunal de grande instance d’Evry dans un litige l’opposant à l’Urssaf d’Ile de France.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que la société [4] a confié une partie de son activité à une entreprise sous traitante la société [5] ; cette dernière ayant fait l’objet d’un redressement pour travail dissimulé, l’Urssaf a adressé le 6 janvier 2016 à la société [4] une lettre d’observations au titre de la solidarité financière concernant l’année 2013 avec rappel de cotisations pour 38991 euros ; une mise en demeure de régler cette somme a été adressée par l’Urssaf à la société [4] le 3 juin 2016 ; la société [4] a contesté le redressement devant la commission de recours aimable puis devant le tribunal des affaires de grande instance d’Evry lequel par jugement du 28 juin 2019 a :

– déclaré le recours formé par la société [4] recevable mais mal fondé,

– confirmé la solidarité financière de la société [4] auprès de la société [5] ainsi que le redressement opéré par l’Urssaf au titre de l’année 2013 pour un montant de 38991 euros de cotisations,

– condamné la société [4] à verser à l’Urssaf la somme de 38991euros,

– condamné la société [4] aux dépens exposés à compter du 1er janvier 2019,

– débouté la société [4] de sa demande de condamnation de l’Urssaf au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Le jugement lui ayant été notifié le 3 juillet 2019, la société [4] en a interjeté appel le 12 juillet 2019 puis le 9 octobre 2019 et elle a formé une déclaration d’appel rectificative le 1er mars 2021.

Par conclusions écrites soutenues oralement à l’audience par son avocat, la société [4] demande à la cour de :

– constater l’irrégularité de la procédure de recouvrement menée par l’Urssaf en raison de l’absence de transmission de la lettre d’observations et des droits de communication sollicités,

– constater le défaut de motivation de la lettre d’observations et des droits de communication sollicités,

– constater le défaut de motivation de sa lettre d’observations,

En conséquence

– annuler l’ensemble de la procédure de contrôle,

– la décharger des redressements.

La société [4] fait valoir en substance que le principe du contradictoire et les droits de la défense n’ont pas été respectés puisqu’elle n’a pas été mise à même de contester la régularité de la procédure ou le bien fondé du redressement n’ayant pas eu accès à la lettre d’observations adressée à la société [5] ni aux documents obtenus des tiers par l’Urssaf dans le cadre de son contrôle ; la lettre d’observations qui lui a été adressée ne comporte pas les informations nécessaires pour lui permettre de répondre alors qu’elle n’a pas eu accès au document servant de base au redressement.

Dans des écritures reprises oralement à l’audience par son représentant, l’Urssaf demande à la cour de :

– prononcer la jonction des recours,

– confirmer la décision rendue en première instance,

– condamner la société [4] à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’Urssaf fait valoir en substance qu’elle n’a pas l’obligation de communiquer au donneur d’ordre la lettre d’observations adressée au sous-traitant ; les informations contenues dans la lettre d’observations adressée à la société [4] suffisent à la renseigner sur le motif précis du redressement ; les faits de travail dissimulé à l’encontre de la société sous traitante sont avérés et la société [4], n’ayant pas satisfait à son obligation de vigilance au titre de l’année 2013 en tant que donneur d’ordres, doit au titre de la solidarité financière régler la quote-part des cotisations redressées après le constat de travail dissimulé non réglées par la société [5] en proportion du montant facturé par la société sous-traitante.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties déposées le 30 mai 2022 pour un plus ample exposé des moyens développés et soutenus à l’audience.

SUR CE, LA COUR

1. Sur la mise en oeuvre de la solidarité financière à l’encontre de la société [4]

Aux termes de l’article L. 8222-1 du code du travail, toute personne vérifie lors de la conclusion d’un contrat dont l’objet porte sur une obligation d’un montant minimum en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce, et périodiquement jusqu’à la fin de l’exécution du contrat, que son cocontractant s’acquitte :

1° des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 ;

2° de l’une seulement des formalités mentionnées au 1°, dans le cas d’un contrat conclu par un particulier pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, de ses ascendants ou descendants.

L’article D.8222-5 du même code précise que la personne qui contracte, lorsqu’elle n’est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l’article D. 8222-4, est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l’article L. 8222-1 si elle se fait remettre par son cocontractant, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu’à la fin de son exécution :

1° Une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l’article L. 243-15 émanant de l’organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions datant de moins de six mois dont elle s’assure de l’authenticité auprès de l’organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale.

2° Lorsque l’immatriculation du cocontractant au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers est obligatoire ou lorsqu’il s’agit d’une profession réglementée, l’un des documents suivants :

a) Un extrait de l’inscription au registre du commerce et des sociétés (K ou K bis) ;

b) Une carte d’identification justifiant de l’inscription au répertoire des métiers ;

c) Un devis, un document publicitaire ou une correspondance professionnelle, à condition qu’y soient mentionnés le nom ou la dénomination sociale, l’adresse complète et le numéro d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou à une liste ou un tableau d’un ordre professionnel, ou la référence de l’agrément délivré par l’autorité compétente ;

d) Un récépissé du dépôt de déclaration auprès d’un centre de formalités des entreprises pour les personnes en cours d’inscription ;

Les documents énumérés par l’article D. 8222-5 du code du travail sont les seuls dont la remise permet à la personne dont le cocontractant est établi en France, lorsqu’elle n’est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l’article D. 8222-4, de s’acquitter de l’obligation de vérification mise à sa charge par l’article L. 8222-1 (2èmeCiv., 11 février 2016, pourvoi n° 15-10.168, Bull. 2016, II, n° 50) ;

L’article L. 8222-2, 1° du code du travail dispose que toute personne qui méconnaît les dispositions de l’article L. 8222-1, ainsi que toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est tenue solidairement avec celui qui a fait l’objet d’un procès-verbal pour délit de travail dissimulé au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale.

Selon décision n° 2015-479 QPC du 31 juillet 2015, ce texte a été déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel sous réserve de ne pas interdire au donneur d’ordre de contester la régularité de la procédure, le bien-fondé et l’exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations y afférentes au paiement solidaire desquels il est tenu.

Au cas particulier, l’appelante fait valoir qu’elle a demandé la communication de la lettre d’observations adressée à la société sous-traitante pour pouvoir contester le redressement qui lui avait été notifié et que l’Urssaf ne lui a jamais adressé cette pièce, ni les éléments comptables justifiant le calcul du redressement à l’encontre du débiteur principal.

En l’espèce, l’ Urssaf a, le 6 janvier 2016, adressé à la société lui indiquant qu’elle mettait en oeuvre la solidarité financière au motif qu’elle avait confié en qualité de donneur d’ordre, sur l’exercice 2013, une partie de son activité à la société [5] et ce alors même que cette dernière avait assuré ces prestations en violation des articles L.8221-1 et L.8221-2 du code du travail. Cette lettre d’observations comprenait un tableau détaillant les sommes réclamées au titre des cotisations éludées par la société [5] pour l’année 2013, ainsi que les données chiffrées et le mode de calcul de la part des cotisations mises à la charge de l’appelante, au titre de la solidarité financière à laquelle elle est tenue.

L’appelante verse à l’appui de cette allégation une lettre adressée à l’Urssaf, non datée et qui est mentionnée dans la liste de pièces comme une « demande de droits de communication par le cotisant », libellée ainsi : « Mosieur [K] et Mme [S] vous saurai gentille de donner à moi papiers vous avoir de la banque pour contrôlé ma société et [5] car je ne suis pas daccord ave ce vous dite dans letre posibe. Merci vous. ». Elle ne produit pas le courrier par lequel elle a saisi la commission de recours amiable et il ressort de la décision de cette instance du 12 décembre 2016 qu’elle a contesté la mise en oeuvre de la solidarité financière au motif que l’absence de transmission des informations obtenues par l’Urssaf dans le cadre du contrôle de la société [5].

Il ressort de ces éléments que l’appelante n’a pas sollicité la communication de la lettre d’observations au cours de la phase d’échanges contradictoires prévue au paragraphe III de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, ni même à l’occasion de la saisine de la commission de recours amiable, mais à l’occasion de l’instance judiciaire.

Or, la lettre d’observations du 16 octobre 2015 adressée à la société [5], le procès-verbal constatant le travail dissimulé du 17 août 2015 ont été produits devant la Cour. Par ailleurs, l’Urssaf, après avoir sollicité l’autorisation de la Cour, a communiqué par le biais d’un lien internet, adressé par courriel à la Cour et à l’appelante, la copie des chèques examinés dans le cadre du redressement de la société [5]. Il ressort de ces éléments de fait que la société a été en mesure de contester devant la cour d’appel la régularité de la procédure, le bien-fondé et l’exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations y afférentes au paiement solidaire desquels elle est tenue. Force est de constater que la société n’a fait valoir devant la Cour aucun moyen sur ces points.

En effet, aucun moyen autre que celui du défaut de communication de la lettre d’observations et des éléments ayant servi à évaluer le chiffre d’affaires de la société sous-traitante, n’est soutenu à l’appui de la contestation de la mise en oeuvre de la solidarité financière. La Cour ayant constaté la communication des éléments sollicités, la société sera déboutée de ses demandes.

La décision du premier juge doit être confirmée.

2. Sur l’article 700 du code de procédure civile

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de l’Urssaf de l’Ile de France les frais irrépétibles qu’elle a exposés.

3. Sur les dépens

La société [4], succombant en cette instance, devra en supporter les dépens engagés depuis le 1er janvier 2019.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale d’Evry du 28 juin 2019 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute l’Urssaf de l’Ile de France de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la société [4] aux dépens de la procédure d’appel engagés depuis le 1er janvier 2019.

La greffière, La présidente,

 


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