19 mai 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 20-22.345

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19 mai 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 20-22.345

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 mai 2022

Rejet non spécialement motivé

Mme MARTINEL, conseiller doyen
faisant fonction de président

Décision n° 10333 F

Pourvoi n° B 20-22.345

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 MAI 2022

1°/ la société RC Group, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Holding RC Concept, à la suite d’une fusion-absorption,

2°/ la société SBS PLV, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° B 20-22.345 contre les arrêts rendus les 5 juin et 11 septembre 2020 par la cour d’appel de Paris (pôle 1, chambre 8), dans le litige les opposant à la société Sitco groupe, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de la société RC Group, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société SBS PLV, de Me Isabelle Galy, avocat de la société Sitco groupe, après débats en l’audience publique du 29 mars 2022 où étaient présentes Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés RC Group et SBS PLV aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile :

– Sur le pourvoi en tant que formé par la société RC Group :
rejette sa demande et la condamne à payer à la société Sitco groupe la somme de 2 000 euros ;

– Sur le pourvoi en tant que formé par la société SBS PLV :
rejette sa demande et la condamne à payer à la société Sitco groupe la somme de 2 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour la société RC Group

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société RC Group, venant aux droits de la société Holding RC Concept, reproche au premier arrêt attaqué (Paris, 5 juin 2020) d’avoir confirmé l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a débouté les défendeurs de leurs demandes en rétractation des ordonnances sur requête du 21 juin 2017 prescrivant des mesures d’instruction in futurum ;

1/ ALORS QUE seules sont légalement admissibles les mesures d’instruction prévues aux articles 232 à 284-1 du code de procédure civile, à l’exclusion de toutes mesures générales d’investigation qui, sous le couvert de constatations, les feraient s’apparenter à une perquisition civile, ou encore à une saisie-contrefaçon déguisée ; qu’en affirmant que le moyen invoqué par la société Holding RC Concept (cf. ses dernières écritures, p. 27), pris de ce que la mission confiée à l’huissier, qui n’était circonscrite à aucun support ou lieu de recherche prédéterminés et lui permettait s’emparer de tous éléments relatifs au « dossier Nivea », ainsi désigné sans autre précision, lui conférait un pouvoir général d’investigation, « manque en fait dans son ensemble », sans se référer aux termes mêmes de l’ordonnance querellée, à l’effet de justifier que les mesures ordonnées n’excédaient pas ce que postulent de simples constatations, la cour d’appel, qui n’a pas mis la cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle sur la légalité des mesures ordonnées, a privé son arrêt de base légale au regard de l’article 145 du code de procédure civile ;

2/ ALORS QUE l’huissier ne pouvant porter aucun avis sur les conséquences de fait ou de droit susceptibles résulter de ses constatations, il appartient au juge, et à lui seul, de circonscrire par avance l’objet de la mesure prescrite in futurum de telle façon que la sélection des éléments en cause par l’huissier n’implique de sa part aucune appréciation d’ordre factuel et juridique sur l’intérêt qu’elles pourraient présenter pour le litige considéré ; que dès lors, en affirmant que la légalité et la proportionnalité des mesures ordonnées ne pouvaient être remises en cause, dès lors que les mesures d’instruction seraient circonscrites à un seul dossier, à savoir celui de la vente de présentoirs à la société Beiersdorf pour la campagne des produits Nivea, sans s’assurer que le périmètre des constatations avaient été préalablement définis au moyen de critères suffisamment précis et objectifs (période considérée, nature du support, identité de l’émetteur ou du destinataire, mots-clefs) pour que la sélection par l’huissier des éléments recherchés ne dépendent pas de sa propre appréciation de leur pertinence et de leur lien avec la campagne de vente litigieuse, la cour d’appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 145 et 249 du code de procédure civile ;

3/ ALORS QU’ il est interdit au juge dénaturer les éléments de la cause ; que l’ordonnance sur requête du 21 juin 2017 donnait notamment pour mission à l’huissier de « se faire remettre (…) tout document et toute information de toute nature (factures, bons de commande, documents comptables, inventaires, courriers) permettant d’établir avec exactitude le nombre de displays vendus à la société Beiersdorf pour la campagne Nivea » et de « procéder à toute copie de mails ou documents relatifs au dossier Nivea », ainsi désignés sans autre précision, notamment quant à la date des documents recherchés ou au millésime de la campagne publicitaire en cause, si bien qu’il était loisible à l’huissier de s’emparer de toute information relative à toute campagne de vente de support de publicité Nivea, et non à la seule campagne 2017, pourtant seule visée par les imputations de concurrence déloyale ou parasitaire ; qu’en affirmant cependant que la mesure était circonscrite à « une campagne de vente donnée », la cour d’appel a statué au prix d’une dénaturation de l’ordonnance qu’il lui était demandé de rétracter, en violation du principe susvisé ;

4/ ALORS QUE l’ordonnance querellée donnait notamment pour mission à l’huissier de « prendre copie de tout courrier ou document relatif au dossier Nivea et notamment des échanges ayant pu avoir lieu avec la société SBS PLV et/ou M. [T] [R] à ce sujet » (cf. l’ordonnance sur requête du 21 juin 2017, p. 2 alinéa 2) ; qu’en considérant que la précision contenue quant aux échanges susceptibles d’avoir eu lieu entre les deux sociétés visées par les mesures et l’ancien directeur des ventes de la société requérante était de nature à restreindre le champ des recherches, quand l’emploi de l’adverbe « notamment » conférait au contraire à cette précision un caractère simplement indicatif et non contraignant pour l’huissier, la cour d’appel a de nouveau dénaturé l’ordonnance susvisée, en violation du principe interdisant au juge de dénaturer les éléments de la cause ;

5/ ALORS QUE si le droit au secret des affaires ne fait pas en lui-même obstacle à la prescription de mesures d’instruction in futurum, c’est à la condition que les mesures ordonnées soient strictement proportionnées au but poursuivi, à l’effet de préserver le nécessaire équilibre entre la protection du secret des affaires et le droit à la preuve du demandeur ; que la société Holding RC Concept exposait que le marché de la publicité sur le lieu de vente était marqué par une forte concurrence sur les prix et qu’il importait dans ce contexte que chaque opérateur soit tenu dans l’ignorance des prix pratiqués par ses concurrents et de leur stratégie financière, ce dont elle déduisait que les mesures ordonnées étaient disproportionnées en ce qu’elles pouvaient notamment porter sur les aspects financiers des relations s’étant instaurées entre sa filiale et la société Beiersdorf (cf. ses dernières écritures, pp. 27 et 28) ; qu’en s’abstenant de vérifier concrètement que les mesures telles qu’ordonnées pouvaient être regardées comme proportionnées au regard du droit au secret des affaires, la cour d’appel a privé son arrêt de base légale au regard de l’article 145 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

La société RC Group, venant aux droits de la société Holding RC Concept, reproche au second arrêt attaqué (Paris, 11 septembre 2020) d’avoir ordonné la mainlevée du séquestre des pièces n° 2, 3 et 8 recueillies par Me [E] auprès de la société RC Group et précisé qu’elles seraient remises à l’huissier de justice de la société Sitco Groupe ;

ALORS QUE la cassation à intervenir de l’arrêt du 5 juin 2020, ayant rejeté la demande de rétractation de l’ordonnance sur requête ayant autorisé la mesure d’instruction, entrainera l’annulation par voie de conséquence de l’arrêt du 11 septembre 2020 qui, ayant ordonné la levée du séquestre des pièces recueillies à l’occasion de cette mesure d’instruction, en constitue la suite et la conséquence, ce en application de l’article 625 du code de procédure civile. Moyens produits par la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat aux Conseils, pour la société SBS PLV

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société SBS PLV fait grief à l’arrêt attaqué du 5 juin 2020 d’avoir confirmé l’ordonnance entreprise en ce qu’elle l’a débouté de sa demande de rétractation de l’ordonnance sur requête du 21 juin 2017 et de l’ordonnance rectificative du 6 juillet 2017 ;

1°/ ALORS QUE toute mesure d’instruction in futurum doit être strictement et exactement limitée dans son objet et dans le temps ; qu’en conséquence, ne sont pas légalement admissibles les mesures qui confèrent à l’huissier de justice une mission générale d’investigation et un pouvoir d’enquête lui permettant de mener une perquisition civile des locaux visés par l’ordonnance ; qu’en jugeant, pour rejeter la demande de rétractation des ordonnances querellées, que les mesures d’instruction ordonnées sont proportionnées eu égard à leur caractère circonscrit « à un seul dossier, à savoir celui de la vente de présentoirs à la société Beiersdorf pour la campagne de produits Nivea » (arrêt attaqué du 5 juin 2020, p. 9), cependant qu’elles visaient « tout document et toute information de toute nature (facture, bon de commande, document comptable, inventaire, courrier…) » et permettaient « à l’huissier de se connecter à partir des ordinateurs de la personne ou des personnes en charge du dossier Nivea et à procéder à toute copie de mails ou documents relatifs au dossier Nivea » et de « prendre copie de tous courriers ou documents relatifs au dossier NIVEA » (ordonnances sur requête des 21 juin et 6 juillet 2017, p.1 et 2), autorisant ainsi la collecte d’informations quels qu’en soit l’ancienneté, l’origine, le support et la localisation, sans aucune limitation de temps et sans aucun mot-clé, ce qui conduisait l’huissier de justice à réaliser une mesure générale d’investigation prohibée, la cour d’appel a violé les articles 145 et 493 du code de procédure civile ;

2°/ ALORS QUE la mission de l’huissier de justice n’est pas légalement admissible dès lors qu’elle implique que ce dernier doive, pour l’accomplir, apprécier et qualifier juridiquement les pièces qu’il découvre ; qu’en rejetant la demande de rétractation des ordonnances sur requêtes querellées, quand elles conféraient pourtant à l’huissier de justice la mission de prendre copie ou de se faire remettre copie de « tous mails, documents ou courriers relatifs au dossier NIVEA » (ordonnances sur requête des 21 juin et 6 juillet 2017, p.2) et de ne conserver que ceux « ayant trait au dossier Nivea entrant dans le cadre de la présente procédure », destinée à établir des prétendus agissements de concurrence déloyale, ce qui impliquait que ce dernier apprécie et qualifie juridiquement les pièces qu’il découvrait, la cour d’appel a violé les articles 145 et 493 du code de procédure civile ;

3°/ ALORS QU’ afin d’assurer une protection effective au droit au secret des affaires, la mesure ordonnée doit être strictement proportionnée à la nécessité de récupérer des éléments de preuve dont pourrait dépendre la solution du litige ; qu’en se bornant à constater, par motifs adoptés du premier juge, que « l’ordonnance comporte des mentions précises visant à limiter autant que possible l’atteinte au secret des affaires » (ordonnance de référé du 15 février 2018 du président du tribunal de commerce de Bobigny, p. 7), sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, de façon concrète, si les mesures ordonnées permettaient de concilier le droit au secret des affaires de la société SBS PLV avec le droit à la preuve de la société Sitco Groupe, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 145 et 493 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

La société SBS PLV fait grief à l’arrêt attaqué du 11 septembre 2020 d’avoir infirmé l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a débouté la société Sitco Groupe de sa demande de mainlevée des pièces saisies et d’avoir ordonné la mainlevée du séquestre de l’ensemble des pièces recueillies par Me [M] auprès de la société SBS PLV et dit que ces pièces seront remises par l’huissier de justice à la société Sitco Groupe ;

1°/ ALORS QUE en ordonnant la mainlevée du séquestre de l’ensemble des pièces recueillies par Me [M] auprès de la société SBS PLV motifs pris que « l’impossibilité de déférer à la demande de classification qui était faite par l’arrêt du 5 juin 2020 manque en fait » (arrêt attaqué du 11 septembre 2020, p. 9), refusant ainsi de faire droit à la demande de la société SBS PLV d’ordonner la communication « de l’intégralité des pièces placées sous séquestre » (conclusion d’incident, p. 4), cependant qu’elle constatait, s’agissant des documents informatiques, que « c’est le co-gérant lui-même de la société SBS PLV qui a supprimé le dossier contenant l’ensemble des documents qui avaient été pris en copie par Me [M] » (arrêt attaqué du 11 septembre 2020, p. 9), ce dont il résultait que la société SBS PLV n’était pas en mesure d’identifier ces documents de sorte que le principe du contradictoire imposait qu’ils soient communiqués à la société SBS PLV, peu important la cause de leur suppression, la cour d’appel a violé l’article 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble l’article 16 du code de procédure civile.

2°/ ALORS QUE le bordereau de pièces annexé au procès-verbal de constat du 12 juillet 2017 contenait des références imprécises de documents informatiques telles que « Fichier intitulé « 20161697 » contenant 7 fichiers PDF (Numéro 6) », « Fichier Excel intitulé « Commandes NIVEA » (Numéro 7) », « Fichier Excel intitulé « FP et BL Covia » (Numéro 8) », « Fichier Excel intitulé « STOCK ACCESSOIRES NIVEA » (Numéro 9) », « Fichier Excel intitulé « stock NIVEA BARRES » (Numéro 10) », « Dossier boîte mail « NIVEA Reçu » et « NIVEA Envoi » (Numéro 11) » ; qu’en jugeant que « la société SBS PLV était en mesure d’identifier les pièces qui avaient fait l’objet d’une copie grâce à la précision du bordereau de pièces annexé au procès-verbal de constat du 12 juillet 2017 » (arrêt attaqué du 11 septembre 2020, p. 9), cependant que ce bordereau comportait des références vagues empêchant la société SBS PLV d’identifier les pièces ayant fait l’objet d’une copie, la cour d’appel a méconnu l’obligation faite aux juges de ne pas dénaturer l’écrit qui leur est soumis.

 


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