SD/IC
[B] [D]
[L] [Z] épouse [D]
C/
[E] [X]
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE DIJON
1ère chambre civile
ARRÊT DU 17 JANVIER 2023
N° RG 22/00663 – N° Portalis DBVF-V-B7G-F6RN
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : jugement du 09 mai 2022,
rendu par le juge de l’exécution du tribunal de proximité du Creusot – RG : 11-22-000078
APPELANTS :
Monsieur [B] [D]
né le [Date naissance 3] 1975 à [Localité 14] (34)
[Adresse 4]
[Localité 5]
Madame [L] [Z] épouse [D]
née le [Date naissance 2] 1977 à [Localité 9] (13)
[Adresse 4]
[Localité 5]
assistés de Me Olivier RAPINI, avocat au barreau de MONTPELLIER, plaidant et
représentés par Me Harmonie TROESTER, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 126
INTIMÉ :
Monsieur [E] [X]
né le [Date naissance 1] 1998 à [Localité 13] (71)
[Adresse 6]
[Localité 7]
représenté par Me Georges BUISSON, membre de la SELARL CABINET COTESSAT-BUISSON, avocat au barreau de MACON
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 15 novembre 2022 en audience publique devant la cour composée de :
Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre,
Sophie DUMURGIER, Conseiller, qui a fait le rapport sur désignation du Président,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier
DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 17 Janvier 2023,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. et Mme [B] [D], propriétaires d’un véhicule de marque Mercedes Benz, Classe GLA, immatriculé [Immatriculation 8], ont publié une annonce sur le site Leboncoin en vue de sa vente au prix de 31 000 euros.
M. [E] [X] souhaitant se porter acquéreur du véhicule a pris contact avec le vendeur, se présentant comme M. [B] [D], qui lui a indiqué vouloir être payé par chèque de banque et lui a demandé une copie de ses papiers d’identité.
L’acquéreur a adressé au vendeur une photocopie d’un chèque de banque émis par le Crédit Lyonnais et une copie de sa pièce d’identité, par sms.
M. [E] [X] s’est rendu à [Localité 11] pour prendre possession du véhicule le 3 juin 2021.
Le vendeur ne s’étant pas présenté au rendez-vous fixé, il a restitué le chèque certifié à son agence bancaire.
Le 15 juin 2021, M. [X] a été informé par sa banque que le chèque de 31 000 euros avait été porté au débit de son compte mais que, s’agissant d’un faux chèque, ce débit allait être annulé.
Il a déposé plainte le 16 juin 2021, puis le 1er septembre 2021, pour escroquerie et usurpation d’identité.
De leur côté, les époux [D] ont déposé plainte contre l’acquéreur de leur véhicule, en exposant que la remise du véhicule avait bien eu lieu le 2 juin 2021, qu’une personne se présentant comme M. [E] [X] leur avait remis un chèque de banque n°2100340 tiré sur le Crédit Lyonnais, d’un montant de 31 000 euros, et que leur banque les avait informés, le 15 juin 2021, du caractère frauduleux de ce chèque.
Par ordonnance rendue le 9 août 2021 par le juge de l’exécution de Montpellier, les époux [D] ont été autorisés à mettre en oeuvre une saisie conservatoire sur le compte bancaire de M. [E] [X] pour un montant de 31 000 euros.
En exécution de cette ordonnance, ils ont fait pratiquer une saisie conservatoire sur son compte ouvert dans les livres du Crédit Lyonnais, par acte du 20 août 2021, dénoncée au débiteur le 24 août 2021.
Saisi le 16 septembre 2021 d’une contestation de la mesure conservatoire, le juge de l’exécution de Montpellier en a ordonné la mainlevée par décision du 31 janvier 2022, au motif, notamment, que les pièces du dossier et le déroulement des faits exposés évoquaient une escroquerie, décrite dans la presse, commise par une bande organisée ayant mis au point un stratagème particulièrement astucieux pour tromper des vendeurs et des acheteurs de voitures mises en vente sur le site Leboncoin.
Par acte du 16 septembre 2021, les époux [D] ont assigné M. [X] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Montpellier afin de le voir condamner à leur verser une provision de 31 000 euros à valoir sur le prix de vente du véhicule, demande rejetée par ordonnance du 1er février 2022.
Par ordonnance rendue le 21 décembre 2021 par le juge de l’exécution du tribunal de proximité du Creusot, les époux [D] ont de nouveau été autorisés à mettre en oeuvre une saisie conservatoire sur le compte bancaire de M. [X] pour un montant de 31 000 euros, qu’ils ont fait pratiquer par acte du 16 février 2022, dénoncé au débiteur le 17 février 2022.
Par acte du 23 février 2022, M. [X] a saisi le juge de l’exécution du tribunal de proximité du Creusot aux fins d’obtenir la mainlevée de la saisie conservatoire ainsi que l’allocation de dommages-intérêts.
Par jugement réputé contradictoire rendu le 9 mai 2022, le juge de l’exécution a :
– constaté le désistement de M. [X] de sa demande aux fins de mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 16 février 2022 par Me [Y], huissier de justice à [Localité 10],
– condamné solidairement M. et Mme [D] à payer à M. [X] la somme de 2 869,30 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation de ses préjudices résultant de la saisie pratiquée le 16 février 2022,
– condamné in solidum M. et Mme [D] à payer à M. [X] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum M. et Mme [D] aux entiers dépens de l’instance,
– rappelé que la présente décision est, de droit, exécutoire à titre provisoire.
Ce jugement a été notifié aux époux [D] par lettres recommandées dont ils ont accusé réception le 12 mai 2022.
Ils en ont relevé appel par déclaration reçue au greffe le 25 mai 2022, limité aux chefs de dispositif les ayant condamnés solidairement au paiement d’une somme de 2 869,30 euros à titre de dommages-intérêts, d’une indemnité de procédure de 2 000 euros et aux entiers dépens.
Par ordonnance rendue le 20 septembre 2022, la première présidente de la cour de céans a débouté les époux [D] de leur demande de sursis à exécution de la décision du juge de l’exécution du Creusot en les condamnant solidairement au paiement d’une indemnité de procédure de 1 000 euros et aux dépens.
Par conclusions notifiées le 1er juillet 2022, auxquelles il est référé pour l’exposé des moyens au soutien de leurs prétentions, les appelants demandent à la cour de :
– juger leur appel recevable et bien fondé,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il :
‘ les a condamnés solidairement à payer à M. [E] [X] la somme de 2 869,30 euros à titre de dommages et intérêts, en indemnisation de ses préjudices résultant de la saisie pratiquée le 16 février 2022,
‘ les a condamnés in solidum à payer à M. [E] [X] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,
Statuant à nouveau,
– juger que les préjudices de M. [E] [X] ne sont pas démontrés,
– le débouter de l’intégralité de ses demandes,
– rejeter toutes conclusions contraires,
– condamner M. [E] [X] à leur payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.
Par conclusions notifiées le 6 juillet 2022, auxquelles il est référé pour l’exposé des moyens au soutien de ses prétentions, M. [E] [X] demande à la cour de :
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 9 mai 2022 par le juge de l’exécution du Creusot,
– débouter Mme [Z] épouse [D] [L] et M. [D] [B] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
– condamner solidairement Mme [Z] épouse [D] [L] et M. [D] [B] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner solidairement Mme [Z] épouse [D] [L] et M. [D] [B] aux dépens d’appel.
La clôture de la procédure est intervenue le 15 novembre 2022 avant l’ouverture des débats.
SUR QUOI
Sur la demande indemnitaire
La demande indemnitaire de M. [X] est fondée en premier lieu sur les dispositions de l’article L 512-2 du code des procédures civiles d’exécution qui prévoit que ‘les frais occasionnés par une mesure conservatoire sont à la charge du débiteur, sauf décision contraire du juge. Lorsque la mainlevée a été ordonnée par le juge, le créancier peut être condamné à réparer le préjudice causé par la mesure conservatoire ‘.
L’application de ce texte n’impose pas la démonstration d’une faute
mais la preuve d’un préjudice résultant de l’indisponibilité des biens saisis à titre conservatoire.
Contrairement à ce qu’affirment les époux [D], le saisi peut, en application de ces dispositions légales, solliciter la réparation de son préjudice y compris lorsque la mainlevée ne résulte pas d’une décision judiciaire et qu’elle intervient à la demande du créancier saisissant.
Le premier juge a considéré que la seconde saisie conservatoire pratiquée le 16 février 2022 par les époux [D] a causé un préjudice à M. [X] résultant de l’indisponibilité de la somme de 31 300, 82 euros sur son compte bancaire pendant presque 6 mois, qu’il a réparé à hauteur de 2 500 euros.
Il a également retenu que le saisi avait engagé des frais de déplacements pour l’achat d’un nouveau véhicule, s’élevant à 109,30 euros, et que les deux saisies conservatoires pratiquées avaient généré des frais bancaires d’un montant de 260 euros.
Les appelants prétendent que la saisie litigieuse n’a causé aucun préjudice à M. [X] car les fonds présents sur son compte bancaire n’ont été indisponibles que durant 24 heures, la mainlevée de la mesure ayant été donnée dès le 23 février 2022, ce qui lui a permis de récupérer la libre disposition des fonds avant même que l’assignation ne soit enrôlée devant le juge de l’exécution.
Ils reprochent au premier juge qui les a condamnés au paiement de dommages-intérêts de n’avoir opéré aucun contrôle d’opportunité quant à l’existence du préjudice effectif subi par le saisi, considérant que le juge de l’exécution ne pouvait pas les sanctionner alors qu’un délai de moins de deux mois s’était écoulé entre l’assignation et l’audience et qu’ils disposaient, à compter de la signification de la saisie conservatoire, d’un délai de 4 mois pour régulariser une procédure au fond.
Ils ajoutent que l’allégation de M. [X] selon laquelle l’indisponibilité des fonds l’aurait empêché d’acquérir un autre véhicule n’est corroborée par aucune pièce probante, en soulignant que l’intimé n’a pas été dépossédé de l’intégralité de son crédit bancaire puisque le procès-verbal de saisie révèle qu’il disposait de plus de 52 000 euros sur les seuls comptes identifiés auprès du LCL, de sorte qu’il lui restait un disponible de 21 000 euros pour financer l’acquisition qu’il invoque.
Ils arguent enfin de leur situation financière fragilisée par l’escroquerie dont ils ont été victimes, qui leur a occasionné un préjudice certain de 31 000 euros.
L’intimé objecte que la somme de 31 000 euros a été bloquée à deux reprises sur son compte bancaire, à la demande des époux [D], alors que ces derniers ne détiennent aucune créance à son encontre.
Il fait valoir que, souhaitant acquérir un véhicule et anticipant la mainlevée de la première saisie, ordonnée le 31 janvier 2022, il a organisé un déplacement pour acquérir un nouveau véhicule et s’est alors rendu compte que la somme de 31 300,82 euros libérée était à nouveau bloquée, ce qui lui a occasionné des frais de déplacement inutiles.
Il affirme que ses avoirs bancaires n’ont pas été bloqués durant 24 heures mais du 20 août 2021 au 24 février 2022, soit pendant 6 mois comme l’a retenu le premier juge, la mainlevée de la première saisie étant intervenue le 15 février 2022 et la seconde ayant été pratiquée le 16 février 2022.
Il fait également état de frais facturés à hauteur de 130 euros pour chaque saisie par sa banque.
En application de l’article de l’article L 512-2 du code des procédures civiles d’exécution, M. [X] n’est fondé à solliciter la réparation que du seul préjudice résultant de la saisie conservatoire contestée devant le juge de l’exécution du Creusot, à savoir celle pratiquée par les époux [D] le 16 février 2022.
Il est constant que la mainlevée de cette mesure a été donnée le 23 février 2022 par les créanciers saisissants, de sorte que la somme de 31 000 euros figurant au crédit du compte bancaire de l’intimé a été indisponible durant 8 jours.
M. [X] justifie que des frais afférents à la saisie conservatoire du 16 février 2022 ont été débités sur son compte bancaire le 25 mars 2022 pour un montant de 130 euros (pièce 21 ).
En revanche, s’il établit que, le 17 février 2022, il avait rendez-vous à Roissy pour l’achat d’un véhicule Mercedes, rien ne démontre que la vente prévue n’a pas eu lieu, le vendeur du véhicule attestant seulement que M. [X] est venu à Roissy Charles de Gaulle en train pour lui acheter son véhicule.
L’intimé ne justifiant pas avoir dû renoncer à l’achat de ce véhicule en raison de la saisie conservatoire pratiquée sur son compte bancaire, ses frais de transport jusqu’à [Localité 12] ne constituent pas un préjudice indemnisable.
En conséquence, il lui sera alloué une somme de 500 euros en réparation de l’indisponibilité de la somme de 31 000 euros pendant huit jours et une somme de 130 euros au titre des frais bancaires générés par la saisie, soit une somme totale de 630 euros, la cour infirmant le jugement entrepris sur ce point.
Sur les frais et les dépens
Les appelants qui succombent principalement seront condamnés aux dépens de première instance et d’appel.
En revanche, l’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de M. [X] en cause d’appel et l’indemnité qui lui a été allouée à ce titre en première instance sera limitée à 1 000 euros, la cour infirmant également le jugement sur ce point.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement rendu le 9 mai 2022 par le juge de l’exécution du tribunal de proximité du Creusot en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a condamné in solidum M. et Mme [D] aux dépens de l’instance,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne solidairement M. et Mme [B] [D] à payer à M. [E] [X] la somme de 630 euros à titre de dommages-intérêts,
Condamne in solidum M. et Mme [B] [D] à payer à M. [E] [X] la somme de 1 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance,
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de M. [X] à hauteur d’appel,
Condamne in solidum M. et Mme [B] [D] aux dépens d’appel.
Le greffier, Le Président,