N° V 19-87.356 F-D
N° 1432
SM12
2 SEPTEMBRE 2020
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 2 SEPTEMBRE 2020
Mme K… U… a formé un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, 6e section, en date du 15 octobre 2019, qui, dans l’information suivie contre elle des chefs d’usurpation d’identité et d’accès frauduleux à un système informatique, a prononcé sur sa demande d’annulation de pièces ;
Par ordonnance en date du 13 janvier 2020, le président de la chambre criminelle a prescrit l’examen immédiat du pourvoi.
Des mémoires, en demande et en défense, et des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de Mme Barbé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme K… U…, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme W… S…, et les conclusions de Mme Zientara-Logeay, avocat général, après débats en l’audience publique du 17 juin 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Barbé, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Mme S… a porté plainte le 16 mars 2015 pour usurpation d’identité et accès frauduleux à sa messagerie. Cette plainte ayant été classée sans suite, celle-ci s’est constituée partie civile le 15 décembre 2015 auprès du doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance.
3. Mme K… U…, avocate, a été convoquée par les service enquêteurs le 28 novembre 2017, pour être entendue sous le régime de l’audition libre puis a été placée en garde-à-vue. Son téléphone portable, retrouvé dans son sac à main lors de l’inventaire de sa fouille, a été conservé par ces services, de même que son ordinateur qu’elle leur a remis le 30 novembre 2017, précisant qu’elle l’utilisait également à des fins professionnelles.
La perquisition de ce matériel informatique, ordonnée par le juge d’instruction, a été réalisée le 19 janvier 2018. Les éléments extraits ont été imprimés et placés sous scellés, le représentant du Bâtonnier ayant exprimé une contestation. Le téléphone et l’ordinateur ont ensuite été remis à Mme U….
4. Par ordonnance du 25 janvier 2018 sur la contestation de la saisie effectuée, le juge des libertés et de la détention a restitué un certain nombre de feuillets imprimés à l’issue de la perquisition et a ordonné le versement à la procédure de certains autres.
5. Mme U… a été mise en examen le 22 mars 2018 du chef d’usurpation d’identité, d’accès et de maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données, faits commis le 15 mars 2015.
6. Par requête du 25 avril 2018, cette dernière a sollicité l’annulation de certaines pièces de la procédure.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a d’avoir dit n’y avoir lieu à annulation d’un acte ou d’une pièce de la procédure et d’avoir constaté la régularité de la procédure pour le surplus, alors que, « devant la chambre de l’instruction, la personne mise en examen ou son avocat doivent avoir la parole les derniers ; que l’arrêt attaqué mentionne qu’ont été entendus à l’audience, d’abord, l’avocat de la personne mise en examen, ensuite, le ministère public, enfin, l’avocat de la partie civile ; qu’il ne résulte pas de ces mentions que la personne mise en examen ou son avocat ont eu la parole en dernier ; qu’en statuant dans ces conditions, la chambre de l’instruction a violé les articles 6 de la Convention des droits de l’homme et 199 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et 199 du code de procédure pénale :
8. Il se déduit de ces textes et des principes généraux du droit que, devant la chambre de l’instruction, la personne mise en examen ou son avocat doivent avoir la parole les derniers.
9. L’arrêt attaqué mentionne que l’avocat de la personne mise en examen a présenté ses observations, que le ministère public a été entendu en ses réquisitions, puis l’avocat de la partie civile.
10. Ces mentions ne permettent pas à la Cour de cassation de s’assurer que le principe ci-dessus rappelé a été respecté.
11. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il soit nécessaire de statuer sur le second moyen, la Cour :
CASSE et ANNULE en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, en date du 15 octobre 2019 ;
Et pour qu’il soit à nouveau statué, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l’instruction cour d’appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le deux septembre deux mille vingt.