COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
11e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 15 SEPTEMBRE 2022
N° RG 21/01785 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UR3G
AFFAIRE :
[C] [E]
C/
S.A.R.L. MAISONS RVE (LES RESIDENCES DE LA VALLEE DE L’EURE)
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Mai 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CHARTRES
N° Section : E
N° RG : F 20/00037
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Drossoula PAPADOPOULOS de la SELEURL PAPADOPOULOS SOCIETE D’AVOCAT
Me Agnès LASKAR
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUINZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [C] [E]
né le 23 Mars 1982 à [Localité 3]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Drossoula PAPADOPOULOS de la SELEURL PAPADOPOULOS SOCIETE D’AVOCAT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E2095
APPELANT
****************
S.A.R.L. MAISONS RVE (LES RESIDENCES DE LA VALLEE DE L’EURE)
N° SIRET : 432 459 105
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Agnès LASKAR, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0710
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 08 Juin 2022, Madame Hélène PRUDHOMME, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Hélène PRUDHOMME, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Madame Marie-Christine PLANTIN, Magistrat honoraire,
qui en ont délibéré,
Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE
Le 26 février 2008, M. [C] [E], agent commercial indépendant, signait avec la société Maison RVE un contrat commercial par laquelle il exerçait la fonction de responsable commercial. L’agent commercial prétendait avoir été dans une relation commerciale salariée avec l’entreprise puisqu’il recevait des instructions régulières de travail, en échange d’une rémunération qui constituait l’essentiel de ses revenus. L’entreprise contestait cette version et ne considérait M. [E] que comme agent commercial indépendant.
Le 13 juin 2019, M. [E] saisissait le conseil des prud’hommes de Chartres afin de voir requalifier son contrat d’agent commercial en contrat de travail à durée indéterminée.
Vu le jugement du 21 mai 2021 rendu en formation paritaire par le conseil de prud’hommes de Chartres qui a’:
En la forme:
– Reçu M. [E] en ses demandes.
– Reçu la société Maison RVE (les résidences de la vallée de l’Eure) en ses demandes reconventionnelles.
Au fond :
– S’est déclaré compétent pour connaître du litige existant entre M. [E] et la société Maison RVE (les résidences de la vallée de l’Eure),
– Dit qu’il n’y a pas lieu de requalifier la relation de travail de M. [E] avec la société Maison RVE (les résidences de la vallée de l’Eure) en un contrat de travail à durée indéterminée,
En conséquence,
– Débouté M. [E] de l’intégralité de ses demandes,
– Condamné M. [E] à verser à la société Maison RVE (les résidences de la vallée de l’Eure) les sommes suivantes:
– 4’000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
– 1’500 euros au titre des frais irrépétibles,
– Condamné M. [E] aux entiers dépens qui comprendront les frais d’exécution éventuels.
Vu l’appel interjeté par M. [E] le 9 juin 2021
Vu les conclusions de l’appelant, M. [C] [E], notifiées le 16 juillet 2021 et soutenues à l’audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de :
– D’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Chartres du 21 mai 2021 dans toutes ses dispositions.
– De juger à nouveau et de :
– Requalifier la relation de travail de M. [E] en un contrat de travail à durée indéterminée
– Dire et juger la rupture imputable à la société Maison RVE
– Fixer la rémunération brute mensuelle moyenne de M. [E] à la somme de 15’333 euros
En conséquence,
– Condamner la société Maison RVE à verser à M. [E] les sommes suivantes :
– 45’999 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis
– 4’599 euros à titre de congés payés y afférents
– 153’330 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 91’998 euros à titre de dommages et intérêt pour travail dissimulé
– 39’558 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement
– 55’200 euros bruts à titre de congés payés sur les 3 dernières années
– 15’333 euros à titre d’indemnité de requalification
– Remise sous astreinte de 100 euros par jour de retard de l’ensemble des bulletins de paie, d’une attestation Pôle emploi ainsi que de l’ensemble des documents de fin de contrat (certificat de travail, solde de tout compte)
– 7’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Vu les écritures de l’intimée, la société Maison RVE, notifiées le 18 octobre 2021 et développées à l’audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de’:
– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Chartres du 21 mai 2021.
– Débouter M. [E] de l’intégralité de ses demandes.
– Condamner M. [E] à payer à la société Maison RVE (les résidences de la vallée de l’Eure) 10’000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 5’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les dépens qui pourront être recouvrés par Me Agnès Laskar sur le fondement de l’article 699 du Code de Procédure Civile.
Vu l’ordonnance de clôture du 9 mai 2022.
SUR CE,
Sur l’existence d’un contrat de travail’:
En vertu de l’article’L.8221-6 du code du travail, les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales, sont présumées ne pas être liées par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à leur immatriculation ou inscription.
L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes en cause fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ouvrage dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné’; le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail.
Il résulte des pièces versées au dossier et des débats que par contrat d’agent commercial du 26 février 2008 renouvelé le 24 mai 2017, M. [E] s’est engagé auprès de la SARL Maisons RVE, les résidences de la vallée de l’Eure, en recevant mandat de vendre, au nom et pour le compte du mandant, les pavillons figurant au catalogue de l’entreprise. Dans le cadre de ce contrat, la société mettait à la disposition de M. [E] un bureau équipé et prenait à sa charge les frais de téléphone, photocopies, publicité… l’agent reconnaissant qu’il pouvait les refuser et dans le cas où il les acceptait, cela n’entraînerait aucune modification quant à son statut et en aucun cas il pourrait être considéré comme un salarié mandant. L’agent devait respecter strictement les directives du mandant pour les tarifs, conditions de livraison et de paiement à faire à la clientèle.
Il affirme que l’employeur lui a imposé de manière unilatérale les conditions d’exercice de sa profession.
M. [E] soutient alors qu’il a exercé son emploi sous la subordination de la SARL Maisons RVE qui a structuré l’équipe commerciale, lui demandant de respecter le secteur confié ou l’intégrant dans le service. Or, la cour relève que cette organisation par secteur ne justifie nullement de la qualité de salarié des commerciaux mais correspond à l’organisation des différents intervenants à l’acte de vente de maisons individuelles. Le salarié ne démontre cependant pas qu’il a reçu des ordres pour accomplir sa tâche, ne recevant que des directives d’utilisation des documents et de respect des règlements administratifs, s’agissant de la construction de maisons individuelles devant respecter des normes et décrets rédigés par les pouvoirs publics.
Il donne exemple que la société lui a créé des cartes de visites et les produits en pièce 24 pour en conclure qu’il était salarié de l’entreprise ; néanmoins, la cour relève que si M. [E] y est indiqué comme «’responsable commercial’» des résidences de la vallée de l’Eure, il bénéficiait d’une adresse mail personnelle située dans »gmail » et non pas dans l’entreprise et que cette qualité vantée ne correspond pas au contrat d’agent commercial signé et n’existe que dans un but publicitaire et d’annonce vis-à-vis de la clientèle.
Il affirme que son lieu unique de travail se situait au sein de la société de sorte qu’il était considéré comme l’un des salariés de l’entreprise ; néanmoins, il ressort du contrat d’agent commercial signé en 2008 que M. [E] ne peut tirer de son installation volontaire dans les locaux de la société le fait qu’il est devenu son salarié et la société était en droit de lui donner des indications d’utilisation des dits locaux ou de manifester sa désapprobation dans les conditions de leur utilisation, sans que jamais de sanctions ne soient envisagées.
Il indique qu’il s’est intégré au sein d’une organisation de travail mise en place par la SARL Maisons RVE par un service organisé et hiérarchisé. Ainsi, il indique qu’il recevait de nombreux mails de l’épouse du gérant qui lui donnait des ordres. Néanmoins, les pièces versées par le salarié ne correspondent nullement à des ordres d’exécution d’une prestation de travail mais correspondait aux nécessités de mettre en place des process d’interventions, d’uniformisation de signatures, et ces demandes étaient faites sous réserve de ses dispositions «’merci de me confirmer votre présence’» ou «’merci de bien vouloir vous rendre disponible’», «’de manière à uniformiser nos documents, je vous propose de prendre modèle sur ce document et de l’actualiser’», toutes demandes s’inscrivant dans une collectivité mais nullement dans une hiérarchie et lui demandait de respecter les directives administratives et techniques qui étaient en vigueur, la commercialisation de ces maisons relevant de l’entreprise étant réglementairement prévues de sorte qu’il ne peut être tiré de ces documents argument pour établir sa qualité de salarié.
Il reconnaît qu’il disposait alors d’une grande latitude pour organiser et gérer son temps de travail et n’était pas astreint à l’horaire collectif de l’entreprise en raison de sa qualité de cadre autonome. Néanmoins il ne ressort pas du contrat du 5 mars 2003 une quelconque qualité de M. [E] de cadre de l’entreprise et encore moins de cadre autonome, alors qu’il ne lui appartenait nullement de définir la politique commerciale et tous les événements relatifs à la commercialisation des produits (article 6). La société pouvait lui demander de l’informer des conditions de souscription de clients, et de lui remettre des documents réglementaires à établir dans les dossiers de vente, ce qui ne correspond nullement à un pouvoir de sanction comme il le soutient mais à des directives administratives et techniques qu’il appartenait à l’agent commercial de respecter, la commercialisation de ces maisons relevant de l’entreprise étant réglementairement prévues.
Il n’est nullement justifié que la SARL Maisons RVE lui aurait donné la moindre directive concernant ses conditions de travail, le respect de quotas de placement, le respect d’horaires de travail ou de temps de travail et qu’aucun pouvoir de sanction n’a jamais été mis en ‘uvre, le mail du 7/11/2018 vanté par M. [E] (pièce 177) n’étant qu’un récapitulatif d’une réunion tenue avec les agents commerciaux pour résoudre certains dysfonctionnements et améliorer le travail de chacun ; aussi, les reproches énumérés par M. [E] dans ses conditions d’accès des locaux de la SARL Maisons RVE, sont inopérants pour justifier du statut revendiqué et ainsi, c’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le conseil de prud’hommes a rejeté la demande de reconnaissance du statut de salarié à cet agent commercial indépendant et il convient de le débouter de l’ensemble de ses demandes à l’égard de la SARL Maisons RVE, les résidences de la vallée de l’Eure.
Sur la demande au titre de la procédure abusive
La SARL Maisons RVE réclame la condamnation de M. [E] à verser la somme de 10’000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Néanmoins, l’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’est pas en soi constitutive d’une faute justifiant sa condamnation à des dommages et intérêts pour procédure abusive et il convient de débouter la société de sa demande.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l’article 696 du code de procédure civile, les dépens d’appel seront mis à la charge de M. [E] ‘;
La demande formée par la SARL Maisons RVE au titre des frais irrépétibles en cause d’appel sera accueillie, à hauteur de 3 000 euros.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant publiquement et contradictoirement
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions
Déboute M. [C] [E] de l’ensemble de ses demandes
Déboute la SARL Maisons RVE, les résidences de la vallée de l’Eure, de sa demande au titre de la procédure abusive
Condamne M. [C] [E] aux dépens d’appel
Condamne M. [C] [E] à payer à la SARL Maisons RVE, les résidences de la vallée de l’Eure, la somme de 3’000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.’
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme’Sophie RIVIÈRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIERLe PRÉSIDENT