REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 8
ARRET DU 16 JUIN 2022
(n° , 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/06975 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAFBX
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mai 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° 18/00093
APPELANT
Monsieur [I] [V]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Nicolas BORDACAHAR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1833
INTIMÉE
EPIC REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Thomas ANDRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0920
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 21 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Nathalie FRENOY, Présidente de chambre
Mme Corinne JACQUEMIN LAGACHE, Conseillère
Mme Emmanuelle DEMAZIERE, Vice-Présidente placée
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme Nathalie FRENOY, Présidente, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [I] [V] a été engagé par la Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP) par contrat à durée indéterminée en date du 7 avril 1986 en qualité de machiniste receveur.
Son contrat de travail a été suspendu de novembre 2016 à avril 2017.
En date du 1er juin 2017, M. [V] est sorti des effectifs de la RATP en faisant valoir ses droits à la retraite.
Contestant les modalités d’exécution de son contrat de travail, il a saisi le 11 janvier 2018 le conseil de prud’hommes de Bobigny qui, par jugement du 6 mai 2019, notifié aux parties par lettre du 17 mai 2019, a :
-débouté le demandeur de l’ensemble de ses demandes,
-débouté la RATP de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamné M. [V] aux dépens.
Par déclarations en date du 7 juin 2019, M. [V] a interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance de jonction en date du 6 février 2020, le conseiller de la mise en état a procédé à la jonction des dossiers 19/06975, 19/06976 et 19/06979 procédant des appels interjetés par M. [V] à l’encontre du jugement susmentionné.
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 20 décembre 2019, M. [V] demande à la Cour :
-d’ordonner la jonction des affaires enrôlées sous le numéro RG 19/06976 et 19/06979 avec cette affaire,
-de constater le caractère injustifié des griefs formulés contre M. [V] les 14 et 25 septembre 2016,
-de constater le harcèlement moral dont a été victime M. [V],
-de condamner en conséquence la RATP à verser à M. [V] les sommes de :
-30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
-15 000 euros à titre d’inexécution de bonne foi du contrat,
-2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-d’ordonner la remise d’un bulletin de salaire récapitulatif conforme à l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de la décision ainsi que la prise en charge des éventuels dépens de l’instance par la RATP.
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 16 octobre 2019, la RATP demande à la Cour :
-de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 6 mai 2019 en ce qu’il a débouté M.[V] de l’ensemble de ses demandes,
en conséquence :
-de dire et juger que la sanction prononcée à l’encontre M. [V] le 15 novembre 2016 est parfaitement justifiée,
-de constater l’absence de harcèlement moral à son encontre,
-de débouter M. [V] de l’ensemble de ses demandes,
en tout état de cause,
-de condamner M. [V] à verser à la RATP la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-de condamner M. [V] aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 22 février 2022.
Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu’aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour.
MOTIFS DE L’ARRET
Sur la jonction :
En l’état de l’ordonnance de jonction d’ores et déjà rendue par le conseiller de la mise en état en date du 6 février 2020 relativement aux différentes déclarations d’appel émises par M. [V], sa demande – devenue sans objet- ne saurait prospérer.
Sur la sanction disciplinaire :
Par courrier recommandé du 14 novembre 2016, annulant et remplaçant le précédent en date du 21 octobre 2016, la RATP a reproché à M. [V] les faits suivants :
‘Nous avons eu à déplorer de votre part les agissements suivants :
Le 14 septembre 2016, lors du suivi effectué suite à un PMMR déclenché pour machiniste «considéré à risque » suite à de nombreux accidents.
Le 25 septembre 2016, vous avez à nouveau un accident avec un obstacle fixe.
Malgré les explications recueillies auprès de vous à l’occasion de notre entretien du 18 octobre 2016, nous persistons à considérer ces faits comme fautifs de sécurité.
Aussi, bien que la sécurité soit un critère essentiel dans l’entreprise, nous avons décidé de faire un geste de clémence en déplaçant le niveau de mesure disciplinaire du 2d degré un 1er degré B.
Cependant garant d’assurer votre sécurité ainsi que celle des tiers, nous avons le devoir de prendre des mesures adaptées, aussi nous avons décidé de vous notifier :
Le Déplacement d’office de votre roulement sur le centre bus [Localité 7] site des [Localité 6]
Cette mesure s’appliquera dès le 1er novembre 2016.
Par contre, nous vous précisons que si de tels faits se renouvelaient, nous pourrions être contraints à envisager à votre égard une sanction plus grave pouvant aller le cas échéant jusqu’à la révocation’.
M. [V] estime que les sanctions disciplinaires prononcées à son encontre les 14 et 25 septembre 2016 reposent sur des faits qui ne sont pas établis, à savoir ‘ne pas avoir intégré les remarques et écouter d’un air passif un évaluateur lors d’un contrôle en date du 14 septembre 2016’ et avoir eu un accident avec un obstacle fixe le 25 septembre suivant, dans la mesure où il se trouvait de repos à ces dates. Concernant les faits du 14 septembre 2016, l’appelant questionne l’explication donnée par son employeur affirmant que cette date correspond en réalité à celle de la rédaction du rapport de l’évaluateur, les faits reprochés datant du 9 juin 2016, relève que cette évaluation est intervenue avant la réalisation de son stage de perfectionnement, au cours duquel de très bonnes remarques ont été formulées relativement à sa pratique.
En ce qui concerne les faits du 25 septembre 2016, il souligne la nouvelle erreur de date commise par la Régie Autonome des Transports Parisiens, fait valoir qu’il n’a eu aucun accident entre le 22 mars et le 22 septembre 2016, conformément à l’objectif qui lui avait été fixé, relève qu’à l’occasion de l’incident du 26 septembre 2016, la RATP a reconnu l’absence de toute responsabilité de sa part. Il critique la sanction qui lui a été notifiée, à savoir son affectation sur une ligne fixe de banlieue sans poursuivre son poste d’assureur ( c’est-à-dire assurant le remplacement de salariés absents), qui lui a causé un préjudice financier considérable (puisqu’il ne pouvait plus bénéficier d’heures supplémentaires et que son nouveau lieu de travail était situé en banlieue) et qui l’ a empêché de solliciter son affectation sur une ligne de son choix alors qu’il était prioritaire pour ce faire.
M.[V] affirme avoir subi une triple sanction, en violation avec le principe ‘non bis in idem’. Il s’interroge enfin sur son maintien à son poste décidé par son employeur qui prétend dans le même temps qu’il avait une conduite à risque. Il sollicite dans le dispositif de ses conclusions que ‘le caractère injustifié des griefs formulés contre lui les 14 et 25 septembre 2016’ soit constaté.
La RATP rappelle que M. [V] a été évalué le 9 juin 2016 dans le cadre d’un suivi après Perfectionnement au Métier de Machiniste Receveur (PMMR), que la rédaction du rapport – effective le 14 septembre 2016 – n’est encadrée par aucun délai impératif, que ce document n’a pas à être contresigné par l’agent, que l’évaluation a été faite de façon régulière, c’est-à-dire avant le stage de perfectionnement pour que les formateurs déterminent les axes de progrès à étudier pendant le stage. L’employeur indique qu’il est reproché à M. [V] d’avoir écouté les remarques du formateur d’un air passif alors qu’il bénéficiait d’un suivi en raison de son accidentologie, montrant ainsi son désintérêt profond pour ces règles, lequel devait être sanctionné. Il souligne que le salarié a à nouveau eu un accident sur un obstacle fixe le 26 septembre 2016, qu’une erreur de date a été commise dans la rédaction du rapport et qu’une sanction devait être prise dans la mesure où ce n’est que le 18 avril 2017 que le département juridique a constaté l’absence de responsabilité du salarié dans l’accident.
La RATP souligne qu’une seule sanction a été prise, le déplacement d’office faisant partie des sanctions prévues par le statut du personnel à l’article 149 et constituant une mesure du 1er degré B, qui n’a pas modifié les fonctions du salarié, lequel est demeuré assureur sur le site des [Localité 6], sans aucune modification de son contrat de travail.
L’intimée conclut donc à la confirmation du jugement entrepris, sollicitant que la cour dise la sanction parfaitement justifiée.
En cas de contestation du bien-fondé d’une sanction disciplinaire, l’annulation est encourue si la sanction apparaît irrégulière dans la forme, injustifiée ou disproportionnée à la faute commise. Il appartient à l’employeur de fournir les éléments qu’il a retenus pour prendre la sanction et au salarié de produire également les éléments qui viennent à l’appui de ses allégations. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Il convient, à titre liminaire, de constater qu’une seule sanction a été notifiée à M. [V], après annulation du courrier recommandé du 21 octobre 2016, remplacé par celui du 14 novembre.
La sanction prise, à savoir le déplacement d’office du roulement du salarié sur le centre bus [Localité 7] site des [Localité 6], a été décidée, à la lecture du courrier de notification, pour des faits des 14 et 25 septembre 2016.
Au soutien du bien-fondé de la sanction, la RATP verse aux débats l’entretien d’appréciation et de progrès (EAP) en date du 22 mars 2016 de M. [V] faisant mention de cinq accidents depuis le dernier entretien en date du 21 janvier 2015, le document de suivi après PMMR contenant de nombreuses remarques positives et négatives, des extraits de l’Instruction professionnelle du machiniste receveur ainsi que le rapport d’accident du 26 septembre 2016, dans lequel l’agent a reconnu avoir accroché le rétroviseur d’un véhicule avec le panneau publicitaire accroché à l’arrière de son bus.
Si le document de suivi après PMMR conclut à une ‘conduite manquant cruellement de confort’ en raison ‘des accélérations brutales ainsi que des fins de freinages tardives’, à des ‘placements’ ‘pas toujours adaptés à la circulation (champ visuel réduit)’, à une ‘gestion de l’espace urbain avec les tiers (piétons, autres véhicules semble conflictuel’ et précisant ‘lors de mon débriefing l’agent écoute mes remarques d’un air passif’, force est de constater que cette dernière remarque apparaît pour le moins relever d’une appréciation subjective de l’évaluateur, d’autant que ce grief n’est pas repris dans la lettre de notification de la sanction.
Il résulte par ailleurs des explications données par la Régie Autonome des Transports Parisiens que les dates mentionnées dans la lettre de sanction s’avèrent erronnées, notamment l’accident avec obstacle fixe, pour lequel le service juridique de la RATP a , au surplus, conclu en avril 2017 à un indice de responsabilité 0 de la part de l’agent, indiquant dans le courrier qui lui a été notifié ‘votre responsabilité n’est pas engagée’.
Dans ces conditions, la sanction notifiée ne peut être considérée comme légitime; le jugement de première instance sera donc infirmé de ce chef.
Sur le harcèlement moral :
M. [V] soutient avoir été victime d’un harcèlement moral, affirmant avoir fait l’objet d’un véritable acharnement de la part de son employeur qui, à partir de 2016 , l’a sanctionné doublement, lui a causé une perte financière importante et l’a muté sur un dépôt de banlieue- alors qu’il n’avait eu aucun passé disciplinaire pendant près de 30 ans d’ancienneté-. Il reproche à la Régie Autonome des Transports Parisiens d’avoir répertorié 145 accidents, le qualifiant d’agent accidentogène et à risque, alors qu’il n’a eu que très peu d’accidents, l’employeur répertoriant comme accident tout fait se déroulant en cours de prestation de travail – tels que la chute ou le malaise de voyageurs, les agressions verbales etc…- L’appelant souligne que sur les cinq accidents mentionnés pour l’année 2015, il n’était pas responsable pour quatre d’entre eux et se trouvait seulement co-responsable pour le cinquième, que son employeur a fait preuve de mauvaise foi et n’a jamais répondu à sa demande de communication de son dossier administratif.
Le salarié fait valoir également la dégradation de ses conditions de travail, la sanction notifiée l’affectant sur un site en banlieue avec une ligne fixe. Il dénonce également son affectation à de simples tâches de nettoyage et de ménage lors de sa déclaration d’inaptitude provisoire par le médecin du travail, ainsi que l’atteinte à sa santé, eu égard à la suspension de son contrat de travail sans interruption de novembre 2016 à avril 2017.
M. [V] se plaint également d’avoir été maintenu sur le site des [Localité 6], malgré la prescription de la médecine du travail, son employeur montrant ainsi sa volonté de le déstabiliser et réussissant, après l’avoir anéanti, à ce qu’il fasse valoir ses droits à la retraite de manière anticipée.
Il invoque la pression, le choc psychologique subi par lui ainsi que sa situation de souffrance pour réclamer la somme de 30’000 € en réparation de son préjudice moral.
Selon l’article L 1152-1 du code du travail, ‘aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.’
L’article L1154-1 du code du travail dans sa version applicable au litige dispose que ‘lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L.1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.’
Au soutien d’un harcèlement moral, M. [V] verse aux débats notamment:
-son entretien d’appréciation et de progrès (EAP) du 22 mars 2016 portant mention qu’il aurait été impliqué dans cinq accidents sur la seule année 2015,
– le relevé des accidents qu’il a eus en cours de carrière,
– la liste des accidents sur les 25 dernières années, sur lesquels seuls 16 en 25 ans ont vu sa responsabilité engagée ou partagée,
-le document de suivi après PMMR, concluant que ‘beaucoup de points soulevés lors du stage et que l’agent devait mettre en pratique ne l’ont pas été ‘,
– sa fiche d’inaptitude provisoire en date du 3 avril 2017,
– sa demande écrite du 18 mars 2017 en vue d’obtenir la consultation de l’intégralité de son dossier administratif, ainsi que celle en ce sens en date du 28 avril 2017,
– l’attestation d’un retraité, faisant état d’une dégradation de son état de santé à l’annonce de la sanction, ainsi que l’impossibilité pour M. [V] d’accumuler des heures supplémentaires pour faire face à d’importantes charges financières dont notamment une pension alimentaire,
– l’attestation d’un ‘pensionné’ souligant les ‘lourdes sanctions administratives disproportionnées’ prises par l’employeur à l’encontre de M. [V] et indiquant que l’appelant, ‘ sous le poids de l’acharnement de sa hiérarchie s’est vu contraint de partir six mois plus tôt’ à la retraite,
– l’attestation de la s’ur du salarié,
– les avis d’arrêt de travail de M. [V],
– le courrier du médecin du travail au service autonome de santé au travail de la RATP, en date du 20 avril 2017, faisant état de la demande de consultation présentée par le salarié au regard des difficultés au travail ‘( suite à la mutation dans un autre centre bus à la demande de l’employeur’),
– le certificat d’un médecin généraliste en date du 30 août 2017 certifiant de ‘l’état anxiodépressif traité depuis le 21 novembre 2016’ du patient , ainsi que de son ‘hypertension artérielle associée’.
Si les attestations produites ne contiennent aucun élément permettant de vérifier les circonstances ayant pu permettre à leur auteur de relater les faits déclarés, et notamment leur qualité d’ancien collègue par exemple, les autres éléments produits, alors que la sanction prise par la RATP le 14 novembre 2016 a été jugée non fondée, constituent des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral à l’encontre de M. [V].
La RATP, pour sa part, conclut à l’absence de tout harcèlement moral, rappelle que la sanction disciplinaire du 14 novembre 2016 était justifiée et souligne que le plan de progrès établi entre le salarié et le centre de bus de [Localité 7] le 22 mars 2016 résultait du constat des 9 accidents (pour lesquels sa responsabilité était engagée) et des 11 accidents (pour lesquels un partage de responsabilité a été reconnu) sur l’ensemble de la carrière de l’intéressé, alors qu’il totalisait 145 accidents matériels et incidents corporels, dont cinq depuis son dernier Entretien d’Appréciation et de Progrès du 25 janvier 2015. Elle considère que n’ayant pas réussi à atteindre l’objectif qui lui avait été fixé de ne pas avoir de nouvel accident jusqu’à son prochain Entretien d’Appréciation et de Progrès ( EAP), la sanction prise était légitime, d’autant que l’intéressé a reconnu être un agent accidentogène et souhaiter se ‘ reprendre en main’.
En ce qui concerne les tâches de ménage critiquées par le salarié, l’employeur rappelle qu’une fiche d’inaptitude provisoire avec des restrictions à la conduite a été émise par la médecine du travail, laquelle a été strictement respectée, l’intéressé étant d’ailleurs affecté sur le site de [Localité 5] conformément aux préconisations médicales.
La RATP conclut au rejet de la demande présentée au titre d’un harcèlement moral.
La Régie Autonome des Transports Parisiens, qui verse aux débats différents documents faisant état du caractère accidentogène de la conduite de M. [V] et de la prise de conscience de ce dernier à ce sujet ( cf le compte rendu de l’entretien de l’agent avec le formateur en date du 27 juin 2016 dans lequel l’intéressé admet ‘ qu’il a eu beaucoup d’accidents matériels ces dernières années.(…) Il se rend compte qu’il fait partie des agents qui ont le plus d’accidents au centre bus. « J’ai subi, fin 2013, une réorganisation de vie personnelle qui m’a émotionnellement affecté ce qui explique, peut-être, ces 11 accidents en deux ans. C’est aussi pour cela que j’ai accepté de faire le stage «gestion du stress 1 », afin de me reprendre en main et pour en finir avec les accidents, j’espère pouvoir mettre en application les conseils de conduite du stage PMMR au NEF »’), produit également l’Entretien d’Appréciation et de Progrès du 22 mars 2016 déroulant les différents constats ayant permis d’aboutir à l’inscription de M. [V] au stage ‘Perfectionnement au Métier de Machiniste Receveur’, pour se conformer strictement aux consignes de l’ ‘Instruction professionnelle du machiniste receveur’ versée aussi aux débats par l’employeur.
Bien que la sanction disciplinaire notifiée le 14 novembre 2016 ait été jugée non fondée pour les erreurs de date commises, l’absence de motivation des premiers faits reprochés mais encore pour le manque d’analyse de la responsabilité de l’agent dans le dernier accident constaté, il apparaît dans ces conditions que le suivi d’un cycle de perfectionnement était nécessaire pour M. [V], qui l’a jugé lui aussi opportun.
En tout état de cause, si le changement d’affectation de M. [V] a résulté d’une sanction disciplinaire jugée illégitime, force est de constater que le motif invoqué par l’employeur à ce titre était pertinent et objectivé, à savoir la sécurité du conducteur ainsi que celle des tiers, qu’aucune autre sanction n’a été infligée au salarié, et que l’ affectation sur le site des [Localité 6] n’a entraîné aucune modification de son contrat de travail.
En ce qui concerne la cessation de la conduite et les travaux de nettoyage qui ont été confiés, ils ont été décidés eu égard à la fiche d’inaptitude provisoire rédigée par le médecin du travail qui a préconisé ‘pas de conduite de véhicule, apte à une activité en équipe de centre à [Localité 5] avec des créneaux horaires réguliers entre 6 h et 13h30 ; pas de travail à [Localité 6]’, et s’avéraient donc objectivement justifiés.
Enfin, il convient de constater que le lien entre la sphère professionnelle et l’état anxio-dépressif du salarié n’est pas fait par les certificats médicaux qu’il a produits, et ce d’autant que lui-même a admis dans son entretien avec le formateur le 27 juin 2016 un tournant émotionnel dans sa vie qui l’avait affecté.
La RATP démontre ainsi que les éléments de fait présentés par le salarié n’étaient pas constitutifs d’un harcèlement moral et que ses décisions à l’égard de M. [V] étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
La demande d’indemnisation, par confirmation du jugement entrepris, doit donc être rejetée.
Sur l’exécution de bonne foi du contrat de travail :
M. [V] considère que son contrat de travail n’a pas été exécuté de bonne foi par la RATP ; il relate la sanction qui lui a été notifiée pour un accident dont il n’était pas responsable, la double sanction décidée à son encontre lui ayant causé un préjudice financier important, les tâches de ménage qui lui ont été confiées à son retour d’arrêt maladie, l’absence de vérification de la compatibilité de ces tâches avec son état de santé. Il invoque également le préjudice qu’il a subi de ce fait et réclame 15’000 € à titre de dommages-intérêts en réparation.
La Régie Autonome des Transports Parisiens conclut au rejet de la demande, considérant que la sanction disciplinaire prise à l’encontre de M. [V] était parfaitement justifiée et proportionnée.
Il a été vu que l’intimée n’avait pas eu de comportement fautif au titre des différents reproches qui lui sont faits par le salarié, à l’exception de la sanction disciplinaire du 14 novembre 2016, jugée non fondée.
Cependant, le préjudice démontré par M. [V] résultant de cette sanction est réel et doit être réparé à hauteur de 3 000 €.
Le jugement de première instance doit donc être infirmé de ce chef.
Sur la remise de documents:
La remise d’un bulletin de salaire récapitulatif conforme à l’arrêt à intervenir est sollicitée par M. [V].
Cependant, compte tenu de la teneur du présent arrêt, aucune régularisation salariale n’est décidée et la demande ne saurait prospérer.
Sur les frais irrépétibles et les dépens:
L’équité commande d’infirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles, de faire application de l’article 700 du code de procédure civile et d’allouer à ce titre la somme de 2 000 € à M . [V].
L’employeur, qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance, par infirmation du jugement entrepris, et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
INFIRME le jugement déféré, sauf en ses dispositions rejetant les demandes relatives au harcèlement moral et à la remise d’un bulletin de salaire récapitulatif sous astreinte,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
CONSTATE le caractère injustifié des griefs contenus dans la sanction disciplinaire notifiée par courrier du 14 novembre 2016,
CONDAMNE la Régie Autonome des Transports Parisiens à payer à M. [I] [V] les sommes de :
– 3 000 € de dommages-intérêts au titre de l’inexécution du contrat de travail,
– 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
REJETTE les autres demandes des parties,
CONDAMNE la Régie Autonome des Transports Parisiens aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE