Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 7
ARRET DU 19 MAI 2022
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/11555 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CA733
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Décembre 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 17/03093
APPELANT
Madame [D] [U]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Christian LE GALL, avocat au barreau de PARIS, toque : B0754
INTIMEE
S.A.S. SOMAREP
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Laurent MAYER, avocat au barreau de PARIS, toque : B1103
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat, entendu en son rapport, a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre,
Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de Chambre,
Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller,
Greffière, lors des débats : Madame Lucile MOEGLIN
ARRET :
– CONTRADICTOIRE,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
– signé par Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre et par Madame Lucile MOEGLIN, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de 45 heures mensuelles du 17 juin 2015, Mme [D] [U] a été engagée en qualité de surveillant et d’agent d’entretien des sanitaires pour les marchés de [Localité 3] centre par la société des Marchés de la Région Parisienne (SOMAREP) qui gère pour le compte des municipalités les marchés, brocantes et fêtes foraines.
En dernier, sa rémunération mensuelle brute moyenne s’élevait à la somme de 432,45 euros.
L’employeur se prévaut d’une lettre de démission de Mme [U] du 28 décembre 2015 avec une fin de contrat au 31 décembre 2015, tandis que la salariée soutient que cette lettre de démission n’émane pas d’elle, ne sachant ni lire, ni écrire, et que l’employeur a mis fin à son contrat de travail sans formalisme, après qu’elle lui a annoncé qu’elle était enceinte.
Le 31 décembre 2015, les documents de fin de contrat ont été remis à la salariée, l’attestation pour Pôle Emploi indiquant comme motif de rupture une démission.
Soutenant que la démission alléguée doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 21 avril 2017 afin d’obtenir paiement de diverses indemnités et rappels de salaires.
Par jugement du 19 décembre 2018, le conseil de prud’hommes a débouté Mme [U] de l’intégralité de ses demandes et laissé les dépens à sa charge.
Le 20 novembre 2019, Mme [U] a interjeté appel de cette décision.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières écritures notifiées le 15 janvier 2020, Mme [U] conclut à l’infirmation du jugement et demande à la cour de :
– requalifier sa démission en licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;
– condamner la société SOMAREP au paiement des sommes suivantes outre les dépens:
– salaire du 1er janvier 2016 jusqu’à la fin du congé maternité ‘… 3.459,60 €
– congés payés y afférents » » » » » » »’.’. 345,96 €
– indemnité de préavis » » » » » » » »’…. 432,45 €
– congés payés sur préavis » » » » » » »’.’… 43,24 €
– dommages et intérêts pour licenciement » » »’.. ». 5.189,40 €
– article 700 du Code de Procédure Civile » » » » »’ 2.500 €
– ordonner la remise sous astreinte des bulletins de paie, certificat de travail et attestation Pôle emploi conformes à la décision.
Dans ses dernières écritures notifiées le 17 avril 2020, la société SOMAREP conclut à la confirmation du jugement et donc au rejet de l’intégralité de l’appel de Mme [U], et elle demande à la cour de :
– constater que Mme [U] a donné sa démission de manière claire et non équivoque le 28 décembre 2015 ;
– débouter en conséquence l’appelante de toutes ses demandes ;
– condamner celle-ci à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 mars 2022.
Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de requalification de la démission en licenciement sans cause réelle ni sérieuse
Mme [U] soutient que le 21 décembre 2015, elle a informé son employeur qu’elle était enceinte de trois mois et qu’il fallait prévoir l’organisation de son remplacement pendant son congé maternité, qu’elle lui a alors demandé si elle pouvait lui proposer une personne susceptible de la remplacer et que celui-ci ne lui a pas répondu. Elle précise avoir réceptionné l’ensemble des documents de fin de contrat datés du 31 décembre 2015. Elle ajoute qu’elle ne sait ni lire ni écrire et que lorsqu’elle a montré les documents à des membres de sa famille, ils lui ont conseillé de se rendre à Pôle emploi où elle a appris que la rupture de son contrat de travail était intervenue après une démission, alors qu’elle soutient n’avoir jamais démissionné.
Elle précise qu’ensuite, elle a téléphoné à son employeur pour protester et qu’elle a menacé de déposer plainte, mais qu’elle n’a récupéré le courrier litigieux que le 6 décembre 2016. Elle soutient qu’il s’agit d’un faux grossier dont la signature est différente de celle de son titre de séjour qui mentionne qu’elle réside chez M. [U] [I], son époux, l’employeur n’ayant fait que reprendre les éléments indiqués sur le titre de séjour. Elle précise qu’il s’agit d’un ‘doublon’administratif. Elle ajoute que le contrat de travail porte une signature qui n’est pas la sienne et qu’elle sollicite les explications de la société SOMAREP au sujet d’une lettre de démission remise un lundi alors qu’elle travaille les jeudis et dimanches, et des documents de fin de contrat deux jours après la démission, soit le 31 décembre 2015.
La société SOMAREP fait valoir que Mme [U] a mis fin au contrat de travail pour des raisons familiales par courrier du 28 décembre 2015 et qu’elle lui a donc remis les documents de fin de contrat et n’a plus eu de contact avec elle pendant plus d’un an, l’inspection du travail lui ayant demandé, par courrier du 19 décembre 2016, de régulariser la situation de l’intéressée au motif que la lettre de démission serait un faux. Elle conteste avoir été informée de l’état de grossesse de Mme [U] et note que la salariée n’a saisi le conseil de prud’hommes qu’en avril 2017. Elle fait valoir que Mme [U] a encaissé le chèque remis au titre du solde de tout compte en janvier 2016 et qu’elle a bien eu conscience que son contrat avait pris fin le 31 décembre 2015 à la suite de sa démission, ayant maintenu sa volonté claire et non équivoque de démissionner de son poste de surveillante.
Elle relève l’absence de revendication de la part de Mme [U] antérieurement à la démission ou lors de celle-ci, ainsi que son absence de réaction lors de la remise des documents de rupture, celle-ci ne s’étant plus présentée à son poste de travail postérieurement au 31 décembre 2015 alors qu’elle n’était pas en congé maternité ni en arrêt maladie. Elle précise que Mme [U] n’a pas déposé plainte pour faux mais pour usurpation d’identité.
La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur et lorsqu’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, le juge doit l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d’une démission.
Mme [U] conteste avoir donné sa démission au motif qu’elle ne sait ni lire ni écrire et qu’elle n’a pas rédigé la lettre de démission.
Mme [U] produit à l’appui de sa demande les pièces suivantes :
– la copie de son titre de séjour établi le 17 janvier 2013 ;
– le contrat de travail conclu le 17 juin 2015 ;
– ses bulletins de paie ;
– la lettre de démission manuscrite du 28 décembre 2015 ;
– un certificat médical du 27 novembre 2015 précisant que la date présumée de la grossesse est le 3 septembre 2015 ;
– un avis d’arrêt de travail du 8 janvier 2015, antérieur à la conclusion du contrat de travail;
– un acte de naissance précisant que son enfant est né le 27 mai 2016, le père étant M. [I] [U] ;
– le courrier de l’inspection du travail du 15 décembre 2016 adressé à la société SOMAREP reprenant les déclarations de la salariée s’agissant d’un faux concernant la lettre de démission et sollicitant sa régularisation ;
– le récepissé de déclaration de sa plainte du 14 décembre 2016 pour usurpation d’identité dans le cadre de laquelle elle précise que le 20 décembre 2015, elle a informé son employeur qu’elle était enceinte et qu’elle connaissait quelqu’un pour la remplacer, que le 24 décembre 2015, son chef de service lui a dit que ce n’était pas la peine de venir travailler et de rentrer chez elle, que le 31 décembre 2015, elle a reçu son solde de tout compte et son contrat de travail dont elle s’est rendu compte que la signature apposée n’était pas la sienne. Elle précise s’être rendue à Pôle emploi en octobre 2016 pour déposer l’attestation délivrée par son employeur, et y être retournée le 6 décembre 2016 pour comprendre le motif de la demande de restitution d’une somme de 147,14 €, indiquant que Pôle emploi l’a informée que le motif de la rupture était une démission, ce qui a été une grande surprise pour elle.
La lettre de démission manuscrite précise que Mme [U] ne souhaite plus faire partie de la société pour raison familiale à compter du 31 décembre 2015 et porte une signature : [U].
Si Mme [U] verse aux débats un certificat médical du 27 novembre 2015 précisant que la date présumée de sa grossesse est le 3 septembre 2015, elle ne justifie pas avoir informé son employeur de celle-ci le 20 décembre 2015 ou à une autre date, aucune pièce ni attestation ne le démontrant.
Mme [U] ne produit aucune attestation précisant qu’elle ne sait ni lire ni écrire, et la plainte pénale déposée par l’intéressée pour usurpation d’identité un an après la rupture du contrat de travail n’en fait pas non plus mention, alors même qu’il s’agit du principal moyen de fait invoqué devant la cour pour remettre en cause la démission.
Le seul exemplaire de sa signature versé aux débats est de petite taille et apposé sur un document plastifié datant de 2013, en l’espèce son titre de séjour. Aucun document contemporain de la signature du contrat de travail et de la lettre de démission n’est produit par Mme [U] de sorte que la comparaison entre les différentes signatures ne peut être utilement effectuée.
Enfin, Mme [U] ne démontre pas avoir contesté la démission auprès de la société SOMAREP, aucun courrier ni attestation n’étant produite en ce sens. Son absence de réaction pendant plus d’un an après la rupture du contrat de travail, l’inspection du travail n’ayant été saisie qu’à la mi décembre 2016, date à laquelle elle a également déposé plainte, ne fait que corroborer la volonté claire et non équivoque de l’appelante de démissionner, celle-ci étant confortée par la saisine du conseil de prud’hommes en avril 2017, soit un an et quatre mois après la rupture du contrat de travail.
Dès lors, la demande de Mme [U] tendant à voir requalifier sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse est rejetée de même que ses demandes en découlant.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
DIT que chacune des parties garde à sa charge les frais qu’elle a engagés en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [U] au paiement des dépens d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE